Analyse de la vulnérabilité de la santé de la femme: cas du cameroun( Télécharger le fichier original )par Monde MAMBIMONGO WANGOU Institut Sous-régional de Statistique et d'Economie Appliquée (ISSEA) - Ingénieur Statisticien 2009 |
RESUMELes indicateurs de santé (taux élevés de mortalité infantile et maternelle, prévalence élevée du VIH chez la femme...) au Cameroun font état de véritables problèmes de santé publique au sein de la population féminine au Cameroun. Cette situation est particulière dans ce sens qu'elle concerne une partie importante de la population féminine sexuellement active et économiquement productive. Ceci a un impact non seulement sur le niveau de la production globale, sur l'accroissement de la population, sur le bien-être familial mais encore sur le revenu disponible de ces malades. Pour y remédier efficacement, il faut déterminer les catégories les plus vulnérables. Cette étude se propose de chercher des variables d'action pour les politiques gouvernementales en matière de santé publique. Ainsi, nous posons la question du lien qui peut exister entre le rang social et la santé de la femme au Cameroun. Pour répondre à cette question, nous utilisons les informations recueillies sur l'état de santé de 7855 femmes enquêtées pendant la MICS. Par le biais de la modélisation logistique et de l'estimation du risque que court une femme d'être malade pendant au moins 3 mois au cours des 12 derniers mois selon sa catégorie sociale (état matrimonial, niveau d'instruction, occupation principale), il ressort de l'étude que comparativement aux mariées monogames, les veuves et les divorcées ont environ 1,9 fois plus de risque d'être en mauvaise santé ; les femmes inoccupées ont environ 1,7 fois plus de risque d'être en mauvaise santé que les agricultrices. Sur le plan géographique, ce risque est environ 2 fois plus élevé à Yaoundé, au Sud et au Sud ouest comparativement à Douala. En termes de variables d'action, l'âge, l'état matrimonial, le niveau d'instruction, l'occupation principale et le lieu de résidence sont à retenir dans les politiques relatives à la santé de la femme au Cameroun. INTRODUCTIONContexte Les inégalités sociales1(*) faites aux femmes, partout dans le monde, sont vraisemblablement en diminution, mais elles restent toujours à décrier. Dans des milieux de prise de décisions communautaires, à savoir le Parlement ou l'Assemblée Nationale, les femmes sont les moins représentées. Au Cameroun et comme un peu partout sur le continent, à ces inégalités s'ajoutent des conditions de santé alarmantes. Depuis plusieurs décennies, le taux de mortalité maternelle au Cameroun par exemple est resté très élevé (environ 669 femmes décédées sur 100 000 naissances vivantes2(*)). Étant donné que la santé de la mère a une influence sur celle de l'enfant ; on observe également des taux élevés de mortalité des enfants de moins de 5 ans (environ 114 décès pour 1000 naissances vivantes selon EDS 3). Ces indicateurs traduisent un mauvais état de santé de la femme et de l'enfant au Cameroun. Par ailleurs, les femmes et les hommes n'ont pas les mêmes problèmes de santé. Au Cameroun, le taux de prévalence du VIH chez la femme est de 6,9 % contre 4 % pour les hommes (Rapport EDS 2004). Le rapport principal de l'Enquête par Grappes à Indicateurs Multiples3(*) (MICS 2006) pour le Cameroun rapporte qu'environ 7 % de femmes enquêtées ont été malades au cours des trente derniers jours précédent l'enquête. De plus, les récentes études sur la pauvreté au Cameroun montrent que les jeunes filles et les femmes sont les personnes les plus touchées par la pauvreté. Or, en général, les pauvres présentent les plus mauvais états de santé. Des études ont montré que la mauvaise santé contribue à la pauvreté et cette dernière contribue à la mauvaise santé (ECAM II, Pauvreté et santé au Cameroun en 2001, p.3), ce qui définit un cercle vicieux. Ainsi, par rapport aux violences4(*) physiques, sexuelles (viols et mutilations génitales) et conjugales (coups5(*) et blessures), les faibles possibilités d'éducation et d'emploi rémunéré dont elles sont victimes, les femmes présenteraient plus de risques d'être en mauvaise santé que les hommes. Pour chercher à réduire ces inégalités et la pauvreté, le Cameroun et 190 autres pays membres de l'Organisation des Nations Unies (ONU) se sont engagés à respecter des recommandations et à suivre des lignes de conduite regroupées sous le vocable Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Depuis lors, la plupart des pays en voie de développement, notamment le Cameroun visent l'atteinte de ces objectifs. A coté de l'objectif numéro 1 à savoir l'élimination de l'extrême pauvreté et la faim, on peut signaler la réduction de la mortalité infantile (de 2/3 par rapport au niveau de 1990 pour le Cameroun), de l'amélioration de la santé maternelle (réduction de ¾ par rapport au niveau de 1990) et de la lutte contre le VIH/SIDA, le paludisme et d'autres maladies. Ces objectifs sont très liés à la santé de la femme. Problématique Dans le souci d'atteindre les OMD, le Ministère de la Santé Publique (MSP) du Cameroun a élaboré un document de Stratégie Sectorielle de la Santé (SSS), validé par l'ensemble des partenaires du secteur de santé en octobre 2001, mettant en avant trois objectifs majeurs6(*) du Gouvernement en matière de santé d'ici 2010. L'option actuelle du Gouvernement Camerounais est celle d'un investissement dans des programmes d'accès aux soins de qualité. Il est donc intéressant de déterminer les catégories de femmes qui ont le plus besoin de ces programmes et de chercher des variables d'actions pouvant améliorer la santé de la femme, à travers elle, celle de la population camerounaise. De nombreuses études réalisées dans le monde démontrent l'existence d'une relation entre le rang social (niveau d'instruction, état matrimonial et occupation principale) et l'état de santé de chaque individu (par exemple l'étude de la relation entre l'éducation et la mortalité réalisée au Nigeria par Cadwell J. C7(*)). En d'autres termes, plus on occupe un faible rang social, plus le risque d'être malade augmente. Les principaux facteurs sociaux ayant fait l'objet d'importantes études sont l'état matrimonial et le statut socioéconomique8(*). La problématique de l'étude est donc de répondre à la question suivante : · Quel lien existe-il entre le rang social et la santé de la femme au Cameroun ? Objectifs et hypothèses L'objectif principal de l'étude est d'extraire les variables d'action pour les politiques gouvernementales en matière de santé publique. De manière spécifique, il est question d'atteindre les points suivants : · déterminer les facteurs sociaux significatifs pour la santé de la femme au Cameroun. · proposer des mesures de politiques de santé publique visant l'amélioration de l'état de santé de la femme au Cameroun. L'hypothèse principale de l'étude est que l'état de santé des femmes au Cameroun est influencé par les caractéristiques socio-économiques de ces dernières. De là, découlent les sous hypothèses suivantes : · H1 : Les femmes mariées sont plus susceptibles d'être en meilleure santé que les femmes non mariées ; · H2 : Plus le niveau de scolarité d'une femme augmente, plus elle a de la chance d'être en bonne santé. L'étude pourrait servir au Gouvernement Camerounais et à ses partenaires dans le cadre des stratégies nationales pour la réduction de la mortalité infantile et l'amélioration de la santé maternelle conformément aux OMD. Plan de rédaction . On se servira des données de MICS 2006 pour la partie empirique de ce travail. L'étude est inspirée de la méthodologie largement utilisée dans le milieu de la médecine préventive. Le travail est reparti en deux parties de deux chapitres chacune. Le premier chapitre traite des différentes formes de la santé et concepts associés. Le chapitre 2 examine les études faites sur les relations entre la santé et certaines caractéristiques socioéconomiques. Le chapitre 3 présente la méthodologie de l'étude et quelques statistiques générales. Le chapitre 4 est consacré à l'analyse économétrique des facteurs de risque de la santé de la femme au Cameroun. * 1 Selon Roger Girod, l'inégalité sociale consiste en la répartition non uniforme, dans la population d'un pays ou d'une région, de toutes les sortes d'avantages et de désavantages sur lesquels la société exerce une influence quelconque. * 2 Voir tableau 12. 4 du rapport principal de l'EDS 2004 * 3 Voir la page 91 et page 216 du rapport principal de la MICS 2006. * 4 Selon Yves Michaud, la violence renvoie à une gamme d'actions et de comportements physiques. Elle consiste dans l'emploi de la force contre quelqu'un avec des dommages physiques ou mentaux que cela entraîne. * 5 Les enfants qui assistent aux scènes de violences chez eux, sont souvent ceux qui ont des problèmes de comportements à l'école, voire de violence (G. Lopez et G. Filizzola, 1995) * 6 Voir encadré 9, annexe C, page 75 * 7 Education as a factor in mortality decline : an examination of Nigeria Data * 8Généralement, le statut socioéconomique est mesuré par l'éducation, le niveau de vie et la situation face à l'emploi. |
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