1-4 Bref aperçu sur la physiopathologie de
l'épilepsie
Une crise d'épilepsie est consécutive à une
hyperexcitabilité cellulaire et synaptique au niveau neuronal.
A l'état normal, les concentrations
électrolytiques (Na+, K+) de part et d'autre de la
membrane neuronale, définissent un potentiel de repos. Les
afférences excitatrices ou inhibitrices qui agissent sur chaque neurone
se somment algébriquement pour réaliser un certain état
d'équilibre.
Si les afférences excitatrices l'emportent, on obtient un
potentiel d'action lorsqu'un seuil critique est atteint.
Certaines modifications au niveau de la membrane neuronale
expliquent l'hyperexcitabilité. Nous avons :
· une altération de la membrane neuronale ou du
système enzymatique qui régissent les répartitions
ioniques intra et extracellulaires (Na- KATPase membranaire) ;
· une hyperactivité des afférences
excitatrices, le neuromédiateur est principalement le glutamate ;
· une déficience des afférences inhibitrices
qui dépendent surtout de l'acide gamma amino butyrique (GABA) ;
· le rôle modulateur joué par d'autres
substances comme l'acétylcholine, la catécholamine, la
sérotonine et les neuropeptides.
L'hyperexcitabilité peut être favorisée
dans certaines conditions :
· le manque de sommeil ;
· une stimulation lumineuse intermittente ;
· l'hyperventilation ;
· l'action de certaines substances telles l'alcool, la
caféine à forte dose et les psychotropes.
La sédation de la crise est probablement liée
à la conjonction de plusieurs phénomènes comme
l'épuisement des réserves énergétiques et l'action
des systèmes inhibiteurs [5, 9].
1-5 Anatomie des crises épileptiques
Les manifestations cliniques des crises épileptiques
dépendent de la distribution spatiale de la décharge paroxystique
et hypersynchrone dans le cerveau.
Dans les crises partielles simples, la décharge reste
limitée au néocortex cérébral.
Les crises partielles complexes intéressent habituellement
à un moment de leur propagation les structures limbiques.
Au cours d'une crise partielle secondairement
généralisée , il y a une implication du tronc
cérébral et / ou des structures
mésencéphaliques.
Les crises généralisées d'emblée
sont plus difficiles à appréhender. Certains chercheurs affirment
que le cortex cérébral est nécessaire et suffisant
à leur élaboration. Pour d'autres les décharges
généralisées seraient liées à une
réverbération entre le cortex et les structures sous corticales
(thalamus en particulier).
1-6 Diagnostic des crises épileptiques et de
l'épilepsie
1-6-1 Diagnostic positif
1-6-1-1 La clinique
a) L'interrogatoire
L'interrogatoire minutieux du patient et de son entourage a
encore toute sa valeur et permet de faire le diagnostic des crises
épileptiques, l'agent de santé étant rarement
témoin des crises [3, 29].
- Crise d'épilepsie
généralisée : le grand mal
C'est la crise généralisée
tonico-clonique de type « grand mal », très impressionnante
pour l'entourage du patient qui est souvent décrite. Elle est de
survenue brutale, inopinée sans prodrome. Trois phases
caractérisent le déroulement de cette crise. Le début peut
être marqué par un cri, une perte de
connaissance totale et immédiate, entraînant une
chute. La durée de la crise est d'environ 5 à 10 minutes.
· la phase tonique dure 10 à 20 secondes
Cette phase est marquée par une contraction intense et
généralisée des muscles des membres, du thorax, de la face
avec morsure du bord latéral de la langue.
· la phase clonique durant 30 secondes
Elle est caractérisée par les secousses
musculaires brusques, généralisées et synchrones.
· la phase résolutive
Au cours de cette troisième phase le patient est dans
un coma profond avec résolution musculaire
généralisée, une respiration stertoreuse, de la mousse
sanglante aux lèvres et une émission d'urine qui indique la fin
de la crise.
Un état de confusion post- critique de durée
variable succède au coma. L'amnésie de la crise est totale.
- Les crises partielles
La sémiologie électro-clinique dans ces crises
peut être rapportée à la mise en jeu d'une portion
limitée du cortex cérébral. Les crises sont
fréquemment suivies dans la période post-critique par un
déficit neurologique transitoire localisé (paralysie de Todd).
Elles peuvent demeurer localisées ou se généraliser
secondairement. Le diagnostic de l'épilepsie reste avant tout clinique,
basé sur la répétition des crises [30].
b) Examen physique
Cet examen est souvent pauvre mais il peut mettre en
évidence des blessures occasionnées par la chute, parfois un
déficit neurologique post critique transitoire ou permanent.
1-6-1-2 Bilan paraclinique
· Electroencéphalographie (EEG)
Cet examen doit être systématique car il permet
de recueillir les arguments utiles pour le diagnostic positif, utiles
également pour la classification et la surveillance de
l'épilepsie.
L'EEG peut montrer des anomalies dites :
> anomalies lentes témoignant d'une
souffrance
cérébrale localisée ou diffuse au niveau du
cerveau dans les suites immédiates de la crise ;
> anomalies « paroxystiques » ou «
épileptiformes »
Il s'agit de pointes, ou de pointes - ondes
qui signent l'existence d'une décharge anormale dans le cerveau [5].
L'EEG chez certains patients épileptiques peut être normal.
Les anomalies observées peuvent être
regroupées en deux catégories :
> les anomalies paroxystiques inter critiques
survenant dans l'intervalle des crises ;
> les anomalies paroxystiques critiques
contemporaines des crises ou d'événements critiques, infra
cliniques. Leur observation nécessite de longues heures d'attente dans
le laboratoire d'EEG.
· La tomodensitométrie (TDM) ou
Scanner
La TDM cérébrale peut être normale ou peut
montrer :
¾ une atrophie cérébrale diffuse ou locale
;
¾ une tumeur ou un hématome
intracérébral ;
¾ un infarctus cérébral ;
¾ une malformation vasculaire.
· L'Imagerie par Résonance Magnétique
(IRM)
L'IRM est d'une grande utilité dans l'exploration
chirurgicale des épilepsies partielles ; elle apporte également
des informations utiles dans le bilan des épilepsies partielles non
chirurgicales à TDM normale.
· La radiographie du crâne
Elle peut mettre en évidence des calcifications
pathologiques (tumeurs, phacomatoses, parasitoses) et apprécier les
séquelles osseuses des traumatismes crâniens.
· L'angiographie
cérébrale
Elle fait partie aussi du bilan préopératoire des
épilepsies dont le traitement est chirurgical.
· Les explorations isotopiques : tomographie
d'émission
Elles comportent :
> la tomographie à émission de positons (TEP)
;
> la tomographie d'émission monophotonique. (TEM)
· la
magnétoencéphalographie
C'est une nouvelle technique complémentaire des
techniques d'EEG conventionnelles. Elle consiste à mesurer
l'activité magnétique générée par
l'activité électrique cérébrale [9].
· Autres examens complémentaires
> ionogramme plasmatique,
> hémogramme,
> dosages des acides organiques,
> examen du fond d'oeil,
> Prélèvements biopsiques : peau, muscles.
Au Bénin, les examens
disponibles actuellement sont :
> l'EEG numérisé ;
> l'EEG analogique ;
> la radiographie du crâne et de la selle turcique ;
> le scanner cérébral ;
> les examens biologiques.
1-6-2 Diagnostic différentiel
a) Devant une crise généralisée, il faut
éliminer les éléments suivants: - une lipothymie ;
- une syncope ;
- une hypoglycémie fonctionnelle ou organique ;
- une crise hystérique.
b) devant une crise partielle simple, il faut éliminer
:
- un accident ischémique transitoire ;
- des mouvements anormaux (devant des crises somatomotrices) ; -
une crise de migraine avec aura.
c) devant une crise partielle complexe, il faut éliminer
:
- un trouble de comportement ou de l'humeur ;
- un ictus amnésique.
1-7 Etiologies des épilepsies
1-7-1 Classification étiologique [31, 32]
1-7-1-1 Les épilepsies idiopathiques
Elles ne reposent sur aucune lésion ou anomalie
cérébrale identifiable ; elles ont un caractère familial.
L'évolution bénigne de cette étiologie est
retrouvée chez les sujets normaux.
Ces épilepsies répondent à des
critères diagnostiques relativement stricts.
1-7-1-2 Les épilepsies symptomatiques
Elles traduisent l'existence d'une lésion
cérébrale, qui peut être localisée ou diffuse ;
elles ont un pronostic très variable, globalement plus
sévère que celui des épilepsies idiopathiques.
1-7-1-3 Les épilepsies crypto géniques
A ce niveau la cause est suspectée mais non
retrouvée (soit par défaut des examens complémentaires,
soit par la négativité de ceux-ci). C'est une épilepsie
sans composante génétique non classable comme idiopathique ou
symptomatique.
1-7-2 Facteurs étiologiques
L'épilepsie est d'origine multifactorielle et
l'exposition à certains facteurs de risque peut déclencher une
épilepsie chez les sujets ayant une prédisposition
génétique [31].
Toute crise épileptique résulte de la
conjonction de facteurs génétiques et de facteurs acquis.
Toutefois les épilepsies résultant des facteurs acquis font la
plus grande majorité des cas en Afrique subsaharienne. [33, 34].
1-7-3 Facteurs génétiques
Le développement de la génétique
moléculaire a permis une compréhension beaucoup plus approfondie
de cette affection. Cet examen nous donne plus d'indications sur le mode de
transmission des épilepsies, d'isolement du gène responsable afin
d'agir en empêchant le développement de la maladie.
Néanmoins l'apport de la génétique moléculaire
reste limité car les mécanismes des décharges
épileptiques sont complexes [35]. Plusieurs modalités expliquent
cette épilepsie d'origine génétique :
- hérédité mendélienne,
monogénétique, pouvant se transmettre suivant un mode autosomique
dominant ou récessif ;
- hérédité plurifactorielle, l'expression
phénotype étant gouvernée par la conjonction chez le
même individu de plusieurs gênes distincts et de facteurs
environnementaux ;
- hérédité familiale liée au sexe.
1-7-4 Facteurs acquis
- Causes prénatales
· les infections du système nerveux central
(toxoplasmose, cytomégalovirus) ;
· les phacomatoses ;
· les intoxications médicamenteuses
materno-foetales.
- Causes néonatales
· hémorragie intracrânienne spontanée
ou provoquée par un traumatisme
· les infections cérébrales
méningées bactériennes (listériose, infection
à haemophilus) ou virales (herpès simplex).
- Maladies infectieuses :
infections virales
infection à VIH
encéphalopathie morbilleuse
méningo encéphalite
infections parasitaires
paludisme
cysticercose ( neuro cysticercose)
onchocercose
trypanosomose
- Les convulsions fébriles
- Les traumatismes crâniens
- Les tumeurs cérébrales
- Les maladies cérébro-vasculaires (les accidents
vasculaires cérébraux)
- Les causes toxiques et médicamenteuses :
alcool
psychotropes.
- Quelques facteurs métaboliques :
· hypoglycémie
· hyperglycémie
· hyponatrémie
· hypocalcémie.
1-8 Classification des crises épileptiques
Deux grandes classifications servent actuellement en pratique
épileptologique :
- la classification de l'International League Against Epilepsy
(ILAE) de 1981 [36] qui est une classification des crises, elle est
électro-clinique ;
- la classification de l'ILAE de 1989 [37] qui est une
classification
syndromique des crises ;
- La classification des syndromes épileptiques (CSE)
est définie selon deux axes : symptomatologique (épilepsie
généralisée et partielle) et
étiopathogénique (idiopathique, symptomatique,
cryptogénique).
1-9 Traitement
Le traitement permet de réduire les crises et
d'améliorer la qualité de vie du patient. Ce traitement comporte
plusieurs volets :
- la chimiothérapie ;
- les interventions chirurgicales ;
- et la prise en charge globale du patient.
1-9-1 Traitement par les médicaments
antiépileptiques
Ce traitement médicamenteux a connu des innovations. Le
choix d'un traitement antiépileptique repose sur le diagnostic. Les
moyens utilisés sont variables et dépendent du type de crise.
1-9-1-1 Mécanismes d'action
Ces médicaments antiépileptiques ont pour
mécanismes :
- un effet stabilisateur des membranes cellulaires par blocage
des
canaux sodiques voltage dépendant (PHT, CBZ, LTG, TPM)
;
- un blocage des canaux calciques voltage dépendant de
type T
(PHT) ;
- une augmentation de l'action inhibitrice de l'acide gamma -
aminobiturique par action agoniste sur le récepteur ionophore chlore ou
par inhibition de la dégradation ou de la recapture synaptique du GABA
;
- une inhibition de la libération d'acides aminés
excitateurs, glutamate et aspatarte (LTG) ;
- un blocage du récepteur NMDA ou N-méthyl
D-aspartate (FBM) des récepteurs au glutamate de type kaïnate /
AMPA (TPM).
1-9-1-2 Critères de choix
Le choix d'un médicament antiépileptique prend en
compte :
- une meilleure connaissance des médicaments classiques
concernant en particulier leur efficacité dans les différents
types d'épilepsie et leurs effets indésirables ;
- l'apparition de nouvelles prestations, en particulier de
médicaments à libération prolongée ;
- la disponibilité de nouveaux médicaments ;
- le coût du traitement ;
- la qualité de vie du patient.
1-9-1-3 Médicaments disponibles
Les médicaments sont regroupés dans les tableaux
N°3 et 4
Tableau III : Médicaments
disponibles en France au premier Juin 2002
DENOMINATION COMMUNE ABREVIATIONS
INTERNATIONALE (DCI)
Antiépileptiques classiques ou
majeurs
- Phénobarbital ( PB)
- Phénytoïne (PHT)
- Carbamazépine (CB2)
- Valproate (VPA)
Nouvelles molécules
antiépileptiques
- Vigabatin (GVG)
- Félbamate (FBM)
- Gabapentine (GBP)
- Lamotrigine (LTG)
- Tigabine (TGB)
- Topiramate (TPM)
- Phosphémytoïne (FO S)
- Progabide (PCB)
- Oxcarbazépuine (OXC)
- Lévétiracetam (UCBLO59)
Médicament antiépileptiques
adjuvants ou d'appoint
- Benzodiazépine (BZ)
diazépam nitrazépam clobazam
lorazepam
- Ethosuximide (ETH)
- Primidome (PRM)
Tableau IV: Médicaments
disponibles au Bénin en 2005
DENOMINATION COMMUNE ABREVIATIONS
INTERNATIONALE (DCI)
Antiépileptiques classiques ou
majeurs
- Phénobarbital ( PB)
- Phénytoïne (PHT)
- Carbamazépine (CB2)
- Valproate (VPA)
Médicament antiépileptiques adjuvants
ou d'appoint
- Benzodiazépine (BZ)
diazépam clobazam
- Ethosuximide (ETH)
1-9-1-4 Médicaments AE majeurs classiques
Les présentations de ces médicaments sont
résumées dans le tableau N°5 Tableau
V : Présentation des médicaments
antiépileptiques majeurs
DCI Nom Commercial Forme galénique Dose unitaire
Alepsal ® Comprimés 15-50-100-1 50mg
Aparosal® suppositoires 1 00mg
Phénobarbital
Phénytoïne
Carbamazépine
Gardénal® Di-hydan® Dilantin®
Tégrétol ®
Tégrétol LP® (1989)
Comprimés
Ampoules injectables
Solution buvable Comprimés
Ampoules injectables Comprimés
solutions buvables comprimés à effet
prolongés
10,50,100 mg
40, 200 mg,
1 mg/goutte
1 00mg 250mg 200mg
1 00mg/5ml 200mg, 400mg
Valproate de Sodium
|
Dépakine chrono® (1989)
|
Comprimés à effet prolongé
Solution buvable Comprimés entériques Ampoules
injectables
|
500mg 200mg/ ml
200, 500mg
400mg
|
> Quelques indications
a) Valproate de sodium (VPA)
Il a une action sur toutes les formes d'épilepsies de
l'enfant et de
l'adulte :
- le syndrome de West ;
- le syndrome de Lennox Gastaut ;
- le syndrome de Doose ou épilepsie myoclonique astatique
; - le syndrome d'épilepsie absence myoclonique.
b) Carbamazépine (CBZ)
- la CBZ est active sur toutes les formes d'épilepsie,
exceptée les absences et les épilepsies myocloniques.
- C'est un antiépileptique de référence
dans les épilepsies partielles, en particulier les épilepsies du
lobe temporal avec des crises partielles complexes.
Par ailleurs, il est noté également une action
normothymique dans le traitement des psychoses maniaco-dépressives. La
combinaison d'effets antiépileptique et normothimique peut être
mise à profit dans les traitements d'épilepsies
accompagnées de troubles de comportement.
c) Phénobarbital (PB)
Il est utilisé dans les cas suivants :
- le grand mal ;
- l'état de mal.
d) Phénytoïne (PHT)
Il est utilisé dans toutes les formes d'épilepsie
sauf les absences. En définitive, tous ces médicaments ont un
effet tératogène.
1-9-1-5 Les nouveaux médicaments
antiépileptiques
Les différentes présentations des nouveaux
médicaments antiépileptiques sont résumées dans le
tableau N°6
Tableau VI : les nouveaux
médicaments antiépileptiques
DCI
|
Nom commercial Forme galénique
|
Dose unitaire
|
|
|
Comprimés
|
500mg
|
Vigabatrin (GVG)
|
|
|
|
|
Sabril ®
|
Poudre à dissoudre
|
500mg
|
Felbamate
|
|
Comprimés
|
400,600mg
|
(FBM)
|
Taloxa ®
|
Solution buvable
|
600mg/5ml
|
Gabapentine (GBP)
|
Neurontin ®
|
Gélules
|
100, 300,400 mg
|
Topiramate (TPM)
|
Epitomax ®
|
Comprimés
|
50, 100,200 mg
|
Phosphonytoïne
|
|
|
|
|
|
Flacon de solution 750mg
|
(FOS)
|
Prodilantin ®
|
injectable
|
Oxcarbamazépine
|
|
|
|
(OXC)
|
Trileptal ®
|
comprimés
|
400, 800,1200 mg
|
Tiagabine (TGB)
|
Gabitril ®
|
comprimés
|
5, 10,15 mg
|
> Quelques indications des nouveaux médicaments
antiépileptiques
a - Vigabatrin (GVG)
- crises partielles avec ou sans généralisation
secondaire,
- spasmes infantiles.
b- Felbamate (FBM) Crises partielles
avec ou sans généralisation secondaire, résistant au
traitement habituel, syndrome de Lennox.
c- Lamotrigine
- Epilepsies pharmaco - résistantes partielles ou
généralisées de l'adulte,
- Chez les enfants, tous les types d'épilepsie y compris
les absences,
- Le syndrome de West et de Lennox Gastaut.
d- Tiagabine (TGB) Epilepsies
partielles réfractaires
e- Topiramate (TPM) Epilepsies
partielles, Crises généralisées tonico-cloniques et
cloniques
Efficacité dans les absences.
f- Oxcarbamazépine (OXC)
Elle est très efficace dans les crises partielles.
1-9-1-6 Les antiépileptiques adjuvants ou
d'appoint
Les caractéristiques des médicaments
antiépileptiques adjuvants a- Les
benzodiazépines
Quatre propriétés permettent de
caractériser les benzodiazépines. Elles
sont :
- antiépileptiques ;
- sédatifs ;
- anxiolytiques ;
- myorelaxants.
Elles ont un effet antiépileptique majeur immédiat
sur tous les types de
crises.
b- Ethosuximide
Elle a une action spécifique sur les absences
brèves de l'enfant et de l'adolescent.
c- Primidone
Ses indications sont les mêmes que celles du
phénobarbital. Elle possède ainsi les mêmes avantages et
inconvénients. Elle ne doit pas être associée au
phénobarbital.
1-9-2 Traitement chirurgical
Il peut être envisagé lorsque les crises
persistent ou bien quand le patient ne sent pas d'amélioration.
Globalement ce sont 30% des patients épileptiques qui s'avèrent
pharmaco résistants, mais le phénomène est beaucoup plus
observé dans les épilepsies partielles. Il existe de fausses
pharmaco résistances qui sont dues à :
- une mauvaise observance du traitement ;
- des facteurs épileptogènes à supprimer :
alcool, neuroleptiques, antidépresseurs, certains
antiépileptiques par erreur thérapeutique, celle-ci est souvent
liée à une erreur de diagnostic syndromique.
Ainsi c'est pour les épilepsies rebelles aux
médicaments antiépileptiques qu'une intervention chirurgicale est
préconisée. Il existe deux types d'intervention chirurgicale:
1-9-2-1 Traitement chirurgical curatif
Le but de cette intervention est de procéder à
l'exérèse complète des territoires corticaux où
naissent et se propagent rapidement les décharges
épileptiques.
Avant tout traitement chirurgical, il faut s'assurer que :
· les crises ont une origine univoque ;
· les aires corticales responsables ont pu être
précisément identifiées ;
· la résection de la zone épileptogène
pourra être réalisée sans créer un déficit
neurologique ou cognitif.
1-9-2-2 Traitement chirurgical palliatif
L'objectif est de réduire la fréquence des crises
ou leur sévérité. Il s'agit :
- soit d'empêcher la bilatélarisation des
décharges (callosotomie);
- soit de moduler les mécanismes d'hypersynchronie qui
caractérisent
le processus épileptogène (stimulation chronique
du nerf vague).
1-9-3 Principe du traitement
Le choix d'un traitement antiépileptique repose sur :
- l'identification du type de crise en utilisant la
classification internationale actuelle ;
- une cause reconnue alors le traitement est étiologique
;
- une cause non identifiée alors le traitement est
symptomatique de type médical ou chirurgical palliatif ;
- une monothérapie progressive est
préconisée au début du traitement ;
- un traitement médicamenteux n'est pas
dispensé à vie ; il doit être revu périodiquement
afin de procéder à un arrêt progressif après cinq
(5) ans de rémission des crises.
1-9-4 Evolution et pronostic
L'évolution est variable ; certaines formes vont durer
quelques années et disparaître (en moyenne 12 à 13 ans) et
d'autres vont durer toute la vie. Elle dépend de facteurs suivants :
- âge du début des crises ;
- fréquence des crises ;
- réponse au traitement ;
- présence ou non d'une atteinte neurologique sous
jacente ;
- retentissement sur le comportement du patient.
1-9-5 Eléments de mauvais pronostic
- Un âge de début précoce ;
- une cause connue ;
- l'existence de signes cliniques ou neuroradiologiques
d'encéphalopathie ;
- une grande fréquence des crises ;
- l'association de plusieurs types de crises ;
- un long délai entre le début de
l'épilepsie et l'institution d'un traitement adéquat.
1-9-6 Traitement traditionnel
Le traitement traditionnel figure en bonne place dans
l'arsenal thérapeutique contre l'épilepsie dans les pays en voie
de développement [38]. Cette prise en charge tient compte des diverses
croyances et représentations de cette maladie dans chaque pays. Ce
traitement varie d'un pays à un autre et
selon le tradipraticien. Ces derniers utilisent divers moyens
comme la tisane, les amulettes, sacrifices, et ou les interdits alimentaires.
En Mauritanie ce traitement fait appel à des incantations de versets du
Coran. Lorsqu'un tradipraticien prescrit des tisanes, les parents ne
connaissent pas souvent la composition de ces dernières. Un
désordre alimentaire est incriminé imposant d'antidote
alimentaire comme du miel, des aliments sans sel non épicés et
sans beurre. Parfois ce sont des sacrifices d'animaux et de bains rituels [39].
Au Burkina- Faso le malade doit se priver de la viande, des boissons
alcooliques et des poissons. Le payement est toujours très cher pour les
malades et parfois ils n'arrivent pas à honorer les dettes. Le payement
peut être en nature ou en espèce [40]. Les méthodes
traditionnelles comme la tisane peuvent avoir des effets anticonvulsivants car
certaines formes d'épilepsies sont traitées avec succès
par ces tradipraticiens. Parfois ils ont peur de traiter les
épileptiques car ils pensent qu'ils pourraient alors transmettre
l'affection à leur descendance. Les tradipraticiens jouent un rôle
très important dans la prise en charge de la maladie car ils
remédient ainsi au rejet dont est souvent victime l'épileptique.
Ce n'est qu'après plusieurs échecs du traitement traditionnel que
les malades décident de faire recours à la médecine
moderne. Dans département de Mifi au Cameroun [41], la médecine
traditionnelle et la médecine moderne semblent coexister sans pour
autant se concurrencer.
1-9-7 La prise en charge globale du malade
Elle impose une bonne relation médecin-malade et doit
permettre la prise régulière des médicaments. Des conseils
doivent être donnés pour le travail (études, vie active) et
les actes de la vie quotidienne (menage, conduite de véhicule). Des
interventions sont parfois nécessaires auprès des enseignants,
des employés, des autorités de tutelle pour faciliter
l'acceptation de ces épileptiques [42].
1-9-8 Aspects socio-culturels de l'épilepsie
L'épilepsie est en Afrique une maladie d'exclusion au
même titre que la lèpre, la stérilité, ou le sida.
Quelques unes des causes de l'ostracisme dont peut être l'objet
l'épileptique sont : crainte de la contagion, maladie de punition,
maladie infamante pour les familles [42].
Au niveau de la population, la maladie épileptique
reste la maladie du silence. Le patient est caché par sa famille ou
c'est le malade qui ne déclare pas sa maladie. Les malades sont
rejetés ou au minimum marginalisés par la société
dans toutes les cultures même dans les pays industrialisés [43].
Cet environnement pour le moins hostile favoriserait la
répétition des crises [44]. En Afrique l'épilepsie est
conçue comme un désordre dans les relations entre les vivants et
les morts conduisant à une possession par un esprit. C'est à la
faveur de ce désordre que le patient entre en contact avec ces esprits.
L'organicité de la maladie est rarement citée témoignant
de sa profonde méconnaissance dans les populations africaines.
1-9-9 Facteurs limitant l'accessibilité aux
médicaments antiépileptiques
L'épilepsie reste de nos jours une affection
entourée de mythes. Depuis des années des actions sont
menées pour démystifier cette maladie. Ainsi l'OMS et deux
organisations non gouvernementales telles la Ligue Internationale Contre
l'Epilepsie (ILAE) et le Bureau International de l'Epilepsie (IBE) ont
lancé la deuxième phase de la campagne mondiale contre
l'épilepsie dénommée « SORTIR DE L'OMBRE » en
mai 2000 à Dakar au Sénégal. Au cours de cette campagne,
il a été décidé la mise en place des projets qui
feront ressortir des moyens de combler le fossé thérapeutique
existant dans tous les PED [45].
Lors de la deuxième réunion consultative des
pays francophones pour la lutte contre l'épilepsie tenue à
Lomé (Togo) les 19, 20 et 21 mars 2002, le Bénin a
déclaré sa campagne pour sortir l'épilepsie de l'ombre
[46].
Le manque de personnel qualifié et le déficit
d'infrastructures sanitaires dans les zones rurales sont autant
d'éléments qui constituent un obstacle à l'accès
aux médicaments antiépileptiques.
D'autres facteurs comme le niveau économique des
épileptiques, l'éloignement des structures médicales et la
non disponibilité des médicaments dans les officines ou
pharmacies jouent un rôle majeur dans l'échec de l'utilisation des
médicaments antiépileptiques. Dans les zones rurales,
l'enclavement des villages et la rupture de stock de ces médicaments
antiépileptiques sont aussi évoqués.
Entre autre les effets secondaires de certains
médicaments antiépileptiques sont incriminés dans
l'abandon précoce du traitement en cours. Parfois les ruptures de stock
notées sont dues à la mauvaise organisation des circuits de
distribution en Afrique [47].
Les considérations socioculturelles erronées ont
des conséquences thérapeutiques importantes. Ainsi les
tradipraticiens restent le premier recours [48].
2 CADRE ET METHODE D'ETUDE
2-1 Cadre d'étude
L'étude sur l'itinéraire thérapeutique
chez les patients épileptiques s'est déroulée dans
l'arrondissement de DJIDJA, chef lieu de la Commune du même nom dans le
département du ZOU.
2-1-1 La Commune de DJIDJA
La Commune de DJIDJA est la plus vaste des neuf Communes du
département du ZOU ; située au nord-ouest de ce
département elle couvre une superficie de 2184 km2 soit 1,93%
du territoire national (114771 km2)
Ses limites géographiques sont :
· Au Nord les Communes de DASSA-ZOUME et de SAVALOU dans le
département des COLLINES
· Au Sud les Communes d'ABOMEY, de BOHICON, de AGBANGNIZOUN
et de ZAKPOTA
· A l'Est la Commune de COVE
· A l'Ouest la Commune d'APLAHOUE dans le
département du COUFFO et la REPUBLIQUE DU TOGO.
Figure 1 : Carte administrative de la
commune de DJIDJA
Selon le recensement général de la population
et de l'habitat de 2002 (projection 2005), la population de DJIDJA était
de 90.586 habitants soit 1,3% de la population totale du BENIN (6.752.569
habitants).
La Commune de DJIDJA est subdivisée en douze (12)
arrondissements qui sont : AGONDJI, AGOUNA, DAN, DOHOUIME, GOBAIX, OUNGBEGAME,
MONSOUROU, MOUGNON, OUTTO, SETTO, ZOUKOU, et DJIDJA.
L'arrondissement de DJIDJA encore appelé DJIDJA CENTRE
est le chef-lieu de la Commune et est de loin le plus prospère des douze
arrondissements. Il est constitué de onze (11) villages décrits
dans le tableau ci- dessous :
Tableau VII : Composition de
l'arrondissement
|
de DJIDJA
|
|
|
|
Population du village (habitants)
|
|
AGONHOHOUN
|
|
1005
|
DJIDJA-ALIGOUDO
|
4
|
557
|
DJIDJA-MADJAVI
|
3
|
499
|
DONA
|
|
337
|
HOUNVI
|
1
|
301
|
KOME
|
|
470
|
SANWLAPA
|
|
606
|
SOVLEGNI
|
|
878
|
WOGBAYE
|
|
834
|
YE
|
|
941
|
ZINKANME
|
1
|
190
|
|
Total
|
15618
|
|
La population est à prédominance rurale. La
densité humaine est de 41,5 habitants par kilomètre carré.
La taille moyenne de ménages est 4,7. Le nombre total de femmes est de
47.476 pour 43.110 hommes avec un sex-ratio de 0,90.
Sur le plan religieux, l'animisme est pratiqué par 8 1,3%
de la population suivie de la religion catholique et de l'islam.
L'ethnie Fon est majoritaire (70%) dans cette région;
elle suivie des Adjas (20%) des Mahi (8%). On y rencontre aussi les Baribas les
Peulhs et les Yorubas.
Sur le plan économique, le secteur primaire
prédomine avec 80%, suivi du secteur tertiaire 16,5% et du secteur
secondaire 3,5%. Le coton est cultivé
surtout dans du Nord de la Commune (AGOUNA). On retrouve
également des palmiers à huile et des anacardiers. Les cultures
vivrières comme le maïs, l'arachide et le haricot sont
également produites. Malgré cette richesse en produits agricoles,
cette zone a le seuil de pauvreté le plus élevé selon les
études sur les conditions de vie des ménages.
L'hygiène et l'assainissement dans la Commune de
DJIDJA sont encore faibles. L'arrondissement de DJIDJA ne possède en
tout que 7 latrines familiales.
Au niveau des infrastructures, la Commune de DJIDJA dispose de
:
· 09 centres de santé publics dont le taux de
fréquentation varie entre 15 et 22%. Ces centres publics sont
supervisés par un médecin généraliste.
· Des relais communautaires qui servent d'aide pendant les
activités intéressant les différents villages.
· Des cabinets médicaux privés dirigés
par des infirmiers
Cette Commune dispose de 01 médecin, 11 infirmiers, 09
sages femmes pour les 90.586 habitants.
2-1-2 La Clinique Universitaire de Neurologie du
CNHU-HKM
La Clinique Universitaire de Neurologie est dirigée
par le docteur AVODE Dossou Gilbert, Professeur Agrégé de
Neurologie à la Faculté des Sciences de la Santé de
Cotonou. Elle reçoit et traite les patients souffrant d'affections
neurologiques. Elle a servi de cadre pour la préparation et le
traitement des données de l'enquête.
Composition
On y retrouve les secteurs et infrastructures suivants
· trois (3) salles d'hospitalisation au sein du pavillon de
médecine, et comportant quatorze (14) lits.
· une salle de consultation ;
· une salle d'explorations fonctionnelles
neurologiques qui dispose d'un équipement comprenant des appareils
numérisés d' électroencéphalographie (EEG) fixes
avec vidéo, d'EEG portable, d'électromyographie (EMG), de
Potentiels Evoqués Auditifs (PEA), Somesthésiques (PES) et
Visuels (PEV) ;
· trois (3) bureaux ;
· un secrétariat.
Le personnel
Il est composé de :
· un Professeur Agrégé, chef de service,
Docteur AVODE Dossou Gilbert ;
· un Professeur Agrégé, Docteur HOUINATO
Dismand Stéphan ;
· un médecin neurologue, Docteur ADJIEN Kodjo
Constant ;
· cinq infirmières et infirmiers ;
· Une secrétaire ;
· deux agents d'entretien
2-2 La méthode d'étude
2-2-1 Le type d'étude
C'est une étude transversale à visée
descriptive et analytique.
2-2-2 La période d'étude
Notre étude s'est déroulée pendant 1 mois
soit du 10 Janvier 2005 au 11 Février 2005.
2-2-3 L'échantillon d'étude
2-2-3-1 La taille de l'échantillon
Notre étude a porté sur 135 épileptiques et
13 agents des structures médicales ou traditionnelles intervenant dans
la prise en charge des épileptiques.
2-2-3-2 La population d'étude
- Les épileptiques
L'étude a porté sur une population
d'épileptiques dépistés au cours d'une enquête
portant sur l'ensemble de la population de l'arrondissement de DJIDJA. Des
sources médicales que sont les registres de consultation du CCS de
DJIDJA, du dispensaire Saint CAMILLE de DAVOUGON et des services de
médecine et de pédiatrie du CHD ZOU ont été
utilisées. D'autres sources non médicales constituées
d'informateurs clés comme les tradipraticiens, les instituteurs, les
chefs religieux, les chefs de villages et les notables ont également
contribué à l'identification des épileptiques.
- Les agents des différentes structures
médicales ou traditionnelles que sont :
· Deux (2) médecins : un pédiatre chef de
service de Pédiatrie au CHD ZOU et un médecin
généraliste exerçant au service de médecine interne
du CHD ZOU
· Deux (2) infirmiers l'un responsable d'un cabinet
médical à Zinkanme et l'autre responsable du dispensaire SAINT
CAMILLE de DAVOUGON
· Trois (3) responsables de pharmacie respectivement la
pharmacie du CHD ZOU ; de la pharmacie du service de pédiatrie du CHD
ZOU ; de la pharmacie du CCS de DJIDJA
· Cinq (5) tradipraticiens et un (1) chef religieux de
l'arrondissement de DJIDJA, réputés dans le traitement des
épileptiques
2-2-4 Définition des cas d'épilepsie
2-2-4-1 Critères d'inclusion
Est identifié comme épileptique tout sujet
ayant présenté au cours de son existence au moins deux crises
d'épilepsie. Les patients ont été confirmés par un
neurologue après un interrogatoire et un examen clinique. Tous les types
de
crises d'épilepsie ont été retenus. Tous
les patients prenant ou non un traitement antiépileptique ont
été également pris en compte.
2-2-4-2 Critères d'exclusion
Tous les sujets ayant présenté une crise
isolée, ou des crises survenues lors des situations particulières
exceptionnelles telles que les troubles métaboliques, ou un
défaut circulatoire à la suite de malaises d'origine
cardiaque.
2-2-5 La collecte des données.
2-2-5-1 Les outils de collecte.
Les données ont été recueillies à
l'aide des outils de collecte que voici :
· Un questionnaire « Itinéraire
thérapeutique » destiné aux patients épileptiques ou
leurs parents.
· Un questionnaire « Structures » destiné
aux responsables des structures médicales ou traditionnelles qui
prennent en charge ces malades.
2-2-5-2 La technique de collecte
La technique de collecte était la même pour les
deux types de questionnaires. L'enquêteur pose à son interlocuteur
les différentes questions prévues en proposant s'il y a lieu des
items.
2-2-5-3 L'équipe de collecte.
La collecte des données a été
effectuée par nous même aidé d'un médecin
généraliste préalablement formé à
l'utilisation des questionnaires.
2-2-6 Le traitement et l'analyse des
données.
Les données recueillies ont été
vérifiées, saisies et analysées à l'aide du
logiciel SPSS version 11.01 for Windows. L'analyse statistique a
consisté au calcul des différentes fréquences des
variables étudiées pour la description.
2-2-7 Le système de référence
Nous avons adopté le système numérique
séquentiel ou système de Vancouver. Dans ce système les
références sont numérotées avec un chiffre arabe
par ordre d'apparition dans le texte. Si une référence est
citée plusieurs fois, elle conserve le numéro qui lui a
été attribué lors du premier appel.
2-2-8 Considérations éthiques
Notre étude a reçu avant sa réalisation
l'approbation des autorités à divers niveaux aussi bien
administratifs que sanitaires. Ainsi le Maire de la commune de DJIDJA, le
Directeur Départemental de la Santé (DDS) ZOU-COLLINES et le
médecin-chef du CCS de DJIDJA ont donné leur accord à
l'exécution de ce travail. De plus nous avons obtenu le consentement
éclairé des personnes interrogées grâce aux chefs de
villages et aux crieurs publics qui ont informé les patients de notre
arrivée, expliquant que cette enquête contribuera certainement
à améliorer la prise en charge des épileptiques.
2-2-9 Difficultés rencontrées et
limites de l'étude
Nous avons tenu compte de la saison des pluies dans le choix
de la période d'étude, pensant trouver les cibles libres des
travaux champêtres mais nous avions été surpris par la
campagne cotonnière qui a beaucoup occupé les paysans ; ceci
expliquait leur indisponibilité nous obligeant à nous rendre
plusieurs fois dans le même village soit tôt le matin, soit tard
l'après-midi.
Les pistes de desserte rurale étaient très peu
praticables et le matériel roulant était insuffisant et
inadapté.
Pour motiver les patients convoqués au centre de
santé où se déroulait la collecte des données, nous
avions été contraints de leur offrir une « collation »
et de les ramener dans leurs villages respectifs en fin de journée.
Les difficultés sont aussi liées au
défaut de sensibilisation des patients qui ne comprennent pas
l'intérêt qu'ils ont à répondre à un
questionnaire ; certains exigent d'être payés ou de recevoir en
contre-partie de leur collaboration des médicaments. D'autres encore
préfèrent poser leurs problèmes de santé
transformant l'interview en une véritable consultation
médicale.
Au nombre des limites de l'étude nous pouvons citer :
- l'estimation du coût du traitement traditionnel ;
- l'absence d'informations précises sur la composition
du traitement traditionnel, les tradithérapeutes étant
réticents à nous livrer la composition de leurs potions.
3 RESULTATS
Au total, l'enquête a porté sur 135
épileptiques originaires des 11 villages de l'arrondissement de DJIDJA
dépistés lors d'une enquête et confirmés par une
consultation spécialisée de neurologie.
3-1 Enquête auprès des
épileptiques
Le questionnaire sur l'itinéraire thérapeutique
avait été administré aux 135 épileptiques ; 99
patients soit 73,3% de l'échantillon ont répondu personnellement
; pour les 36 autres (26,7%) les réponses ont été
apportées par l'entourage.
1 seul des patients de notre échantillon soit 0,7% avait
eu besoin d'un traducteur avant de répondre au questionnaire.
3-1-1 Caractéristiques démographiques
et socio-professionnelles des
patients épileptiques
3-1-1-1 Le Sexe
La répartition était presque équitable avec
68 hommes soit 50,4% de l'échantillon contre 67 femmes soit 49,6% ce qui
donne un sex-ratio de 1,01
3-1-1-2 L'âge
L'âge des patients épileptiques de notre
échantillon variait entre 1 et 75 ans avec une moyenne de 25,85 et un
écart-type à 16,40. La figure N°2 résume la
répartition des épileptiques selon les tranches d'âge.
45
40
35
30
25
20
15
10
5
0
0-10ans 11-20ans 21-30ans 31-40ans >40ans
26
30
Tranches d'âge
42
14
23
Figure 2 : Distribution des
épileptiques en fonction des tranches d'âge, Djidja, 2005
3-1-1-3 L'ethnie
Le tableau N°8 montre la répartition des
épileptiques selon leur ethnie. Les sujets étaient en
majorité des fons.
Tableau VIII : Répartition des
épileptiques selon leur ethnie, Djidja, 2005
Ethnie Effectif Proportion (en %)
Fon 127 94,1
Adja 4 3,0
Peul 3 2,2
Mahi 1 0,7
Total 135 100,0
3-1-1-4 La religion
La figure N°3 montre la distribution des
épileptiques selon leur religion.
Les animistes étaient les plus nombreux avec une
fréquence de 51,8% suivis des chrétiens qui représentaient
45,2% et des musulmans qui faisaient 3%
Religion
3%
45,2% 51,8%
Animiste Chrétien Musulman
Figure 3 : Distribution des
épileptiques selon leur religion
3-1-1-5 Le statut matrimonial des patients
épileptiques adultes
Parmi les 135 épileptiques interrogés, 109
étaient des adultes (âge >15 ans) Le tableau N°9 montre la
répartition des patients adultes en fonction de leur statut
matrimonial
Tableau IX : Répartition des
épileptiques adultes selon leur statut matrimonial
Statut marital Effectif Proportion (en %)
Vit avec parents 57 52,3
Marié 45 41,3
Vit seul 7 6,4
Total 109 100,0
3-1-1-6 La profession
Le tableau N°10 résume la distribution des
épileptiques en fonction de leur activité professionnelle.
L'agriculture était l'activité professionnelle
majoritaire avec 80 individus sur 135 soit 59,3%
Tableau X : Répartition des
patients en fonction de leur profession
Profession Effectif Proportion (en%)
Agriculteur 80 59,3
Inactif 30 22,2
Etudiant 12 8,9
Artisan/Commerçant 10 7,4
Profession libérale 2 1,5
Eleveur 1 0,7
Total 135 100,0
3-1-2 Etude de l'itinéraire
thérapeutique
3-1-2-1 Avis des patients sur l'épilepsie
97 patients sur 135 soit 71,9% pensaient que
l'épilepsie était une maladie naturelle tandis que 33 patients
(24,4%) croyaient en une origine surnaturelle de leur maladie. 5 patients
(3,7%) étaient restés sans avis.
3-1-2-2 La consultation initiale
103 malades sur 135 soit 76,3% de notre échantillon
avaient consulté au moins une fois et ceci dès la première
crise.
Le tableau N°11 résume la répartition des
patients selon le choix du premier consultant
Tableau XI : Répartition des
épileptiques selon le choix du premier consultant
Premier consultant Effectif Proportion (en
%)
Tradithérapeute 57 55,3
Médecin 35 34,0
Infirmier 8 7,8
Chef religieux 3 2,9
Total 103 100,0
Plus d'un patient sur deux (55,3%) consultait un
tradithérapeute dès la première crise.
Le premier consultant était le plus souvent
indiqué par l'entourage dans 36% des cas. Sa réputation
constituait le second facteur décisif (33%) alors que 25,2% des patients
l'ont choisi parce qu'ils avaient confiance en lui. Seuls 2 patients sur 103
ont choisi le premier consultant au hasard parce qu'ils ne savaient pas
à qui s'adresser.
3-1-2-3 L'entretien lors de la première
consultation
Dans la plupart des cas, le premier consultant estimait que
l'épilepsie était peu grave (34%), guérissable (52,4%)
grâce à la prise de certains produits (83,5%) et le traitement
devait être pris tout le temps (69%).
Plus rarement, il estimait que l'épilepsie
était très difficile à guérir (4,8%), qu'on devait
suivre un régime alimentaire précis (1%), des prières
(1,9%) et un dés envoûtement (7,8%)
3-1-2-4 Traitement de la première crise
Aucun malade n'a reçu un traitement mixte c'est à
dire à la fois médical et traditionnel.
Tableau XII : Répartition des
épileptiques en fonction du type de traitement de la première
crise
Type de traitement Effectif Proportion (en
%)
Traditionnel 57 55,3
Médical 43 41,7
Prières 3 3,0
Total 103 100,0
3-1-2-5 Choix d'un deuxième consultant
Parmi les 103 épileptiques qui ont consulté au
moins une fois, 58 soit 56,3% ont eu recours à un deuxième
consultant pour se traiter.
La répartition des patients en fonction de la
qualité du deuxième consultant est résumée dans le
tableau N°13
Une fois de plus le tradithérapeute restait en tête
de liste des consultants avec 33 individus sur 58 soit 57%
Tableau XIII : Répartition des
épileptiques en fonction de la qualité du deuxième
consultant
Deuxième consultant Effectif Proportion (en
%)
Un autre tradithérapeute 33 57,0
Un autre infirmier 11 19,0
Plusieurs personnes 9 15,5
Un autre médecin 3 5,2
Chef du village 2 3,3
Total 58 100,0
3-1-2-6 Traitement lors la deuxième consultation
Comme lors de la consultation initiale, le traitement
institué par le deuxième consultant est le plus souvent
traditionnel 52,2% contre 32,8% pour le traitement moderne et 8,6% pour les
prières. Notons que les traitements mixtes font leur apparition avec
3,4% des cas.
La figure ci dessous compare le traitement suivi après la
consultation initiale et le traitement en cours au moment de
l'enquête.
L'effectif des patients sous traitement traditionnel diminue
tandis que l'effectif des malades sous traitement moderne, mixte et des
prières augmente.
40
20
70
60
50
30
10
0
Traditionnel Moderne Mixte Prières Aucun
Type de traitement
Traitement initial Traitement actuel
Figure 4 : Répartition des
épileptiques en fonction du traitement initial et du traitement
actuel
3-1-2-7 Facteurs limitant l'accessibilité aux
soins antiépileptiques
Plusieurs facteurs limitent l'accessibilité aux soins
notamment : - Le niveau socio-économique
· 80 patients sur 135 soit 59,3% de notre
échantillon étaient des agriculteurs à faible revenu
· 30 épileptiques soit 22,2% étaient inactifs
donc dépendants d'une tierce personne
- Les aspects socio-culturels
Le vécu de la maladie constituait un facteur limitant
l'accessibilité aux soins ; ceci poussait certains parents (35,5%)
à cacher leur enfant pour plusieurs raisons :
· la honte (91,6%) ;
· le caractère imprévisible des crises (4,2%)
;
· la nécessité de protéger
l'épileptique de la population (4,2%).
- La distance
La distance séparant le domicile du lieu de
consultation habituel était en moyenne de 38,7 kilomètres
néanmoins seuls 11 patients soit 10,7% estimaient que la distance
était un obstacle au traitement.
3-2 Enquête auprès des structures
traditionnelles et médicales
3-2-1 Les structures traditionnelles
3-2-1-1 Avis des responsables de structure sur la maladie
Tous les responsables des structures traditionnelles
interrogés s'estimaient habiletés à prescrire et à
délivrer des antiépileptiques. Leurs connaissances seraient
suffisantes pour diagnostiquer la maladie, proposer un traitement et donner des
conseils aux malades.
Mais comme l'ensemble de la population de la localité,
le tradipraticien ne reconnaissait que le grand mal. Le diagnostic était
fait sur le récit du malade ou de son entourage. Un des cinq
tradipraticiens interrogés, confirmait son diagnostic par
l'administration d'une potion ayant la propriété de reproduire la
crise.
Les causes évoquées par nos interlocuteurs
étaient le plus souvent : - la sorcellerie
- l'hérédité
- les transgressions de tabous et d'interdits
- la contagiosité
Le chef religieux et un des cinq tradipraticiens avaient
avoué n'avoir pas pu guérir des cas d'épilepsie mais
seulement avoir fait diminuer la fréquence des crises.
3-2-1-2 Composition du traitement
En fonction de l'origine surnaturelle (souvent les adultes)
ou naturelle (cas des enfants) de la maladie, le traitement du tradipraticien
était fait de sacrifices, de désenvoûtement et autres
rituels ou de potions et d'interdits alimentaires. Dans le cas
d'étiologie naturelle, l'ingestion de potion est quotidienne et sur une
durée très longue variant de 6 mois à deux ans et les
interdits alimentaires à vie.
3-2-1-3 Coût du traitement traditionnel
Le coût du traitement était très variable
en fonction des villages et des saisons. En effet le mode de règlement
des frais du traitement était le plus souvent en nature, le prix des
produits exigés variant d'un village à un autre et d'une saison
à une autre. Dans certains cas, l'estimation du coût du traitement
atteignait deux cent mille francs CFA (200.000 FCFA)
Le chef religieux et un tradipraticien sur cinq n'exigeaient
pas une somme d'argent ; le malade payait selon ses moyens et quelquefois le
traitement était gratuit.
3-2-1-4 Suivi du traitement traditionnel
Trois des cinq tradipraticiens interrogés
hospitalisaient les malades pour un suivi régulier sur une durée
allant d'un mois à deux ans ; dans tous les cas les rendez-vous de
contrôle ne sont pas prévus de façon systématique,
le malade revient pour renouveler sa potion ou en cas de nouvelle crise.
3-2-2 Les structures médicales
3-2-2-1 Connaissance de l'épilepsie par le
personnel médical
Les praticiens de la médecine moderne avaient une
connaissance correcte de l'épilepsie ; mais le plus souvent seule la
crise tonico-clonique généralisée était
considérée comme crise d'épilepsie.
Les étiologies évoquées étaient
celles liées à l'accouchement, les causes infectieuses
(complications du neuropaludisme et de la méningite) et
l'hérédité.
3-2-2-2 Prescription du traitement
médical
L'antiépileptique le plus prescrit était le
phénobarbital car de l'avis de nos interlocuteurs il serait efficace, de
bonne qualité et d'un coût acceptable. Seuls trois des sept
responsables de structure médicale ont déjà prescrit
l'acide valproïque et la phénytoïne. Les molécules plus
récentes comme le vigabatrin, la gabapentine et l'oxcarbamazépine
étaient quasi inexistants dans les structures visitées. Seul le
dispensaire Saint CAMILLE de DAVOUGON les détenait mais ne les
délivrait pas car en nombre insuffisant pour un traitement de longue
durée.
3-2-2-3 Coût du traitement
médical
Le tableau N°14 résume les prix de cession des
antiépileptiques délivrés dans les structures
médicales visitées.
Tableau XIV : Dosage et prix unitaire
des antiépileptiques délivrés
Coût de cession
Médicaments
Dosage Prix unitaire
(par comprimé)
Phénobarbital 50 et 100 mg 5 francs CFA
Phénytoïne 100 mg 6 francs CFA
Valproate de sodium 200mg 50 francs CFA
Tous ces antiépileptiques étaient
délivrés avec ou sans ordonnance et le patient avait la
possibilité d'acheter le nombre de comprimés qu'il voulait.
3-2-2-4 Efficacité du traitement
médical
Les prescripteurs d'antiépileptiques modernes estimaient
que leur traitement était très efficace car entraînant une
rémission des crises.
3-2-2-5 Suivi du traitement médical
Très peu d'épileptiques étaient
hospitalisés et souvent pour une durée brève ; les
rendez-vous de contrôle étaient systématiquement
prévus à une fréquence variant de 60 à 90 jours
mais de l'avis unanime de nos interlocuteurs peu de malades revenaient. Le
dispensaire Saint CAMILLE qui délivrait quelques fois le
phénobarbital gratuitement avait le plus fort taux de suivi des
malades.
3-2-2-6 Disponibilité des antiépileptiques
Le phénobarbital était disponible dans toutes
les structures ; par contre la phénytoine, la carbamazépine et
l'acide valproïque n'étaient disponibles qu'au centre confessionnel
Saint CAMILLE. Tous ces médicaments étaient sous forme
générique, les rares spécialités étant des
« échantillons gratuits » en nombre insuffisant. Ces
antiépileptiques étaient conditionnés en sachets, en
plaquettes ou en boîtes.
3-2-2-7 Approvisionnement des structures et conditions
de stockage a) Approvisionnement des structures
La figure 5 ci-dessous résume le circuit
d'approvisionnement des structures visitées
Importation étrangère
Centre confessionnel de DAVOUGON
|
|
|
Autres structures pharmaceutiques desservant DJIDJA
|
|
Centre de distribution nationale (CAME, Pharmaquick)
Figure 5 : Circuit des antiépileptiques
à la disposition des malades à DJIDJA
Le rythme de l'approvisionnement en antiépileptiques
variait selon la demande sur le marché. La rupture de stock est un
phénomène exceptionnel dans les structures visitées ; si
elle a lieu, elle durait au maximum sept jours.
Les médicaments délivrés à chaque
livraison sont conditionnés en boîtes. La quantité
livrée variait suivant la demande. Sur la même période au
moment où certaines structures ne commandaient qu'une boîte de
1000 comprimés de phénobarbital 50mg d'autres en commandaient 10
boîtes.
Ces médicaments étaient reconditionnés
dans des sachets étanches pour être vendu aux patients.
Tous les paiements des antiépileptiques s'effectuaient en
espèces.
b) Conditions de stockage des
antiépileptiques
D'une manière générale, les
médicaments antiépileptiques étaient bien conservés
dans les structures visitées.
Une seule structure pharmaceutique conservait les produits
dans des boîtes posées à même le sol, exposées
aux diverses intempéries. Les quatre autres structures délivrant
des antiépileptiques les conservaient sur des meubles à l'abri de
la chaleur, de la lumière et des pressions physiques.
3-3 Synthèse des
résultats
3-3-1 Itinéraire thérapeutique
L'itinéraire thérapeutique commençait
chez un tradithérapeute dès la survenue de la première
crise. Vu la récidive des crises, l'épileptique consultait un
deuxième tradithérapeute, puis beaucoup d'autres personnes. Enfin
il consultait un infirmier qui lui délivrait le phénobarbital,
seul antiépileptique à sa disposition. Mais bien qu'efficace ce
traitement moderne sera arrêté faute de moyens financiers.
3-3-2 Disponibilité des médicaments
antiépileptiques
Le médicament antiépileptique
délivré dans l'arrondissement de DJIDJA provenait des
laboratoires nationaux et étrangers. La demande est le facteur
décisif des commandes donc de la disponibilité de l'un ou l'autre
des médicaments. Le phénobarbital était le plus prescrit
et le seul antiépileptique présent dans toutes les structures. Il
ne coûtait que 5 francs CFA le comprimé de 50mg.
3-3-3 Profil de l'épileptique
L'épileptique résidant dans l'arrondissement de
DJIDJA était un jeune homme de 25 ans, d'ethnie fon, agriculteur,
animiste, vivant avec ses parents et présentant des crises
généralisées tonico-cloniques.
4 DISCUSSION
4-1 Caractéristiques démographiques et
socio-professionnelles des épileptiques
4-1-1 Le sexe
La répartition par sexe au sein de notre population
d'épileptiques était équitable alors que la plupart des
auteurs ont fait état d'une prédominance masculine.
Néanmoins Houinato et al [26] et Debrock et al [49] ont trouvé
une prédominance féminine respectivement dans le
département de la Donga et dans la commune de Zinvié.
4-1-2 L'âge
Toutes les tranches d'âge étaient inclues dans
notre population d'étude mais, 82,9% de nos épileptiques avait
moins de 40 ans. Ce résultat est superposable à celui de
Andrianseheno et al. [50] qui ont trouvé à Madagascar 389 soit
79,3 % d'épileptiques de moins de 40 ans contre 101 soit 20,6 % de plus
de 40 ans.
4-1-3 La religion
Les animistes ne représentaient que 51,8% des
épileptiques de notre étude alors qu'au sein de la population
générale de DJIDJA les religions traditionnelles (animistes) font
81,3%. Le même constat fut fait en 2004 par Sehoue [51] qui a
étudié les épileptiques dans le même cadre que nous
mais avec une population trois fois plus petite. Preux et al. [41] dans le
département de Mifi au Cameroun n'avaient observé que 33,5%
d'animistes dans une population générale majoritairement
animiste.
Est- ce l'échec du traitement traditionnel qui
amène les épileptiques à abandonner les religions
traditionnelles?
4-1-4 La profession
Quatre vingt treize (93) malades sur 135 soit 68,9% avaient
une activité génératrice de revenus. Dans leur grande
majorité ils exerçaient des travaux champêtres qui
étaient très souvent interrompues par la répétition
des crises.
Les épileptiques qui bénéficiaient
encore de l'assistance des parents passaient cette période sans
difficultés majeures. Les patients qui vivaient seul avaient beaucoup de
mal à survivre.
Au Cameroun, Dongmo [52] dans une étude en milieu
rural relevait que 58,4 % des épileptiques étaient agriculteurs ;
ce qui concorde avec la proportion d'agriculteurs (59,3%) retrouvée dans
notre étude.
En Mauritanie, Traoré et al. [53] rapportaient dans une
étude que seulement 29, 3 % étaient actifs.
L'épilepsie non prise en charge peut être
qualifiée de maladie invalidante. L'exclusion des épileptiques du
milieu professionnel est classique. Certaines administrations ou entreprises ne
recrutent pas d'épileptiques car l'on pense qu'ils ne pourront pas
fournir un bon rendement. La prise en charge correcte de ces
épileptiques éviterait cette discrimination.
En Equateur, le retentissement le plus important de la
maladie se fait sur l'emploi. La mauvaise opinion de la communauté sur
les capacités intellectuelles et physiques des patients affecte les
patients qui n'ont plus confiance en eux-mêmes. Cette
considération diminue leurs possibilités de développement.
[39].
Danesi au Nigéria [54] constatait que comparativement
à la population générale, les épileptiques ont
souvent un faible revenu. Ils gagnaient moins de 1000 Naira par an. Ils
étaient rarement dans le groupe moyen au supérieur.
4-1-5 Le statut matrimonial des adultes
58,7% des épileptiques adultes étaient
célibataires. La plupart d'entre eux (89,0%) vivaient avec des parents
dont ils avaient souvent besoin de l'assistance en cas de crise.
Le contraire a été décrit par Sehoue [51]
dans une étude réalisée à DJIDJA en 2004, où
60,7% des épileptiques étaient mariés.
Mais d'une manière générale la
littérature fait le même constat que nous ;
ainsi :
En République Centrafricaine seulement 20,9 %
étaient mariés et 79,1%, célibataires [39].
Au Cameroun 73 % des malades étaient
célibataires ; les jeunes femmes épileptiques étaient
souvent « mariées » à des hommes âgés mais
les rites habituels du mariage ne sont pas requis.[41].
Farnarier et al. [33] dans une étude sur les risques
particuliers de l'épilepsie en Afrique constataient que le statut
marital des épileptiques s'avère souvent différent de la
population générale du fait d'une difficulté à se
marier.
Ces épileptiques sont victimes des
considérations sociales erronées sur cette affection. Connaissant
la place qu'a la famille dans nos sociétés africaines, on peut
dire que ces malades sont privés d'un droit essentiel. Le statut marital
des patients reflète la discrimination dont ils font l'objet de la part
de la société.
4-2 Vécu socio-culturel de l'épilepsie
Plusieurs dénominations étaient
utilisées pour désigner cette affection. Cette
dénomination est fonction de l'étiologie, des manifestations ou
des circonstances de survenue de la maladie.
Dans notre cadre d'étude l'épilepsie est
nommée « adigbé » ou «
ayidjèzon » ce qui signifie «la maladie qui fait
tomber ».
En Côte d'Ivoire chez les Baoulés
l'épilepsie est appelée « ngbétié
» qui fait allusion au début soudain de la maladie.
En Mauritanie le terme « iguindi »
signifie toute manifestation clinique incluant les crises convulsives. Ces
multiples dénominations témoignent de la connaissance de la
maladie au sein de la population. Walker [55] dans une étude sur les
nouveaux antiépileptiques dans les PED affirmaient que
l'épilepsie était appelée « maladie de brûlure
»
Dans l'arrondissement de DJIDJA l'épilepsie est
vécue comme une maladie surnaturelle dans la majeure partie de la
population ; elle serait due à la sorcellerie et aux envoûtements.
L'aspect naturel a été aussi évoqué et cela serait
lié à l'hérédité. Pourtant 71,9% des malades
croient en l'étiologie naturelle. Nous avons remarqué que
l'âge de la première crise influençait les croyances quant
à l'origine de la maladie ; ainsi les patients ayant connu la
première crise à la puberté ou à l'âge adulte
pensaient tous être victime d'un envoûtement. Mais on est aussi en
droit de se demander si certains épileptiques n'ont pas choisi
l'étiologie naturelle parce qu'ils avaient en face d'eux des
médecins dont ils connaissaient l'opinion sur la question.
Une étude menée par Avodé et al [56]
pour apprécier les facteurs socioculturels qui influencent le processus
de prise en charge des malades épileptiques s'est déroulée
dans le Sud du Bénin. Les résultats sont similaires à ceux
obtenus dans notre étude. Ainsi, une interprétation
erronée de l'affection a été retrouvée portant sur
ses étiologies. Certains facteurs favorisaient la survenue de
l'affection tels que l'huile de palme, les sauces gluantes, la transgression
des interdits et l'apparition d'une nouvelle lune. La contagiosité,
l'envoûtement, l'empoisonnement et l'incurabilité de l'affection
ont été notés.
Traore en Mauritanie [53] notait que les causes alimentaires
tels que l'excès d'aliments épicés, trop salés, la
viande etc... ont été évoquées. Cet aspect n'a pas
été ressorti ni de la part épileptiques ni de la part des
tradipraticiens dans notre étude. Ces derniers soulignaient que ces
aliments associés à l'huile rouge, le haricot rouge et les sauces
gluantes diminuaient l'efficacité de leur thérapie d'où
leurs interdictions.
Milleto [57] notait une conception familiale chez les Dogons
qui croyaient à la transmission familiale de l'épilepsie «
comme un souvenir ...c'est la lignée qui souffrait mais de quoi ?, des
fautes des parents ?, des tabous violés ?, d'une sanction surnaturelle ?
».
Andrianseheno [50] faisait le même constat dans son
étude sur les aspects socio-culutrels de l'épilepsie chez le
Malgache. L'aspect surnaturel évoque l'action des esprits
maléfiques, la transgression de tabou ; l'aspect naturel est dû
aux carences diverses dans l'alimentation, aux vers intestinaux et autres.
Jaffré et al. et al [58] dans une étude
anthropologique sur l'épilepsie au Mali rapportaient que ce sont «
les esprits de la brousse» qui donneraient la maladie à ceux qui ne
connaissaient pas les rituels protecteurs ni l'origine divine de la maladie ;
ou qui transgressaient des interdits culturels (alimentaires, sexuels). Les
stigmates physiques de la maladie acquis lors de chutes pendant la crise,
telles les brûlures, les cicatrices et traces de fractures étaient
parfois considérées comme des signes d'incurabilité.
Millogo [40] dans son étude à Bobo-Dioulasso
rapportaient que l'épilepsie était due aux facteurs
héréditaires (40 %), aux aliments (20 %) et aux esprits (16
%).
Ainsi les étiologies de l'épilepsie sont multiples
et dépendent des croyances dans chaque pays et dans chaque ethnie.
Danesi et Shorvon et al [47, 54] ont noté que dans les
PED ce sont plutôt les comportements hostiles du personnel de
santé, la négligence de la composante psychologique,
l'incompétence technique, l'absence d'assurance sociale et de politique
médicamenteuse adaptée au statut économique qui poussent
la population à recourir aux guérisseurs.
Tous les épileptiques ont reconnu leur maladie et
accepté cette dernière comme partie intégrante de leur
existence. Le même constat a été fait par Alison et al [59]
en milieu rural en Afrique du Sud. Danesi [38] dans son étude au
Nigéria rapportait que 35,9 % de ses patients n'acceptaient pas leur
maladie.
La contagiosité était affirmée par deux
tradipraticiens dans notre étude. Elle peut se faire à partir de
la salive, de l'urine, du sang ou du sperme du malade.
Millogo et al. [40] au cours d'une étude sur
l'épilepsie et la médecine traditionnelle rapportaient que la
contagiosité par les chats, les lézards et le sang de ses animaux
a été évoquée chez les tradipraticiens au Burkina
Faso. Au niveau de la population, il y a une acceptation des
épileptiques. Les femmes se voyaient interdire l'accomplissement de
leurs tâches ménagères comme la cuisine ou autres. Les
malades souffrent de cette marginalisation. Ils ont honte de leur maladie et se
sentent diminués. Ils cachent alors leur diagnostic aux autres et le
remettent en question.
Les relations interpersonnelles avec les épileptiques
étaient de deux ordres ; d'une part l'acceptation et d'autre part le
rejet. Danesi et al.[38] notait dans son étude que 74% de son
échantillon avaient de bonnes relations interpersonnelles contre 25%
ayant de mauvaises relations interpersonnelles. Le rejet des
épileptiques n'était pas permanent. Ils étaient
acceptés lorsqu'il y a une rémission des crises. Le même
constat a été fait par Coleman et al [60] dans une étude
en Gambie.
Danesi [38] au Nigéria affirmait que la discrimination
et la non insertion professionnelle sont les inconvénients majeurs qui
développent et entretiennent le « complexe » de
l'épileptique. La majorité des épileptiques estimait
qu'ils n'étaient pas des handicapés et avaient la même
intelligence, la même ambition et les mêmes possibilités
d'éducation que les gens sans épilepsie.
4-3 Etude de la prise en charge
4-3-1 Consultation initiale
La majorité des épileptiques identifiés
se prenaient en charge dès les premières crises. Cette attitude
témoigne de l'importance qu'attache la famille pour la guérison
du malade. 55,3 % des patients avaient consulté un
tradipraticien. Ce comportement découle des
représentations socio culturelles de cette affection dans nos
sociétés africaines.
Le traitement des épilepsies en Afrique subsaharienne est
étroitement lié à la représentation socio
culturelle de cette pathologie [39].
L'interprétation de l'épilepsie comme manifestation
surnaturelle ne peut autoriser d'emblée des méthodes
médicales occidentales selon Danesi et al. [38].
4-3-2 Traitement des épileptiques
4-3-2-1 Comparaison entre les différents types de
traitements dans quelques
pays
Dans notre étude le traitement initial était
traditionnel dans 55,3% des cas contre 3 8,8% pour le traitement moderne. Le
traitement mixte connaît une croissance car absent au début du
traitement il n'apparaît qu'en cas d'échec. C'est le cas de la
thérapeutique par les prières exclusivement qui passe de 3,0%
lors des premières crises à 10,6% des traitements en cours au
moment de l'étude du fait de l'échec du traitement initial.
Une étude menée dans le département de la
Donga au Bénin notait que 61,8 % des patients étaient sous
traitement traditionnel ; 2 9,4% étaient à la fois sous
traitement traditionnel et moderne et 8,8% étaient sans traitement.
Aucun des patients n'était sous traitement moderne uniquement. [61]
En République Centrafricaine, 3 5,8% des
épileptiques prenaient un traitement moderne, 28,3% un traitement
traditionnel et 11,2% étaient sous traitement mixte d'après Preux
et al [39].
Dans le Mifi au Cameroun selon le même auteur, 58% des
épileptiques ont demandé le traitement médical seul
[41]
Coleman et al. [60] dans une étude
réalisée en milieu rural en Gambie notaient que tous les patients
avaient utilisé un traitement traditionnel ; parmi les 69 patients qui
ont une épilepsie active 42 soit 61% ont souhaité recevoir un
traitement médical.
Preux et Tienmagni [41] dans une étude
réalisée en milieu semi urbain au Cameroun rapportaient que la
consultation traditionnelle occupait 91%.
Dongmo et al. [52] ont eu des résultats similaires
dans leurs études en milieu rural camerounais (localité de
Mbangassina), affirmaient que seulement 25,6% des patients ont eu recours
à la médecine traditionnelle.
Andriantseheno et al [50] à Antananarivo ont
trouvé un résultat contraire aux résultats ci-dessus.
66,2% des patients consultaient chez le médecin et 26,2% allaient chez
le tradipraticien ou le religieux. Cette prise de conscience de la part des
épileptiques devra être utilisée pour entreprendre des
démarches dans le cadre de la promotion des médicaments
antiépileptiques.
4-3-2-2 Comparaison entre les traitements traditionnels
dans certains pays
a) Les moyens
Dans notre étude le traitement traditionnel consistait
en l'administration de potions à base de plantes et d'épices, des
interdits alimentaires associés à des sacrifices et à la
« désinfection » du lieu de la crise par le feu. Ce traitement
variait d'un tradipraticien à un autre. Le chef religieux utilisait
exclusivement les prières.
Le recours au traitement traditionnel se retrouve en bonne
place dans l'arsenal thérapeutique contre l'épilepsie [38]. Ce
traitement est corrélé aux diverses croyances de la maladie dans
chaque région.
Les résultats de Millogo et al [40] au Burkina Faso
concernant le traitement traditionnel étaient similaires à ceux
obtenus dans notre étude. Cette thérapie traditionnelle
était fondée sur la tisane, les racines, des infusions, les
bains, les incantations, la « purification » du lieu de la crise par
le feu. Les plantes utilisées étaient disponibles selon les
tradipraticiens.
Selon Preux et al [41] dans le département de Mifi au
Cameroun certains patients qui ont consulté les tradipraticiens avaient
des poudres végétales
mélangées à de l'huile à avaler
ou des potions. Certains patients avouaient inhaler de la fumée obtenue
à partir d'un mélange de plantes. Il a été
demandé à une femme de boire un liquide obtenu par filtration de
l'eau qui avait servi à son bain. Cette eau de bain était obtenue
à partir des plantes macérées. Rarement des scarifications
sur l'abdomen ont été effectuées. Cette thérapie
était toujours accompagnée d'interdits alimentaires comme l'oeuf,
la patate douce, la cannes à sucre et la viande.
Selon les tradipraticiens dans l'étude de Nkwi et
Ndonko [62] chez les bamilékés au Cameroun, ces aliments
risqueraient d'augmenter la sécrétion de la bave chez le patient
et donc de favoriser la survenue de la crise. Les tradipraticiens pensaient que
leur thérapie était la meilleure façon de guérir
cette maladie. Aucun de ces tradipraticiens ne pouvait suggérer une
formule exacte du traitement.
D'après Preux et al [41] au Cameroun les
médecins affirmaient que l'effet placebo des thérapies
traditionnelles pouvait avoir un bénéfice surtout dans une
société où il y a une croyance surnaturelle de la
maladie.
Traoré [53] dans une enquête menée en
Mauritanie rapportait que 77,3 % de patients ont recours au traitement. Ces
tradipraticiens faisaient des incantations des versets du Coran.
Dans notre étude, la moitié des tradipraticiens
hospitalisaient les malades pendant une durée d'un mois à deux
ans.
Les études de Millogo et al [40] rapportaient que
65,7% des guérisseurs croyaient qu'un patient épileptique doit
être isolé d'une manière ou d'une autre ; 20,8 % pensaient
qu'ils pouvaient être intégrés à la
société et avoir l'opportunité de prendre des
décisions. Cette conduite remédie à l'isolement dont fait
l'objet l'épileptique et pourra améliorer son état
clinique.
Ce traitement suscite quelques interrogations quant à
la composition précise des tisanes, le dosage des différents
principes actifs. Les patients ne sont- ils pas exposés à un
risque de toxicité pouvant conduire plus tard à une
insuffisance rénale ? Certaines méthodes
traditionnelles doivent être évitées car elles sont sources
de dommage corporel. Elles portent atteinte à l'intégrité
de l'individu (scarifications) ; elles sont sources de malnutrition chronique
et de la toxicité de l'organisme par les tisanes. Ce traitement
traditionnel mérite pourtant une attention particulière car
pouvant contenir des propriétés anticonvulsivantes. Une
collaboration s'impose avec les tradipraticiens en vue de déterminer la
composition exacte des produits traditionnels.
b) Le Coût et l'efficacité
Le coût du traitement était très variable
en fonction des villages et des saisons. Le mode de règlement des frais
du traitement était le plus souvent en nature mais un acompte en
espèce était toujours demandé. Le prix des produits
exigés variait d'un village à un autre et d'une saison à
une autre. L'estimation du coût du traitement variait entre trente mille
(30.000) et deux cent mille francs CFA (200.000 FCFA).
Preux et al [42] rapportaient dans une étude au
Cameroun que le coût du traitement variait de cent mille (100.000)
à cent vingt mille (120.000) francs CFA. Seulement 30 % des patients ont
révélé que le coût était trop
élevé. 24 % de ces patients recommandaient simultanément
la thérapie traditionnelle et moderne. Certains tradipraticiens
proposaient aux patientes célibataires qui ne pouvaient honorer leurs
dettes d'annuler cette dernière en les épousant.
Le résultat de l'étude de Millogo et al. [40]
à Bobo Dioulasso notait que le paiement pouvait se faire en nature ou en
espèce. En espèce, le prix variait de vingt deux mille à
cinquante mille (22.000 à 50 000) francs CFA. En nature le malade peut
offrir à volonté un poulet à mille (1000) francs CFA, ou
un mouton à quinze mille (15 000) francs CFA ou une chèvre
à dix mille (10 000) francs CFA.
Les patients ont consulté plusieurs tradipraticiens.
Le coût global de ce traitement ne pouvait être chiffré car
les dépenses étaient énormes. Les tradipraticiens
reconnaissaient la cherté de leur thérapie.
Très peu de malades étaient satisfaits de leur
traitement traditionnel ce qui justifiait son abandon à court et moyen
terme.
4-3-2-3 Traitement par les médicaments
antiépileptiques
a) Les moyens
Le phénobarbital, découvert en 1920 a
révolutionné le traitement de l'épilepsie. Aujourd'hui
plus d'une vingtaine d'antiépileptiques existe mais d'accès
difficile dans les PED. Une étude effectuée dans 35 PED par la
commission des médicaments antiépileptiques [63] de la Ligue
Internationale Contre l'Epilepsie a conclu que la distribution et la
disponibilité des médicaments antiépileptiques courants
n'étaient pas homogènes sur le marché. Les
considérations socio-culturelles expliquent l'effectif réduit des
épileptiques qui avaient fait la consultation médicale dans cette
étude. Ce sont les échecs répétés
auprès de plusieurs tradipraticiens qui amenaient les malades à
consulter un personnel médical.
Le phénobarbital est pour l'OMS
l'antiépileptique de choix dans les PED [64] ; tous les patients de
notre étude bénéficiant d'un traitement moderne
étaient sous phénobarbital. Cette population n'avait pas
accès aux autres antiépileptiques.
Preux et al [41] au Cameroun rapportaient que le
phénobarbital 100mg était le plus utilisé.
Selon Diop et al [65] dans une étude sur la
filière des soins antiépileptiques en Afrique notaient que le
phénobarbital était prescrit dans 57 à 85 % en Afrique
intertropicale.
Mani et al [66] en milieu rural indien notait que 50 % des
épileptiques était sous phénobarbital.
Shorwon et Farmer [47] dans une étude sur
l'épilepsie dans les PED affirmaient que le choix des
antiépileptiques disponibles était sévèrement
limité.
Dumas affirmait : « boire une eau impure ou non potable
peut entraîner la mort, ne pas la boire du tout lorsqu'elle est la seule
disponible entraîne obligatoirement la mort » [12]. Mais la place
prépondérante donnée au phénobarbital dans la
pratique médicale africaine doit être discutée car de
l'avis de plusieurs commissions de l'ILAE, la situation du phénobarbital
semble conditionnée par des facteurs économiques plutôt que
par son efficacité et sa pertinence [63]
Dans d'autres pays comme le Zimbabwe, l'Inde et le Mali, la
phénytoïne était le plus prescrit [67]. Le
phénobarbital restait le médicament le plus souvent disponible,
le plus présent car le moins cher [63]. Selon Traoré [53] en
Mauritanie, tous les épileptiques avaient bénéficié
d'un traitement de première intention à base du
phénobarbital suivi d'autres médicaments comme la
carbamazépine, l'acide valproïque et la phénytoïne.
Dans notre étude ces derniers étaient prescrits seulement dans le
centre confessionnel de DAVOUGON.
Les patients de notre étude n'avaient pas un suivi
régulier ; ils ne revenaient pas au contrôle clinique qui pourtant
était systématiquement prévu par le personnel soignant. La
rémission passagère et le manque de moyens financiers
justifiaient quelque fois l'abandon du traitement. C'est la survenue des crises
qui motivait une nouvelle consultation Le déficit thérapeutique
entre les PED et les PI ne pourra être comblé que si l'on
s'attaque au problème de pauvreté et des inégalités
de revenus au niveau local, national et mondial.
b) Le coût et l'efficacité
Le phénobarbital 50 mg était le moins cher dans
la zone d'étude, vendu entre cinq (5) et six (6) francs CFA le
comprimé, contre dix (10) francs CFA selon Preux et al au Cameroun [41].
On remarque dans notre étude que la phenytoïne très peu
prescrit par les soignants et inexistant de la quasi totalité des
structures d'approvisionnement coûte pratiquement le même prix que
le phénobarbital.
Certains patients observaient une rémission
passagère des crises, mais d'autres constataient la persistance de ces
dernières malgré une prise régulière des
médicaments. Dans le département de Mifi au Cameroun, 72 % des
patients affirmaient l'efficacité des antiépileptiques [41].
Danesi [38] rapportait dans une étude au Nigéria
que 62,2 % des épileptiques étaient satisfaits du traitement
moderne.
Kaiser et al [68] dans une étude sur le traitement
antiépileptique en milieu rural africain a noté une
rémission progressive. Les pharmaco résistances observées
devaient conduire à un changement d'antiépileptique ce qui ne
pouvait avoir lieu à cause de l'indisponibilité des
antiépileptiques.
4-3-3 Etude dans les structures pharmaceutiques
Les mauvaises conditions de stockage des
antiépileptiques pouvaient être à la base de la destruction
du principe actif de ces médicaments. Cet état de chose conduit
à l'inefficacité du traitement chez certains épileptiques.
Il est important de sensibiliser les responsables des structures
d'approvisionnement sur les conditions de conservation des
médicaments.
Le manque de répartiteur de médicaments dans la
zone d'étude explique les ruptures de stock observées. Les
employés des structures parcouraient de longues distances avant de
s'approvisionner. Il faudra alors une décentralisation des centres
d'approvisionnement en médicaments antiépileptiques. Le nombre de
boîtes en stock était plus élevé dans le centre
confessionnel de
DAVOUGON ; malgré cela, des ruptures de stock y
étaient constatées. Cette structure pharmaceutique aidait les
plus démunis et parfois les médicaments étaient
donnés gratuitement.
D'après l'étude de Preux et al [41] au Cameroun
les pharmacies s'approvisionnaient par quinzaine et tous les principes actifs
antépileptiques étaient présents sauf le vigabatrin et le
progabide. Les malades se procuraient les médicaments
antiépileptiques auprès des vendeurs ambulants ce qui
n'était pas le cas dans notre cadre d'étude.
4-3-4 Facteurs limitant l'accessibilité aux
antiépileptiques
4-3-4-1 Aspects socio-culturels
Les différentes considérations
socio-culturelles liées à cette maladie constituent un obstacle
majeur à un traitement médical adéquat. Les
épileptiques sont marginalisés et privés de certains
droits. Certains parents cachaient leur enfant épileptique.
Néanmoins certains épileptiques étaient bien
intégrés dans la société et n'étaient mis en
quarantaine qu'en cas de crise. Le même constat a été fait
par Danesi et al [38] dans une étude au Nigeria où 38% des
parents cachaient leur enfant épileptique.
4-3-4-2 Aspects socio- économiques
Le bas niveau socio-économique de la zone
d'étude fait que même le phénobarbital n'était pas
souvent accessible ; cet état de fait se retrouve aussi dans
l'étude de Kshiragar [69] qui évaluait entre 20 et 30 dollars US
le coût de l'approvisionnement annuel d'un épileptique en
phénobarbital ce qui le rendait du coup inaccessible à des
populations dont le revenu moyen annuel était estimé à 110
dollars US.
4-3-4-3 Autres aspects
Les difficultés d'accès aux centres de
santé du fait de l'éloignement des hameaux et de l'état
des pistes ont une part importante dans la non compliance des
antiépileptiques. La majorité des épileptiques
parcouraient plusieurs kilomètres à pied ou à bicyclette
avant de s'approvisionner en médicaments antiépileptiques. Thomas
et al [70] en milieu rural indien rapportaient qu'une distance d'environ 82 km
séparait les lieux de résidences des malades et les structures de
santé. Les voies étaient impraticables surtouts en saison
pluvieuse et constituaient aussi un obstacle à une prise en charge
efficace et régulière de leur affection.
La négligence de la composante psychologique par le
personnel médical, l'absence d'assurance sociale et de politique
médicamenteuse adaptée au statut économique sont les
différents éléments qui amènent les malades
à recourir aux tradipraticiens.
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