Chapitre I
Approche HACCP et normes de
qualité des produites
halieutiques
I. Approche HACCP et normes de qualité des
produites halieutiques
I.1. Introduction
L'approche « d'analyse de dangers-maîtrise des
points critiques» encore appelée HACCP «hazard analysise
critical control point », est souvent adoptée par les
opérateurs économiques comme programme d'auto-contrôle des
produits de la pêche.
L'article 6 de la directive 91/493/CEE stipule clairement la
nécessité d'effectuer des autocontrôle et dont les
modalités d'application ont fait l'objet de la décision 94/356/CE
du 20 mai 1994, prise par la Commission des Communautés
Européennes. Cette décision propose un modèle de
démarche pour uniformiser l'application de l'article 6.
Bien avant, le Canada, a initié depuis 1987, son
propre programme baptisé PGQ (Programme de la Gestion de la
Qualité) qui est devenu par la suite une démarche obligatoire
depuis février 1992.
Aux USA, les mêmes démarches ont
été adoptées. Une approche MSSP (Model Seafood
Surveillance Program) élaborée en 1987, est devenue obligatoire
en 1995 (Manuel d'inspection, MAMA, DHDAOA, Août
1994). L'approche `ADMPC' est aussi adoptée et recommandée
par l'Organisation Mondiale de la Santé « OMS »
(WHO/FNU/FOS/93.3).
Au Maroc, dès les années 90, les
autorités gouvernementales ont exigé la mise en oeuvre de
programmes d'auto-contrôle basés sur le concept ADMPC pour mettre
en conformité le secteur de la pêche avec la réglementation
internationale en l'occurrence avec ses principaux partenaires dans ce
domaine.
I.2. Approche HACCP
Rappelons que l'approche systématique `HACCP' est un model
qui permet :
· l'identification des dangers associés à
la production, transformation et distribution d'un produit, ainsi qu'à
l'évaluation de leur sévérité et probabilité
de manifestation.
· l'identification des moyens nécessaires pour la
maîtrise de ces dangers.
· l'assurance que les moyens de maîtrise sont mis
en oeuvre de façon efficace.
Selon cette démarche HACCP, la réception de la
matière première est un point critique majeur de la chaîne
de reproduction. Des séries de contrôles seront faites afin de
refuser ou accepter cette matière. Parmi ces contrôles, on
cite:
1. l'analyse sensorielle.
2. la mesure de pH.
3. l'évaluation de l'azote basique volatile.
4. l'évaluation du taux d'histamine.
5. l'évaluation de taux de SO2 dans les crevettes.
6. l'analyse bactériologique.
Il est très important de signaler ici que, les
contrôles n° 1 et 3 sont des critères déterminants
pour l'appréciation du degré de fraîcheur du poisson frais
à la réception (Rachidi, 1998).
I.3. Méthodes usuelles de dosage et normes de
Qualité des produits de pêche
Dans le domaine d'agroalimentaire, les produits de la
pêche font l'objet de contrôles officiels au moment du
débarquement, ou avant la première vente. Pour ce faire, des
réglementations sont établies par des Commissions
spécialisées (ex. commission de la communauté de l'union
européenne, Commission de la pêche au Canada, ...etc) pour
définir les limites ou normes d'acceptabilité ou refus de la
marchandise au niveau de chaque contrôle. Ces normes s'expriment via des
paramètres observables et / ou mesurables.
II.3.1. ABVT :
Les amines volatiles sont principalement constituées
par l'ammoniac (NH3), la dimèthylamine [DMA = (CH3)2NH], la
triméthylamine [TMA = (CH3)3N]. Ces molécules sont souvent
regroupées selon le nom de bases azotiques volatiles totales.
Pour la quantification de ces substances, il existe plusieurs
méthodes de dosage: certaines de ces méthodes permettent la
mesure de l'ABVT d'une manière absolue (proportion de chacune des amines
volatiles), d'autres méthodes conduisent uniquement à une
appréciation globale généralisée. Le principe de
base des techniques couramment utilisées dans ce domaine, est
décrit ci-dessous :
·Méthode de distillation d'un extrait
déprotéinisé par l'acide perchlorique :
C''est la méthode de référence retenue
par l'union européenne (règlement CE n° 2074/2005). La
première étape est une déprotéinisation de
l'échantillon par l'acide perchlorique (HClO4). En suite on
procède à la distillation de l'ABVT à la vapeur, suivie de
sa neutralisation par l'acide chlorhydrique (HCl). La description de cette
méthode sera présentée avec plus de détail dans le
chapitre suivant.
· Méthode de micro-diffusion de
Conway :
Cette méthode utilise une cellule appelée
« cellule de Conway» constituée de deux compartiments
(interne et externe) équipés d'un couvercle qui en assure
l'étanchéité. L'action alcalinisante de K2CO3
sur l'échantillon, placé dans le compartiment externe,
libère la triméthylamine et composés azotés
apparentés qui se volatilisent et diffusent dans une solution d'acide
borique placée dans le compartiment interne. Les sels ainsi
formés sont ensuite réduits en chlorures par l'acide
chlorhydrique (HCl) pendant le titrage.
· Méthode de distillation directe
décrite par Antonacopoulos :
Il s'agit d'une distillation directe d'un échantillon
à analyser et non plus un extrait acide de cet échantillon
(Antonacopoulos et al, 1968).
L'azote basique volatil contenu dans l'échantillon
homogénéisé est libéré par addition d'un
composé basique : l'oxyde de magnésium (MgO). Ce mélange
est distillé à la vapeur d'eau dans l'appareil d'Antonacopoulos,
suivie d'une neutralisation du distillat à l'acide sulfurique
(H2SO4).
· Méthode de distillation d'un extrait
déprotéinisé par l'acide trichloracétique
:
Elaborée depuis 1968, par la comité du
«Codex Alimentarius » pour les poissons et produits de la
pêche, cette méthode fut la première utilisée avant
qu'elle soit modifie par la Commission de l'Union Européenne : l'acide
trichloracétique (CCl3CO2H) est tout simplement remplacé par
l'acide perchlorique (HClO4).
La décision de la commission du 8 mars 1995 (95/149/CE)
fixant les valeurs limites en azote basique volatil total pour certaines
catégories de produits de la pêche et les méthodes
d'analyse à utiliser, définie clairement les valeurs normes de
ces analyses.
D'une manière générale, l'état de
fraîcheur des poissons frais, congelés ou surgelés est
satisfaisant lorsque la teneur en ABVT est inférieure à 25-30
mg/100g chair.
Tableau 1 : Concentrations limites en
mg pour 100g de poisson relatives à l'ABVT.
(Décision Européenne 95/149/CE)
Catégories de produit de mer
|
Limites
|
bonne qualité
|
qualité commerciale courante
|
qualité médiocre
|
taux limite
|
conserves ou semi-conserves de poisson (sardines, sardinelles,
maquereaux).
|
< 50
|
50 à 60
|
60 à 70
|
> 70
|
crustacés frais ou en conserves.
|
< 30
|
30 à 40
|
40 à 60
|
> 80
|
II.3.2. La teneur en histamine:
L'histamine est une amine biogène provenant de la
dégradation de l'histidine par décarboxylation. Elle est
très toxique. Sa présence à des teneurs
élevées dans les produits halieutiques est susceptibles de
provoquer des problèmes sanitaires graves (intoxication, allergies,
troubles respiratoires, vomissements, diarrhées, etc.) (Rabani A.
2008).
Nombreuses sont les insuffisances observées dans les
méthodes actuelles (instabilité, interférences, longue
durée et coût très élevé) de dosage de
l'histamine dans les produits alimentaires (produits halieutiques et
dérivés, fromages, etc.) (FDA, 2000 ; Branowky JD, 1990 ; Summer
SS, 1990 ; Frank HA, 1984) et les liquides physiologiques (sang, plasma, urine,
larmes, etc.) (FDA, 2000 ; Imanara I, 1984). Le dosage de ce paramètre
représente un enjeu sanitaire et économique très
important.
(Lerke PA, 1978 ; Arnold SH, 1978). Depuis sa découverte,
diverses méthodes ont été utilisées pour son dosage
dans différentes matrices:
(i) Les méthodes de séparation
chromatographiques (CCM, CPG et CLHP) (Schutz, 1976 ; Lieber, 1978 ; Yen, 1991
; Rogers, 2000) sont largement utilisées car elles sont bon
marché et permettent de nombreuses analyses. Toutefois, elles sont
semi-quantitatives et présentent une mauvaise résolution car le
temps de rétention de l'histamine et de plusieurs autres amines sont
souvent similaires. Ce qui conduit à un déplacement quasi
identique pour l'histamine et ces dernières (Lieber, 1978).
(ii) Bien qu'elles soient qualitatives, les méthodes
enzymatiques et biologiques sont très lourdes à réaliser,
puisque d'une part, elles exigent très souvent deux extractions à
l'acide perchlorique et un temps d'incubation trop long (en moyenne 2 heures)
(Lopez-Sabater et al., 1993). D'autre part, elles exigent des enzymes qui ne
sont pas généralement disponibles sur le marché (Ohashi et
al., 1994).
(iii) Des remarques similaires restent valables pour les
techniques spectroscopiques ou spectrophotométriques (UV-Visible et IR)
qui sont moins performantes. Outre les problèmes d'interférences
dues souvent à un recouvrement des bandes spectrales de l'histamine avec
celles des autres amines et acides aminés du milieu (Douabalé et
al., 2003), leurs limites de détection sont de l'ordre du ppm
(Douabalé et al, 2003).
(iv) Malgré les mérites reconnus aux
méthodes basées sur la fluorescence (meilleure efficacité
et limites de détection de l'ordre du ng/ ml (Rogers et al., 1997, 2000
; Douabalé et al., 2003)) ; de nombreuses insuffisances liées aux
interférences et à la stabilité du signal du fluorophore,
sont décriées (AOCA, 1995). Enfin, la méthode AOCA
«Association Officielle des Chimistes Analystes, méthode 977,13
» reste de loin la méthode de référence pour
l'homologation de toute nouvelle autre méthode (Douabalé et al,
2003). C'est une méthode qui est basée sur une détection
fluorimétrique de l'histamine en formant en milieu basique un
dérivé fluorescent Histamine-orthophthalaldéhyde
(His-OPA).
Du fait de l'instabilité du dérivé
formé en milieu basique, on procède à l'acidification du
milieu. Le signal de fluorescence du dérivé His-OPA est donc
très sensible à la variation du pH, une infime variation de ce
dernier conduira à des résultats très différents
(Douabalé et
al., 2003, AOCA, 1995). Il est bien établi que
après l'étape d'acidification, la stabilisation du fluorophore
nécessite environ 25 min avant toute mesure du signal de fluorescence
(Douabalé et al., 2003). Ce temps ajouté aux durées de
préparation des solutions étalons et de la réalisation de
la courbe de calibration font que cette méthode prend une durée
considérable.
D'où la nécessité de chercher une
nouvelle méthode qui serait absolue, un agent dérivatisant qui
réagi instantanément avec les amines primaires :
c'était notre objectif au début de ce travail.
Sur le plan production et mise sur la marché des
produits de la mer, la réglementation établie par la commission
(règlement communautaire CE n° 2073/2005) fixe les règles
sanitaires régissant ces procédures de surveillance. En effet,
lors d'un plan de surveillance, neuf échantillons sont
prélevés sur chaque lot:
> La teneur moyenne ne doit pas dépasser 100 mg/kg de
chair de poisson ; > Deux échantillons peuvent dépasser 100
mg/kg sans atteindre 200 mg/kg; > Aucun échantillon ne doit
dépasser 200 mg/kg.
Ces limites s'appliquent seulement aux poissons des familles
suivantes :
> Scombridés : maquereaux, thons, thonites, auxides,
bonites, palomettes,... ;
> Clupéidés : harengs, ethmaloses, chardines,
sardines, sardinelles, sardinops,..... ; > Engraulidés : anchois ;
> Coryphaenidés : coryphènes.
Selon la Directive 91/493/CEE et norme de matière
première suivant l'auto-contrôle HACCP, la limite de la teneur en
histamine pour les poissons frais, quelque soit le type ne doit pas
dépasser 50 mg/kg.
II.3.3. Le taux de bisulfites :
Au Maroc, La pêche des crevettes représente
environ 89,77% du total des crustacés débarqués par les
chalutiers côtiers aux différents ports nationaux. Une bonne
partie (13%) de ces crustacés est destinée à l'exportation
à l'état frais (ElMarrakchi et Laghmari, 2005). Les modifications
de la qualité des crevettes entreposées sous glace ont fait
l'objet de plusieurs travaux et ont montré son extrême
altérabilité qui dépend principalement des
conditions de stockage et de la nature de la flore
d'altération, elle-même dépendant du lieu de capture
(Chinivasagam et al, 1996, 1998 ; Yamagata et al, 1995).
Les crevettes sont donc confrontées aux
problèmes de leur extrême fragilité qui se traduit par le
phénomène du noircissement. Pour améliorer la
qualité « commerciale » des crevettes, les professionnels ont
recours souvent au glaçage associé à l'utilisation des
sulfites comme conservateur pour retarder l'apparition du noircissement
(Susamma et al, 1998) parfois sans connaissance des limites
réglementaires à cette matière qui
généralement, ne s'applique pas de façon appropriée
à bord. Cet usage anarchique de ce produit, conduit sans doute à
son augmentation qui dépasse souvent la limite permise.
Le dioxyde de soufre (SO2) rencontré lors de la
sulfitation peut entraîner des problèmes de santé,
notamment des complications cardiaques chez les personnes asthmatiques (Taylor
et al., 1986). De même, une sulfitation excessive est parfois
appliquée aux crustacés pour cacher des défauts
d'altération d'origine microbienne. Il faut toutefois noter que si les
conditions de bonne pratique de fabrication sont respectées lors de la
sulfitation, les taux toxiques de SO2 ne sont jamais atteints.
Un des objectifs fixés dans notre présent
travail, est d'évaluer le taux de SO2 dans les crevettes marocaines
déjà distribuées dans le marché pour voir si les
méthodes de traitement sont appliquées d'une manière
contrôlée.
La méthode de référence pour le dosage de
SO2 dans plusieurs pays est la méthode de Monier-Williams
modifieé. Plusieurs pays ont adopté des normes limites concernant
les résidus de SO2 dans les crevettes. Selon la Directive 91/493/CEE
concernant les additifs dans les crevettes on a les limites de tolérance
consignées dans le tableau ci dessous :
Tableau 2 : Seuils de
tolérance
Produit de la mer
|
Seuils de tolérance en
mg/kg
|
Crustacés frais, congelés et surgelés
|
150
|
Moins de 80 unités
|
150
|
Entre 80 et 120 unités
|
200
|
Plus de 120 unités
|
300
|
Cuite
|
50
|
|