A. Le plan d'aménagement : un outil de gestion
durable
L'exploitation d'une forêt communale se fait sur la
base de son plan d'aménagement et sous la supervision de
l'administration chargée de la forêt. L'aménagement d'une
forêt permanente se définit comme étant « la mise en
oeuvre, sur la base d'objectifs et d'un plan arrêté au
préalable, d'un certain nombre d'activités et d'investissements,
en vue de la production soutenue de produits forestiers et de services, sans
porter atteinte à la valeur intrinsèque, ni compromettre la
productivité future de ladite forêt, et sans susciter d'effets
indésirables sur l'environnement physique et social.86 »
Le plan d'aménagement87 s'inscrit dans le temps et dans
l'espace. D'abord dans le temps, à travers la détermination au
début de chaque exercice budgétaire de la possibilité
annuelle de coupe de l'ensemble des forêts domaniales, et ensuite dans
l'espace, de par les UFA qui sont des divisions de base du domaine forestier
permanent. Le plan d'aménagement est composé de plusieurs
rubriques : la description du milieu naturel de la concession forestière
; les données cartographiques ;
82Entretien avec le maire de la commune de Moloundou,
du 26 juin 2009.
83 Guy Merlin Nguenang, Quentin Delvienne, Vincent
Beligne, Marie Mbolo, « La gestion décentralisée des
ressources forestières au Cameroun : les forêts communales
après les forêts communautaires. », In
CEFDHAC, Libreville 20-27 novembre 2007, p 3.
84 Article 52 de la loi n°94/01 du 20 janvier
1994 portant des forêts, de la faune et de la pêche.
85 Décret n° 2005/0577/PM du 23
février 2005 fixant les modalités de réalisation des
études d'impact environnemental.
86 Article 23 de la loi n°94/01 du 20 janvier
1994 portant des forêts, de la faune et de la pêche.
87 Le plan d'aménagement est un document
dont l'objectif principal est la fixation de l'activité d'exploitation
forestière sur les massifs permanents (forêt communale,
forêt domaniale), par une programmation dans l'espace, dans le temps des
coupes et des travaux sylvicoles, visant à une récolte
équilibrée et soutenue.
![](Gestion-decentralisee-des-forts-au-Cameroun-cas-de-la-fort-communale-de-Moloundou64.png)
l'inventaire forestier d'aménagement ; l'affectation des
terres et droits d'usage et le calcul de la possibilité
forestière.
![](Gestion-decentralisee-des-forts-au-Cameroun-cas-de-la-fort-communale-de-Moloundou65.png)
La description du milieu naturel de la concession
forestière
La description du milieu naturel de la concession
forestière décrit les caractères biophysiques,
l'environnement socioéconomique et l'histoire de la forêt sur la
base d'études appropriées.
Le plan d'affectation des terres du Cameroun méridional a
défini deux domaines forestiers :
Un domaine forestier non permanent ou à vocation
multiple : c'est le domaine d'activités des populations rurales. C'est
aussi la zone d'attribution des forêts communautaires et de certaines
ventes de coupes ;
Un domaine forestier permanent constitué des aires
protégées et des réserves forestières
concédées ou non, ainsi que des forêts communales. Le
massif forestier communal de Moloudou fait partie du domaine forestier
permanent, et plus particulièrement du vaste ensemble de la forêt
domaniale de production. Elle a une superficie de 42 612 ha. C'est une
forêt naturelle se trouvant dans la zone de forêt semi
décidue. Les familles botaniques dominantes sont les suivantes :
· Les Papillonnacées : Assamela, Padouk rouge ;
· Les Césalpiniacées : Doussié rouge
(Afzelia bipindensis) et Doussié blanc (Afzelia pachyloba)
;
· Les Combrétacées : Fraké
(Terminalia superba) ;
· Les Méliacées : Sapelli
(Entendrophragma cylindricum), Kossipo (Entendrophragma
candolei), Sipo (Entendrophragma utile), Tiama
(Entendrophragma angolensis)
· Les Sterculiacées : Bété (Mansonia
altissima), Ayous (Trplochyton scleroxylon)
Le massif forestier constituant la forêt communale de
Moloundou a déjà fait l'objet d'une exploitation sous forme de
licence et de vente de coupe. La première licence N°1547 d'une
superficie de 48 000 ha, a été attribuée à la
société SOTREF le 25 septembre 1969 et a expirée le 25
septembre 1989. Elle couvrait la moitié sud de cette forêt
à partir d'une piste allant vers l'ouest et entrant par le village
dénommé Port Gentil. La seconde licence N°1780,
![](Gestion-decentralisee-des-forts-au-Cameroun-cas-de-la-fort-communale-de-Moloundou66.png)
56
d'une superficie de 99 420 ha, a été
attribuée à la société SIBAF le 30 septembre 1988
et a expiré le 30 septembre 1998. Elle occupait la moitié nord de
l'actuelle forêt communale.
A côté de ces licences, il ya aussi eu la vente de
coupe N°10.01.119, attribuée à la société
FOKOU, proche de la limite Est du massif forestier communal.
![](Gestion-decentralisee-des-forts-au-Cameroun-cas-de-la-fort-communale-de-Moloundou67.png)
les données cartographiques
Les données cartographiques indiquent les limites de
la concession définies par le décret de classement. La carte
forestière au 1/50 000 à présenter dans le plan
d'aménagement doit contenir les informations ci-après : la
stratification forestière finale réalisée après
l'inventaire d'aménagement ; l'affection des terres ou le
découpage en séries ; et le découpage des blocs
quinquennaux en assiette de coupes annuelles.
Graphique N°2
![](Gestion-decentralisee-des-forts-au-Cameroun-cas-de-la-fort-communale-de-Moloundou68.png)
Source : ALPICAM
![](Gestion-decentralisee-des-forts-au-Cameroun-cas-de-la-fort-communale-de-Moloundou69.png)
![](Gestion-decentralisee-des-forts-au-Cameroun-cas-de-la-fort-communale-de-Moloundou70.png)
l'inventaire forestier d'aménagement
L'inventaire forestier est un processus qui vise à
déterminer le niveau de richesse d'un massif forestier. Les travaux
d'inventaire doivent être exécutés, selon les normes
d'inventaire d'aménagement et de pré-investissement. Le dossier
des fiches techniques publié par le MINFOF présente la liste des
essences à inventorier obligatoirement. Pour ces essences, l'inventaire
compte, mesure et identifie toutes les tiges à partir de 20 cm de
diamètre. L'intensité de sondage pour l'inventaire
d'aménagement doit être supérieure ou égale à
1% pour une concession de superficie inférieure à 50 000 ha et
supérieure ou égale à 0,5% pour une concession de
superficie supérieure ou égale à 50 000 ha. La saisie et
la compilation des données d'inventaires s'effectuent à l'aide
d'un logiciel agrée par le MINFOF.
Pour ce qui est du massif forestier de Moloundou, la
synthèse des données générales d'inventaire ressort
un total de 899 748 tiges d'essences principales toutes strates
forestières confondues88. De ces tiges, 322 209 sont
exploitables, soit 36%. On constate, en outre, que plus de 50% des tiges
principales sont représentées par six essences, que sont : le
Fraké, Kotibé, Bossé Foncé, Padouk
Rouge, Eyong et Ayous. Le diagramme ci-dessous retrace la
distribution du nombre de tiges totales par essence principale.
Graphique N° 3
![](Gestion-decentralisee-des-forts-au-Cameroun-cas-de-la-fort-communale-de-Moloundou71.png)
Source : Plan d'aménagement de la forêt communale
de Moloundou , mai 2006
88 La forestière Veko, Plan
d'aménagement forêt communale de Moloundou, janvier
2006, p 23.
![](Gestion-decentralisee-des-forts-au-Cameroun-cas-de-la-fort-communale-de-Moloundou72.png)
58
Les tiges exploitables sont représentées
à plus de 64% par les mêmes essences en dehors du Bossé
foncé qui a été remplacé par l'Emien.
Les essences pionnières pour l'exploitation dans ce massif forestier
sont respectivement le Fraké, l'Ayous, l'Emien et le
kotibé.
Graphique N° 4
![](Gestion-decentralisee-des-forts-au-Cameroun-cas-de-la-fort-communale-de-Moloundou73.png)
Source : Plan d'aménagement de la forêt communale
de Moloundou, mai 2006
Les essences principales inventoriées dans tout le massif
forestier présentent un volume brut total de 3 449 453 m3 dont 74% sont
exploitables89.
![](Gestion-decentralisee-des-forts-au-Cameroun-cas-de-la-fort-communale-de-Moloundou74.png)
l'affectation des terres et droits d'usage
L'affectation des terres consiste à l'identification
et à la cartographie de la vocation des terres à
l'intérieur de la concession classée. Les différentes
affectations qui peuvent être considérées dans le plan
d'aménagement sont présentées dans le dossier des fiches
techniques publié par le MINFOF. Le massif forestier communal est
subdivisé en deux séries : une série de production et une
série de protection. La première série est
constituée des forêts primaires et des forêts secondaires,
tandis que la seconde est composée de terrains sur sols
marécageux.
Sur la base du décret de classement, d'études
socio-économiques et de consultations auprès des populations
riveraines, le plan d'aménagement rappelle et précise les
droits
89 Op cit. , p 45.
![](Gestion-decentralisee-des-forts-au-Cameroun-cas-de-la-fort-communale-de-Moloundou75.png)
d'usage à l'intérieur de la concession et
décrit la réglementation relative à la conduite des
différentes activités dans chacune des affectations. Il
précise les activités, les modes d'intervention et la liste des
produits interdits ou autorisés à l'exploitation.
La conduite des activités par affectation à
l'intérieur de la forêt communale de Moloundou est décrite
dans le tableau suivant :
Tableau N° 6 : Conduite des activités
des populations à l'intérieur de la forêt
communale
Activités
|
Production ligneuse
|
Protection
|
Exploitation forestière
industrielle
|
elle se fera conformément aux prescriptions du plan
d'aménagement
|
interdite
|
Extraction de sable, gravier et latérite
|
activité autorisée mais soumise à une
restriction spatiale car elle ne pourra se dérouler que dans les zones
marécageuses inondés temporairement
|
interdite
|
Récolte de bois de service
|
elle sera réglementée car les perches et les
gaulis à exploiter vont compromettre la
régénération de certaines essences sollicitées.
|
interdite
|
Récolte de bambou et de rotin
|
elle est autorisée
|
autorisée mais
réglementée
|
Chasse de
subsistance
|
autorisée mais soumise à une réglementation
qui sera bien vulgarisée auprès des populations
|
Autorisée mais
réglementée
|
Pêche de subsistance
|
autorisée mais l'utilisation des produits toxiques est
interdite dans les méthodes de pêche à promouvoir
|
autorisée dans les
mêmes conditions que dans la série de
production
|
Ramassage des fruits sauvages
|
autorisé mais avec des restrictions au moment de la mise
en place des pépinières
|
autorisé avec les
mêmes prescriptions
|
Cueillette de
subsistance
|
Autorisée
|
Autorisée
|
Agriculture
|
strictement interdite en raison de la vocation primaire de
cette forêt. Certaines dispositions particulières seront prises
pour le contrôle de cette activité.
|
interdite
|
Sciage en long
|
il est strictement interdit et ne pourra se faire que sur
autorisation spéciale de la mairie et suivant la réglementation
en vigueur
|
strictement interdite
|
|
Source : Plan d'aménagement forêt communale de
Moloundou, janvier 2010
Ce tableau montre qu'un certain nombre d'activités sont
interdites aux populations riveraines à la forêt communale.
![](Gestion-decentralisee-des-forts-au-Cameroun-cas-de-la-fort-communale-de-Moloundou76.png)
![](Gestion-decentralisee-des-forts-au-Cameroun-cas-de-la-fort-communale-de-Moloundou77.png)
60
Calcul de la possibiité
forestière
Le calcul de la possibilité annuelle de coupe est un
processus itératif d'optimisation, dont le résultat
détermine la rotation et le diamètre des minimaux d'exploitation
des essences aménagées. Les paramètres pris en compte dans
le calcul de la possibilité et la détermination des
diamètres minima des essences aménagées sont : le choix
des essences aménagées, la durée de la rotation, les
accroissements en diamètre des essences et le tarif de cubage de la zone
concernée. Au cours de l'inventaire, les essences inventoriées
sont réparties en cinq groupes : les essences aménagées,
les essences principales complémentaires, les essences de promotion, les
essences dites « spéciale » et toutes les autres essences ou
bourrage de peuplement. De ces différents groupes, seules les essences
aménagées sont soumises au calcul de possibilité. Le
diamètre minimum des essences aménagées (DME/ADM) est le
diamètre en deçà duquel une essence ne peut être
abattue. En aucun cas, ce diamètre ne peut être inférieur
au diamètre minimum d'exploitation fixé par le MINFOF. Pour les
essences aménagées, les arbres de diamètre
supérieur ou égal au DME/ADM augmenté de 40 cm sont
retranchés de la table de peuplement initial qui sert aux simulations du
calcul de la possibilité. La liste des essences retenues pour le calcul
de la possibilité doit être composée d'au moins 20 essences
principales faisant au moins 75% du volume brut exploitable bonus compris, de
toutes les essences principales inventoriées90.
Dans le cadre de l'exploitation du massif forestier de la
commune de Moloundou, 23 essences ont été retenues pour le calcul
de la possibilité. Celles-ci font un volume brut total exploitable de 1
960 810 m3 représentant 79,85% du volume total exploitable de toutes les
essences principales autorisées à l'exploitation91.
L'intégration des DMA fixés dans le calcul de la
possibilité forestière indique que le volume total exploitable
est de 837 223 m3 avec un bonus de 921 790 m3.
Dans la perspective de la fixation des assiettes de coupes
annuelles, la durée d'exploitation d'un bloc sera de cinq ans. De ce
fait, cette forêt a été subdivisée en six blocs.
90 Arrêté n°0222/A/MINEF/25 mai
2001 fixant les procédures d'élaboration, d'approbation, de suivi
et de contrôle de la mise en oeuvre, des plans d'aménagement des
forêts de production du domaine forestier permanent.
91 La forestière Veko, Plan
d'aménagement forêt communale de Moloundou, janvier
2006, p 26.
![](Gestion-decentralisee-des-forts-au-Cameroun-cas-de-la-fort-communale-de-Moloundou79.png)
La durée de l'exploitation étant de trente ans.
Chaque bloc d'exploitation est ensuite divisé en cinq assiettes de coupe
annuelles de même superficie productive.
L'aménagement, tel que pratiqué au Cameroun,
repose essentiellement sur la régénération naturelle de la
forêt. Ce choix technique s'explique à travers l'absence à
l'heure actuelle de connaissances sur la dynamique de la forêt, la
maîtrise imparfaite des techniques sylvicoles et l'insuffisance des
moyens humains, matériels et financiers92.
C'est-à-dire tout ce qu'il faut pour entreprendre avec succès la
régénération artificielle de la forêt.
B. L'étude d'impact environnementale
L'aménagement de la forêt communale est
assujetti à une étude d'impact environnemental (EIE) sommaire. A
ce titre, il n'est plus possible pour un exploitant forestier de venir
prélever en forêt des essences, dont il a besoin pour
approvisionner son marché et de laisser la forêt se reconstituer
sans se préoccuper des impacts que cette exploitation aura eus sur
l'environnement. L'EIE trouve son fondement dans deux textes législatifs
que sont la loi 94/10 du 20 janvier 1994 portant régime des
forêts, de la faune, et de la pêche, et la loi N°96/12 du 05
août 1996, portant loi-cadre relative à la gestion de
l'environnement au Cameroun.
Ces deux lois disposent respectivement en leurs articles 16
(2) et 17 que la mise en oeuvre de tout projet de développement
susceptible d'entraîner des perturbations en milieu forestier ou
aquatique, est subordonnée à une étude préalable
d'impact sur l'environnement. Le promoteur ou le maître d'ouvrage
d'aménagement, d'équipement ou d'installation qui risque, en
raison de sa dimension, de sa nature, ou des incidences des activités
qui y sont exercées sur le milieu naturel, de porter atteinte à
l'environnement, est tenu de réaliser, selon les prescriptions du cahier
de charges, une étude d'impact permettant d'évaluer les
incidences directes ou indirectes dudit projet sur l'équilibre
écologique de la zone d'implantation ou de toute autre région, le
cadre et la qualité de vie des populations et des incidences sur
l'environnement en général. C'est donc dans cette logique du
respect de la réglementation en vigueur en matière d'exploitation
forestière que la commune de Moloundou, par le biais du cabinet ACADER
CONSULTING, a réalisé une EIE de sa forêt communale en mars
2006. Des quatre forêts communales (Dimako, Moloundou, Gari-combo,
Yokadouma) qui sont en exploitation au Cameroun, seule celle de Moloundou
possède une EIE.
92 Patrice Bigombé Logo, les régimes de
la tenure forestière et leurs incidences sur la gestion des forêts
et la lutte contre la pauvreté, GRAPS-CERAD, Yaoundé, 2007, p
15.
![](Gestion-decentralisee-des-forts-au-Cameroun-cas-de-la-fort-communale-de-Moloundou80.png)
62
L'objectif de l'étude est appréhendé sous
trois angles, le premier consiste à identifier les impacts positifs et
négatifs de l'exploitation de la forêt communale;
deuxièmement, proposer les mesures appropriées permettant soit
d'éviter, d'atténuer, de minimiser ou de compenser les impacts
négatifs, soit d'optimiser les impacts positifs ; et enfin proposer un
plan de gestion de l'environnement. Dès lors que le ministre de
l'environnement a jugé l'EIE satisfaisante et délivré le
certificat de conformité environnemental, il appartient à la
commune de Moloundou et à son partenaire d'exploitation qui est ALPICAM,
de mettre en oeuvre toutes les mesures préconisées par le plan de
gestion environnemental (PGE).
1. Description des enjeux de l'EIE
L'étude d'impact ressort cinq enjeux majeurs, à
savoir : la perturbation de l'écosystème forestier ; la perte du
couvert forestier ; la diminution de l'accès aux ressources assurant la
survie des populations locales ; les risques de mauvaise gestion de fonds ;
l'amélioration de la qualité de vie des populations locales.
![](Gestion-decentralisee-des-forts-au-Cameroun-cas-de-la-fort-communale-de-Moloundou81.png)
La perturbation de l'écosystème
forestier
Les opérations d'abattage, de débardage, de
débusquage et de transport du bois telles que pratiquées par les
entreprises forestières, ont pour effet de perturber
l'écosystème forestier. Elles détruisent l'ensemble des
espèces végétales, incluant celles qui ne sont pas
exploitées commercialement et entraînent des ouvertures dans le
couvert forestier ; ce qui participe à l'accentuation du braconnage.
|
La perte du couvert forestier
|
|
La création d'une multitude de routes de plus en plus
larges conduit la destruction de la couverture forestière. Ceci peut
entraîner une diminution significative de la superficie
forestière. Par ailleurs, les travaux de réhabilitation,
notamment de dégagement, de nivellement et d'exploitation de sites
d'emprunt pour le prélèvement de la latérite pour profiler
les pistes forestières, entraînent le déboisement d'une
bonne partie du couvert végétal. Enfin, l'ouverture de ces pistes
a comme conséquence, la facilitation de l'accès à la
forêt. Ce qui peut aggraver les facteurs de pression sur
l'écosystème et sur les ressources forestières.
![](Gestion-decentralisee-des-forts-au-Cameroun-cas-de-la-fort-communale-de-Moloundou83.png)
![](Gestion-decentralisee-des-forts-au-Cameroun-cas-de-la-fort-communale-de-Moloundou84.png)
La diminution de l'accès aux ressources assurant
la survie des populations locales
La faune et la flore forestière jouent un rôle
important dans tous les aspects de la vie des populations riveraines à
la forêt. L'alimentation, la pharmacopée et la construction des
maisons d'habitation trouvent leur fondement dans la forêt.
L'interdiction d'accès à la forêt communale et la
disparition de certaines espèces d'arbres et d'animaux résultant
des activités d'exploitation de bois privent les populations
concernées de ces ressources pour une durée prolongée.
|
Les risques de mauvaise gestion de fonds
|
|
Le risque de mauvaise gestion des fonds
générés par l'exploitation de la forêt communale est
un enjeu redouté par les populations riveraines. En effet, ce facteur de
risque est d'autant plus probable de se manifester que la gestion actuelle des
RFA par la commune reste chaotique. Pour palier aux éventuels
dérapages dans la gestion des revenus, l'étude préconise
la création d'un fond de développement communal, dans lequel sera
reversé 80% des fonds et le reste serait alloué au fonctionnement
de la commune.
![](Gestion-decentralisee-des-forts-au-Cameroun-cas-de-la-fort-communale-de-Moloundou86.png)
L'amélioration de la qualité de vie des
populations locales
Cet enjeu résulte des apports positifs que l'entretien
de la route pourrait entraîner sur l'amélioration des conditions
de vie des populations locales. En effet, l'entretien des routes permettra la
fluidité de la circulation et favorisa l'évacuation des produits
agricoles. De plus, les revenus issus des retombées de la forêt
communale permettront d'améliorer le niveau de vie des populations,
à travers le développement des infrastructures sociales de base.
La création d'emplois pour les jeunes constitue aussi un apport
essentiel conséquent à la présence de la forêt
communale dans la commune de Moloundou.
2. Mise en oeuvre du plan de gestion
environnemental
Dans le cadre de notre stage académique au centre
technique de la forêt communale (CTFC), il nous a été
offert l'opportunité de faire le suivi des mesures prévues par le
PGE dans le cadre de l'exploitation de la forêt communale de Moloundou.
L'objectif général de notre mission de suivi rentrait en droite
ligne avec : l'évaluation de la mise en oeuvre des mesures
prévues dans le cadre du PGE sur la base d'un procédé de
vérification établi ; le contrôle de l'implication des
agents communaux et/ou responsables communaux chargés du
![](Gestion-decentralisee-des-forts-au-Cameroun-cas-de-la-fort-communale-de-Moloundou87.png)
64
suivi de l'exploitation forestière ; la mesure des
impacts réels positifs et négatifs de l'exploitation
forestière sur les aspects socio- environnementaux
considérés dans l'EIE ; enfin, la rencontre des acteurs de mise
en oeuvre et de suivi des actions préconisées dans le PGE et
l'identification des difficultés rencontrées par ces acteurs. Les
principaux acteurs de la mise en oeuvre du PGE sont la commune, les populations
et les structures déconcentrées du MINFOF et du MINEPN
![](Gestion-decentralisee-des-forts-au-Cameroun-cas-de-la-fort-communale-de-Moloundou88.png)
La commune : acteur principal de la mise en oeuvre du
PGE
Pour une gestion durable de son massif forestier, il incombe
à l'institution communale de mettre en oeuvre toutes les mesures
préconisées par le PGE. De prime à bord, il est important
de relever que l'EIE est un outil de travail à vulgariser auprès
de toutes les entités intervenant dans le cadre de l'exploitation de la
forêt communale. Le premier constat révèle qu'en dehors
d'ALPICAM, aucun autre acteur su-cité n'est informé de
l'existence d'une quelconque étude. La nécessité de mettre
l'étude à la disposition des autres composantes n'est plus
à démontrer étant donné que les impacts de
l'exploitation touchent plusieurs secteurs.
Il existe au sein de la commune une cellule de la foresterie
sur laquelle nous reviendrons plus largement dans le prochain chapitre.
Celle-ci est en charge de toutes les questions relatives à
l'exploitation forestière, notamment le respect par l'exploitant des
normes environnementales et des limites de l'AAC lors de l'exploitation. La
définition des missions de la cellule ne prend pas en compte l'aspect
environnemental ; car, il n'existe pas de responsable chargé de
l'environnement. De plus, les archives disponibles dans les locaux de la
cellule de foresterie font état de l'inexistence du PGE. Les membres de
l'équipe de la cellule interrogés disent n'avoir jamais entendu
parler d'une quelconque EIE. En outre, ces derniers n'ont reçu aucune
formation relative à la préservation de l'environnement. Des
données recueillies sur le terrain, il ressort que des fonctions
assignées à la structure en charge de la gestion de
l'exploitation forestière, le volet environnemental ait
été occulté. L'inexistence d'un expert en protection de
l'environnement dans la structure communale en charge de la foresterie est un
facteur limitant dans le processus de mise en oeuvre du PGE.
La connaissance et l'application des mesures prévues
dans le PGE passent par une promotion du document. Il est difficile de
comprendre que la commune, propriétaire de la forêt communale, ne
possède pas de document faisant référence à l'EIE.
La non valorisation de l'étude porte à croire que celle-ci n'ait
été commanditée que dans le but de permettre à la
commune d'entamer l'exploitation de la forêt communale. L'on est en droit
de se demander
![](Gestion-decentralisee-des-forts-au-Cameroun-cas-de-la-fort-communale-de-Moloundou89.png)
si les responsables communaux maîtrisent les
véritables enjeux liés à la protection de l'environnement
?
Les agents communaux chargés du suivi de
l'exploitation du massif forestier communal touchent du doigt les
dégradations environnementales. Le travail quotidien de ces derniers les
amène à sillonner les parcelles dans lesquelles l'exploitant
prélève le bois. Ce fait place les membres de la cellule de suivi
en première ligne du dispositif de surveillance des dommages
causés sur l'environnement. Mais étant donné que ceux-ci
ne possèdent aucune expertise en la matière, toutes les actions
menées par ALPICAM leur semblent normales. A titre d'illustration, lors
de notre mission de suivi, certains membres de la cellule que nous avons
interrogés ont signalé que l'exploitant prélevait des
grumes en bordure des cours d'eau. Cette pratique est formellement interdite
par la réglementation, n'ayant pas d'informations ni de connaissances
sur les normes à respecter, aucun rapport n'a été
élaboré afin de signaler cet état de chose. C'est donc
lors de nos entretiens qu'ils auront quelques bribes d'informations sur les
règles d'exploitation. Afin de répondre au challenge sur le
contrôle de l'exploitation faite par le partenaire ALPICAM, il se
dégage un réel besoin en formation. La cellule de suivi dans
toutes ses membranes doit être formée sur les normes qui
régissent le respect de l'environnement lors des activités de
prélèvement du bois.
|
Implication des services déconcentrés du
MINFOF et du MINEP
|
|
Lors de notre descente sur le terrain, il nous a
été donné de constater qu'aucune action de vulgarisation
ou de sensibilisation sur l'existence de l'EIE n'avait été
initiée par les responsables communaux en charge de la forêt
communale. L'entretien avec le chef de poste forestier de Moloundou, a permis
de vérifier cette information. Selon ce dernier, les archives de son
bureau ne contiennent pas de document ayant trait à une quelconque
étude de ce type. De plus, il n'a jamais reçu la sollicitation de
son expertise de la part des responsables communaux. Il faut resituer les
choses dans leur contexte et dire que, malgré la dévolution dans
la gestion des forêts au Cameroun, l'Etat conserve un droit de regard
dans l'exploitation de celles-ci. C'est donc ce rôle de surveillance qui
échoit au MINFOF et MINEP, à travers leurs services
déconcentrés. Pour parvenir à une gestion durable du
massif forestier communal, la cellule de foresterie doit travailler en
collaboration avec les services en charge des questions forestières et
environnementales opérationnels dans l'arrondissement. Ainsi, la cellule
de suivi de l'exploitation, en jouant son rôle de veille sur toutes les
anomalies
![](Gestion-decentralisee-des-forts-au-Cameroun-cas-de-la-fort-communale-de-Moloundou91.png)
66
constatées sur le terrain, les signalera au poste
forestier. Celui-ci ayant une responsabilité de gendarme de
l'environnement prendra les mesures qui s'imposent à l'encontre de
l'exploitant.
L'absence du partenariat entre la commune et les postes
forestiers de l'arrondissement (Kika, Mambelé, Moloundou) a pour
conséquence le délaissement de la surveillance des
activités de prélèvement du bois. La société
ALPICAM exploite le massif forestier communal sans trop se préoccuper
d'éventuelles missions de contrôle. En trois années
d'exploitation, les activités entreprises dans les différentes
assiettes de coupes annuelles n'ont jamais été
évaluées93. L'inexistence des relations de travail
entre ces deux entités (commune et poste forestier) est
préjudiciable pour une exploitation durable de la forêt
communale.
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Implication des populations
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En ce qui concerne les populations locales, le fait est le
même, à savoir aucune sensibilisation sur l'EIE. Notre rencontre
avec les populations des villages riverains (Mbangoye II, Mbateka, Dioula,
Yenga, Mambelé) à la forêt communale a permis le
renforcement du constat établi. Un autre objectif s'est arrimé de
facto à notre mission, la sensibilisation des communautés sur le
bien-fondé de l'EIE. Cet exercice d'explication et d'information a
contribué à l'obtention de précieuses informations sur les
dégradations de l'environnement causées par l'exploitation. Les
populations riveraines peuvent servir de relais efficace dans le système
de suivi des activités de prélèvement, car celles-ci
vivent en symbiose avec la forêt communale. Du fait qu'elles exercent une
grande partie de leurs activités dans la forêt, les populations
sont à même de constater rapidement les différents
changements de leur milieu de vie. La sensibilisation des communautés
sur les enjeux de la préservation de l'environnement contribue
également à les conscientiser sur son importance. Car, il faut le
souligner, les exploitants forestiers ne sont pas les seuls destructeurs de
l'environnement. Les populations aussi à travers les feux de brousse et
les déchets déversés dans les cours d'eau,
dégradent l'écosystème.
Du fait de son statut de commune forestière, la mairie
de Moloundou bénéficie de la gestion décentralisée
des forêts sous le mode des redevances forestières annuelles. Ces
revenus constituent le principal pourvoyeur du budget communal. La mise en
oeuvre de la forêt communale représente un nouveau challenge pour
l'institution communale. Plus que par le passé, la commune donne
l'orientation à tous les niveaux de la gestion de ce massif forestier.
Les dirigeants communaux ne se contentent plus de gérer seulement les
revenus
93 Entretien avec le chef de poste forestier de
Moloundou, du 27 mai 2009.
![](Gestion-decentralisee-des-forts-au-Cameroun-cas-de-la-fort-communale-de-Moloundou93.png)
issus de l'exploitation des concessions forestières
présentes dans leur circonscription, ceux-ci mettent désormais en
place toutes les stratégies d'exploitation du massif forestier
communal.
![](Gestion-decentralisee-des-forts-au-Cameroun-cas-de-la-fort-communale-de-Moloundou94.png)
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CHAPITRE III : LA PORTEE SOCIALE DE LA GESTION DE LA
FORET COMMUNALE DE MOLOUNDOU
La forêt communale constitue une des figures majeures
de l'effort de dévolution promu par le nouveau code forestier. Dans ce
cadre, l'aménagement forestier à l'échelle communale est
sensé, d'une part, contribuer à l'amélioration de la
gouvernance locale par le transfert des pouvoirs de gestion, et d'autre part
favoriser la création d'un pôle de développement local. La
dévolution du pouvoir doit contribuer à une meilleure gestion
forestière et une redistribution plus équitable des
bénéfices de l'exploitation pour améliorer les conditions
de vie socio-économiques en milieu rural.
I. Organisation et fonctionnement de l'exploitation de
la forêt communale
Pour l'exploitation de son massif forestier la commune a
initié un contrat de mise en valeur avec la société
forestière ALPICAM. Une structure technique communale est mise sur pied,
afin d'assurer le suivi des activités d'exploitation de la forêt
communale.
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