De l'art de gouverner par les lois et par la force d'après Nicolas Machiavel( Télécharger le fichier original )par Julien BUKONOD Université Saint Augustin de Kinshasa - Graduat en philosophie 2009 |
II. 10. La fin justifie les moyensComme Aristote qui mettait l'action sur la cause finale qui, d'après lui, valorise la cause matérielle d'une oeuvre d'art, Machiavel justifie les moyens à partir de l'objectif poursuivi. Si pour les moralistes d'une action mauvaise ne peut découler une bonne, pour Machiavel toute action est bonne si et seulement si elle vise les objectifs suivants : la liberté par rapport à la domination étrangère, la stabilité ou le règne de la loi, la prospérité, la gloire ou l'empire. « Que le prince songe donc uniquement à conserver sa vie et son État : s'il y réussit, tous les moyens qu'il aura pris seront jugés honorables et loués par tout le monde »75(*). La vertu au sens effectif du terme est la somme des habitudes requises pour parvenir à cela. A quoi Leo Strauss renchérit : « Tout ce qui est fait effectivement en vue de cette fin est bon. Cette fin justifie tous les moyens. La vertu n'est rien d'autre que la vertu civique, le patriotisme ou le dévouement à l'égoïsme collectif »76(*). On ne dira donc pas que la normativité est absente de la pensée de Machiavel. S'il entend d'abord décrire les hommes tels qu'ils sont, la maîtrise de la nécessité implique l'évaluation et donc le choix. II. 11. ConclusionLa philosophie politique de Machiavel est le fruit de son expérience et de ses lectures. Comme l'indique sans ambiguïté le chapitre final de Le Prince, l'Italie a besoin d'un prince qui sache la soigner de ses blessures et de bâtir aux fondations sûres, autrement dit d'un prince à la fois médecin et architecte. A trop définir le prince dépeint par Machiavel - parce qu'il n'est pas un lieutenant de Dieu sur terre - on oublie qu'il faut aussi l'envisager positivement à partir de sa virtù, mais aussi à travers le réseau dense de métaphores et de comparaisons qui l'apparente à un médecin qui prévient la maladie ou la guérit, mais aussi à un architecte et bâtisseur. Le fondateur d'un État, qu'il le crée ou qu'il en prenne le commandement à un moment où celui-ci est en ruine, est par excellence l'objet des louanges machiavéliennes. Pourtant, comme Maurice Joly le fait dire à Machiavel dans Dialogues aux enfers entre Machiavel et Montesquieu, les hommes, ayant mal compris Machiavel, ont qualifié sa pensée d'immorale en lui adjoignant l'adjectif « machiavélique ». D'où « le machiavélisme » que nous aborderons dans le chapitre suivant. CHAPITRE IIILE MACHIAVÉLISME COMME RÉALISME PRAGMATIQUEDANS L'AGIR POLITIQUE* 75Ibid., op. cit., p. 130. * 76 L. STRAUSS, Qu'est ce que la philosophie politique ?, Paris, PUF, 1992, p. 46. |
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