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La sexualité en milieu scolaire dakarois: comportements, connaissances et perceptions liés au VIH/SIDA

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par Ndeye Ami Niang
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Master 1 recherche 2007
  

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I-5 Modèle théorique

Les relations sexuelles préconjugales des jeunes sont toujours motivées. Ces motivations sont multiples et diverses d'un jeune à un autre et d'un lieu culturel à un autre. Elles peuvent être d'ordre social, psychosocial, financier, ou matériel. Nous allons tenter de voir les différentes théories et leur fondement pour voir de prés les véritables motivations des comportements sexuels des jeunes.

La première théorie intitulée théorie biologique soutient l'idée que l'activité sexuelle des jeunes résulte d'un mécanisme purement biologique, donc naturel. Freud l'un des auteurs de cette approche postule que « les types de comportements sexuels sont le résultat d'un vif désir sexuel »42(*). Selon lui, la motivation de l'activité sexuelle trouverait son explication dans les pulsions biologiques que l'individu chercherait à assouvir à n'importe quel prix. Des auteurs comme Bancroft et Skakkebaek, inspirés des travaux de Freud, ont montré que l'activité sexuelle est déterminée par un mécanisme hormonal, naturel, donc biologique.

Ces résultats davantage développés dans les travaux de Beach, ont montré en 1974 que l'activité sexuelle augmente avec le niveau des hormones à l'adolescence. Cette approche n'a pas fait long feu, car les sociologues lui ont reproché de « désocialiser » en grande partie l'activité sexuelle. En effet, celle-ci n'est pas seulement une réalité naturelle mais aussi une réalité culturelle, sociale. Pour preuve, elle se manifeste différemment d'un groupe à un autre. Elle n'est donc pas l'expression de la seule nature mais relève aussi du culturel.

Cette approche ne nous éclaire pas dans nos objectifs mais dans la seule explication qui justifie les motivations de l'activité sexuelle humaine, encore que cette explication ne soit pas très pertinente.

N'existant pas jusqu'ici de théorie institutionnelle, nous nous proposons d'utiliser l'appellation approche institutionnelle qui nous semble plus adéquate.

Cette approche repose sur la prise en compte des interventions de divers organismes étatiques ou non dans les études sur la sexualité et les comportements sexuels à risques.

Elle est basée sur l'idée que l'environnement institutionnel en matière d'activité sexuelle aurait une influence certaine sur les comportements sexuels des jeunes. Il s'agit de déterminer la manière dont les institutions politiques gèrent les questions relatives à la sexualité ainsi que les stratégies qu'elles mettent en oeuvre pour faire face aux IST/SIDA. Cette approche accorde une grande importance aux politiques, aux programmes et aux lois en matière de sexualité relatifs aux comportements sexuels. « Elle suppose que les facteurs institutionnels, c'est-à-dire les lois, les programmes et services en faveur des jeunes puissent influer sur l'activité sexuelle des jeunes ainsi que sur leurs comportements sexuels à risque ».43(*)

Cependant, cette approche ne nous permet pas véritablement d'interpréter et de conduire une analyse pertinente de la sexualité des jeunes scolarisées. Les lois en vigueur dans notre république n'interdisent pas des rapports sexuels, ni pour les personnes de leur âge, ni pour celles des autres tranches d'âge. Et il n'existe pour ainsi dire, pas de loi qui interdise des rapports sexuels à haut ou à moindres risques. Les seules contraintes pour ces jeunes vis-à-vis de leur sexualité restent leurs familles ou leurs tuteurs, peut être aussi leurs professeurs et on imagine que lorsque ces jeunes s'adonnent à leurs activités sexuelles, ils le font à l'écart de toute personne susceptible de s'y opposer.

De plus, lorsque les institutions politiques mettent en oeuvre des stratégies pour toucher ces jeunes par rapport aux questions relatives à la sexualité et aux IST/SIDA, la distance qu'il y a entre la sensibilisation et l'adoption de comportements conséquents par les cibles peut être grande. Nous verrons cela avec les résultats de nos enquêtes dans les parties suivantes.

La théorie du capital social développée par Coleman, J.S, postule que les comportements des individus se situent dans un contexte social donné. Ce contexte renvoie au capital financier, humain, et au cadre social.

Le capital financier ou économique se réfère aux possibilités (richesse) financières, mais aussi matérielles, c'est - à- dire à la capacité d'un ménage à assurer un bel encadrement aux enfants à travers la satisfaction de leurs besoins.

Le cadre humain concerne les caractères socio culturels (niveau d'instruction, profession, religion, ethnie, système de filiation etc.) des parents ou du chef de ménage.

Le cadre social se réfère aux caractères démographiques du ménage : structure et taille du ménage.

Cette théorie permet d'identifier les facteurs familiaux de la sexualité des jeunes. Le milieu social joue un certain rôle dans la pratique de l'activité sexuelle. Les jeunes des ménages socio démographiques à moyens limités semblent plus s'adonner à la sexualité préconjugale.

Il est reproché à cette théorie du capital social le fait d'expliquer la sexualité à travers le seul contexte familial sans tenir compte de la personnalité de l'individu.

La théorie socio-culturelle se fonde sur l'idée que l'activité sexuelle fait partie intégrante du social, cela veut dire qu'elle ne peut être « désocialisée » comme on l'a vu précédemment. Selon M. Foucault, « l'activité sexuelle accorde un rôle central à la construction sociale et culturelle sans laquelle aucun désir ne peut apparaître et s'exprimer »44(*). Ainsi selon l'auteur, les comportements sexuels sont également déterminés par les normes et les valeurs socioculturelles en matière de sexualité, l'ensemble de ces normes et valeurs déterminant les circonstances dans lesquelles a lieu l'activité sexuelle.

Dans la société traditionnelle, le développement des jeunes se fait à l'intérieur de la structure familiale. Toute leur éducation et leur apprentissage à la vie sont assurés par les aînés ou leurs parents. Dans ce contexte, le contrôle social est serré et strict. « Dés l'âge de la puberté, l'adolescent était inséré dans un réseau de relations avec les membres de la communauté et ces derniers exerçaient une certaine pression sur lui. De ce fait, il y'avait une sorte de régulation qui permettait de contrôler de prés la sexualité des adolescents des deux sexes et les conseils donnés aux uns et aux autres dans la prise en charge de leur sexualité n'étaient pas les mêmes ». 45(*)

Dans les sociétés modernes par contre, l'éducation des jeunes se fait dans plusieurs espaces, notamment entre la famille et l'école, qui se trouve être le second lieu de socialisation de l'individu de notre époque. Néanmoins les valeurs enseignées à l'école ne sont pas toujours le prolongement de ce que l'enfant contracte dans le cercle familial. L'école où l'enfant passe plus de temps, enseigne des valeurs de liberté, des droits des enfants, de scolarisation et de démocratie qui donnent à cet enfant l'occasion de faire face à l'autorité parentale, d'autant plus que cette autorité a tendance à se relâcher par le fait que les parents passent de moins en moins de temps avec leur progéniture. Du coup, on assiste à ce que les philosophes appellent «  l'effondrement des valeurs traditionnelles » qui laisse la place à l'accroissement de l'adoption des valeurs occidentales et étrangères.

Ces jeunes adolescents profitent de cela et adoptent ainsi leurs nouveaux comportements sexuels en direction de la satisfaction des besoins personnels ou une gratification individuelle. La disparition de l'exigence de virginité de la jeune fille dans les sociétés où elle était jusqu'ici une condition pour le mariage est une des preuves du relâchement de la morale sexuelle traditionnelle.

Les auteurs rejettent les conceptions de la sexualité qui se fondent sur l'intervention des hormones qui selon eux, n'interviennent que dans la croissance et la maturité des organes sexuelles.

Cette approche est intéressante et très pertinente du fait qu'elle convoque le cadre scolaire, espace où évoluent le plus souvent ensemble les jeunes scolarisés. En effet, elle nous décrit le vécu des ces jeunes et la situation à la fois complémentaire et contradictoire dans laquelle ils évoluent en ce sens que la maison familiale et l'école présentent des similitudes et des différences dans les valeurs qu'elles diffusent, ce qui est un élément fort important pour l'explication des conduites sexuelles des élèves. Dans cette perspective, nous allons asseoir notre problématisation sur cette théorie car elle décrit le cadre dans lequel évoluent les élèves, cadre qui favorise à nos yeux, l'épanouissement de leur sexualité. Mais cela se fera de manière partielle, car la théorie présente des limites à notre analyse.

En effet, elle ne nous renseigne pas sur les activités sexuelles et sur les nombreuses interrogations soulevées par l'infection par le VIH/SIDA.

En fait, notre analyse apparaît sous plusieurs dimensions c'est-à-dire que la question de la sexualité des jeunes soulève aussi la question de la précocité des rapports sexuels, la question des IST, des comportements sexuels, de l'infection à VIH/SIDA, et des connaissances et perceptions relatives à cette infection sans oublier l'impact du milieu scolaire sur toutes ces questions. Par conséquent, il nous faudrait une théorie plus cohérente dans le meilleur des cas, ou alors qui fasse l'ensemble des dimensions de la question de la sexualité qui sont rattachées à ce cadre (milieu scolaire), afin de servir de complément à cette première théorie.

Par conséquent, dans une optique additionnelle, nous allons convoquer la théorie des stratégies rationnelles et voir dans quelle mesure, elle nous aide à éclairer sur les réelles motivations de la sexualité des jeunes en milieu scolaire.

Cette théorie qui postule en rapport avec la sexualité, qu'un rapport sexuel est un acte bien réfléchi et motivé par un intérêt économique (matériel ou financier) ou social (besoin du mariage notamment), distingue deux catégories de jeunes par rapport aux motivations pouvant justifier les relations sexuelles préconjugales.

La première catégorie concerne les jeunes qui s'adonnent à l'activité sexuelle avec comme principale motivation des échanges de cadeaux, d'habits ou d'argent. Certains adolescents ont des rapports sexuels contre une gratification financière ou des cadeaux qui leur permettent de satisfaire leurs besoins matériels et financiers. L'activité sexuelle devient alors une stratégie de survie, autrement dit, un moyen de se mettre à l'abri des besoins matériels et financiers. Calves qui est l'un des auteurs de cette théorie affirme après ses enquêtes qu'  « il s'agit de filles qui, dans l'incapacité de satisfaire leurs besoins financiers, sont obligées de commercialiser leur sexe aux hommes de situation financière aisée »46(*).

Mais les filles ne sont pas les seules à s'adonner à ce type de relations sexuelles pour satisfaire leurs besoins financiers. Les garçons sont, eux aussi, plus ou moins impliqués dans cette activité sexuelle mercantile mais cette fois avec des femmes plus âgées.

La deuxième catégorie comprend les jeunes qui s'adonnent à la sexualité pour des raisons matrimoniales. Ces jeunes sont surtout des filles et leurs activités sexuelles s'expliquent par des préoccupations comme le mariage, la fécondité, celles-ci étant en fait des stratégies pouvant aboutir au mariage en guise de preuve d'amour ou de signe de fécondité.

On note cependant une troisième catégorie même si on ne la retrouve pas dans la présente théorie, à savoir celle des jeunes qui s'adonnent à une activité sexuelle préconjugale pour satisfaire une certaine curiosité : acquisition d'expérience afin de plaire plus tard à leur conjoint. Ainsi certaines filles s'engagent dans une activité sexuelle pour perdre leur virginité, signe d'innocence et de naïveté, sous la pression des copines. Dans ces milieux, les filles vierges sont vues comme des naïves, arriérées.

Cette dernière justification de la motivation des relations sexuelles des jeunes montre en effet, que la décision d'avoir un rapport sexuel ne peut pas se fonder uniquement sur la rationalité. La recherche d'intérêt financier ou économique et le mariage ne sont pas toujours les seules motivations suffisantes de la sexualité des jeunes.  « L'imitation des autres, le besoin d'être à la mode, la curiosité, l'amour de son partenaire mais aussi la coercition »47(*) sont autant de motifs de la précocité de la sexualité préconjugale des jeunes.

Cette théorie semble plus adéquate à l'analyse que nous allons porter à l'étude que nous traitons pour deux raisons. D'abord, parce que cette théorie s'adresse à des jeunes en situation de célibat et qui sont donc exposés à toutes sortes de relations préconjugales pouvant mener à des rapports sexuels ou non. Ensuite parce qu'il s'agit de jeunes comme dans notre thème entre 14 et 21 ans. A cette tranche d'âges généralement, les motivations des rapports sexuels sont plus orientées vers la recherche du plaisir, la conformité par rapport à leurs pairs et /ou même à l'assouvissement de la découverte de l'inconnu ou du « jamais vécu ». A ce stade de la vie, les jeunes n'ont pas vraiment la notion de la réalité de la vie comme leurs aînés au point de faire de leurs besoins financiers et matériels les principales motivations qui les poussent à des rapports sexuels préconjugaux. C'est pourquoi, nous concevons que les seules motivations qui poussent les jeunes de ces âges à des rapports sexuels préconjugaux sont la curiosité, la recherche du plaisir, ou encore le besoin de faire comme « tout le monde » dans leur entourage, c'est à dire comme leur pairs.

En résumé, nous allons fonder notre analyse sur les deux théories, la première, la théorie socioculturelle qui nous offre le même cadre d'évolution que notre population d'étude, et la seconde, la théorie des stratégies rationnelles pour les éventuelles motivations aux comportements sexuels que l'on retrouve chez notre population d'étude.

* 42 Freud, cité par Rwenge (M), 1995, in  Statut de la femme,  Comportements sexuels et Sida en Afrique subsaharienne : le cas du Cameroun », (communication présentée au séminaire sur «  les aspects socio-économiques sanitaires et démographiques du VIH/SIDA en Afrique ») organisé par l'UEPA Abidjan ,26-28 Oct.

* 43 Rwenge (A.), Facteurs conceptuels des comportements sexuels : le cas des jeunes de la ville de Bamenda (Cameroun ; Yaoundé) ; IFORD ; UEPA ; 163 p

* 44 Foucault, cité par Bozon (M.), 1994a, Les constructions sociales de la sexualité, in Bozon et Leridon (H.), ( éds), Sexualité et Sciences Sociales ,n° spécial Population , 48(5) : 1153-1196. (Paris, PUF/INED)

* 45 Camara (A.D.), Op.cit, p.25

* 46 Calvès cité par Kobelembi (F.), dans African Population Studies/Etude de la population Africaine Op .cit, p.5

* 47 Rwenge (A.) 2000,  Comportements sexuels à risque parmi les jeunes de Bamenda au Cameroun, Op.cit

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