2.2. Analyses
physico-chimiques
Un oxymètre WTW Cellox 325 a été
utilisé pour la mesure de l'oxygène dissous. La
détermination de la DCO a été faite sur des
échantillons filtrés avec des membranes de 0,45 ìm,
dilués et mesurés par la méthode du dichromate de
potassium en utilisant un spectrophotomètre HACH 2010 dont les
procédures de test sont élaborés en support.
Les mesures de COT ont été
évaluées en utilisant une droite de régression
linéaire entre la COT (y, variable dépendante) et la DCO (x,
variable indépendante) dans les eaux usées [y = 0,1707x + 85,10]
cette dernière est estimée par une bonne corrélation
linéaire ( r = 0,95 ; r2 = 0,9 ; Durbin-Watson
statistic DW = 1,96 ; P = 0,0039) trouvée par Emmanuel et
al. (2004).
La détermination des métaux a été
réalisée, selon le protocole ISO 11 885, sur des
échantillons filtrés à 0,45 um, traités à
l'acide nitrique pur (pH<2) et passés à l'ICP-AES (Inductively
Coupled Plasma-Atom Emission Spectroscopy).
Pour les mesures de pH, un pH-mètre WTW pH 340ION a
été utilisé. Cet instrument fonctionne au moyen de deux
électrodes dont une de type métallique qui est l'électrode
de référence et une électrode ( spécifique à
la mesure du pH) en verre.
Un conductivimètre (multifonction) WTW- LF330,
fonctionnant avec une électrode a été utilisé pour
la mesure de la conductivité. Il faut noter que les mesures de
température, de potentiel d'hydrogène, de conductivité ont
été effectuées in situ.
La méthode de Mohr a été utilisée
pour le dosage des chlorures. Cette méthode consiste à doser les
chlorures avec du nitrate d'argent et du chromate de potassium. En
présence de nitrate d'argent, les ions Cl- sont
mobilisés pour former du chlorure d'argent. Lorsque tous les ions
chlorures ont été précipités sous forme d'AgCl, le
nitrate d'argent réagit avec le chromate de potassuim et un
précipité rouge brique apparaît. Connaissant, la
concentration de la solution d'AgNO3 (Co = 10-2) dans
100ml de solution (E = 100ml), le volume nécessaire pour arriver
à l'équivalence, la concentration des ions Cl- dans la
solution est donnée par la formule : [Cl-] = Co* Ve /
E
C. RESULTATS ET DISCUSSIONS
|
Les tableaux 4, 5 et 6 résument les résultats
obtenus sur les échantillons étudiés.
Tableau 4 :
Résultats des analyses physico-chimiques
Point de prélèvements
|
To
|
pH
|
Conductivité
(uS/cm)
|
Chlorures
(mg/L)
|
OD
(mg/L)
|
P1
|
29.2
28 - 30.4
|
7.88
7.87 - 7.90
|
1291.33
890 - 1864
|
383
149 - 407
|
3.49
3.21 - 3.90
|
P2
|
31.4
30 - 32.8
|
7.74
7.72 - 7.77
|
1588.66
1300 - 1736
|
334.33
258 - 373
|
3.52
2.93 - 3.83
|
P3
|
29.9
28.2 - 31.2
|
7.62
7.57 - 7.68
|
1542.66
1170 - 1998
|
322
223 - 443
|
3.8
3.42 - 4.54
|
P4
|
31.03
28.9 - 32.6
|
7.65
7.58 - 7.72
|
1441
1223 - 1590
|
294.66
237 - 334
|
3.11
2.62 - 3.46
|
P5
|
31.4
29.7 - 33
|
7.67
7.63 - 7.71
|
1866,66
1580 - 2260
|
408
332 - 512
|
2.77
1.75 - 3.37
|
P6
|
31.43
30.4 - 32.9
|
7.66
7.60 - 7.72
|
1850
1540 - 2290
|
403.33
321 - 520
|
2.64
1.36 - 3.41
|
P7
|
30.96
28.5 - 33.5
|
7.55
7.35 - 7.72
|
1870.33
1640 - 2231
|
409
348 - 505
|
2.51
1.35 - 3.03
|
P8
|
30.13
29 - 32.4
|
7.41
7.34 - 7.54
|
1810.33
1560 - 2231
|
393.33
327 - 505
|
2.85
2.02 - 3.37
|
La température des échantillons durant les
prélèvements oscillait autour de 28o à
33o5. Les valeurs du pH présentent une variation
inférieure à l'unité et indique que les effluents ont un
caractère légèrement alcalin (7,34 - 7,90). La variation
de la conductivité (890 - 2290 uS/cm) indique une importante
minéralisation et confirme la présence d'anions et de cations,
les principaux constituants des eaux usées urbaines. Dès que la
salinité d'un échantillon, exprimée par la
conductivité et les chlorures, est inférieure à la
salinité de la mer, celle-ci est peut être expliquée par la
présence des sels métalliques, lesquels sont toxiques pour les
organismes aquatiques. Certains ions réducteurs inorganiques, les
chlorures en particulier, peuvent être oxydés au cours de la
détermination de la DCO et peuvent occasionner de grandes erreurs dans
les résultats (Emmanuel, 2001). Les concentrations en chlorures obtenues
sont largement inférieures à 2000 mg/l, par conséquent les
résultats de DCO n'ont pas été interférés
par les chlorures (Tardat-Henry, 1984).
Mesure des métaux lourds
Des concentrations en arsenic sont inférieures
à la limite de détection de l'équipement (tableau 5). La
même observation est faite pour les concentrations en cadmium sur les
échantillons 1 et 2. De même pour les concentrations en plomb et
Chrome sur l'échantillon 3. Les résultats pour les autres
métaux analysés (Cr, Ni, Pb, Zn) sont inférieures aux
valeurs seuils retenues. Les mesures des métaux ont été
effectuées sur des échantillons filtrés, or le canal
contient un important volume de sédiments, il se peut que les
métaux soient sous forme de particules. En effet, un
phénomène d'adsorption de métaux dissous sur les
particules transportées par temps de pluie semble très
probable ; et, plus les eaux urbaines transitent vers l'aval du bassin
versant, plus les métaux sont sous forme particulaire (Garnaud, 1999)
Dans ce cas, pour mieux comprendre leurs effets, il est nécessaire de
procéder à la détermination des métaux dissous et
particulaires.
Par ailleurs, en comparant les valeurs obtenues à
celles fournies par Grommaire-Mertz (1998) (tableau 2), on note que la
concentration en cadmium mesurée dépasse l'intervalle
indiqué et les concentrations en plomb et en zinc sont largement
inférieures aux valeurs maximales données.
Tableau 5 : Résultats
des analyses de métaux lourds
|
Unité
|
As
|
Cd
|
Cr
|
Ni
|
Pb
|
Zn
|
Limite de détection
|
ug/L
|
0,928
|
4,6
|
1,77
|
1,71
|
3,26
|
0,327
|
Echantillon 1
|
mg/L
|
<DL
|
<DL
|
0,024
|
0,007
|
0,015
|
0,085
|
Echantillon 2
|
mg/L
|
<DL
|
<DL
|
0,028
|
0,006
|
0,012
|
0,229
|
Echantillon 3
|
mg/L
|
<DL
|
0,011
|
<DL
|
0,005
|
<DL
|
0,056
|
Résultats obtenus pour la DCO, le COT et
estimation du rapport DCO/COT
Les concentrations en DCO (figures 5) sont dans certains cas
supérieures aux valeurs fournies par Metcalf et Eddy (1991) pour les
eaux usées domestiques (250 à 1000 mg/L de DCO). Les
concentrations moyennes de DCO obtenues sont comprises entre 800 et 1300 mg/L
(Tableaux 6). Cette forte concentration est due au fait que les rejets
étudiés proviennent essentiellement des utilisations domestiques
et commerciales, or de tels effluents sont chargés en matière
organique (Dyer et al., 2003). De plus, Il y a lieu de
considérer l'apport de matières des eaux de percolation des
déchets se trouvant dans le canal dans l'interprétation de la
DCO. En effet, sur tout le parcours du canal, des déchets solides sont
déversés par les riverains, or les déchets solides
ménagers de Port-au-Prince sont essentiellement organiques (CWBI
Ulg-FUSAGx, 2000).
Figure 5 : Demande
Chimique en Oxygène (DCO) pour les trois jours de
prélèvement
Le dosage du Carbone Organique Total concerne tous les
composés organiques volatils ou non, naturels ou de synthèse,
présents dans les eaux résiduaires (cellulose, sucres, huiles,
etc.). L'origine de ces composés organiques est liée aux
activités humaines, industrielles et agricoles, ainsi qu'à des
réactions naturelles (formation de substances humiques) (Tardat-Henry,
1984).
Dans les eaux usées urbaines classiques, les
concentrations en COT sont généralement comprises entre 80 et 290
mg/L (Metcalf et Eddy, 1991). Dans les échantillons d'ELPAP (figure 6),
les concentrations en COT obtenues sont dans l'intervalle (236-301
mg/L).
Figure 6 : Carbone
Organique Total (COT) pour les trois jours de
prélèvement
Les résultats obtenus pour le rapport DCO/COT sont
compris entre 3.6 et 4.2, ce qui est largement supérieur au rapport
(soit 3) fréquemment retrouvé pour les eaux usées
urbaines (Seiss et al., 2001). En effet, le rapport
DCO/COT, permet dans certains cas de suspecter la présence de certaines
familles de composés organiques (Acides Gras Volatils (AGV),
composés organiques azotés, thiols ...).
Tableau 6 : Résultats
de la DCO, du COT et du rapport DCO/COT
Points de prélèvement
|
DCO
(mg/L)
|
COT
(mg/L)
|
DCO/COT
|
P1
|
1155
865 - 1500
|
283
233 - 341
|
4.05
3.72 - 4.40
|
P2
|
1128.33
950 - 1460
|
277.66
247 - 334
|
4..03
3.84 - 4.37
|
P3
|
1073.33
750 - 1240
|
268.33
213 - 297
|
3.95
3.52 - 4.18
|
P4
|
1268.33
1140 - 1415
|
301.66
280 - 327
|
4.20
4.08 - 4.33
|
P5
|
945
525 - 1200
|
246.66
175 - 290
|
3.72
3.00 - 4.04
|
P6
|
933.33
500 - 1220
|
244
170 - 293
|
3.70
2.93 - 4.16
|
P7
|
883.33
550 - 1090
|
236
179 - 271
|
3.67
3.07 - 4.02
|
P8
|
946.66
550 - 1200
|
246.66
179 - 290
|
3.74
3.07 - 4.14
|
Oxygène dissous
Les valeurs obtenues pour l'oxygène dissous sont
comprises entre 1,35 et 4,05 mgO2/L, lesquelles sont
inférieures à 5 mgO2/L. Ces résultats indiquent
la présence de substances dangereuses dans l'ELPAP qu peuvent provoquer
un déséquilibre biologique sur les poissons et la
communauté d'invertébrés (USEPA, 1986 ; Metcalf &
Eddy, 1991 ; Kosmala, 1998). Les concentrations en oxygène dissous
augmentent graduellement de P1 à P3 et diminuent de P4 à P7;
l'oxygène dissous a subi une légère augmentation en aval
du canal au P8 (figure 7).
Il est intéressant aussi de noter qu'un effluent de
sortie de STEP présente généralement une teneur en
O2 inférieure à 4mg O2/l et il a
été établi qu'un tel effluent provoque des perturbations
au niveau de la communauté d'invertébrés benthiques
(Kosmala, 1998).
Figure 7 :
Oxygène Dissous (OD) pour les trois jours de
prélèvement
Les teneurs en OD traduisent un milieu appauvri en
O2 et peuvent être dues à une importante concentration
en nutriments dans les eaux usées du canal (Dyer et al.,
2003). En effet, Eriksson et al. (2001)
présentent des mesures de concentrations en oxygène dissous
réalisées sur les eaux grises générées par
les ménages, elles sont dans l'intervalle suivant : 0,4 - 5,8
mgO2/l. Les faibles concentrations en OD dans les
échantillons pourraient être dues aux réactions de
dégradation biologique des matières organiques contenues dans le
canal. Ces réactions ne consomment pas seulement de l'oxygène
mais aussi produisent de l'ammoniac provenant de la décomposition des
composés azotés organiques. L'ammoniac n'a pas été
mesuré dans cette étude, cependant il est reconnu comme toxique
à des concentrations autour de 0,5 mg/L vis-à-vis des
espèces aquatiques, spécialement les formes les plus
avancées tels les poissons(Zimmo et al., 2004).
La démarche élaborée montre aussi qu'une
évaluation sommaire et rapide des eaux usées urbaines sur
l'écosystème naturel peut être réalisée
à faible coût et rapidement. En conclusion, les différents
résultats obtenus à partir de l'application de l'approche
montrent que les ELPAP peuvent causer d'importantes nuisances sur les
organismes aquatiques de l'écosystème de la baie. Toutefois, elle
nécessite d'être approfondie par la mise en oeuvre d'essais
d'écotoxicité sur les 3 premiers niveaux d'organisation
trophique.
D. CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
|
Cette étude, sur les eaux usées urbaines de
Port-au-Prince, s'inscrit dans le cadre des travaux de recherche sur
« la caractérisation physico-chimique, biologique et
écotoxicologique des effluents liquides rejetés dans la baie de
Port-au-Prince » que réalisent conjointement le
LAEPSI (INSA de Lyon), le LAQUE (UniQ), le L.S.E. (ENTPE) et le laboratoire
d'écotoxicologie de l'Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon.
Son objectif était d'élaborer une démarche permettant
l'évaluation sommaire des dangers environnementaux
générés par les eaux usées urbaines sur
l'écosystème de la baie de Port-au-Prince, et de l'appliquer sur
les eaux usées provenant d'un canal du réseau de drainage de la
même ville.
A partir d'une étude bibliographique
réalisée sur les eaux usées urbaines, nous avons
élaboré un cadre expérimental qui consiste en :
· la mise en place d'une procédure
d'évaluation des dangers en fonction de certains paramètres
physico-chimiques comparés aux valeurs seuils fixées par les
normes européennes ;
· la détermination de ces paramètres
A l'issue de ces deux premières parties, nous avons
abordé la phase d'interprétation des résultats où
nous avons constaté que :
· les eaux usées urbaines de Port-au-Prince ont
une charge organique très élevée ; on note une
valeur de DCO 12 fois supérieure aux seuils fixés par les normes
européennes, ce qui peut être préjudiciable à
l'écosystème de la baie ;
· le rapport DCO/COT varie entre 2,93 et 4,40, avec une
valeur moyenne de 3.66 ce qui traduit une faible biodégradabilité
des substances contenues dans ces effluents ; donc une probable
disponibilité de substances non dégradées et toxiques pour
les microorganismes ;
· les valeurs obtenues pour l'oxygène dissous sont
très faibles, ce qui traduit l'existence d'un danger toxique
potentiellement persistant par manque d'oxygène pour dégrader les
substances ;
· les métaux lourds sont faiblement
présents sous la forme dissoute, à l'exception du cadmium (0,011
mg/L) et du zinc (0,056mg/L - 0,229mg/L) qui ne dépassent pas les
valeurs seuil mais se trouvant à des concentrations relativement
élevées, ce qui peut générer un effet toxique
chronique dû à la bioaccumulation.
Au delà des informations quantifiées que fournit
ce travail sur le danger potentiel que représentent les eaux
usées du réseau de drainage de Port-au-Prince, il constitue la
première contribution à la caractérisation physicochimique
des eaux usées. Cette démarche novatrice devra désormais
être poursuivie par d'autres mesures.
En effet, la diversité des rejets dans le réseau
de drainage nécessitent à l'avenir d'étendre
également les recherches en procédant à :
§ la détermination d'autres paramètres
physico-chimiques tels les nitrates et les phosphates qui sont principalement
responsables de l'eutrophisation du milieu récepteur ;
§ la mesure de métaux particulaires car les
métaux lourds liés aux particules sont très dangereux pour
les organismes aquatiques fouisseurs ;
§ des bioessais qui révèlent les effets
directs des rejets sur les organismes aquatiques ;
§ des analyses tant sur les échantillons de temps
sec (eaux pluviales non comprises) que sur ceux de temps de pluie (eaux
pluviales comprises).
Ces résultats permettront de mieux comprendre les
dangers environnementaux générés par les eaux usées
urbaines de Port-au-Prince sur l'écosystème de la baie..
|