La responsabilité civile des organisateurs de loteries commerciales( Télécharger le fichier original )par Roger LANOU Université de Ouagadougou - Maà®trise en droit des affaires 2003 |
§2 L'influence de la qualité de la victimeSi l'article 1382 du Code civil oblige l'auteur d'un dommage à le réparer, il ne détermine aucun mode spécial de réparation150(*) et ne précise pas non plus la personne qui doit recevoir cette réparation. A priori, cela ne semble pas poser une difficulté majeure, car ce n'est que simple logique que de déduire des termes de l'article 1382 que seule la victime doit recevoir la réparation du dommage qu'elle a "personnellement" subi (A). Mais en pratique, et plus particulièrement dans le domaine des loteries publicitaires, se posera souvent le problème de la réparation du préjudice des associations de consommateurs (B). A. La victime personne physiqueLe prospect qui a subi un préjudice, consistant en la "personnalisation" du document envoyé et la vaine croyance dans l'acquisition d'une somme importante, doit avoir réparation de celui-ci. Il n'est en principe dû réparation qu'à la personne qui est atteinte dans son intégrité physique, morale ou patrimoniale. La marge d'appréciation laissée au juge lui permet de moduler les dommages et intérêts en fonction du caractère plus ou moins équivoque du message et de la capacité de discernement du destinataire. La responsabilité délictuelle conduit à une réparation limitée au préjudice effectivement subi par le prospect. En général, le juge accorde des dommages et intérêts d'un montant inférieur à la somme promise151(*). Il arrive cependant que le juge prononce des réparations d'un montant dans certains cas proche, voire supérieure à la valeur du lot promis. Ainsi, il a été jugé que la déception subie par le consommateur était « à la mesure de l'espérance de gain qu'il avait pu entretenir »152(*), ce qui fait dire à certains auteurs qu'il s'agit de dommages et intérêts "punitifs" ou "exemplaires"153(*). Il ne se pose pas de problème véritable dans l'évaluation du préjudice subi, lorsque l'action en responsabilité -contre l'organisateur de loteries publicitaires- est intentée par une personne physique. En effet, les juges acceptent plus facilement de réparer intégralement les préjudices d'une personne physique que ceux subis par une association de consommateurs.
B. L'action des associations de consommateursL'article L. 421-1 du Code de la consommation français dispose que : « les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire explicite la défense des intérêts des consommateurs peuvent, si elles ont été agréées à cette fin, exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs »154(*). Les juges répugnent cependant à réparer les préjudices des associations pour deux raisons essentielles. D'abord, l'intérêt collectif des consommateurs est une notion fuyante. On ne sait que ce qu'il n'est pas, bien qu'étant une notion légale : il n'est ni l'intérêt général, que le ministère public est chargé de protéger, ni l'intérêt individuel, ni même l'addition des intérêts individuels. Ensuite, certains juges considèrent que les associations de consommateurs ne sont pas de véritables victimes, car ne cherchant par leurs actions qu'à s'enrichir aux dépens des professionnels155(*). Quoiqu'il en soit, il est fait interdiction au juge de prononcer une "condamnation symbolique" ou "de principe", attitude qu'il adopte le plus souvent dans la réparation des préjudices subis par des associations156(*). Cette interdiction ne semble aucunement constituer un véritable obstacle pour le juge, qui fréquemment, se borne à prononcer des réparations à caractère symbolique. C'est ainsi que la Cour d'appel de Paris a estimé que : « l'intérêt collectif des consommateurs sera [...] exactement réparé par l'octroi d'une somme de 1 franc de dommages et intérêts »157(*). Ces associations peuvent aussi exercer des "actions en représentation conjointe". Ce sont des actions par lesquelles, une association mandatée agit en réparation au nom de consommateurs personnes physiques identifiées ayant subi des préjudices individuels causés par le fait d'un même professionnel. Il revient dans ce cas au juge d'évaluer souverainement le montant de ces préjudices, avec la réserve cependant qu'il ne peut allouer une indemnité symbolique. Qu'en est-il de l'évaluation du préjudice dans les autres fondements ? * 150 Civ. 1ère, 14 mai 1962, D. 1963, p. 218, n°241. * 151 La Cour d'appel de Paris dans une espèce où la somme promise était de 105750 francs a évalué le montant des dommages et intérêts à 5000 francs ( CA. Paris, 23 octobre 1998, cité par De GOUTTES, op. cit., p.1) * 152 CA. Paris, 27 octobre 1995, D. 1995, Jur., p. 251. * 153 Pour l'étude des dommages et intérêts punitifs, voir supra p. 32. * 154 Pour plus d'informations voir : J. CALAIS-AULOY, note ss. Paris, 11 mai 1983, D. 1983, Jur. p. 143 ; Cass. Crim. 22 août 1990, D. 1990, p.243 ; Crim., 22 août 1990, D. 1990, IR, 243. * 155 J. CALAIS-AULOY, op.cit. p. 143. * 156 Civ. 2ème, 28 novembre 1962, D. 1963, 77 ; H. et L. MAZEAUD et F. CHABAS, op. cit., p. 711. * 157 CA. Paris, 23 octobre 1998, cité par De GOUTTES, op. cit., p.1. |
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