1. 2. 3. Les insuffisances
de la communication sociale au Cameroun en santé publique et en
santé de la peau
La communication sociale au Cameroun connaît de
nombreuses insuffisances :
§ Absence d'une politique de communication
réelle au Cameroun dans le domaine de la santé publique
(Confère les propos M. Babi Kussana au paragraphe
précédent).
§ Absence du souci d'impact sur la
cible
Les propos du chef de la cellule de communication du
ministère de la santé cités en introduction relatent que
la sensibilisation et l'information sont les seuls moyens utilisés en
communication sociale pour l'instant au Cameroun en matière de
santé ... chacun reste libre d'adopter les conseils et
recommandations de l'annonceur ou de les ignorer et de continuer à
s'exposer. Ce dernier propos traduit une absence de souci d'impact du message
sur la cible.
Il existe trois niveaux de réponse au message en
fonction des objectifs visés par une communication. A chaque niveau,
l'annonceur doit avoir une approche communicationnelle différente pour
que la cible s'adapte en fin de compte au message émis. La figure 1 qui
suit énonce que pour qu'une communication se révèle
efficace, l'annonceur doit veiller à ce que la cible aille du stage
cognitif au stade comportemental.
Au stage cognitif, l'annonceur a pour souci d'attirer
l'attention de la cible sur le comportement indexé, lui fournir les
informations et connaissances lui permettant de mieux prendre conscience du
contenu des messages. Pour atteindre cet objectif, l'annonceur doit informer et
éduquer la cible.
Au stade affectif, l'annonceur doit pouvoir toucher la cible
sur un volet sentimental ou émotif. Un individu peut avoir connaissance
d'un message communicationnel et y être indifférent, voir hostile.
Il s'agira pour l'annonceur à ce stade, de pousser la cible vers le
comportement souhaité en créant autour de ce message des stimuli
pouvant être positifs ou négatifs. Ces stimuli auront pour
objectif d'essayer d'amener la cible vers le comportement souhaité
(stage comportemental).
Figure 1. Le schéma des niveaux
hiérarchiques des réponses en communication
Niveau
|
Modèle de communication
|
Stage cognitif
(éducation - information)
|
Exposition
Réception
Réponse cognitive
|
Stage affectif
(stimuli)
|
Attitude
Intention
|
Stage comportemental
|
Comportement
(adaptation ou non adaptation)
|
Sources : (Kotler et Dubois,
2000)
Ce schéma montre clairement que l'information et
l'éducation sont des actions à mener au stage cognitif dans le
processus de changement de comportement. Les niveaux affectif et comportemental
du point de vu du fondement stratégique sont un peu
lésés.
§ Les phénomènes sociaux dans la
santé de la peau sont quasi-lésés
Les phénomènes sociaux en santé sont des
comportements auxquels se donnent les populations, et qui à long terme,
deviennent néfastes pour leur bien-être et leur santé. Il
s'agit du tabagisme, de l'alcoolisme, la dépendance à la drogue,
la prostitution avec l'exposition aux IST, les mutilations corporelles telles
que la dépigmentation volontaire de la peau, les piercings, les
tatouages.
Au vu des axes communicationnels du ministère de la
santé publique dans les phénomènes sociaux, force est de
constater que le domaine de la santé de la peau et plus
précisément les cas de mutilation de la peau sont quasiment
lésés.
En revenant sur le contenu des propos du Dr Bissek
cités en introduction générale, il ressort que le
phénomène du « décapage » est
dangereux pour la santé, prend du terrain, et est lésé au
Cameroun ; aussi, aucune action de communication sociale en vu de le
voir reculer n'a été menée ni par le ministère de
la santé publique, ni par les dermatologues. L'effectif et la
localisation des dermatologues sur le territoire national sont peu
significatifs à notre appréciation. Moins de 2 dermatologues par
province et 2 provinces représentées sur 10 au Cameroun; or
d'après l'EDSC 2004, les maladies de la peau ont le
3ème rang dans les provinces du Nord, du Littoral et de
l'Adamaoua, et le 4ème rang à l'Extrême - Nord
et au Sud dans le classement des dix premières causes de la
morbidité dans quelques provinces.
Bien que quelques campagnes d'information et de
sensibilisation tournées vers certaines maladies
involontaires de la peau (ulcère du Buruli,
lèpre, rougeole, le cancer de la peau) aient été
menées, ces actions restent ponctuelles sur le secteur de la
santé.
§ L'absence des axes créatifs visant
à dissuader par la peur
« Certaines personnes ont conscience que
certains comportements les exposent à être malade. C'est comme
dans le cas du SIDA, beaucoup savent qu'en ayant des rapports sexuels non
protégés, ils sont exposés, mais continuent de le faire.
On n'y peut rien. Tout ce qu'on peut faire, c'est d'informer ceux qui ne le
savent pas encore, que c'est dangereux. On conseille aussi les médecins
au cours de certaines formations, de conseiller et d'éduquer certains
malades qui se présentent auprès d'eux dans les hôpitaux.
Pour ce qui est d'utiliser un ton dissuasif comme la peur, on ne le fait pas.
On respecte la liberté fondamentale de chacun. Etant conscient du
danger, ils sont libres de choisir entre se protéger et vivre, ou ne pas
se protéger et mourir. C'est un choix. On ne peut pas les forcer par ce
type de méthode à vivre s'ils ne veulent pas ».
La communication pour la prévention du risque utilise
ailleurs (en France, en Suisse et dans les pays anglo-saxons comme les
Etats-Unis, l'Afrique du Sud, l'Australie et l'Angleterre) 4 méthodes:
la contrainte, la stigmatisation sociale, l'information et l'appel à la
peur ; (Mercier, 2003).
* La contrainte : elle
réduit la liberté d'action de la cible d'un mauvais comportement
social et l'oblige à adopter le comportement souhaité par
l'annonceur.
Photo 2. Panneau d'interdiction de fumer
* La stigmatisation sociale :
elle vise à défavoriser, à dénigrer
la cible qui se livre au comportement indexé, et à valoriser
celle qui ne s'y livre pas.
Photo 3. L'espace du fumeur photo 4.
L'ordure c'est celui qui salit de HYSACAM
* L'information : elle donne
des informations sur les méfaits d'un comportement nuisible, comment s'y
mettre à l'abris,...etc. dans le but d'apporter une connaissance sur le
phénomène au public cible.
* L'appel à la peur : il
met en avant les dangers de l'exposition à un comportement dangereux de
façon à toucher la vividité de la cible, de lui faire peur
et de la voir ainsi abonder le mauvais comportement indexé.
Photo 5. La bouche du fumeur Photo 6. Conséquence
de l'insécurité routière
Les propos de M. Babi Kussana et l'observation du paysage de
la communication au Cameroun montre que les annonceurs utilisent l'information
(Campagne « Pincer- Rouler » de l'Association Camerounaise
de Marketing Social sur l'utilisation du préservatif, et autres actions
autour du VIH/SIDA). Ils utilisent aussi la stigmatisation
sociale (Campagnes de HYSACAM « C'est qui l'ordure ? Celui
qui salit ») et la contrainte (les panneaux d'interdiction de fumer
dans les lieux publics).
Or, aucune campagne visant à dissuader par la peur
dans le système communicationnel du ministère de la santé
publique au Cameroun n'a été faite jusqu'à nos jours. La
peur (non utilisée au Cameroun) a pourtant connu un grand succès
dans des pays anglo-saxons et en France. La campagne de l'Institut National de
Prévention et d'Education pour la Santé (INPES) "
Révélation ", a été primée pour son
efficacité dans la lutte contre le tabagisme en France en 2003 dans le
cadre du prix EFFIE. L'impact des messages chocs véhiculés par
cette campagne sur la consommation du tabac a été fort. Ainsi
près d'un million de consommateurs, pris de panique, ont appelé
le numéro vert après avoir vu le spot. De plus, un post-test a
montré des résultats intéressants : outre des scores de
mémorisation et d'agrément élevés, 17% des fumeurs
ont eu envie d'arrêter de fumer suite à la diffusion de ce
message.
La peur a aussi été
usitée en France dans plusieurs autres domaines et s'est
révélée efficace : c'est le cas aussi de la lutte
contre l'insécurité routière (LAVOISIER, 2001).
Au vu de ce qui précède, la pratique
communicationnelle en santé publique présente des lacunes non
négligeables, influençant la qualité des campagnes
sociales menées, et leur impact sur la cible visée. Notre
démarche permettra de tester l'impact d'un nouveau ton communicationnel
auprès de la population camerounaise. Compte tenu du succès de la
peur en France auprès des jeunes fumeurs, est-ce que la peur peut
produire le même effet au Cameroun, sur les femmes de 15 à 55 ans
de la ville de Yaoundé, dans un contexte de lutte contre la
dépigmentation volontaire de la peau, de façon à nous
permettre de voir les femmes utiliser des produits non blanchissants sur leur
peau ?
En d'autres termes, quel est l'impact des messages
de peur sur le comportement des femmes de 15 à 55 ans de la ville de
Yaoundé face à la dépigmentation volontaire de la
peau ?
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