2. 2.
MODELE THEORIQUE DU MESSAGE DE PEUR SUR LA DEPIGMENTATION VOLONTAIRE DE LA
PEAU
2. 2. 1. Les particularités
du modèle du message de peur sur les comportements dangereux
Si le modèle de Rogers est intéressant pour
expliquer l'impact des messages présentant un danger sur la motivation
à la protection, il demeure cependant incomplet pour expliquer les
traitements de l'information ainsi que le rôle des émotions
négatives ressenties au moment de la réception du message.
Certains auteurs (Witte, 1992 ; Courbet, 1999 ; Girandola, 2000)
estiment que ce modèle ne fournit aucune explication quant aux
échecs observés lorsque l'émotion phobique active une
stratégie de défense ou d'évitement (processus de
contrôle de la peur). De même, l'impact de l'émotion
négative sur le processus de contrôle du danger est très
peu abordé. Le modèle proposé par Witte (1992) a donc
dépassé les limites du modèle de Rogers.
Bien que le modèle de Witte (1992) soit
considéré aujourd'hui comme un modèle de
référence en terme d'impact de la peur sur les comportements
sociaux, il demeure difficile au travers de la figure présentée
à cet effet, de différencier l'impact de la perception
modérée par rapport à celui de la perception forte sur le
comportement. Il est difficile de distinguer le moment auquel la perception
faible n'a pas d'effet sur le comportement ou ceux où les perceptions
forte et modérée ont un réel impact sur l'adaptation ou la
non adaptation. Il est aussi pénible d'identifier chacun des 3 niveaux
de la communication au travers du modèle de Witte. Pour pallier à
ces limites du mécanisme mis en place par Witte, un mécanisme
correctif faisant ressortir clairement les articulations de la démarche
de persuasion par le message de peur a été mis sur pied. De ce
mécanisme et aux lectures des travaux d'autres chercheurs, il sera
tiré un modèle propre à l'impact du message de peur dans
un contexte de lutte contre la dépigmentation volontaire de la peau.
2. 2. 2. Fondements théoriques du message de
peur sur les comportements dans un contexte de lutte contre la
dépigmentation volontaire de la
Ø Les fondements théoriques
Les fondements théoriques de notre modèle sont
les modèles de Rogers et Witte, la théorie de la consonance et de
la dissonance cognitive, le concept de l'influence de la
répétition des messages sur le comportement de Courbet, et les
conclusions des études menées par d'autres chercheurs tels Janis
et Freshbach, Gallopel, etc.
Le modèle des processus parallèles
étendus de Witte (1992) a permis de cerner la notion de perception et
ses 3 dimensions à savoir : la perception faible,
modérée, et forte.
Le modèle de Rogers a permis d'évaluer les
motivations de se protéger influençant le comportement. Selon
Rogers (1975, 1983) et Witte (1992), lorsque les solutions d'aide à
maîtriser le danger sont adoptables par l'individu, celui-ci s'adapte au
comportement souhaité par l'annonceur. Lorsqu'il lui est impossible de
s'adapter à ces solutions, il rejette le message, l'évite, le
dénigre et refuse d'adopter le comportement souhaité. Ce
modèle a contribué au montage des hypothèses secondaires
de l'intention et de la motivation d'arrêter les mauvais comportements
dénoncés par l'annonceur.
La théorie de la contingence et de la dissonance
cognitive a permis de cerner une quatrième dimension de la perception en
dehors de celles proposées par Witte (1992, 1994), c'est la perception
inexistante ou perception nulle. En effet, cette théorie énonce
que lorsqu'un individu ne se sent pas impliqué ou concerné par le
message, il est indifférent au message de peur émis par
l'annonceur. Il n'y perçoit aucun sentiment, aucune peur, aucune
gène. En d'autres termes, c'est l'implication au message de peur
émis qui détermine l'intensité de la menace ou de la
perception ressentie par l'individu.
Pour étudier les relations existantes entre la peur
faible et l'adoption du comportement, et la peur forte et le rejet du message,
Courbet (2000) arrive aux résultats selon lesquels en utilisant une
forte répétition des messages, on peut amener un individu ayant
une perception faible à chercher à se protéger et donc
à adopter un comportement positif ou négatif au message. De
même, un individu ayant une perception forte lorsqu'il est exposé
à une forte répétition du message de peur peut rejeter,
dénigrer le message et s'empirer dans le mauvais comportement.
Janish et Fleshbach (1953) ont également mis en
évidence le fait qu'une forte perception de la peur pouvait avoir un
effet négatif sur la cible du message. Par contre, (Leventhal,
1965 ; Godener, 1999 ; La Tour, 1996 ; Gallopel, 2002 ;
Girandola, 2000 ; Lavoisier, 2000) et bien d'autres chercheurs soutiennent
la thèse selon laquelle une forte perception de la peur influence
significativement le comportement de la cible.
Kapferer (1990) pense quant à lui que le comportement
adopté par la cible dépendra de ses caractéristiques,
croyances, idéaux et valeurs d'une part, et d'autre part du type de
phénomène social combattu. Pour lui, certaines personnes sont
sensibles à certains sujets sociaux plus qu'à d'autres et peuvent
réagir différemment lorsqu'ils sont abordés.
Ø Le mécanisme sous- jacent
Ce mécanisme vient corriger celui proposé par
Witte (1992) en intégrant d'autres concepts et d'autres idées
soutenues et étudiés par d'autres chercheurs tels que
présentés à l'item précédent. Il s'agit de
l'idée de l'inexistante de perception devant un message de peur (texte +
images) du fait de la non implication de la cible au phénomène
indexé (Confère théorie de la consonance et de la
dissonance cognitive) et des moments auxquels la cible ressent la motivation de
se protéger et de s'adapter ou non au message.
Figure 5. Mécanisme sous-jacent de
l'impact du message de peur sur le comportement
Message de peur
Caractéristiques cible
Perception de la menace
Nulle
Faible
Modérée
Forte
Répétition message
Pas de motivation à se protéger
Motivation à se protéger / Efficacité
perçue
Caractéristiques de la cible
Non adaptation
Adaptation
Source : auteur (sur la base des lectures et d'autres
modèles).
La perception de la peur issue du message émis par
l'annonceur est fonction des caractéristiques de la cible (âge,
sexe, cadre social, croyances, idéaux, degré d'implication de la
cible, etc.) ; Witte (1992). En fonction de ses caractéristiques,
la cible peut percevoir ou non le risque. La théorie de la consonance et
de la dissonance cognitive énonce que lorsqu'un individu ne se sent pas
impliqué et concerné par un phénomène, il
émet une réaction d'indifférence face à un message
présentant les dangers de ce phénomène et il ne peut pas
dans ce cas s'adapter au comportement souhaité par l'annonceur.
Lorsqu'il est impliqué et se sent concerné, il étudie le
message en profondeur et est susceptible de réagir positivement à
ce message (Festinger, 1965).
Lorsque l'individu perçoit de la peur, il y a des
possibilités d'évaluer le niveau de peur ressentie. Si la peur
est forte ou modérée, l'individu éprouve une motivation
à se protéger (Rogers, 1983 ; Witte, 1992). Si la peur est
faible, l'annonceur peut utiliser une forte répétition du message
pour amener cette cible à éprouver la motivation à se
protéger des dangers présentés par le message (Courbet,
2000). Lorsque la cible est motivée à se protéger, elle se
retourne vers les solutions échappatoires que lui propose l'annonceur.
Si ces solutions sont réalisables par la cible, elle accepte le message
et adopte le comportement souhaité par l'annonceur. Dans le cas
contraire, elle va rejeter le message, le dénigrer, et l'éviter
(Witte, 1992 ; Rogers, 1985).
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