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La procédure d'immatriculation des terrains en droit camerounais selon le decret n?°2005/481 du 16 decembre

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par Simplice GOUAMBE
Université de yaoundé II-SOA - DEA droit privé 2006
  

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B. Une compétence tacite du juge judiciaire

174. Précisons que jusqu'à une période récente, certains juges judiciaires se réclamaient compétents pour connaître des litiges nés au cours de la procédure d'immatriculation à l'instar des oppositions. Mais la haute juridiction leur rappelait à chaque occasion la limitation de leurs interventions en matière de procédure d'immatriculation. L'attitude de la haute juridiction remet en relief, la capacité du juge judiciaire dans le cadre d'une procédure d'immatriculation. Autrement dit, Le juge judiciaire est-il totalement écarté dans le cadre du contentieux né de la procédure d'immatriculation.

175. La doctrine a mené des recherches relatives à l'identification des litiges qui peuvent naître au cours de la procédure et qui sont de la compétence du juge judiciaire. De ces recherches, il ressort que les litiges relevant du droit même à immatriculer et les droits personnels sont du domaine de compétence du juge judiciaire dans la procédure d'immatriculation.

176. S'agissant des litiges relatifs à la contestation du droit à immatriculer, il ne s'agit pas de la contestation de la mise en valeur, ni de l'étendue du terrain mis en valeur ; mais tout simplement que celui qui sollicite l'immatriculation n'est pas celui-là qui devrait le faire. On conteste la qualité du requérant : soit parce qu'il s'agit de déterminer les droits coutumiers sur le terrain objet de l'immatriculation, défendu par la collectivité coutumière. Par exemple, un immeuble dont le cédant n'était titulaire que d'un simple droit de jouissance que lui avait consenti la collectivité coutumière ; soit que le droit à succéder fait défaut. Dans ce cas, celui qui sollicite l'immatriculation d'un terrain indivis relevant de la succession n'a pas qualité. A ce niveau, il revient au juge judiciaire de déterminer la qualité de chaque héritier et leur part dans le partage successoral. Lorsqu'un tel incident survient au cours de la procédure d'immatriculation, l'instruction doit être suspendue et les autorités en charge des affaires foncières vont être obligées de surseoir et renvoyer les parties devant le juge judiciaire qui décidera. Par exemple, monsieur X sollicite l'immatriculation d'un terrain relevant de la succession de son frère alors que le de cujus a laissé des descendants. Sa qualité peut être contestée par les héritiers95(*).

177. S'agissant des droits personnels, monsieur GASSE Victor relève que « le contentieux des litiges relatifs à des droits et charges non soumis à la formalité de publication (à l'exception du droit relatif à la servitude) sont de la compétence des tribunaux ». Continue t-il «  ces litiges qu'ils aient pris naissance avant ou après le dépôt de réquisition restent de la compétence des juridictions ordinaires »96(*). Il peut s'agir dans ces cas, des contestations relatives à des droits personnels mobiliers. Par exemple, les dégâts commis sur une plantation, des actions dérivant du contrat de louage ne sauraient être réglés par la commission consultative, ni par le juge administratif.

178. Une interrogation réside sur les actions possessoires: qui de la commission consultative et de la juridiction judiciaire peut connaître des actions possessoires ? La réponse à cette question fait l'objet d'une discordance entre les juridictions et la doctrine.

La Cour Suprême ne reconnaît pas au juge judiciaire, compétence pour connaître des actions possessoires dirigées au cours d'une procédure d'immatriculation directe. Elle affirme que ces actions sont de la compétence exclusive de la commission consultative. Dans une espèce, la haute juridiction précise qu'en cas de trouble apporté à l'occupation ou à l'exploitation du domaine national, l'occupant ou l'exploitant doit procéder au préalable à l'immatriculation dudit terrain avant d'intenter une action en cessation de trouble ou d'expulsion.

En effet, dans l'affaire MPOULI Lottin97(*), ce dernier demandait au tribunal de protéger sa possession immobilière en attendant qu'il ne devienne propriétaire. Il a été débouté au motif qu'en l'état, il ne pouvait justifier de son droit de propriété sur la parcelle de terrain litigieux. Il a interjeté appel à la Cour d'Appel de Douala où il est à nouveau débouté. Il s'est pourvu en cassation. La Cour Suprême a rejeté son pouvoir au motif « que le seul droit de jouissance invoqué sur la base d'une attribution coutumière de terrain ne pouvait faire triompher l'action en expulsion du demandeur ». Cette position de la haute juridiction a fait dire Monsieur MIENDJIEM Isidore Léopold que « faire de l'immatriculation préalable un critère de protection des terres coutumières, c'est annihiler toute protection possessoire en matière foncière ; c'est rendre théorique la possession immobilière sur le plan civil »98(*).

179. A s'en tenir à cette argumentation, le problème de la qualification des membres de la commission consultative causerait des difficultés dans le règlement desdites actions.

180. Par ailleurs, l'analyse de certaines dispositions des textes régissant la procédure d'immatriculation, permet de se rendre compte que le juge judiciaire reste compétent pour connaître de ces actions. Ainsi, suivant les termes de l'article 5 alinéa 3(a) de la loi N°19 du 26 novembre 198399(*).

« Relève de la compétence des commissions consultatives, le règlement des litiges fonciers ci après :

les oppositions à l'immatriculation en instance aux services des domaines à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ;

les oppositions à l'immatriculation des terrains formulées dans le cadre de l'application du décret prévu à l'article 7 de la présente ordonnance ;

toutes revendications ou contestations d'un droit de propriété sur les terrains non immatriculés, introduites par les collectivités ou les individus devant les tribunaux ».

Par ailleurs, l'article 14 du décret N° 76/166 qui dispose «  (la commission consultative) examine et règle le cas échéant tous les litiges fonciers qui lui auront été renvoyés par les juridictions ».

181. A l'analyse de ces textes, il se dégage que les contestations et les revendications qui relèvent de la compétence de la commission consultative constituent des actions pétitoires puisqu'elles ont pour but de faire designer le véritable occupant ou exploitant du domaine national. Il existe donc trois types d'actions pétitoires : l'action en revendication, l'action confessoire100(*) et l'action negatoire101(*). Suivant un raisonnement déductif, on peut dire que si les actions pétitoires dirigées au cours d'une procédure d'immatriculation sont de la compétence de la commission consultative comme il résulte de l'esprit de ces différents textes, on peut conclure que les actions possessoires dirigées au cours d'une procédure d'immatriculation lui échappent. Par conséquent, seul le juge judiciaire peut connaître de ces actions possessoires. Cette position peut également tirer son fondement dans l'article 5 alinéa 3-b nouveau de la loi N° 19 du 26 novembre 1983 qui dispose que « est de la compétence des juridictions judiciaires le règlement de tous les autres litiges fonciers à l'exclusion de ceux relatifs aux conflits frontaliers »102(*).

* 95 En droit successoral camerounais, lorsque un défunt laisse des descendants, c'est ceux-ci qui lui succèdent en dehors de tous les successibles des autres rangs.

* 96 GASSE (V) op. cit. p107.

* 97 CS N°62/CC du 06 janvier 1983, affaire MPOULI Lottin contre DJONO Valentin, TAGNE Christophe et NOUME Henri cité par MIENDJIEM ( I.L) op cit n°333 et Suiv ; p263 et Suiv.

* 98 MIENDJIEM ( I.L), op cit n°337, p 268

* 99 Loi n°19 du 26 novembre 1983 modifiant les dispositions de l'article 5 de l'ordonnance n°74/1 du 06 juillet 1974 fixant le régime foncier

* 100 C'est une action réelle tendant à la reconnaissance d'un droit de servitude, d'usufruit ou d'usage.

* 101 C'est une action réelle tendant à faire reconnaître qu'un fonds n'est pas grevé d'une servitude, d'un usufruit ou d'un droit d'usage.

* 102 Loi N°19 du 26 novembre 1983 modifiant de l'article 5 ordonnances N°74/1 op. cit.

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