V- LA VICTIMISATION
Dans cette seconde partie, nous essayerons de voir l'influence
que chacune de nos nouvelles variables (lien affectif, dégradation du
quartier et cohésion sociale) aura sur la victimisation, nous
utiliserons les tableaux croisés. Il s'agira pour nous de mettre en
relation chacune de ces trois variables le fait d'avoir été
victime. La victimisation devient donc dans cette partie la variable
dépendante.
Ensuite nous procéderons à des analyses
multivariées pour voir lequel des facteurs soit individuels ou
environnementaux a le plus d'influence sur les différentes sortes de
victimisation dont nous disposons dans notre sondage.
Il est à noter qu'au niveau de la victimisation, nous
disposons uniquement de la prévalence dernière année et la
victimisation comprend quatre groupes. Il est à signaler aussi que nous
ne représenterons dans nos tableaux que les résultats qui sont
significatifs.
5.1-Lien entre le lien affectif et la
victimisation
Tableau 33
|
Lien affectif en deux catégories
|
|
|
Fort lien (N=2493)
|
Faible lien affectif (N=1097)
|
|
Le fait d'avoir été volé de quelque
chose
|
jamais été victime
|
1972
79.1%
|
808
73.7%
|
X²= 12.560
p-value=0.000
G=0.231
Phi=0.059
|
Victime au moins une fois
|
521
20.9%
|
289
26.3%
|
Total
|
100%
|
100%
|
Ce tableau se lit des la manière suivante : 26.3%
des jeunes affirmant qu'ils ont un faible lien affectif avec leur quartier ont
au cours de la dernière année précédent le sondage
été victime d'un vol notamment du vol d'un livre, d'argent, de
téléphone portable, affaires de sports, vélo, etc... ,
contre 20.9% pour ceux qui estiment avoir des liens affectifs avec leur lieu de
résidence.
Il y a donc une relation statistique entre le lien affectif et
le fait d'avoir été volé.
5.2-Lien entre la dégradation du quartier et la
victimisation
Tableau 34
|
Dégradation du quartier en deux catégories
|
|
|
Faible dégradation (N=3531)
|
Forte dégradation (N=60)
|
|
Être obligé de donner de l'argent ou autres
choses
|
Jamais été victime
|
3457
97.9%
|
52
86.7%
|
X²= 34.289
Fischer Test=0.000
G=0.760
Phi=0.098
|
Victime au moins une fois
|
74
2.1%
|
8
13.3%
|
|
Total
|
100%
|
100%
|
|
Avoir été frappé ou blessé
violemment
|
Jamais été victime
|
3457
97.9%
|
51
84.5%
|
X²= 44.306
Fischer Test=0.000
G=0.787
Phi=0.112
|
Victime au moins une fois
|
74
2.1%
|
9
15.5%
|
Total
|
100%
|
100%
|
Le fait d'avoir été volé de quelque
chose
|
Jamais été victime
|
2744
77.7%
|
38
63,9%
|
X²= 6.496
P. V=0.078
G=0.279
Phi=0.030
|
Victime au moins une fois
|
787
22.3%
|
22
36.1%
|
Total
|
100%
|
100%
|
Dans ce tableau, nous voyons que notre variable
indépendante a des relations statistiques avec le fait d'avoir
été obligé de donner de l'argent ou autres choses, le fait
d'avoir été frappé violemment et le fait d'avoir
été volé de quelque chose. Que se soit par la p-value ou
le test de Fischer, il y a des liens entre variable indépendante et
celle dépendante.
En ce qui concerne le fait d'avoir été
forcé de donner de l'argent ou autres choses, les jeunes des quartiers
fortement dégradés sont plus victimes (13.3% contre 2.1% pour les
autres) et la relation est faible.
Pour le fait d'avoir été frappé
violemment, 2.1% de ceux qui ont un quartier faiblement dégradés,
en ont été victimes contre 15.5% pour les jeunes des quartiers
dégradés avec toujours une relation faible.
Concernant le fait d'avoir été volé de
quelque chose, nous obtenons les résultats suivants : 22.3% des
jeunes vivant dans un quartier faiblement dégradés en ont
été victimes contre 36.1% pour ceux vivant dans un quartier
fortement dégradés.
Comme nous l'avons signifié pour la délinquance,
ces pourcentages pourraient être autres si nous n'obtenions pas cet
écart aussi considérables entre ceux vivant dans les quartiers
dégradés et ceux dans des quartiers non
dégradés.
Cependant, la plupart des auteurs dans la littérature
affirment l'existence d'un lien entre la victimisation et la dégradation
d'un quartier. Généralement ces quartiers laissés à
l'abandon, permettent à des délinquants de s'installer et de
pouvoir mener à leur aise leurs activités. Les populations sont
alors victimes de nombreux actes de victimisation, ce qui pousse la plupart
à quitter ces quartiers. (Shaw et Mckay, 1962).
Aux Etats-Unis par exemple, la dégradation d'un
quartier peut déclencher assez rapidement un exode massif parmi les
classes moyennes (Cusson, 1989) pour ne pas prendre le risque d'être
victimes de ces délinquants qui s'y installent.
5.3-Cohésion sociale et
victimisation
Tableau 35 :
|
Cohésion sociale en trois catégories
|
|
|
|
Forte cohésion (N=1342)
|
Moyenne cohésion (N=1056)
|
Faible cohésion (N=1116)
|
|
Être obligé de donner de l'argent ou autres
choses
|
Jamais été victime
|
1322
98.5%
|
1032
97.7%
|
1081
96.9%
|
X²= 7.383
P. V=0.025
G=0.250
Phi=0.046
|
Victime au moins une fois
|
20
1.5%
|
24
2.3%
|
35
3.1%
|
Total
|
100%
|
100%
|
100%
|
Le fait d'avoir été volé de quelque
chose
|
Jamais été victime
|
1070
79.7%
|
817
77.4%
|
828
74.2%
|
X²= 10.378
P. V=0.006
G=0.105
Phi=0.055
|
Victime au moins une fois
|
272
20.3%
|
239
22.6%
|
288
25.8%
|
Total
|
100%
|
100%
|
100%
|
Maltraitance à l'école
|
Jamais été victime
|
1184
88.2%
|
946
89.6%
|
947
84.9%
|
X²= 11.416
P. V=0.003
G=0.094
Phi=0.057
|
Victime au moins une fois
|
158
11.8%
|
110
10.4%
|
169
15.1%
|
Total
|
100%
|
100%
|
100%
|
A la lecture de ce tableau, nous constatons l'existence d'un
lien statistique significatif entre la cohésion sociale et le fait
d'avoir été obligé de donner de l'argent ou autres choses,
le fait d'avoir été dépossédé de quelque
chose et la maltraitance à l'école.
Concernant le fait d'avoir été obligé de
donner de l'argent ou autre chose, la force de la relation est nulle à
faible. 3.1% des jeunes qui vivent dans un quartier où il y a une faible
cohésion sociale ont au moins été obligé une fois
de donner de l'argent ou autre chose contre 2.3% pour les jeunes des quartiers
à moyenne cohésion sociale et 1.5% pour les jeunes des quartiers
à forte cohésion sociale.
Pour le fait d'avoir été
dépossédé de quelque chose, 25.8% de ceux qui estiment
que leur lieu de résidence connaît une faible cohésion
sociale en ont été au moins une fois victimes contre 22.6% (pour
la moyenne cohésion) et 20.3% (pour la forte cohésion).
Pour ce qui est de la maltraitance à l'école,
nous constatons que 15.1% de ceux qui ont une faible cohésion sociale
dans leur quartier en ont été déjà victimes. Pour
la forte cohésion sociale, ils sont 11.8% à avoir
été victime contre 10.4% pour la moyenne cohésion. Nous
remarquerons que ceux qui vivent dans les quartiers ou il y a une moyenne
cohésion sociale, sont moins victimes que ceux vivant dans un quartier
avec une forte cohésion sociale même si les différences de
pourcentage ne sont pas énormes.
Ces résultats vont dans le même sens que ceux de
Ludemann et Sascha (2007) qui montrent en effet que les incivilités, les
contacts avec les voisins et le capital social général ont des
effets positifs sur la victimisation.
5.4-les facteurs individuels comme le sexe,
l'âge, l'ethnie, la situation familiale, l'entente au sein de la famille
et la situation de l'emploi des parents ont plus d'influence sur la
victimisation des jeunes que les facteurs de type spatial et
environnemental
Dans cette partie, nous nous intéresserons à
l'influence que peuvent avoir les facteurs individuels sur la victimisation
subie par les jeunes. Et voir si ces facteurs ont plus d'influence sur leur
victimisation par rapport aux facteurs de type spatial et environnemental.
Comme nous l'avons signifié précédemment,
la victimisation concerne quatre variables que nous allons prendre
séparément pour voir lequel de facteurs individuel ou
environnemental a le plus d'influence sur chacun.
5.4.1-Être obligé de donner de l'argent
ou autres choses
Tableau 36 :
|
B
|
S. E
|
Wald
|
Df
|
Sig
|
Exp (B)
|
Sexe
|
.777
|
.266
|
8.504
|
1
|
.004
|
2.175
|
Entente avec la mère
|
1.197
|
.431
|
7.726
|
1
|
.005
|
3.310
|
Dégradation du quartier
|
1.286
|
.497
|
6.683
|
1
|
.010
|
3.617
|
Lieu naissance du père
|
.613
|
.250
|
5.995
|
1
|
.014
|
1.846
|
Entente avec le père
|
.807
|
.395
|
4.170
|
1
|
.041
|
2.242
|
Nagelkerke R Square : 0.064
A la lecture de ce tableau, nous constatons que la variable
qui a le plus d'influence sur notre variable dépendante est le sexe. Il
s'agit d'une variable de type individuel.
Au vu de la valeur de l'odd's ratio, nous pouvons
interpréter le résultat de manière suivante : les
garçons ont un risque deux fois plus élevés d'être
obligés de donner de l'argent ou autre chose que les filles
Il faut cependant relativiser ce résultat en ce sens
que le Nagelkerke indique que ce modèle n'explique que 6.4% de la
variance.
5.4.2-Avoir été frappé ou
blessé violemment
Tableau 37 :
|
B
|
S. E
|
Wald
|
Df
|
Sig
|
Exp (B)
|
Dégradation du quartier
|
1.525
|
.481
|
10.039
|
1
|
.002
|
4.595
|
Entente avec le père
|
.959
|
.341
|
7.908
|
1
|
.005
|
2.608
|
Lien naissance du père
|
.575
|
.246
|
5.473
|
1
|
.019
|
1.777
|
Entente avec la mère
|
.858
|
.415
|
4.267
|
1
|
.039
|
2.359
|
Nagelkerke R Square : 0.074
La variable ayant le plus d'influence sur notre variable
dépendante est également la dégradation du quartier. Les
jeunes des quartiers fortement dégradés ont un risque quatre fois
plus élevés d'être frappé ou blessé
violemment que ceux des quartiers faiblement dégradés.
Cette interprétation doit encore une fois être
relativisée, en effet, le Nagelkerke indique que le modèle
explique seulement 7.4% de la variance.
5.4.3-Le fait d'avoir été
dépossédé de quelque chose
Tableau 38 :
|
B
|
S. E
|
Wald
|
Df
|
Sig
|
Exp (B)
|
Dégradation du quartier
|
.596
|
.313
|
3.637
|
1
|
.000
|
1.815
|
Lieu de naissance de la mère
|
.286
|
.092
|
9.659
|
1
|
.002
|
1.331
|
Lien affectif
|
.247
|
.093
|
7.086
|
1
|
.008
|
1.281
|
Entente avec le père
|
.405
|
.176
|
5.310
|
1
|
.021
|
1.500
|
Nagelkerke R Square : 0.117
Dans ce tableau, nous constatons une fois encore que c'est la
dégradation du quartier qui a le plus d'influence sur notre variable
dépendante. Les jeunes des quartiers fortement dégradés
ont un risque plus élevés d'en être victime que ceux des
quartiers faiblement dégradés. Le nagelkerke explique le
modèle a 11.7% de la variance.
5.4.4-La maltraitance à
l'école
Tableau 39 :
|
B
|
S. E
|
Wald
|
Df
|
Sig
|
Exp (B)
|
Entente avec le père
|
.730
|
.195
|
13.974
|
1
|
.000
|
2.075
|
Entente avec la mère
|
.687
|
.248
|
7.683
|
1
|
.006
|
1.987
|
Travail du père
|
.456
|
.240
|
3.608
|
1
|
.058
|
1.578
|
Nagelkerke R Square : 0.025
Concernant la maltraitance à l'école, c'est
l'entente au sein de la famille notamment l'entente envers le père qui a
le plus d'influence. Il s'agit d'un facteur de type individuel et les jeunes
qui ne s'entendent pas avec leur père ou l'homme avec lequel ils vivent
ont un risque deux fois plus élevés d'en être victime que
ceux qui s'entendent avec leur père ou l'homme avec lequel ils vivent.
Le nagelkerke n'explique cependant que 2.5% de la variance.
5.4.5- Synthèse
Concernant la victimisation, nous obtenons de résultats
à peu près similaires à ceux de la délinquance. En
effet, si au niveau de la délinquance, les facteurs propres aux
individus étaient ceux qui augmentaient le risque de la
réalisation de la délinquance. En ce qui concerne la
victimisation, on a aussi bien des facteurs environnementaux et individuelles
qui agissent sur les quatres types de victimisation défini dans notre
sondage.
Cela pourrait venir du fait que dans un quartier
dégradé, les jeunes délinquants sont non seulement acteurs
de délinquance mais sont aussi dans une bonne partie des cas
eux-mêmes victimes de ces actes. Ces quartiers devenus
dégradés, ils sont la cible d'individus tels que des
délinquants, des prostituées, des consommateurs et vendeurs de
drogues. Pour ce qui en est des vendeurs de drogues, ils ont très
souvent victimes de délinquance, de même que les consommateurs.
(Aebi, 2006).
|