WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Prévention, dépistage et prise en charge précoce du problème d'alcool en médecine générale : essai d'analyse d'un déni collectif

( Télécharger le fichier original )
par Michel Naudet
Université Paris 8 - Diplôme d'Etudes Supérieures Universitaires en Addictologie 2003
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Avant-propos

Ce sujet de mémoire est né à l'hôpital Delafontaine de St Denis (93) sur mon lieu de stage où je participais en binôme avec un médecin alcoologue à une consultation externe d'alcoologie.

Un jour, une patiente nous a tenu ces propos : « Je savais bien que je buvais trop, j'avais une drôle de tête, mauvaise mine et puis des tremblements le matin. J'avais le même docteur depuis plus de quinze ans, jamais il ne m'a rien dit à ce sujet et je n'osais pas lui en parler ; quand je lui disais que je dormais mal et que j'étais anxieuse, il se contentait de me donner un calmant. Pareil pour ma tension toujours assez élevée. C'est son remplaçant que j'ai consulté une fois pendant les vacances qui m'a mise en garde contre l'abus d'alcool et m'a prescrit des examens ».

J'ai vite constaté qu'il ne s'agissait pas d'un cas isolé et que nombre de patients, à l'instar de la précédente, avaient développé une alcoolo-dépendance parfois sévère sans que leur médecin habituel n'ait jamais, selon eux, abordé clairement ce sujet.

Introduction

En France, cinq millions de personnes sont concernées par un usage à risque et/ou nocif d'alcool (selon les normes de l'OMS). Le dépistage systématique du mésusage est actuellement recommandé aux médecins par de nombreuses institutions, notamment canadiennes (Haggerty1(*)) et américaines (NIAAA2(*))3(*). Une consommation dangereuse d'alcool peut être dépistée de manière relativement simple.

Entre 75 et 90 % des Français consultent leur généraliste au moins 1 fois par an (Raynaud et Parquet, 1999). Le cabinet de ville est donc un lieu privilégié pour le repérage des patients ayant un problème avec l'alcool.

Le médecin généraliste a un rôle central et incontournable à jouer dans le dépistage et la prise en charge précoce des buveurs à risque. Pourtant, de nombreuses études4(*) ont montré qu'en France ces professionnels ne tiennent pas suffisamment compte du problème d'alcool au cours de leurs consultations. S'ils sont unanimement d'accord pour dénoncer l'alcoolisme comme un problème majeur de santé publique et pour admettre qu'une large prévention est nécessaire, ils ne traduisent pas nécessairement ces principes en actes lors de leurs consultations.

Il faut admettre que le rôle du praticien n'est pas facile car une consultation de médecine générale associe habituellement plusieurs motifs. Contrairement à la plupart des pathologies somatiques, le problème de l'alcool est rarement abordé de manière directe par le patient, mais le plus souvent par le biais de ses conséquences sur la santé ou la vie sociale. Et dans la majorité des cas, le patient ne fait pas le lien entre sa consommation excessive d'alcool et ses ennuis. Nous sommes ici dans une clinique de la non demande, où le médecin doit prendre l'initiative d'aborder le problème avec le patient.

L'étude Strand1 a mis en évidence certains des facteurs qui, selon les médecins, rendent difficiles le dépistage et la prise en charge précoce des buveurs à risque au cours des consultations :

- le manque de formation et de connaissances (très largement en tête) ;

- leur manque de légitimité pour poser des questions aux patients sur ce sujet ;

- les réticences des patients et praticiens à aborder les « sujets qui fâchent » ;

- la faiblesse des résultats obtenus par rapport à l'énergie nécessaire.

Les trois derniers arguments fréquemment évoqués pour justifier ce « déni d'alcool » pendant les consultations sont contredits par une enquête menée par l'Observatoire Régional de Santé d'Ile de France (ORS-IDF)5(*) auprès de la population générale, où il a été montré que :

- Dans 88% des cas, les patients font généralement confiance à leur médecin et sont prêts à aborder le sujet de l'alcool avec eux.

- Des interventions brèves au cours d'une consultation ont des effets bénéfiques sur la prise de conscience d'une consommation excessive d'alcool et la prévention d'une éventuelle dépendance (entre 33 et 50% des buveurs excessifs affirment avoir réduit leur consommation en deçà du seuil de risque suite à un avertissement et une indication de leur médecin).

Ces arguments, sans douter de leur sincérité, reflètent-ils la réalité ? Les médecins ne (se) cachent-ils pas les vrais motifs ?

Les deux enquêtes citées se sont basées sur le point de vue des médecins et des patients. Le présent mémoire s'attachera plus particulièrement à analyser le premier argument, à savoir le manque de formation/information des médecins pour dépister les patients ayant un problème avec l'alcool. Il étudiera la relation entre la formation (et l'expérience) du médecin dans le domaine de l'alcoologie et son degré réel de prise en charge de l'alcool dans sa consultation.

Remarque : L'étude porte sur les médecins généralistes car les données dont nous disposons concernent ces derniers et que leur position est stratégique. Il est vraisemblable que les résultats pourraient également s'appliquer à de nombreuses spécialités médicales.

* 1 Haggerty (J. L.), Détection précoce de la consommation excessive d'alcool et counselling des buveurs à risque » in « Groupe d'étude canadien sur l'examen médical périodique ». Ed Guide Canadien de médecine clinique préventive, Ottawa : Canada Communication Group Publishing 1994, chap 42.

* 2 National Institute for Alcohol Abuse and Alcoholism (NIAAA) : The Physician's Guide to helping Patients with Alcohol Problems, Rockville, NIH publication, 1995 : 95-3769.

* 3 Pour plus d'informations, consulter Michel Lejoyeux, François Paille et Michel Reynaud, Usage nocif de substances psychoactives. Chapitre III - Repérage et évaluation des usages à risque et de l'usage nocif d'alcool, p 105-122, La documentation française 2002, Paris. ISBN : 2-11-005024-1.

* 4 Notamment l'enquête « Strand 1 » (1998) s'inscrivant dans un projet international de l'OMS, menée par l'Association pour le Recherche sur les Maladies Alcooliques (ARMA) et le Collège National des Généralistes Enseignants (CNGE).

* 5 Programme « Boire moins c'est mieux », coordonné en France par le Dr Philippe Micheaud ; article paru dans la Revue du Praticien, septembre 2003, réf 17(611) : 605-8.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"