CONCLUSION.
Dans la province du Kénédougou, les
stratégies, les pratiques, les comportements et les attitudes des
agro-éleveurs et leurs prestataires de services dans le contrôle
de la TAA sont déterminés par des facteurs socioculturels
susceptibles de servir de base d'appui à l'élaboration d'une
stratégie de communication efficace et adéquate. En effet,
confrontés à la persistance de cette maladie et aux nombreux et
fréquents échecs de traitements trypanocides, ils ont mis en
place un système de communication pour s'échanger les
informations sur la TAA. Il est caractérisé par une
pluralité de sources d'information chez les agro-éleveurs comme
du côté de leurs prestataires de services. Mais, la
présente étude visait à identifier et à analyser
les facteurs socioculturels qui influencent les comportements et les
stratégies des agro-éleveurs dans la quête d'informations
sur la TAA. Pour ce faire, une investigation sociologique par enquêtes
formelles, par entretiens et par observation sur les pratiques, les
stratégies, les comportements et les attitudes des agro-éleveurs
face à la santé animale et à la communication a
prouvé l'existence de facteurs favorables ou défavorables
à un meilleur contrôle de la TAA.
En effet, les agro-éleveurs ont recours à une
pluralité de sources d'informations sur la TAA dominées par leurs
fournisseurs de médicaments vétérinaires. Et, les
informations obtenues proviennent à 95% des conversations avec les
vendeurs de médicaments au moment des achats et à 64% des images
figurant sur les emballages des médicaments. De plus, ils utilisent deux
stratégies de communication pour obtenir les informations. Une
stratégie à l'échelle individuelle qui consiste à
se consulter d'abord avant de consulter une tierce personne sous-tendue par des
habitudes socioculturelles en matière de gestion de la santé
d'une part et une stratégie collective inscrite dans leur logique
sociale de communication à savoir la gestion dirigée de la
communication par le chef du village d'autre part. Mais, par-delà des
habitudes socioculturelles, d'autres facteurs déterminent les
comportements des agro-éleveurs dans l'utilisation des sources
d'information. Car, la fréquentation d'une source d'information sur la
TAA est d'abord fonction de sa crédibilité aux yeux des
utilisateurs (97,7%), de sa proximité (88,4%) et de sa
disponibilité/accessibilité (84,7%). Puis des
caractéristiques socioprofessionnelles (niveau de qualification, de
formation, d'expérience) et du degré de motivation de
l'informateur. Et, des caractéristiques sociologiques des
agro-éleveurs telles que l'appartenance ethnique, religieuse,
l'éducation, la formation, l'expérience et le statut familial.
Mais la confiance, l'appartenance ethnique et le niveau de formation
s'avèrent être les variables significatives. En
conséquence, notre hypothèse principale se trouve partiellement
vérifier. En ce sens que les échanges de trypanocides entre les
agro-éleveurs et leurs prestataires s'accompagnent d'informations
diverses sur la TAA.
Toutefois, certaines difficultés socioculturelles,
économiques, techniques, professionnelles et institutionnelles
rencontrées dans la pratique quotidienne contribuent à biaiser la
qualité des informations reçues. Ce qui explique le fait que de
nos jours, les agro-éleveurs accordent plus de crédit aux
professionnels de la santé animale avec qui ils désirent recevoir
des brochures en langue locale et des formations sur la TAA. Mais soumis
à la double contrainte de la maladie et de la rareté de ces
derniers, ils vont consulter les non professionnels disponibles et accessibles.
Or, cela affecte la qualité des messages émis ou reçus. En
effet, la capacité des professionnels de leur transmettre des messages
de qualité est limitée par un manque de temps, de moyens
logistiques, médico-techniques ; de motivation et l'usage
d'auxiliaires non qualifiés ayant peu de culture
vétérinaire. A l'opposé, celle des non professionnels est
limitée par leur manque de qualification et d'instruction. A cela,
s'ajoute un contexte d'utilisation des trypanocides défavorable
marqué par :
- une crise de confiance due à l'existence d'une
pluralité de prestataires présentant une gamme variée de
trypanocides qui crée la confusion dans les esprits des
agro-éleveurs ;
- la pratique de l'automédication, la pauvreté
et l'analphabétisme de la majorité des agro-éleveurs
entraînant une faible fréquentation des spécialistes de la
santé animale ;
- la concurrence déloyale due au manque de
régulation de la profession sur le terrain entraînant une
rareté de déplacement des professionnels privés vers les
agro-éleveurs.
Ce qui confirme notre hypothèse principale, car
l'action simultanée de ces contraintes inhérentes à leurs
pratiques trypanocides entraîne une communication biaisée dont les
principaux biais sont la réduction des nombres et fréquences des
contacts et l'apparition de sources de blocages, de distorsion, de
rétention et de déformation des informations. Or, si l'on soutien
l'idée d'un changement de comportement en faveur de l'adoption de
l'utilisation rationnelle des trypanocides pour un meilleur contrôle de
la TAA, alors que faut-il faire dans un tel contexte de communication ? Il
semble qu'un renforcement des capacités de communication des
systèmes de santé animale s'impose dans la mesure où le
déséquilibre existant entre le besoin actuel des
agro-éleveurs et les informations reçues provient d'un
déficit de communication des professionnels de la santé animale.
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