Situation des piqàğres et envenimations scorpioniques au Maroc : étude épidémiologique et analytique des facteurs de risque sur la période( Télécharger le fichier original )par Rachid HMIMOU Université Ibn Tofail - Kénitra - Doctorat 2009 |
DISCUSSION ET CONCLUSIONSAvec un suivi clinique de chaque patient inclus durant la période de forte activité du scorpion, notre étude constitue la première étude épidémiologique décrivant cette pathologie au niveau de la province médicale d'El Kelâa Des Sraghna au Maroc. Le nombre de patients suivis durant les cinq années (2002 à 2006) au sein de l'hôpital provincial d'El Kelâa des Sraghna est de 1387 cas. Incidence : L'incidence des piqûres scorpioniques diffère amplement d'une région à l'autre. De plus, les résultas du présent travail ont pu montré cette forte incidence au niveau de la région d'étude et le tableau LXV donne une comparaison entre nos résultats et ceux de quelques régions du monde. L'incidence de 2.68 %o au sein de notre province médicale d'El Kelâa Des Sraghna est forte à l'échelle national par contre elle reste moins importante que celles de la région de Jalisco en Mexique et Bechar en Algérie avec respectivement 4.28 et 3.20. Tableau LXV : Comparaison des incidences des piqûres de scorpions entre notre région d'étude et différentes régions du monde.
Âge et sexe : Dans notre série toutes les tranches d'âge sont touchées par cette affection et la tranche la plus exposée correspond aux cas de 15 ans et moins avec 55.70% conformément avec ce qui est rapporté par El Aminn et Berair (1995) et Bouaziz et al. (2008) soit un risque relatif de 9.94 (IC95% :4.54 - 21.75) parmi les cas envenimés. La susceptibilité des enfants aux piqûres de scorpion a été également signalée par Soulaymani BR et al. (2005 et 2007) dans d'autres provinces (Beni Mellal et Khouribga) et par Hmimou et al (2008) dans la province d'El Kelâa Des Sraghna. Il est donc recommander de transférer d'urgence les enfants en cas d'envenimation vers les services de soins intensifs où le traitement symptomatique et les soins de réanimation seront privilégiés. Selon la littérature, cette mortalité peut être expliquée par l'immaturité des systèmes et des moyens de défense chez l'enfant et le rapport entre la dose injectée du venin et le poids corporelle (Mebs 2002). Cependant, cette hypothèse proposée n'a jamais été confirmée par des études rigoureuses permettant de démontrer la relation cause à effet. Dans notre cas, l'évolution en fonction de l'âge montre que la tranche d'âge des enfants de 15 ans et moins a enregistré le nombre maximal de décès avec 80 cas parmi les 87 cas enregistré dans notre période d'étude (2002 - 2006). Le sexe ratio est de 0.89 avec 53 % des hospitalisés de sexe féminin. L'écart observé dans notre série rejoint ceux rapportés dans la littérature (El Oufir et al. 2008, Ozkan et al. 2006). Cependant, la différence n'étant pas statistiquement significative ((÷2 = 3.67 ; p = 0.06) et le scorpion pique au hasard. Les piqûres scorpioniques surviennent généralement de façon accidentelle ou par imprudence (soulever une pierre, mettre la main dans une anfractuosité, lors des labeurs aux champs, marcher pieds nus...) soit par accident (scorpion caché dans les chaussures ou les sacs...) nous rejoignons ainsi les données de la littérature (Goyffon 2002, Abroug 1995). Heure de la piqûre : Les piqûres scorpioniques ont lieu de façon prédominante en fin de journée et durant la première partie de la nuit entre 18 et 24 heures (Broglio & Goyffon 1980). Nos résultats concordent avec les données ontologiques qui font que le scorpion est un animal d'activité nocturne qui quitte son gîte à la tombée de la nuit à la recherche de la nourriture et de l'eau. Nos données sont conformes à celle rapportés par littérature (Goyffon 1982, Champetier 1985, Gueron 1992, Soulaymani 2007c). Saison d'hospitalisation : La piqûre de scorpion se présente ainsi comme une problématique sanitaire marocaine limitée dans le temps (entre le mois de Février et le mois de Novembre) et dans l'espace (touchant les régions du centre - sud). La limitation dans le temps s'explique par le caractère thermophile du scorpion qui sont actifs surtout pendant les mois les plus chauds, la majorité des hospitalisations a été enregistrée durant les mois de juillet et août avec 55.08%. Ainsi nos données rejoignent celles de la littérature (Hmimou.R et al (2008), Touloun.O 2001, Soulaymani.R 2002). Pour confirmer la thermophilie de cette faune d'où la nécessité pour les autorités sanitaires de renforcer les efforts durant cette période estivale. La comparaison de la répartition géographique des sujets piqués avec la carte de la répartition de quelques scorpions au Maroc (Goyffon.F 1989, Vachon.M, 1952, Toulon.O 1997, Gantenbein.B 2003 et Toulon.O 2001) révèle une concordance parfaite entre le noyau à forte incidence et mortalité et une importante agglomération des espèces scorpioniques au niveau de cette zone. Les conditions dans lesquelles pique le scorpion et les caractéristiques démographiques des sujets piqués confirment celles mentionnées dans la littérature (Goyfon.M 1996, Broglio.N 1980). Nos résultats concordent avec les données ontologiques qui font que le scorpion est un animal d'activité nocturne qui quitte son gîte à la tombée de la nuit à la recherche de la nourriture et de l'eau. Nos données sont conformes à celle rapportés par littérature (Goyffon 1982, Champetier 1985, Gueron 1992, Nouira 1999). Le scorpion noir et jaune réputés dangereux à El Kelâa Des Sraghna et d'autres régions du Maroc fait référence à Androctonus mauritanicus espèce venimeuse et endémique et buthus occitanus aussi venimeuse au Maroc. Il est à souligner que tout scorpion noir n'est pas un Androctonus mauritanicus ou jaune est un buthus occitanus. Temps Post-Piqûre (TPP): Dans notre série, la moyenne du temps post piqûre des patients envenimés est de 2.57 #177; 2.58 heures, ce qui est supérieur au temps post piqûre rapporté par Nouira et al. (2007) (1,30 #177; 1,45 heures) dans une région en Tunisie. Tous les auteurs se sont accordés sur le fait que le retard de la prise en charge constitue un élément de mauvais pronostic. Ainsi, dans notre série, les patients qui sont arrivés rapidement à une formation sanitaire, soit à un TPP< 1 heure ont bien évolué avec un taux de létalité par envenimation de 10.43 % par rapport aux patients arrivés à un TPP = 1 heure avec un taux de létalité par envenimation égal à 11.34 % chose confirmée par la littérature (Jeddi 1988,Goyffon 2002, Soulaymani 2002). Classe de gravité : Les manifestations cliniques des piqûres de scorpion sont très disparates et elles varient d'un piqué à un autre suivant l'âge, le terrain et le scorpion en cause (Mebs 2002). Classe I : La classe I regroupe les patients ayant présenté
une symptomatologie loco régionale, cette pas être hospitalisés mais surveillés pendant une période ne dépassant pas 4 heures (El Oufir et al 2008, Nouira S et al 2007). Classe II : Cette classe regroupe les signes de la sueur, nausées, vomissements, fièvre, tachycardie, douleurs abdominales et priapisme Dans notre série la classe II représente (90.51%) des cas hospitalisés. On note aussi que la Classe II est constitué d'un pourcentage assez important d'enfants d'âge inférieur à 15 ans (59.85%) confirmant ainsi le rapport entre la dose du venin administrée et le poids corporel du piqué. Les signes généraux tel que le vomissement, la sudation, tachycardie, fièvre et priapisme chez l'homme sont les plus fréquemment observés ce qui rejoint les données de la littérature (Suhendan et al. 2007, De Roodt et al. 2003). Ces signes sont en rapport avec l'action du venin sur le métabolisme cellulaire du sodium qui conduit à une dépolarisation prolongée des membranes cellulaires touchant particulièrement le système nerveux autonome (SNA) avec libération massive des neuromédiateurs (catécholamines, acétylcholine...) Classe III : Ce stade marque l'entrée du malade dans un tableau gravissime de détresse cardiovasculaire, respiratoire et neurologique dont l'évolution est souvent fatale ce qui est le cas pour notre série. L'étude a montré que l'évolution dépend de manière hautement significative de tous les signes de détresse (classe III). Ces résultats convergent avec ceux d'études antérieures faisant état d'une forte corrélation entre les classes à l'admission et l'évolution [Bouaziz M et al 1999, Dittrich K et al 2002 et Soulaymani-Bencheikh R et al 2005]. La durée d'observation : Les patients sont gardés en moyenne 4 heures en observation au niveau de l'hôpital provincial d'El Kelâa Des Sraghna. Cette durée d'observation est conforme aux directives proposées par le CAPM dans « la conduite à tenir devant une piqûre de scorpion » qui est de 4 heures après la piqûre (TPP) quoique les piqués sont mis en observation en moyenne 4 heures après leur arrivée à l'hôpital et non pas après la piqûre. En effet, si le patient est envenimé, les signes généraux apparaissent au plus tard 4 heures après la piqûre. Selon la littérature, le temps nécessaire pour l'apparition des symptômes de l'envenimation scorpionique est : - En moyenne 33 minutes au Maroc (Soulaymani RB et al 1999 et Soulaymani RB et al 2007) - inférieur à 2heures en Algérie (Triki DH 2004) - de 2h à 4h en Arabie Saoudite (Gajre G 1999) - inférieur à 30 minutes au Niger (Attamo H 2002) - de 5 à 30 minutes au Mexique (Dehesa- Davila M 1994) Une fois le cap de 24 heures passé, le pronostic vital n'est plus mis en jeu (Broglio 1980, Toureille 2002 et Goyffon 2002). La référence : La référence semble augmenter d'année en année à l'exception de l'année 2004 (qui a connu une baisse par rapport de l'année 2003 et 2002 mais il a resté supérieur à l'an 2001), en fait ce sont les déclarations qui ont augmenté. En effet, si la structure sanitaire ne possède pas de service de réanimation et qu'un patient arrive avec des signes prédictifs de gravité tels que: fièvre (>39°), âge < 15 ans, sudation, vomissement et priapisme (cf. arbre de décision), il est automatiquement envoyé vers une structure de référence (hôpital ESSALAMA d'El Kelâa Des Sraghna) car il risque d'évoluer vers une détresse vitale. Notre étude a bien montré que parmi les référés 87.59% (374 cas) arrivent en classe II et 12.41% (53 cas) en classe III à l'hôpital Essalama et ce sont surtout des enfants d'âge = 15 ans avec 83.27% (239 cas) en classe II et 16.72% (48 cas) en classe III car ce sont les plus vulnérables. Traitement : La piqûre de scorpion doit être distinguée de l'envenimation scorpionique, du faite qu'une piqûre par une espèce non venimeuse ne développe que des signes symptomatiques locaux et nécessite une prise en charge différemment. A part l'utilisation d'antalgiques en cas de douleur, ces patients nécessiteraient aucune autre thérapeutique ; ils doivent par contre, faire l'objet d'une surveillance très étroite de la température, du pouls, de la tension artérielle et du rythme respiratoire et ce, jusqu'à un TPP de 4 heures, afin de détecter un éventuel signe général inaugurant l'envenimation. Nous estimons que se délai est largement suffisant et qu'il est même très large. Cette analyse est en concordance avec les données pharmacocinétiques du venin (Ismail.M et 1994). Les patients envenimés doivent être
diagnostiqués le plut tôt possible grâce à la
recherche des transférés d'urgence vers les services de soins intensifs où le traitement symptomatique et les soins de réanimation seront privilégiés. Au Maroc, comme dans la plupart des pays touchés par ce fléau, la prise en charge thérapeutique préconisée découlait d'observations cliniques sans preuve formelle d'efficacité. Notre étude a retrouvé cette prise en charge alliant des méthodes traditionnelles inefficaces, mais offensives, et un traitement médical irrationnel sans bénéfice pour le malade et onéreux pour la Santé publique. Aucun des médicaments utilisés n'a révélé un quelconque effet bénéfique. C'est ainsi que les méthodes de scarification, de succion, de cryothérapie ou de pose de garrot ne sont d'aucun secours étant donné la rapidité de diffusion du venin dont le pic plasmatique est obtenu d'une minute (Ismail.M 1994). Dans notre étude les médicaments les plus utilisés sont : doliprane (65.53%) et primperan (66.15%) cela correspond à la fréquence élevée des signes généraux; hyperthermie. et vomissements. La dopamine a été utilisé dans 49.34% des cas notamment ceux présentant des détresses cardiologiques. En Tunisie, Abroug (1991) a utilisé la dopamine pour traiter 5 cas hospitalisés pour oedème pulmonaire en plus de la ventilation. Cela lui a permit de récupérer 3 cas graves. Evolution : L'évolution est favorable dans 91.44 %, avec cependant un important taux de létalité général 8.58%. Les enfants ayant un âge de 15 ans et moins ont connu la majorité de décès (91.95%) avec un taux de létalité spécifique de 14.08%. 20.22% de létalité spécifique dans la tranche d'âge entre 0 à 10 ans. En effet Osnaya et al 2001 al et Suhendan et al.2007 ont noté une nette corrélation entre l'age du patient et la sévérité de l'envenimation, plus l'âge est petit plus le risque de décès est grand. Ceci est dû d'une part au fait que le rapport entre la dose du venin injectée et la surface corporelle de l'enfant qui est plus élevée et l'immaturité du système de défense de l'enfant d'autre part. Cette explication nous ramène à celle de Habzi 2001. L'évolution est spontanément favorable pour la classe I, alors que 5.80% des cas de la classe II décèdent. Les patients hospitalisés en
classe III ont plus de risque d'avoir une évolution III se produit de façon imprévisible et parfois brutalement et cela augmente le risque de décès chez les patients hospitalisés en classe II en cas d'une mauvaise prise en charge. L'arrêt cardiaque et l'oedème pulmonaire ainsi que le collapsus constituent les causes les plus fréquentes de décès. Nos données rejoignent ceux des littératures internationales, en effet plusieurs hauteurs s'accordent sur ces principaux risques de décès (Bouaziz et al.2008, Umesh et al.2006, Fernandez- Bouaziz. A et al 2002, Goyffon M. et al 1990). Selon la littérature (Bouaziz 1999 et Nouira 1999) les facteurs de gravité de la piqûre chez l'Homme sont fonction de : - La famille et de l'espèce : la famille la plus dangereuse est celle des Buthidae. - L'âge de la victime - La saison : les piqûres les plus redoutables toutes observées en périodes chaudes. - La quantité de venin injecté: ce facteur est en pratique toujours ignorée. Au niveau de la province médicale d'El kelaa Des Sraghna, les résultats concordent parfaitement avec ces données. En effet, la région où se localise l'hôpital étudié coïncident avec la répartition des espèces scorpioniques les plus dangereuses. La quantité de venin injecté est étroitement liée à l'apparition de signe de gravité et nous avons montré que l'évolution dépend de manière hautement significative à la classe d'admission. le maximum de létalité générale est enregistré dans le mois de juin, juillet et août avec un pic en mois de juillet (3.36%), ceci est due à l'intense activité du scorpion dans ces mois. Conduite à tenir (CAT) : L'hiérarchisation de l'état du patient à l'admission, qui permet de différencier entre un patient piqué (classe I) et un patient envenimé en état grave (classe III) ou non (classe II), est nécessaire pour une meilleure prise en charge des cas de piqûres et d'envenimations scorpioniques. La présente étude a révélé une anomalie dans l'application de la conduite à tenir à deux niveaux, le premier est la classification de l'état du patient à l'admission et le second est la prise en charge après hiérarchisation. Cependant, l'étude de la corrélation entre les classes à l'admission et les différents signes cliniques a montré que les signes observés chez les patients correspondent aux classes dans lesquelles ils sont répertoriés à l'admission. L'envenimation scorpionique est d'évolution rapide et la symptomatologie est polymorphe. Les signes cliniques observables sont d'intensité variable [Goyffon M et al (2002), Goyffon M et al (1982)]. En effet, les signes prédictibles de gravité sont les signes qui apparaissent chez un patient classe II et qui doivent alerter quant à une évolution imminente vers la classe III. Dans le cas de notre étude, la présence de la tachycardie, fièvre, vomissement, sudation et le priapisme constituait un risque de passage vers la classe III. Aussi, l'étude a montré que l'évolution dépend de manière hautement significative de tous les signes de détresse (classe III) et de certains signes de gravité : SGP, SGS, SGF et SGV (classe II). Ces résultats convergent avec ceux d'études antérieures faisant état d'une forte corrélation entre les classes à l'admission et l'évolution [Hmimou R. et al 2009, Bouaziz M et al (1999), Dittrich K et al (2002), SoulaymaniBencheikh R et al (2005)]. Afin d'améliorer la prise en charge des patients envenimés, il est primordial de sensibiliser le personnel de santé sur la nécessité de la bonne application de la conduite à tenir en cas de piqûre de scorpion, et ce par la généralisation du système d'informations établi par le CAPM et l'instauration d'un système d'audit des décès par envenimation scorpionique. |
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