Droit de grève et principe de continuité dans les établissements publics en droit congolais:analyse théorique( Télécharger le fichier original )par Trésor-Gauthier MITONGO KALONJI Université de Lubumbashi - Licence en droit 2007 |
§2.conséquence de l'exercice illicite du droit de grève dans un établissement publicAux termes de l'article 3 de l'arrêté ministériel n° 3/68 du 29 janvier 1968 déjà cité : « les travailleurs qui décident de recourir à la cessation collective du travail, notifient à l'autre partie, l'employeur, un préavis de six jours ouvrables à dater de la réception de la notification et ce, après épuisement de l'une ou de l'autre de procédures visées à l'article 2 ». Cet article 2 prévoit la conciliation et la médiation.
Il a été arreté (68(*)), par déduction de cette disposition, que les travailleurs qui n'observent pas un préavis de six jours après notification de grève adressée à l'employeur, peuvent être licenciés par ce dernier et ce, sans préavis de licenciement ou indemnité compensatoire, ni moins des dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail par l'employeur. Nous estimons que le licenciement des travailleurs grévistes d'un établissement public dans pareille occurrence, n'est pas une panacée. En effet, ce licenciement peut être désavantageux pour l'établissement au cas où il causerait le départ d'un certain nombre de travailleurs très rares sur le marché d'offre d'emplois et estimés nécessaires au fonctionnement de l'établissement en question, à telle enseigne que ledit licenciement inférerait la perturbation, la désorganisation, voire même l'effacement de l'activité de l'établissement. L'employeur devra donc agir avec circonspection dans pareille occurrence. Le recours par lui aux sanctions disciplinaires « ordinaires », en occurrence, le blâme, la réprimande et la mise à pied, constituerait un modeste remède en pareilles circonstances. Ouvrons ici en passant une parenthèse au sujet du qualificatif « ordinaire » que nous avons ajouté aux termes « sanctions disciplinaires » sus évoqués. En effet, aux termes de l'article 54 du code du travail, les seules sanctions disciplinaires dans l'exécution du contrat de travail sont le blâme, la réprimande, la mise à pied, le licenciement avec préavis et le licenciement sans préavis. contrairement au législateur qui n'a fait aucune distinction de ces sanctions du point de vue de leur impact sur le contrat de travail même, nous estimons pour notre part que le blâme, la réprimande et la mise à pied sont des sanctions disciplinaires « ordinaires »,parce qu'elles ne mettent pas fin au contrat de travail ;tandis que les deux licenciements avec et sans préavis, mettant fin au contrat de travail, méritent bien d'être qualifiés de sanctions disciplinaires « extraordinaires, suprêmes, ou extrêmes ». Remontant plus loin d'ailleurs, nous eussions contesté le caractère « disciplinaire » que le législateur du travail a donné aux sanctions de licenciements avec et sans préavis, selon les termes de l'article 54 sus évoqué. en effet, nous estimons que la « discipline » suppose que, tout en maintenant l'employé ou le salarié tenu au contrat de travail, l'on lui applique une mesure punitive aux fins d'amender, de muter positivement sa conduite ou son comportement fustigé, pour lui permettre d'améliorer l'exécution ultérieure de ses obligations dans le cadre du contrat du travail qui, du reste, est toujours en cours. or, il est évident que les licenciements avec et sans préavis mettent potentiellement fin au contrat du travail !en quoi donc ils constitueraient des sanctions « disciplinaires »,des « amendements » pour une amélioration dans l'exécution ultérieure des obligations du travailleur vis à vis du contrat de travail auquel il est mis fin ?en d'autre termes, comment un travailleur congédié pourrait-il améliorer ses prestations dans l'exécution ultérieure du contrat de travail qui n'existe plus ?
Bref, l'on retiendrait que l'essence de la « discipline »ne peut pas être rencontrée dans l'objet des licenciements avec et sans préavis. nous eussions souhaité, en guise de suggestion, que seuls le blâme, la réprimande et la mise à pied soient considérés comme des « sanctions disciplinaires » dans l'exécution du contrat de travail ;quant aux licenciements avec et sans préavis, ils doivent être considérés uniquement comme des modes de résiliation du contrat de travail à durée indéterminée, tels qu'ils sont réglementés par les articles 61 et suivants du code du travail...
Poursuivant notre chemin de réflexion interrompu par la parenthèse ci haut, nous comprenons que l'exercice illicite ou abusif du droit de grève consiste pour les travailleurs dans l'inobservance d'un préavis à accorder à l'employeur. Dès lors, cette inobservance constitue une faute lourde susceptible de fonder l'employeur à sanctionner disciplinairement ou, au besoin, envisager le licenciement des abuseurs grévistes. C'est dans cette optique que les travailleurs de la Société des Entreprises Pétrolières du CONGO(SEP-CONGO,en sigle) qui avaient décidé unilatéralement de faire une grève de 2 jours avant de recevoir une réponse écrite de l'employeur sur leurs doléances, commettant à cet effet une faute lourde susceptible de porter atteinte aux intérêts matériels et moraux de la société, et surtout de perturber le fonctionnement normal de l'entreprise, seraient passibles de licenciement.(69(*)) De tout ce qui précède, Il importe de noter que même les grèves de courtes durées (débrayages), lorsqu'elles ont été déclenchées au mépris de préavis, ne constituent pas moins une faute lourde dans le chef des grévistes... * 68 Cour d'appel de KINSHASA-GOMBE, RTA 2940 du 21 juillet 1997, cité par LUKOO MUSUBAO(Ruffin), la jurisprudence congolaise en droit du travail et de la sécurité sociale, volume 1, éditions ON S'EN SORTIRA, Kinshasa 2006, p.110. * 69 Cour d'appel de KINSHASA-GOMBE, RTA 3812 du 1 décembre 1997, dans l'affaire SEP-CONGO c/S, cité par LUKOO MUSUBAO, ibidem. |
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