Droit de grève et principe de continuité dans les établissements publics en droit congolais:analyse théorique( Télécharger le fichier original )par Trésor-Gauthier MITONGO KALONJI Université de Lubumbashi - Licence en droit 2007 |
§ 3.effets de l'exercice du droit de grèveIl s'agit ici de quelques conséquences résultant de l'exercice d'une grève licite à l'égard des travailleurs grévistes(A), à l'égard de travailleurs non grévistes(B) et à l'égard de tiers(C). A. effets de la grève à l'égard de travailleurs grévistes
La grève suspend l'exécution du contrat du travail entre l'employeur et les grévistes. Ceci a pour conséquence que les obligations et les droits des parties sont gelés. Ceci ressort de l'article 57 point 6 du code du travail.cet article range parmi les causes de suspension du contrat du travail aussi la grève. De ceci, il, ressort donc que l'absence de prestations dues par les travailleurs grévistes, entraine ipso facto la suspension de l'obligation corrélative de l'employeur de payement de la rémunération. Toutefois, les grévistes conservent leur droit au logement et aux soins médicaux.la privation de la rémunération doit être proportionnelle à la durée du refus de travail. Cette proportionnalité est rigoureuse pour le salaire, prix de base de la rémunération.si c'est un salaire horaire (61(*)), il suffit de connaitre la durée du déroulement de la grève.si c'est un salaire mensuel, il faut déterminer le nombre d'heures de travail auquel correspond normalement un mois de travail et ventiler la proportion de temps mort pour fait de grève durant le mois considéré.
Pendant la grève, l'employeur ne peut aucunement remplacer les grévistes par l'engagement de nouveaux travailleurs.il peut néanmoins recourir à la sous-traitance ou au bénévolat pour assurer les prestations d'intérêt général et celles concernant la protection des installations.(62(*))
Quant aux grévistes, ils restent par exemple tenus, même pendant la suspension du contrat, à l'obligation de loyauté (confidentialité et non concurrence).cette obligation du travailleur est prévue à l'article 52 alinéas 2 et 3 du code du travail. C'est une obligation rigide et intrinsèque au contrat du travail. A la fin de la grève, le contrat suspendu reprend son envol normal, et l'employeur est tenu de recevoir tous les grévistes, y compris les meneurs.il n'est pas en droit d'infliger des sanctions aux grévistes pour fait de grève, ni moins les rétrograder par exemple.(63(*)) Toutefois, nous estimons que les travailleurs qui persisteraient dans l'attitude de grève après la reprise du travail, peuvent faire l'objet d'une sanction disciplinaire ordinaire (réprimande, blâme, mise à pied) ou extrême (licenciement avec ou sans préavis) pour refus de travailler ou pour mauvaise exécution du contrat de travail, selon le degré de la faute générée par le comportement post-grève. B. effets de la grève à l'égard de travailleurs non grévistes
Protégés par le principe de la liberté du travail, les non grévistes restent dans une situation contractuelle normale avec leur employeur. Cette situation contractuelle n'est pas en principe modifiée par la grève. Dès lors, l'employeur leur doit par exemple la rémunération des prestations, même s'ils sont mis dans une impossibilité de travailler par les grévistes. Toutefois, si l'employeur s'est retrouvé dans une situation d'impossibilité absolue de faire travailler les non grévistes,le prix de base de la rémunération(salaire) cesse d'être dû, mais ce n'est pas la suspension du contrat de travail qui en est le fondement,c'est plutôt la force majeure.(64(*)) C. effets de la grève à l'égard de tiers
En parlant des effet de la grève à l'égard de tiers,la cible en vue ce sont les clients,les usagers ou le public en général,avec lesquels l'employeur peut avoir conclu un contrat en vertu duquel il doit,par exemple,livraison des marchandises,fourniture des biens ou services,payement d'une créance,etc.
La grève peut empêcher l'employeur d'exécuter ses obligations vis-à-vis de tiers. cette situation ne l'exonère pas de sa responsabilité, étant donné que la grève ne constitue pas un événement de force majeure, sauf si les parties ont convenu de l'appréhender ainsi.(65(*)) Nous pouvons, en outre, nous interroger si l'employeur reste tenu de la responsabilité civile prévue par les articles 260 du code civil congolais livre 3, et l'article 55 alinéas 1 du code du travail, pour les dommages que causeraient les grévistes aux tiers dans l'exercice de la grève ?la réponse est vite négative.
En effet, l'article 260 précité dispose que « l'on est responsable non seulement du dommage que l'on a causé par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre ou des choses que l'on a sous sa garde ». Quant à l'article 55 alinéa 1 sus cité,il dispose que « l'employeur est responsable de l'exécution du contrat de travail passé par toute personne agissant en son nom(...) » Pour revenir au questionnement pré évoqué, nous disons que ces articles ne profitent pas aux travailleurs grévistes.les dommages causés aux tiers par ces derniers pendant la grève n'engagent pas la responsabilité de l'employeur, car celui-ci cesse momentanément d'être leur commettant pendant la période de grève, et le lien de subordination est hibernal.
* 61 En effet,l'article 89 alinéa 2 du code du travail dispose que le montant de la rémunération est déterminé,soit à l'heure,soit à la journée,soit à la semaine ou au mois. * 62 Voir les articles 9 et 10 de l'arrêté ministériel n°12/CAB/MIN/TPS/ 113/2005 du 26 octobre 2005,fixant les droits et obligations des parties pendant la suspension du contrat du travail. * 63 LUWENYEMA LULE, opcit, p.386. * 64 TEYSSIE(Bernard), la grève, éditions DALLOZ, Paris 1994, p.49. * 65 LUWENYEMA LULE, opcit, p.388. |
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