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Droit de grève et principe de continuité dans les établissements publics en droit congolais:analyse théorique

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par Trésor-Gauthier MITONGO KALONJI
Université de Lubumbashi - Licence en droit 2007
  

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DROIT DE GREVE ET PRINCIPE DE CONTINUITE DANS LES ETABLISSEMENTS PUBLICS: ANALYSE THEORIQUE EN DROIT CONGOLAIS 

Par :

MITONGO KALONJI Trésor-Gauthier

Licencié en droit de l'Université de LUBUMBASHI et chercheur indépendant

Introduction

Contexte général de l'étude et son objet :

Au terme de notre second cycle académique d'études en Droit, à l'université de LUBUMBASHI (REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO), pour l'année académique 2007-2008, dans notre mémoire qui l'a sanctionné, nous nous étions penché sur la problématique de l'exercice du droit de grève dans les « entreprises publiques ».

Mais, alors que nous étions quasiment au bout de nos investigations et à deux semaines de la date de défense de notre mémoire devant le jury commis par l'université à ces fins, quatre lois ont été promulguées par le président de la république en date du 7 juillet 2008 concernant la réforme des «  entreprises publiques » ; lesquelles lois rendent ce concept obsolète dans l'ordonnancement juridique congolais. De ce fait, notre mémoire semblait fondamentalement être -hélas !- vidé de sa substance. Malgré cela, nous l'avions présenté au jury qui, fort heureusement, a apprécié notre mérite à sa juste valeur.

Toutefois, dans notre conscience intellectuelle, nous nous ressentions -en effet, chaque jour avant la conception du présent travail- débiteur vis-à-vis de toute notre communauté universitaire de la faculté de droit.il fallait tôt ou tard nous acquitter de cette créance ;et c'est dans cette perception que le présent travail -si faible en pages puisse-t-il paraitre- intervient relativement tôt et à point nommé pour nous dégager de ce devoir en novant substantiellement « l'exercice du droit de grève dans les entreprises publiques » en « exercice du droit de grève dans les «  établissements publics »,dont la reformulation ici est « DROIT DE GREVE ET PRINCIPE DE CONTINUITE DANS LES ETABLISSEMENTS PUBLICS ».il est question ici d'une analyse théorique et abstraite. Que pouvons-nous alors voir au travers de cette dernière formulation ?

D'emblée, les deux concepts de « grève » et de « continuité » dans la notion du service public, paraissent fondamentalement se contredire :

Théoriquement, ils sont même antinomiques, du fait que la grève évoque l'idée d'un arrêt, d'une cessation collective temporaire du travail(1(*) ) et, donc, du disfonctionnement temporaire du service public ; tandis que la continuité renvoie au fonctionnement ininterrompu, continu du service public, sans limitations autres que celles autorisées par des textes légaux ou réglementaires.(2(*) ) à ce sujet, MIGNARD se demande comment l'on pourrait très bien assurer la continuité du service public sans pour autant limiter le droit de grève ?(3(*)

Il se dégage donc de ce contraste la difficulté à intégrer l'idée de grève dans le fonctionnement du service public au titre de droit à exercer par les agents dudit service .en effet, en droit social, la grève des travailleurs a pour but de faire pression sur l'employeur au sujet d'une contestation d'ordre professionnel, visant à obtenir les meilleures conditions de travail(4(*) )et ce, du fait qu'il s'agit d'une relation contractuelle liant les deux parties ;par contre, en droit de la fonction publique, cette dernière ne reposant pas sur une base contractuelle, mais plutôt sur celle purement réglementaire(5(*) ), il s'avère donc malaisé à évoquer la grève dans un service public comme moyen d'obtenir la modification du règlement ou du statut.

Sur le plan pratique, par contre, l'on admet que « grève » et « continuité » puissent se concilier et cohabiter ensemble dans le fonctionnement d'un service public. En effet, par la possibilité reconnue seulement à une fraction d'agents d'un service public -ceux liés à ce dernier par un contrat de travail-, d'exercer limitativement et scrupuleusement la grève, il est donc indubitable par ce fait même que l'on admet qu'un assouplissement soit apporté à la rigueur de la continuité, principe fondamental et gage de l'intérêt général dans un service public, pour transiger avec les exigences et les prérogatives les plus irréductibles du personnel dudit service, aboutissant ainsi à la réglementation et à la limitation de la grève, droit à valeur constitutionnelle: c'est en pratique la ratio legis du service minimum(6(*) )dans un service public.

En effet, l'organisation d'un service minimum lors de déclenchement d'une grève au sein d'un service public, répond à plusieurs nécessités, notamment la plus fondamentale est la garantie de l'intérêt général. Cette dernière notion, je l'appréhende plus simplement en termes d'un ensemble de nécessités humaines de la communauté dont la satisfaction conditionne pourtant l'accomplissement des destinées. Perçu de cette façon, l'intérêt général doit être aménagé, entretenu et -somme toute- garanti, de manière à lui éviter, au moins dans la moindre mesure du possible, tout quelconque gêne...

En droit comparé, notamment en droits français et italien, l'organisation d'un service minimum dans tous services publics est garantie par un texte (7(*)) qui en fixe, ipso facto, les modalités de l'exercice du droit de grève. Dans l'état actuel de la législation conglaise,c'est l'arrêté ministériel 3/68 du 25 janvier 1968 relatif aux obligations de l'employeur et du travailleur, parties dans un conflit collectif du travail(8(*) ),complété et modifié par l'arrêté ministériel 12/cab/min/tps/113/2005 du 26 octobre 2005 fixant droits et obligations des parties pendant la suspension du contrat de travail( 9(*) ),qui précisent et fixent le régime de l'exercice du droit de grève dans tout établissement ou service, public ou privé, d'intérêt général ou d'utilité publique....

Il n'est pas sans intérêt de noter que le service public, en tant que structure chargée d'une mission d'intérêt général, est traditionnellement géré selon trois modes, en occurrence la régie, l'établissement public et la concession du service public.

L'établissement public est le mode de gestion du service public qui a attiré l'essentiel de notre attention dans la présente étude. En effet, ce choix est motivé par notre préoccupation d'examiner le régime fonctionnel et la contexture organique de ce mode de gestion du service public, au regard de la législation congolaise. C'est un panégyrique de mentionner ici l'immense effort conjugué par le législateur congolais qui, par souci de reforme et d'assainissement du secteur public, s'est méticuleusement penché sur l'ancienne configuration légale des entreprises publiques, pour les transfigurer, certaines d'elles en « établissements publics », tout en clarifiant cette dernière notion dans un cadre légal propre à son genre. Cela mérite bien nos éloges !

Ceci dit, la préoccupation majeure dans le présent travail, est celle d'examiner comment le législateur congolais a entendu concilier la réclamation des intérêts professionnels des travailleurs dont la grève est l'un des moyens d'expression, avec l'intérêt général dont le principe de continuité est le cautionnement le plus sensible dans tous les services publics en genre et, in specie, dans les établissements publics ?

D'emblée, il est à relever que la constitution du 18 février 2006 qui reconnait et garantit, à son article 39 alinéa 1,le droit de grève, précise en outre dans le second alinéa du même article que ce droit s'exerce dans les conditions fixées par la loi qui peut en interdire ou en limiter l'exercice dans les domaines de la défense nationale et de la sécurité ou pour toute activité ou service public d'intérêt vital pour la nation.

A vrai dire, jusqu'à ces jours, aucune loi n'est intervenue pour réglementer le droit de grève dans tous les services publics. à ce sujet, il faut relever que la loi n°81-003 du 17 juillet 1981(10(*)) portant statut général de personnels et agents de carrière des services publics de l'Etat n'interdit aucunement l'exercice du droit de grève à ces personnels et agents, ni moins n'en fixe les modalités d'exercice, c'est-à-dire en limiter l'exercice. Mais, particulièrement pour les services publics sous examen (établissements publics), la loi n° 08-009 portant dispositions générales applicables aux établissements publics qui leur fixe un cadre général, dispose à son article 30 alinéa 2 que le cadre et le statut du personnel de l'établissement public détermine notamment (...) la discipline du personnel. nous estimons donc, de lege ferrenda, que le Conseil d'administration, organe légalement habilité à fixer, sur proposition de la Direction générale, le cadre et le statut du personnel de cette entité publique, peut insérer au chapitre de la discipline du statut, certains prescrits relatifs à l'interdiction ou à la limitation de l'exercice du droit de grève.

Toutefois, en tout état de cause, l'exercice du droit de grève dans l'établissement public en général doit être toujours accompagné de certaines limites visant à concilier ce droit à valeur constitutionnelle avec l'intérêt général, essence de l'établissement public : c'est cette approche que nous tenterons d'exposer dans la présente étude.

Ce faisant, creuser en détail toutes ces hypothèses équivaut à apercevoir, dans un premier volet, les notions de «  service public » et d' « établissement public », et dans un second volet celles de « grève » en tant que droit, ainsi que sa conciliation avec l'intérêt général dans l'établissement public.

CHAPITRE PREMIER : APERCU DU SERVICE PUBLIC ET DE L'ETABLISSEMENT PUBLIC

Dans ce chapitre, il est question d'analyser, dans un premier abord, la notion du service public, pour mieux appréhender celle d'établissement public dans un second abord.

SECTION 1 : DU SERVICE PUBLIC

Nous partirons de la définition et de la manière dont un service public doit être crée (§ 1), passant par ses règles de fonctionnement (§2), pour ainsi aboutir à ses modes classiques de gestion (§3).

§1 : Définition et création du service public

A.de la définition du service public

La législation congolaise récente entend par service public, tout organisme ou toute activité d'intérêt général relevant de l'administration public (11(*)).

Plus les auteurs sont nombreux à définir un concept, plus aussi leurs opinions divergent. Définir un concept du genre du service public dans le présent travail, c'est en constater également la diversité d'avis.au moins, presque toutes les opinions oscillent autours du fait que le service public est perçu tantôt comme un organisme, tantôt comme une activité, tantôt les deux sens à la fois (12(*)).

C'est dans ce sens que KABANGE NTABALA écrit « qu'il ya amphibologie de l'expression « service public » ; ce dernier pouvant être pris au sens matériel (activité) ou au sens organique (institution, organisme administratif) »(13(*)).

Prenant en compte cette ambivalence retenue dans le sens du concept de « service public », nous définissons ce dernier comme toute activité d'intérêt général gérée par une personne morale ou physique, de droit public ou de droit privé. Dans cette occurrence, nous pouvons citer les activités d'assurances, de constructions des routes et ponts, de transports des personnes et biens, etc.au sens large, l'expression « service public » désigne l'organisme même qui gère cette activité.

B.de la création du service public

Dans l'état actuel de l'ordonnancement juridique congolais, la tache de création d'un service public rentre dans les attributions de la loi. Ceci procède de l'article 123 litera 2 de la constitution du 18 février 2006 qui dispose que « sans préjudice des autres dispositions de la présente constitution, la loi détermine les principes fondamentaux concernant(...) la création des entreprises, établissement et organismes publics... ».

Il ressort de cette disposition constitutionnelle que la compétence de créer les services publics est partagée entre le législateur et le pouvoir règlementaire. Cependant, lorsqu'on examine méticuleusement la même constitution, l'on réalise qu'il ya certains services publics qui sont directement crées par le constituant lui-même. Pour ces cas, le législateur ne détient que le pouvoir d'en fixer l'organisation et le fonctionnement. Il s'agit notamment de la banque centrale (article 176 à 177), de la cour des comptes (article 178 à 180), de la caisse nationale de péréquation (article181), de la police nationale (article 182 à 186), etc.

* 1Voir CHAPUS(René), Droit Administratif Général, tome 1,13ème edition, mont chrestien, paris 1992, page 581.

* 2Lire à ce sujet, VUNDUAWE TE PEMAKO(Félix), Traité de Droit Administratif, Afrique éditions, De Boeck et Larcier, 2007, page562.

* 3 MIGNARD(Patrick), Droit de grève et service public, in WWW.google.com

* 4 IDEM

* 5 DUVERGER(Maurice), Éléments de Droit Public, Presses Universitaires de France, Paris 1992,2eme Édition, page 365

* 6En effet, par service minimum au sein d'un service public, nous entendons un «  fonctionnement permanent et continu d'un ou de quelques sections ou départements vitaux, durant la période de cessation du travail, dont l'arrêt est susceptible de causer d'énormes préjudices aux usagers ou bénéficiaires de prestations dudit service public ».voir à ce sujet, notre mémoire de fin d'études de licence en Droit intitulé « l'exercice du droit de grève dans l'entreprise publique »,sous la direction du professeur TSHIZANGA MUTSHIPANGU Dieudonné, faculté de Droit, UNIVERSITE DE LUBUMBASHI(RDC),2007-2008.p.55

* 7 Voir à titre exemplatif : la loi française n°63-777 du 31 juillet 1963 relative à certaines modalités de grève dans les services publics ; la loi italienne n°146 du 12 juin 1990(document n°4) portant dispositions relatives à l'exercice du droit de grève dans les services publics essentiels et à la sauvegarde des droits de la personne qui sont constitutionnellement garantis.

* 8 Source : http://www.ilo.org/dyn/natlex

* 9Journal officiel de la République Démocratique du Congo n°23 du 5 décembre 2005(colonne 53).

* 10 Journal officiel du ZAIRE n° 15 du 1 aout 1981.

* 11 Voir l'article 3 point 3de la loi n° 08/007 du 7 juillet 2008 portant dispositions générales relatives à la transformation des entreprises publiques, in JOURNAL OFFICIEL DE LA République Démocratique DU CONGO, 49eme année, numéro spécial du 12 juillet 2008.

* 12 Nous pouvons citer ici : J.RIVERO, droit administratif, Dalloz, 5ème édition, paris 1971, p373-376.

J.CHEVALIER, in le service public, dossier Thémis, PUF, paris 1971, p.7-8

DE LAUBADERE, traité de droit administratif, 6ème édition, LGDJ, paris 1973,p

p.40-41

G.VEDEL, droit administratif, PUF, collection Thémis, 6ème édition, paris

1976, p810

R.BARRILLION et Ali, lexique de droit administratif, PUF, paris 1979, p.170

M.LOMBARD et G.DUMONT, droit administratif, 6ème édition, DALLOZ, paris

2005, p.272

* 13 KABANGE NTABALA (clément), grands services publics et entreprises publiques en droit congolais, université de KINSHASA(PUC), KINSHASA 1998, p.25

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera