GRAND SEMINAIRE SAINT AUGUSTIN DE SAMAYA
B.P : 298 BAMAKO - MALI
LA VISION CHRETIENNE DE PROMOTION HUMAINE
Le Cas du Diocèse de San au MALI
MEMOIRE DE FIN D'ETUDES
Présenté par :
Bienvenu KONE
Sous la direction de :
Père Joseph DEMBELE
BAMAKO, Juin 2009
A mon Père Jacob qui me fut arraché
à l'affection pendant la rédaction de ce travail,
et à ma Mère Pascaline
TYENOU,
par lesquels le don de la vie me fut donné par
le Seigneur notre DIEU,
A tous ceux qui oeuvrent pour la promotion humaine et
intégrale de l'être humain, pour le respect de la dignité
des plus pauvres et pour l'avènement d'un monde plus juste, plus humain
et plus digne au nom du Christ Jésus, le Révélateur du
Dieu Amour.
A Son Excellence Monseigneur Jean Gabriel DIARRA,
Evêque de San
A toute l'Eglise famille de Dieu à San,
Aux Pères Joseph DEMBELE et Cyriaque DIARRA qui ont
guidé et stimulé cette réflexion,
A tous mes professeurs du Grand Séminaire Saint Augustin
de Samaya
Au Père Emmanuel N. KONE et à tous mes
aînés prêtres qui m'ont soutenu et encouragé durant
mes études au Séminaire.
Aux Pères Edmond DEMBELE, Hervé TIENOU, Emmanuel
A.KONE, qui m'ont encouragé et accompagné durant
l'expérience du stage pastoral
A tous mes amis, frères et soeurs, qui par leurs
critiques et leurs conseils ont contribué à la réalisation
de ce travail,
A tous ceux qui de quelques manières que se soit ont
contribué à la réalisation du présent
travail
A tous, j'adresse mes très sincères
remerciements.
Mi wure bari'a, bari'a.
CARTE I
CARTE DU
BWATUN « PAYS DES BWA » J.CAPRON, Sept Etudes d'ethnologie
bwa, Burkina Faso, 1957-1987, Université François Rabelais de
Tours, Mémoire du laboratoire d'anthropologie et de sociologie,
n°1, 1988
Carte II
INTRODUCTION GÉNÉRALE
« L'Eglise a besoin aujourd'hui de chrétiens
disposés à donner un témoignage clair de leur
identité de catholiques, et qui prennent leur part de la mission de
l'Eglise dans le monde, en étant des ferments de religiosité, de
justice, de promotion de la dignité de l'homme dans tous les milieux
sociaux »1(*),
telle est l'invitation sans appel que le Pape Jean Paul II lançait aux
chrétiens du monde entier depuis les terres latino-américaines de
Puebla en 1979. Le saint Père voulu ainsi réaffirmer que la foi
chrétienne engage donc la responsabilité du chrétien
à être acteur de progrès social dans son milieu de vie.
Cette foi l'invite à oeuvrer pour rendre la terre habitable et qu'en
agissant ainsi selon le dessein de Dieu, il puisse concourir à sa propre
sanctification. Car la Parole de Dieu invite chaque jour, l'homme de foi,
à poursuivre l'oeuvre de Dieu, son oeuvre de création dans le
monde.
Dès lors, la participation à
l'édification de l'humanité est non seulement une exigence de la
foi au Dieu de la vie, mais aussi de l'appartenance à l'Eglise-famille
de Dieu qui à la mission d'humaniser davantage le monde par l'Evangile
du Christ qu'elle annonce.
Le monde a été longtemps
déconsidéré par de nombreux chrétiens des vieilles
époques comme le royaume du diable et de tout ce qui est mauvais,
susceptible de conduire en Enfer loin du regard d'amour de Dieu.
Malheureusement cette compréhension erronée du monde et de toute
la création a conduit bon nombre de fidèles chrétiens
à détourner leur regard des réalités d'ici bas et
de toute activité temporelle, fuyant ainsi leur responsabilité
face au destin de la race humaine, pour attendre dans la passivité le
retour du Christ. Ils croyaient ainsi mieux s'orienter vers les
réalités d'en haut en se détachant de la terre et de tout
ce qui peut les entraver. En adoptant un tel comportement, ils ont failli, par
ignorance, à la grande mission qui leur revenait ; celle
d'être co-créateurs de Dieu.
Aujourd'hui, tout chrétien, qu'il soit clerc ou
laïc, est appelé à prendre une part active dans la mission
d'évangélisation de l'Eglise. En d'autres termes, il doit porter
l'amour de Dieu à ses contemporains, à ses frères et
soeurs, non pas dans un langage spéculatif et superficiel, mais en
assumant pleinement sa responsabilité de porteur d'espérance
chrétienne, de l'Evangile de la vie. C'est-à-dire, par la prise
en compte des réalités sociopolitiques et économiques de
ses auditeurs ; les réalités quotidiennes où le
Christ leur adresse sa bonne nouvelle de Salut. C'est la nouvelle dynamique de
la mission du témoin du Christ en Afrique aujourd'hui. C'est
également l'enjeu de présent et de l'avenir de
l'évangélisation chez les Bwa.
A l'homme, Dieu a donné la grâce de
connaître ce qui est bien, bon et beau par son Esprit Saint, afin qu'il
soit aussi, une lampe qui luit dans les ténèbres du monde.
Car, au lieu de condamner les ténèbres, il vaut mieux y
allumer une lampe pou les éclairer.
Revêtu de l'amour de Dieu en Jésus Christ et
vivifié par l'Esprit Saint, le chrétien est invité
à oeuvrer pour que le règne de Dieu n'apparaisse pas comme une
réalité sublimement lointaine pour ses contemporains, ni pour
lui-même, reporté dans l'au-delà, mais comme un
avènement qui se réalise aussi pour les hommes et les femmes
d'aujourd'hui, ici et maintenant. La Parole de Dieu pourra
être, pour ceux qui l'écoutent, vecteur de progrès social
et économique pour le bien être de toute l'humanité. Car
Dieu rejoint chaque homme et chaque femme dans son histoire personnelle et
collective ; il est le maître de l'histoire. Témoin du Christ
dans le monde, le chrétien devra être pour ses contemporains un
autre Christ, sensible à la situation concrète et aux
réalités sociopolitiques et économiques que vivent les
hommes et les femmes de son milieu de vie. C'est pourquoi il est invité
à relever l'humanité déchue comme le Christ l'a fait sur
la croix, et à rendre crédible sa foi en devenant un
témoin ardent de l'espérance et de la charité dans le
monde, dans sa société.
C'est pourquoi, il s'avère plus que nécessaire,
d'aider tout homme en général et tout chrétien en
particulier à répondre à cette vocation humaine et
chrétienne dans le monde. Et nous tenons donc à rappeler ici les
fondements évangéliques de l'engagement temporel et l'ampleur de
cette responsabilité de tout homme et surtout du chrétien bo
d'aujourd'hui. Car il nous faut réaffirmer pour ceux qui croyaient le
contraire, que si le Christ sauve, c'est l'homme tout entier qu'il sauve,
c'est-à-dire, l'être humain, corps et âme.
1-MOTIVATIONS PASTORALES
La Parole de Dieu est vie et action qui réveille
l'homme de foi de son sommeil et l'aide à surmonter les tourments, les
contraintes de la vie. Elle produit dans la profondeur de son être un
éveil et un dynamisme en lui donnant la soif de la transformation du
monde et de la promotion humaine.
Aujourd'hui, la vie de foi de bon nombre de fidèles
chrétiens est parfois réduite uniquement à l'aspect
cultuel, sans le moindre enracinement socioculturel. Elle ne les engage pas
suffisamment dans les réalités quotidiennes de leur milieu de
vie. C'est une foi verbale et spéculative qui n'a aucune influence sur
leur vie quotidienne personnelle, ni sur la vie collective et sociale de leur
peuple.
De nos jours de nombreuses Communautés
chrétiennes dépendent entièrement de leurs pasteurs ;
pasteurs qu'elles devraient prendre en charge. Elles ne sont pas
engagées pour soutenir la pastorale, non pas qu'elles sont pauvres en
fidèles, mais parce que composées de chrétiens à la
foi chancelante et occasionnellement vécue. Dans ces communautés,
très souvent rurales, le problème n'est pas seulement la
pauvreté matérielle, mais aussi l'aveuglement des
mentalités et surtout le manque d'engagement et de volonté pour
leur propre développement. Cette vie de « mendiant »
qui consiste à tout attendre du prêtre et/ou de l'Eglise, a fait
mourir toute idée d'entreprenariat et d'initiative de
développement chez bon nombre de fidèles chrétiens, hommes
et femmes. Plongeant ainsi nos Eglises d'Afrique de façon
générale, dans la dépendance totale des aides des
Eglises-Soeurs d'Europe. De nombreuses communautés chrétiennes
sont dépendantes jusque dans les espèces du pain et du vin
nécessaires pour le « sacrifice » eucharistique.
Ainsi, le terme Eglise renvoie malheureusement d'abord à
l'hiérarchie, à l' Evêque et/ou même uniquement aux
prêtres « papa-noël » auxquels les
fidèles ont recours de jours comme de nuits non pas pour les sacrements
mais pour leurs besoins les plus fondamentaux que sont la nourriture, l'habitat
et les soins.
Toute chose qui fait transparaître, aujourd'hui, l'image
d'une Eglise-organisme humanitaire ou une institution réduite à
une pure et simple éthique sociale au service de l'homme. Dans
l'incapacité de se battre pour survenir à leurs besoins
quotidiens, bon nombre de chrétiens ont cédé aux gains
faciles.
Il nous faut donc faire renaître le dynamisme
évangélique dans les coeurs. Et pour cela, il est
nécessaire de rappeler aujourd'hui aux fidèles chrétiens,
hommes et femmes, leur mission face à toute la création, surtout
envers la personne humaine. Car, nul ne peut conduire les hommes vers Dieu
comme si la terre n'existait pas et personne ne peut parvenir à Dieu en
rejetant l'oeuvre de Dieu qu'est la création comme une impureté.
Aujourd'hui tout disciple du Christ est invité à
s'approprier cette affirmation de J. LEBRET lorsqu'il dit que « je ne
puis aimer Dieu sans être miséricordieux avec Dieu, sans que les
misères du monde m'aient envahi et aient pénétré
dans mon coeur, sans qu'en moi, de façon habituelle, j'en porte
l'angoisse »2(*)
En l'appropriant comme une résolution personnelle on s'évertuera
à la traduire dans son vivre quotidien pour mieux vivre sa foi en Dieu
de façon pleine et véritable.
Le chrétien est invité à être un
témoin infatigable de la Bonne Nouvelle, comme l'a dit le Pape Paul VI
en ces termes : « Notre monde d'aujourd'hui a plus besoin de
témoins que de maîtres »(E N 41), Car le
témoignage chrétien fait du disciple du Christ une Bible ouverte
pour l'évangélisation de ses frères et soeurs.
Il nous faut donc aujourd'hui, et dans l'urgence de l'amour
ardent de la vérité qui sauve, la vérité de
l'Evangile, rectifier dans la mesure de nos moyens et du possible, la vision du
chrétien bo qui a été chargée d'erreur quant
à l'essentiel, faire le tri du bon et du moins bon, le tri de l'humain
du divin dans le message évangélique qui lui a été
enseigné, afin d'activer le réveil des chrétiens endormis
dans leurs communautés chrétiennes et dans leur
société. Il nous faut, en d'autres termes, sauver l'homme bo de
ce qui le condamne à la misère par l'Evangile de la Vie.
2-MOTIVATIONS
THÉOLOGIQUES
A l'homme fut confiée la mission de travailler la terre
pour la rendre habitable. Car Le monde a sans cesse besoin d'être
imprégné de l'Esprit de Dieu pour l'édification de la race
humaine et pour sa sanctification. Car le Christ, garant de l'espérance
chrétienne, est aussi garant du vrai progrès humain, que lui seul
peut empêcher de tourner en mal, en le faisant déboucher sur le
bien véritable de l'homme et non pas sur un nouvel esclavage
Malheureusement l'explication traditionnelle erronée
longtemps prêtée à la Parabole des Béatitudes
« heureux les pauvres, heureux ceux qui souffrent » (Lc6,
20) a plongé bon nombre de fidèles chrétiens qui ne sont
pas les moindres, dans un pessimisme véritable à l'égard
des biens temporels. A cela vient s'ajouter la lecture littérale de la
parabole du jeune homme riche, parabole également vidée de son
sens réel et de son contexte : «il est plus facile à un
chameau de passé par le trou d'une aiguille qu'à un riche
d'entrer dans le royaume des cieux »3(*) ; et qui a paralysé tout esprit de
progrès social et véritable dans les mentalités du
chrétien bo.
Le chrétien ne devrait point mener une quelconque
activité lucrative, a-t on coutume d'entendre, qui le rendrait peut
être riche, donc condamnable et prédestination à l'Enfer
par un Dieu qui préfère les pauvres. En plus beaucoup de
chrétiens nantis étaient mal vu par certains pasteurs et pire,
ils étaient souvent considérés comme de mauvais
chrétiens ayant un penchant exagéré pour les biens de ce
monde. L'Evangile dit, répétaient-ils très souvent pour
dissuader leurs fidèles : « N'amassez pas de fortune
durant votre séjour sur la terre (...) dit Jésus. Amassez
plutôt une fortune dans le ciel (...) car là où est ton
trésor, là aussi est votre coeur »4(*).
Dès lors, bon nombre de chrétiens semblent avoir
opté pour la pauvreté pour mieux rentrer dans l'esprit de
l'évangile, confondant le gain illégal des richesses et leur
usage abusif qui peut conduire au péché et à
l'éloignement de Dieu. Un témoin nous confessa qu'une fois le
Père S.., à la sortie d'une messe dominicale s'arrêta un
peu pour causer avec ses fidèles et ayant aperçu les nombreux
boeufs qui appartenaient à un des responsables de la communauté
il s'écria d'un ton ironique « hen wure a tuwa mi wa ani ye
le/ ceci-tout-de-la-viande-qui passe ou encore tout ce que je vois n'est que de
la viande qui passe. Cette ironie n'est qu'un exemple parmi tant d'autres qui
traduit véritablement la mentalité du catholicisme, à
travers les hommes et femmes qui l'ont enseigné chez lez bwa.
Le fondement de ces interprétations erronées se
situerait dans l'ignorance de la distinction entre la juste possession des
richesses, des biens temporels et leur usage pour la gloire et selon le dessein
de Dieu.
Pour réussir notre mission d'accompagnement des
chrétiens, il importe de purifier la foi chrétienne de
toute idéologie contraire à l'Evangile et de toute fausse
mystique doloriste qui renforce le fatalisme et la passivité au sein de
nos communautés chrétiennes et qui condamne le chrétien bo
à la misère. Car il est impossible et même inconcevable
d'établir un lien de quelque manière que ce se soit entre la
misère, la pauvreté et l'Evangile du Christ, l'Evangile de la
vie.
Faut-il que l'homme bo demeure dans une certaine
pauvreté pour se sentir toujours concerné par ces paroles
d'espérance de l'évangile qui proclame heureux les pauvres,
heureux ceux qui ont faim maintenant, heureux ceux qui pleurent maintenant,
heureux les persécutés pour la justice ? Sachant que le
Christ sauveur , le rédempteur, crucifié pour le salut de
tout homme, est la réalisation du salut pour tous, pour les plus
pauvres, les affamés, les opprimés abandonnés à
leur propre sort, installé à l'ombre de la mort.
Il nous faut donc préciser aujourd'hui pour l'homme bo
que l'accueil de l'évangile ne nie pas/ou inclut la réalisation
des aspirations humaines ; car la vie éternelle
espérée n'est pas synonyme d'une vie terrestre déficiente
et résignée, et que le salut qu'apporte le Christ est l'un des
signes du règne de Dieu, l'une des expressions du monde d'ici bas et du
monde à venir selon notre foi chrétienne. La Bonne Nouvelle
annoncée aux pauvres ne les invite point à la résignation,
mais au contraire à l'espérance, à la
responsabilité et à l'action pour que la volonté se fasse
sur la terre comme au Ciel, en référence aux termes même du
Pater.
Comment faire comprendre au chrétien bo que le Dieu de
Jésus Christ qui a créé l'homme par amour, ne peut et ne
prédestine aucun de ses enfants à la souffrance, à la
misère ? Mais qu'au contraire, il l'a créé par amour
afin qu'il demeure heureux sur la terre dans l'attente de la vie en
plénitude.
Comment éclairer l'homme bo par la lumière de
l'Evangile aujourd'hui et l'ouvrir à la vérité de
l'Evangile. Car la « confusion longtemps entretenue entre
« pauvreté en esprit » et
« pauvreté matérielle » tout court ;
entre « richesse en esprit » et « richesse
matérielle » tout court, ne cesse de culpabiliser les
chrétiens Bwa qui voudraient se sortir de la spirale implacable de la
paupérisation »5(*)comme l'exprime J.T.DIARRA.
Comment faire pour que la foi au Dieu de Jésus Christ
retrouve sa vraie définition en terre bo afin que l'homme bo devienne un
chrétien, c'est-à-dire un disciple du christ qui a vaincu toute
misère et toute pauvreté dans sa mort et sa
résurrection ? Comment faire renaître une foi
chrétienne dans le coeur de l'homme bo, purgée de toutes les
illusions dont elle a été l'objet depuis très longtemps au
Bwatun pour que nos communautés rayonnent de la parole de Dieu qu'elles
annoncent, pour le développement intégral des Bwa ? Comment
l'homme bo peut-il se sentir concerné par l'Evangile du Christ
aujourd'hui ?
Voilà autant de questions auxquelles nous devons
trouver réponse pour le salut intégral de l'homme africain et de
l'homme bo en particulier ; pour que la lumière de ce grand
Mystère du christ resplendisse dans nos vies quotidiennes et
éclaire nos ténèbres de douleur et de doute, pour nous
communiquer l'espérance véritable que Dieu a ouverte pour toute
l'humanité en son Fils bien-aimé. Et que renaisse
également l'espérance au sein de nos communautés
chrétiennes de base, pour le progrès intégral de l'homme
bo, progrès social, économique et politique véritable.
3- PROBLÉMATIQUE
En 1988, L'Eglise Famille au Mali a
célébré son Centenaire d'évangélisation.
Cent ans de présence effective et souveraine de
l'Evangile du Christ en terre africaine du Mali, pour que se réveillent
les coeurs et les esprits alourdis par le doute et que se relèvent les
corps abattus par les troubles religieux et politiques, pour le salut de
l'homme malien.
En 1998, l'Eglise Diocésaine de San a
célébré ses Soixante quinze ans d'implantation de la
première Paroisse du diocèse de San.
Marchant vers son Centenaire, elle est à sa quatre
Vingt Cinquièmement année d'évangélisation. Plus de
trois quarts de siècle que la Bonne Nouvelle du Christ, est semée
dans les coeurs des Bwa.
Or la Parole de Dieu lorsqu'elle atteint l'homme, elle le
recrée dans son fort interne, en nourrissant sa foi en Dieu et son
espérance à la vie éternelle. Elle est une
« Parole » qui, par sa puissance créatrice, met
l'homme de Dieu debout et lui confère un dynamisme énorme en tout
temps et pour toujours. Elle lui donne la capacité d'annoncer et de
témoigner de Dieu par sa parole, sa vie et ses actes. Bref qu'il soit un
être rayonnant de l'amour de Dieu pour ses frères et soeurs, et
qu'en prenant une part active dans l'édification de la famille humaine
selon le dessein de Dieu, il oeuvre pour sa propre sanctification.
Mais après tant d'année de rencontre de l'homme
bo avec le Dieu de Jésus Christ, le Dieu qui sauve, celui-ci semble
demeurer encore dans l'immobilisme, comme depuis toujours, face à son
destin misérable qui frôle l'ombre de la mort et le ramène
au shéol initial comme à l'aube de la création. Comme si
le Christ, jusque-là, n'a pu conquérir le coeur de l'homme bo
dans son intégralité pour arriver à le
récréer et le faire naître à nouveau, libre de
l'esclavage de la pauvreté, de l'oppression et de toutes les
mentalités absurdes qui développent en lui le fatalisme.
La Parole de Dieu devrait faire rayonner les
communautés Chrétiennes de dynamisme et recréer des hommes
et des femmes qui sont engagés effectivement pour la cause de Dieu et de
toute l'humanité. Malheureusement le constat est tout autre, et c'est
triste. Cette Parole d'action qu'est l'Evangile du Christ, n'a pu être
une source d'éveil du coeur et de la conscience de l'homme bo pour son
bien être intégral. A cette affirmation, la misère que le
peuple vit aujourd'hui en est une preuve parmi tant d'autres. Car la
misère continue d'implanter ses racines dans toute la
société ; et les communautés demeurent dans un
immobilisme remarquablement affreux, laissant les fidèles
chrétiens dans un état de survie et de dépendance totale,
entraînant les uns et les autres à des vices qui n'existaient pas
dans les manières comportementales des Bwa.
La foi donne l'impression d'avoir même dopé
l'homme bo face à sa misère qui date bien des années.
« Sinon comment comprendre qu'après plus de quatre vingt ans
de présence d'Eglise, avec un Evangile subversif poussant l'homme
à dominer la nature, le poussant à se libérer de toutes
les situations invalidantes, on n'ait vu nulle part en pays bo, émerger
des leaders, meneurs d'hommes, ayant une assise économique et/ou
politique »6(*)
comme l'exprime J. T DIARRA. Même si l'Église a une place
importante par sa capacité à éclairer les esprits sur la
base des valeurs éthiques et spirituelles, il faut reconnaître que
toute son action avait jadis consisté en Afrique qu'à tourner le
peuple vers la pastorale priante soit à faire du micro
développement, avec des projets relevant de l'action sociale, que l'on
désigne globalement par le terme d'oeuvres de l'Eglise : les
hôpitaux, les écoles, les centres d'alphabétisation et les
activités agropastorales. Même si ces oeuvres sociales ont une
signification importante pour soulager les misères, elles ne
créent pas encore une véritable dynamique de développement
à grande échelle qui soutiendrait les initiatives d'auto-prise en
charge des communautés chrétiennes. Est-ce là un
héritage comportemental du colon français en
général ? La réponse ne saurait être
donnée sans faire au préalable une étude sociologique
à la Durkheim. Mais une simple comparaison entre les Eglises Locales
francophones et les Eglises locales anglophones en général,
pourrait traduire une certaine idéologie de marginalisation des colonies
même dans la religion. Sinon comment comprendre que les Eglises en terre
africaine de colonies anglaises aient prit le dessus, du point de vue aisance
financière, sur leurs soeurs de colonies françaises ? Si
l'on sait que du christianisme dont nous héritons de l'Orient est,
même de nos jours assigné des traits socioculturels du peuple
Juif, un peuple reconnu unanimement comme travailleur et comme un peuple de
persévérants chercheurs et que même Durkheim qualifie de
peuple ayant une éthique sociale favorisant le développement
social et économique. En plus cet Evangile nous a été
apporté par les Missionnaires occidentaux, continent où le
christianisme à posé les bases du développement industriel
et scientifique depuis le Moyen-Âge et dont on reconnaît avoir eu
un impact sur l'enclenchement de l'esprit du capitalisme qui amorça le
développement dans tout l'Occident, nous rapporte l'éthique
protestante et l'esprit du capitalismes de Max Weber !
Le témoignage de vie chrétienne semble se
résumer, pour bon nombre de chrétiens bwa, hommes et femmes, aux
célébrations eucharistiques et/ou la récitation du
rosaire.
Il apparaît certain, que l'Evangile qui est vie et
action, n'a pas encore touché les sensibilités de l'homme bo pour
atteindre tous les secteurs de sa vie sociale économique et politique
afin de les transformer véritablement et l'aider à prendre son
destin en main en le libérant de ses idées vaguement
spéculatives sur l'au-delà longtemps entretenues dans sa religion
et sa culture traditionnelle. Car seul l'Evangile peut libérer de tout
ce qu'il y a dans sa culture d'enchaînant et qui le voue à la
mort, malgré les efforts et les possibilités de
développement.
Pourquoi les chrétiens demeurent-ils encore timides
dans leur vie de foi ? L'Evangile aurait-il changé de fond en
passant de l'Europe à l'Afrique ? Sinon que comprendre de la
nonchalance de nos communautés chrétiennes aujourd'hui ? Le
christianisme se serait-il transformé en un fardeau de préceptes
et d'interdits par milliers sous lesquels, l'homme bo jouant sans cesse au
portefaix, ploierait éternellement ?
D'où la pertinence aujourd'hui d'élucider les
raisons de cet immobilisme suicidaire auquel nous assistons chez l'homme bo et
dont les impacts sur les communautés chrétiennes et la
société tout entière sont clairement visiblement. Car tous
reconnaissent que la misère à laquelle le Bo est en proie et
qu'il veut fuir par l'exode rural et l'immigration vers les capitales
régionales, n'est pas une fatalité, puisque la pauvreté et
la misère n'ont jamais été une fatalité pour un
quelconque peuple. Et, pourquoi l'exception ne se ferait que chez les Bwa, un
peuple reconnu unanimement de braves travailleurs ?
4- HYPOTHÈSES
De nos jours, de nombreux de baptisés retournent aux
religions traditionnelles, parce que, disent-ils, a qui veut les entendre, que
le christianisme n'a pas trouvé satisfaction à leurs aspirations
humaines et temporelles. Situant le christianisme comme une religion de
l'au-delà, les uns et les autres y voient une vie de foi beaucoup
déconnectée des réalités du monde d'ici bas. Ces
impressions certes personnelles mais bien réelles, trouvent leurs
fondements dans la situation sociopolitique et économique que les bwa
dans leur grande majorité vivent aujourd'hui.
Gagnés massivement à la cause des missionnaires,
les Bwa se sont vus abandonnés à leur propre sort par ceux pour
lesquels ils avaient abandonnés religion et culture en blâmant
totem et mythes, père et mère, frères et soeurs (certains
catéchumènes ont même été chassés de
l'enceinte familiale sans qu'ils ne renient leur appartenance aux
« blancs »).
Aujourd'hui l'Eglise autochtone se retrouve face à
elle-même et les Bwa se voient responsables du christianisme ce qu'ils
ont longtemps lié à la « peau blanche » du
missionnaire ; et l'Eglise désormais administrée par leurs
frères et soeurs, leurs fils et filles du « pays »
doit être à leur charge. Ce qui suscite de nombreuses
inquiétudes, surtout par rapport à la mission et au christianisme
dans son ensemble. Certains vont jusqu'à se demander si le l'homme bo
pouvait réellement être un « Père »,
non pas qu'ils doutent de sa capacité d'étudier la bible ou de
consacrer le pain et le vin en corps et sang du Christ, mais parce qu'ils
définissent le « Père » comme celui qui
donne toujours, « un papa-noël », et comme celui qui
n'attend rien en retour de ses fidèles que la foi. Voilà la
définition que beaucoup donnent du Père ; étonnant,
mais pas surprenant pour celui qui sait que c'est l'impression que les premiers
pasteurs ont laissé d'eux-mêmes. Le contexte d'alors les condamne
en même tant qu'il les justifie.
La mission du chrétien bo aujourd'hui consiste
essentiellement à s'approprier l'Eglise, en prenant conscience que
l'Eglise leur revient, pour éviter de vivre la foi par accoutumance, ou
pour faire plaisir aux « Pasteurs ». Voici, ce que nous
appelons la « mer rouge » que le chrétien bo doit
traverser pour arriver à la terre promise. C'est-à-dire, passer
du « Pèrenii » (gens des Pères),
à des chrétiens, à des disciples du Christ
ressuscité. C'est l'appel que l'Evangile lance aujourd'hui aux
chrétiens bwa, c'est-à-dire, à être ses disciples du
Christ, des porteurs de l'Evangile du salut.
Redynamiser la vie chrétienne par la construction de
communautés chrétiennes à la lumière de l'Evangile
s'avère plus que nécessaire pour nos Eglises aujourd'hui. Mais
cela exige des fidèles un changement de mentalités et une
formation catéchétique conséquente insistant davantage sur
le témoignage de vie chrétienne suivant les
réalités propres au Bwatun, en ayant le souci ardent de la
fidélité aux « termes » du credo. Or si c'est
uniquement un problème de mentalité, toute une vie, même
celle des plus vigoureux (quatre vingt dix selon le Psalmiste) ne
suffirait, car les mentalités changent par génération.
Mais en plus du problème de mentalités, c'est également
une sorte d'ignorance du Christ et de son Evangile de salut, un manque
d'instruction, une catéchèse littérale jadis
enseignée et qui aujourd'hui nous lance un grand défi à
relever.
Pour que le témoignage chrétien s'affirme dans
la dynamique d'une vie évangélique, il faut que l'Evangile soit
inscrit au coeur de l'homme bo, dans les secteurs vitaux de la
société. En s'engageant d'avantage à traduire l'esprit de
l'Evangile dans leur milieu de vie, les chrétiens pourront construire de
communautés chrétiennes beaucoup plus dynamiques et aideront la
société à transcender sa lourdeur sociopolitique et
économique, pour la promotion humaine et intégrale de l'homme. De
ce fait, l'évangile pourra être un vecteur du progrès
social qui s'amorcera selon le dessein de Dieu pour le bien être de toute
la société. Ainsi il importe aujourd'hui d'insister sur la
vocation humaine et chrétienne de l'homme bo dont il doit prendre
conscience dans sa vie de tous les jours. Et que le message
évangélique soit transmis aussi bien par l'exemple de vie que par
la parole et que le chrétien devienne par son témoignage de foi
en Christ, une Bible ouverte pour ses frères et soeurs dans la
société, un témoin de l'espérance, de l'amour et de
la charité dans le monde. Il s'agit d'une reprise en compte des
dimensions sociopolitiques de la Bonne Nouvelle du Christ pour mieux lui
être fidèle.
5- L'ÉTAT DE LA QUESTION
Des réflexions ont déjà
été menées sur l'engagement du chrétien dans la
promotion humaine dans le cadre des oeuvres d'assistance sociale et caritative.
Plusieurs secteurs comme la politique, la justice, la paix et la
réconciliation ont fait l'objet de recherches fournies, pour tenter de
déceler la mission et le rôle que le chrétien peut jouer
dans la construction de l'édifice social dans les perspectives
prédéfinies dans/par la Doctrine Sociale de l'Eglise.
Certaines recherches dans le cadre d'une étude
socio-anthropologique des Bwa du Mali, qui ont été menées
par nos aînés, servent aujourd'hui de référence et
d'appui incontournable pour tout travail quelqu'il soit sur l'ethnie bo. Car ce
sont des recherches remarquablement consistantes par la fiabilité de
leurs sources.
6- L'ORIGINALITÉ DE LA
QUESTION
Diverses études ont essayé de retracer
l'histoire de l'Eglise en terre africaine du Mali (ex Soudan Français).
Ces recherches ont inclus l'histoire de l'Evangélisation des Bwa du Mali
et en certains cas celle de la Haute Volta (actuel Burkina Faso).
Des recherches plus ou moins récentes ont porté
également sur l'anthropologie bo dans le cadre d'une étude
socio-anthropologique de l'homme bo.
Mais des recherches sur l'apport spécifique du
chrétien bo dans la situation sociopolitique actuelle des Bwa,
c'est-à-dire, l'engagement sociopolitique et économique du
chrétien en tant que témoin du christ dans la communauté
chrétienne pour la promotion humaine et intégrale de l'homme bo,
dans une perspective théologique et Pastorale, gardent néanmoins
une certaine originalité.
7- DÉMARCHE
MÉTHODOLOGIQUE
Pour mieux cerner le sujet dans ses détours notre
travail consistera en un premier temps à retourner aux origines de
l'Evangélisation de l'homme bo pour voir dans quel contexte
sociopolitique et économique, il a accueilli le catholicisme et quel a
pu être son impact sur l'implantation de l'Evangile sur cette partie du
Mali qu'est le Bwatun « terre des bwa ».²
Ensuite, dans un second temps, nous tenterons de
dégager les fondements scripturaires de l'engagement mondain du
chrétien, pour tenter de purger le message évangélique des
doutes qui l'ont longtemps enfermé dans l'ornière de
l'au-delà chez les Bwa ; afin de couper cour à toute
interprétation erronée et littérale qui empêcherait
le chrétien bo de mieux répondre à sa vocation
chrétienne dans le monde et d'apporter sa pierre de construction
à l'édification de la communauté humaine.
Enfin dans un troisième et dernier temps, nous
tenterons de donner des propositions concrètes pouvant aider nos
fidèles chrétiens à s'engager davantage, afin de rendre
leurs communautés chrétiennes plus dynamiques et dans un contexte
sociopolitique rénové et transcendé pour une
société plus digne de l'être humain ; Puis nous
terminerons en projetant un regard rétrospectif sur l'Eglise famille de
Dieu à San en marche vers son Centenaire
En ce qui concerne la transcription de la langue et des mots
en langue bo dans notre travail, nous prenons en compte les normes
imposées par la DNAFLA. Cette nouvelle graphie retient ceci : un Bo
des Bwa ou Buwa, mais on dit : la langue bo, un jeune bo, ou un
chrétien bo. Lorsque « bo » est un adjectif on l'écrit
sans majuscule, mais, quand c'est un nom, il faut la majuscule.
PREMIERE
PARTIE
Certaines études socio-anthropologiques ont
prouvé que les Bwa n'ont pas toujours occupé la partie
géographique où ils vivent aujourd'hui ; même si les
Bwa ne doute pas que ces « terres » du Bwatun qu'ils
habitent aujourd'hui n'ont pas toujours été la
propriété de leurs aïeux
Comme tous les peuples, les Bwa ont eu des pratiques
religieuses et des croyances bien avant l'arrivée des premiers
missionnaires. Leur conversion au christianisme a eu d'énormes impacts
sur leur culture, leurs croyances, leur vie et même leur organisation
sociale.
D'abord fermé à tous les peuples voisins, les
Bwa accueillent la « religion des blancs » dans la chaleur
de la colonisation du Soudan français (actuel Mali). Cette colonisation
va faciliter en certains domaines leur adhésion, et freinera en d'autres
domaines leur conversion au Christianisme. Les réalités
socioculturelles, les conditions de vie et les différents
problèmes auxquels les Bwa furent confrontés, vont motiver les
missionnaires à prendre une part active dans leur développement
à travers les oeuvres sociales de l'Eglise.
Plus tard, d'autres programmes d'aide au développement
viennent s'ajouter aux oeuvres de l'Eglise, dans leurs tentatives de promouvoir
l'homme bo ; il s'agit des Organismes d'aide au développement et
des ONG qui accompagnent le processus de developpement du Bwatun.
CHAPÎTRE I-
PRÉSENTATION DU BWATUN « PAYS DES BWA »
I-1 SITUATION
GÉOGRAPHIQUE
Le Bwatun, « Terre de Bwa » ou encore
« le pays bo », est un vaste territoire situé
à «cheval» sur le Mali (ex Soudan français) et la Haute
Volta ( actuel Burkina Faso).
Couvrant une superficie de 18 951 km² et englobant
les Cercles de San, Tominian et Rosso, le Pays bo se situe au Sud-Est du Mali
et au Sud-Est du Burkina Faso, «entre les 11° et 14°
degré de la latitude Nord, et les 5° et 3° degré de la
longitude Ouest»7(*).
Ce territoire est vaguement arrosé dans sa partie Nord- Ouest par le
Bani, un affluent du Niger et au Sud-Est par la Volta Noire. Le relief est
hétérogène, alternant plateaux, collines, plaines et
petites montagnes, de glacis avec des sols granuleux, limoneux, argileux,
sablonneux et caillouteux. Le climat est de type Soudano-sahélien, avec
des précipitations variant entre 200 mm et 700 mm/an au rythme
desquelles naissent et meurent les rivières et les marigots.
La population à majorité jeune
s'élève à 600 000 habitants environ, avec un taux de
croissance s'élevant à 2,5%. La densité moyenne est de
30%, selon le recensement de 1998.
I-2- SITUATION HISTORIQUE
Longtemps les Bwa ont vécu à l'écart des
autres ethnies voisines. Mais plus tard ils vont être violemment
mêlés aux conquêtes politiques qui aboutirent au
découpage et à la formation des états à pouvoir
centralisé tant au Mali que dans l'ancienne Haute Volta aujourd'hui
Burkina Faso. Laissant les Bwa à leur propre sort entre le Mali et le
Burkina, sans que d'un coté ni de l'autre on ne vienne à rompre
les liens sociaux de mariage par des frontières imaginaires. Les
difficultés de délimitation frontalière sont souvent
occasion de conflits meurtriers entre certains villages.
Plusieurs auteurs s'accordent à reconnaître les
Bwa souvent dit « bobo »8(*) comme la plus archaïque de toutes les populations
de la Volta Noire, avec une singularité socioculturelle qui la distingue
de tous les peuples voisins.
Mais cette richesse va connaître un profond
bouleversement comme ce fut le cas dans diverses régions du continent
noir par l'arrivée du « colon pillard ». Dès
lors son mode d'organisation sociale, économico-politique et même
sa vie religieuse vont connaître une profonde mutation.
Les Bwa n'ont jamais cherché à conquérir
un peuple et ils n'ont jamais été conquis par les autres peuples
voltaïques. C'est dire que la liberté et la dignité sont
deux valeurs que les Bwa tiennent toujours à garder contre-tout. Ce qui
les rend réfractaire à l'assaillant colonial par la fameuse
Révolte de 1916. Une révolte sanglante au cours de laquelle les
Bwa ont affirmé leur liberté, refusant donc toute domination sur
« leurs propres terres ». Nous reviendrons un peu plus en
détails dans les chapitres suivants sur cette révolte des Bwa.
I-3- L'ANTHROPOLOGIE BO
I-3-1- L"ETHNIE
Très longtemps, on a pu confondre les Bwa et leurs
voisins voltaïques, les Bobo, en les nommant par l'unique
vocable « bobo ». Et pour les distinguer on
procédera à l'ajout de quelques nuances. C'est ainsi qu'on
retiendra le vocable bobo
Oulé « bobo-rouge » en Djoula pour designer les
Bwa, et le vocable bobo-fing « bobo-noir » pour
les Bobo. Cette confusion trouverait son fondement dans la vie religieuse qui
s'articule autour du « DO » comme symbole d'unité et
des ancêtres. Rappelons ici que le Do est au sommet de la cosmogonie bo.
Il est vrai que les deux ethnies présentent des traits
de ressemblance s'agissant de la religion traditionnelle certes, mais elles se
diffèrent bien l'une de l'autre ne serait-ce que par la physionomie.
I-3-2 LA LANGUE
Les différences régionales et dialectiques de
l'ethnie bo donnent lieu à deux appellations distinctes :
-Pour la région de Dédougou-wakara (province du
Burkina Faso), ils sont dits Bwaba ou Bwawa et leur dialectique est le bomu.
-Pour ceux qui vivent dans la région de Mandiakuy, on
parle de Bwa au pluriel et bo au singulier, et leur dialecte est le Boré
ou le Bomu également divisée en deux formes d'expression
dialectales : le Duèmu pour la partie Nord et le Dahaamu pour
le Sud du Diocèse de San.
I-3-3 LA SOCIÉTÉ
Des études anthropologiques ont prouvé qu'une
seule et unique société bo n'existerait pas en tant que peuple
ayant une organisation sociopolitique spécifique. Car l'organisation
sociale des Bwa est essentiellement horizontale et le politique diffus dans les
différentes responsabilités sont assumées par le chef de
village, le lo-so, reconnaissent les Sociologues. Souvent le village est une
juxtaposition d'ensembles lignagers dans des quartiers ou des hameaux. Car le
lignage (zun) est le lieu où le Bo se replie sur lui-même avec
ceux qui lui ressemblent et constituent la fratrie, ceux qui ont le même
sang, le même nom, descendant d'un même couple de géniteurs.
En effet chaque village ou grande famille a son organisation
et sa structuration hiérarchique et manifeste son autonomie
vis-à-vis des villages voisins.
Aucune structure politique ne régit
véritablement nulle part, la vie commune du Bwatun dans sa
globalité. L'unique entité politique est donc la
communauté villageoise, qui a son organisation sociopolitique propre,
ses manières de vivre la religion traditionnelle. Seuls les liens de
parenté par le mariage, régissent les rapports sociaux entre les
villages. Ce qui justifie le fait que les Bwa sont allergiques à toute
autorité et rétifs au pouvoir centralisé.
Les Bwa vivent dans une étroite dépendance avec
la nature qui rythme toutes leurs activités ; une nature à
laquelle ils cherchent à s'adapter au lieu de la dominer.
Essentiellement agriculteurs, les Bwa n'ont jamais cherché à
diversifier leurs sources de revenus, sauf en quelques rares horizons.
Aujourd'hui les difficultés demeurent à cause des caprices des
saisons et l'ingratitude des terres avec une forme d'agriculture encore
très traditionnelle ; et cela malgré la lutte et le soutien
des Eglises Chrétiennes et l'appui des ONG qui oeuvrent dans la zone.
Les jeunes Bwa, garçons et filles qui n'ont pas pu
pousser leur études à l'école ont très peu de
chance de réussite et n'ont presque d'autres alternatives que l'exode
rural et l'immigration vers les différentes capitales régionales.
Ce qui vide les villages de leurs bras valides, réduit encore davantage
la capacité de productivité agricole et économique.
I-3-4 LA CONCEPTION DE
L'UNIVERS
Pour les Bwa, c'est « Debwenu », vocable
sous lequel il nomme « l'Etre suprême », qui a
créé le monde. Ils conçoivent le monde comme une
médaille à double face : une face visible et une
invisible.
Le monde visible est la face explicite, le domaine de la
clarté où peuvent s'exercer le pouvoir de gestion et la sagesse
de l'homme. L'homme peut dominer cette face, car les phénomènes
sont accessibles à sa compétence.
Le monde invisible est le domaine des esprits, des
génies et de toutes les puissances préposées de
l'extérieur par l'Etre suprême, « Debwenu »,
à la gestion de la nature.
En jetant un regard sur le village bo et ses alentours, on
peut constater l'existence des autels de sacrifices
« Ti-sian ». Ce sont des représentations
matérielles des différents esprits ; et ces statues
constituent les lieux de cultes de l'homme bo. La dépendance totale de
l'homme bo de la nature (puisqu'il vit essentiellement des produits de la
terre) influence sa conception du monde, surtout lorsqu'il s'agit du monde
mystique, des esprits et des puissances surhumaines dont le déploiement
dans l'univers lui échappe naturellement.
I-4 LA CONCEPTION DU
PROGRÈS SOCIAL CHEZ LES BWA
Pour l'homme bo, le monde des vivants est celui des
imperfections et de la souffrance. C'est le monde où sévissent
les maux de toute sorte et de tout genre tels que les maladies, la famine, la
misère et aussi de la mort qui reste toujours comme une absurdité
naturelle toujours crainte.
Dans ce monde visible, l'homme n'est pas maître de son
destin, il est plutôt sous l'administration des esprits surnaturels rendu
maître de l'univers visible par « Debwenu », le grand
propriétaire « Naso benu ». Ils ont pouvoir sur les
vivants et sur tout ce qui existe sur la terre.
Pour l'homme bo le monde est une escale, un lieu de
séjour qu'il ne peut modifier ni la durée ni la structure. Ainsi,
il doit toujours se référer aux ancêtres qui sont les
intermédiaires entre les deux mondes, le monde des vivants et le monde
des esprits. Pour les Bwa chaque homme naît avec un destin
préétabli, qu'il ne peut modifier. L'effort personnel ne peut
rien écrire ni effacer « des lignes ce livre » de
vie. Chaque être naît, exploite la terre pour survivre et il n'a
pas à s'occuper de ce que leurs descendants devront vivre, car
« Debwenu » ne peut pas ne pas survenir aux besoins de ses
créatures.
Le monde invisible est le monde où vivent les
ancêtres ; il s'agit des pères de famille qui ont
réussi leur séjour terrestre dans la fidélité aux
pratiques religieuses et culturelles, et qui vivent désormais non loin
de « Debwenu » dans l'au-delà. C'est le lieu du
bonheur réservé aux honnêtes gens sur jugement des
relations avec les ancêtres et les autres puissances surnaturelles.
Pour l'homme bo, c'est dans l'au-delà, auprès
des ancêtres que toutes les aspirations humaines et terrestres seront
comblées. Tout ce qui manque au bonheur des humains se trouve de ce
coté, un domaine sans entraves ni contraintes où on ne parle plus
de souffrance, ni de maladie, ni de mort qui sont des aléas
réservés au monde des humains. Si l'homme bo est travailleur
c'est parce qu'il sait que non seulement que c'est par le travail que
l'être humain s'affirme et se réalise « A saa a
nucoro », mais surtout parce qu'il pense que le repos de l'homme est
réservé pour l'au-delà, lieu où toutes les attentes
de l'homme seront comblées.
Il faut reconnaître que cette conception traditionnelle
de la nature a d'énormes influences sur la vie quotidienne des Bwa et
constitue en certains domaines un frein à leur développement.
CHAPÎTRE II-
L'ÉVANGÉLISATION DU BWATUN
II-1 LE CONTEXTE SOCIOPOLITIQUE ET
ÉCONOMIQUE DES BWA AVANT «L'INVASION » MISSIONNAIRE
II-1-1 LA CRISE
GÉNÉRALE A L'AUBE DE L'EVANGÉLISATION
En ses débuts en 1889, l'Evangélisation du
Soudan français était bien parti. Les missionnaires entretenaient
de très bonnes relations avec les administrations. Ils « ne
semblaient pas gêner les autres français arrivés dans la
région avant eux ...le missionnaire marche sur la trace du soldat
et se trouve protégé par ses armes »9(*). Les missionnaires sont
invités aux grandes cérémonies officielles de
l'administration qui les honorent volontiers. Le combat des formes multiples de
misères semble préoccuper missionnaires et administrateurs
colons, sans aucune rivalité.
Plus tard, la dégradation des rapports entre l'Eglise
et l'Etat français, aura des répercutions sur les relations entre
missionnaires et administrateurs colons en Afrique Occidentale
française. En France, cette séparation conduisit à la
laïcisation et même à l'anticléricalisme
prononcé.
Les missionnaires et les administrateurs vont se retrouver
dans des situations difficiles de conflits qui les opposent sur toute la ligne.
Des rivalités teintées de haines définissent les rapports
des deux parties.
Désormais, les missionnaires tenteront de se
démarquer aux yeux des populations indigènes, des exploitants
colons dont ils n'hésitent pas à dénoncer les abus sur les
populations. Certains missionnaires verront leur rapatriement forcé
après la fermeture de leurs structures sociales. Ce fut le cas des
dispensaires de Kati et de Kayes où les soeurs seront remplacées
par des porteurs de tenus, pour écarter toute implication des
missionnaires que l'administration qualifie d'oeuvres prosélytismes.
Bref, l'atmosphère tendue de « guerre
froide », devient un frein à l'Evangélisation et
l'expansion de la Bonne Nouvelle dans les localités les plus
reculées.
II-1-2 LA RÉVOLTE DE 1916
AU BWATUN
Malgré la famine qui sévissait de façon
générale dans la région, les céréales
étaient réquisitionnées de force, pour être
envoyées vers la Métropole en guerre.
Les populations déjà fragilisées sont,
malgré tout, obligées de faire la collecte et de se
déposséder de leurs vivres que les employés colons
poursuivaient en fouillant de village à village. A cette situation
difficile de pénurie alimentaire, il faut ajouter le recrutement des
bras valides et les travaux forcés sur les chantiers pour entretenir les
routes pour transporter le ravitaillement.
Les Bwa avaient manifesté dès le début
beaucoup de résistances, mais jusque là non-violentes face aux
administrateurs qui leur sont imposés. Les gardes Cercles qui sillonnent
les villages sont de véritables pillards qui abusent des populations. En
passant d'un village à un autre, le village d'accueil devrait lui
trouver une monture, très souvent un cheval. En plus « il
fallait que le village lui donne chaque jour gratuitement sa nourriture,
plusieurs poules, du Dolo, travaille pour lui... et mette à sa
disposition plusieurs filles »10(*). Un petit séjour n'existait pas parce que tout
le village devrait se mettre en branle pour que le chef soit bien accueilli.
Tout cela paraissait insupportable pour un peuple qui avait
soif de liberté. L'affront ne pouvait être qu'une confrontation
physique pour chasser l'intrus. Pour cela de nombreux sacrifices de poules et
de moutons, de cabris et même de boeufs furent fait pour résoudre
secrètement le problème et pour conjurer une malédiction
à l'ennemi, mais sans résultats perceptibles.
La contrainte était si insupportable que rien ne
pouvait faire reculer les Bwa de leur volonté de retrouver leur
liberté, même pas la mort. Le proverbe « Humu su'ani
nuwa » qui se traduit par, « plutôt la mort que la
honte » devenait le slogan de tous, hommes et femmes, jeunes et
vieux. Hors il n'y a pas de plus grande humiliation pour l'homme bo que sa
domination sur ses propres terres, celles de ses ancêtres. Et donc
l'occupation du colons était comprise comme une sorte d'esclavage de
l'homme bo.
Comment ne pas réagir face à une telle
domination et à une telle maltraitance. C'est pourquoi les Bwa ne
désarmèrent point et la révolte s'engagea dans une
violence sans précédent. Il a fallu « six mois de lutte
et d'opérations répressives nécessitant l'emploi de deux
mille cinq cents tirailleurs, deux mille partisans, deux cents gardes, six
canons, quatre mitrailleuses »11(*)pour maîtriser cette révolte des Bwa. Si
les générations d'aujourd'hui réclament cet
« événement historique » comme un souvenir
fier et glorieux, il est certain que la cruauté et la violence qui ont
marqué cette époque, restent encore gravées encore dans
les mémoires.
II-1-3 L'IMPLANTATION DE LA
MISSION DE MANDIAKUY
En 1921, Monseigneur SAUVANT qui devient vicaire Apostolique
de Bamako, décide de faire de nouvelles missions. Il envoie trois
missionnaires, les Pères Félix THEAUDIERE, Ernest DUVERNOIS et
Eugène RATISSEAU dans le but de fonder une Mission entre Ségou
à l'Ouest et Toma à l'Est, une ville située dans l'actuel
Burkina Faso. Arrivée à San après quelques jours de
marche, les « Pères missionnaires » furent
accueillis par Mr GARBOU alors commandant du Cercle de San. Celui-ci par
prudence a voulu qu'ils s'installent loin de l'administration. Ils durent
poursuivre leur marche un peu plus au Sud que prévu.
Le 08 Octobre 1922 les Pères, Missionnaires d'Afrique,
arrivent à Mandiakuy, qui était un chef-lieu de canton
situé à 80 kilomètres au Sud-Est de San. Ils
fondèrent la première Paroisse du Diocèse de San qui
était jusque là, rattachée à la préfecture
Apostolique de Nouna (dans actuel Burkina Faso) avant les délimitations
frontalières.
Les Soeurs Blanches arrivèrent, quant à elles,
en 1931 pour appuyer l'apostolat des Pères. Elles se focaliseront
surtout sur les oeuvres éducatives et sociales, tels l'école et
le dispensaire. En plus elles vont s'investir pour la pastorale de la famille
dans le cadre de la promotion féminine.
II-1-4 LA DIFFICULTÉ DES
NOUVEAUX ADHÉRENTS À LA « NOUVELLE
RELIGION »
L'accueil de L'Evangile chez les Bwa a été
teinté par une série de révoltes et de
difficultés. Les conversions massives des Bwa au catholicisme semblent
donner lieu à des mesures répressives de la part des chefs
administratifs de cantons qui sont de véritables explorateurs. La
communauté chrétienne apparaît comme une seconde
société au sein de la grande société ou une
nouvelle société sous la direction des missionnaires. Les chefs
de Cantons se sentent minimisés et affichent leurs jalousies.
Accusés de refus d'obéissance aux autorités locales, les
catéchumènes vont être victimes de répressions
violentes. Certains se verront «
étroitement ligotés, roués de coups,
piétinés violemment, suspendus en l'air, privés de
nourriture et de boissons plusieurs jours durant, promenés comme des
criminels à travers le pays, la corde au cou »12(*) de village en village, en
exemple pour tous les « rebelles », sans qu'ils n'aient la
possibilité de se plaindre.
Dans les rangs de l'administration, certains qui avaient une
haine présupposée à l'encontre des gens des Pères
(Pere-nii), n'hésitaient pas à accuser les chrétiens
à la moindre occasion comme fauteurs de troubles. En 1929,
l'administrateur PLANE décrète à la suite d'une vexation
subie par les catéchumènes, l'interdiction formelle d'aller faire
la catéchèse dans les villages, comme si les Pères avaient
une part de responsabilité dans le comportement de leurs fidèles
chrétiens.
L'exemple isolé des Catéchumènes de
Dittara, un petit village de la sous-préfecture de Mandiakuy,
résume l'atmosphère et les rapports que des
catéchumènes entretenaient avec les autorités locales. Un
dimanche 29 Juin 1929, les catéchumènes du village de Dittara, un
petit village situé non loin de Mandiakuy, gagnés à la
cause des Pères revenaient des offices dominicaux. Ils trouvent le reste
de la population villageoise ameutée contre eux sous la direction d'un
représentant du chef, avec l'ordre ferme de corriger ces
« rebelles » de chrétiens. Ils furent contraints de
rebrousser chemin vers la mission, après avoir essuyé une pluie
de coups.
Mais il faut noter que le sentiment de mépris que
portaient les chrétiens à l'égard des chefs de canton, des
interprètes et des gardes cercles, suite aux différentes
exactions, était un sentiment général chez tous les Bwa.
Car toute la population était maîtrisée dans une sorte
d'esclavage, sans aucune possibilité de révolte. Puisque les
moindre soupçons de rébellion étaient soldés par de
violentes répressions afin dissuader tous les sympathisants de ces
soulèvements.
II-1-5 LA SÉCURITÉ
DE LA RELIGION DU MISSIONNAIRE BLANC
Une médaille, un chapelet acquis par un tiers, des
bouts de prière ou un refrain de cantique appris en assistant à
quelques rencontres de chrétiens, était signe de
sécurité chez les Bwa. Il est incontestable que, en raison du
climat d'insécurité générale et de torpeur face aux
autorités locales et administratives, plusieurs personnes croyaient
qu'en se rangeant parmi les chrétiens ils auraient la protection des
missionnaires qui sont du même pays que le commandement, et avec lequel
ils parlaient la même langue. Les missionnaires ont facilement
accès facile aux bureaux de l'administration.
Face aux difficultés grandissantes provoquées
par la famine, les maladies épidémiques, les sauterelles et la
sécheresse, la bienveillance des pères ne pouvait laisser
personne indifférente. Les soins qu'ils accordaient aux malades et les
fêtes qu'ils organisaient souvent, suffisaient pour accorder un pouvoir
illimité aux « missionnaires blancs ».
Les missionnaires sont entourés et acclamés
dans les villages, car ils s'intéressent aux populations et parlent leur
langue. Cette popularité va s'accroître davantage dans la
région de Mandiakuy où l'année 1933-1934 fut une
année de famine causée par la sécheresse et les invasions
acridiennes. En proie à la famine, les missionnaires, Pères et
Soeurs furent les seuls recours des populations. Des adolescents filles et
garçons, vendus comme esclaves aux marchands peulhs, furent
rachetés par les Pères. En plus les Pères prenaient en
charge les impôts et les taxes de bon nombre de personnes pour les
racheter de la « main » de l'administration.
En plus, l'oeuvre des catéchistes et des Soeurs
à l'école, l'ouvroir et le dispensaire donnaient une image
positive de la présence des Missionnaires. Le Père J.
reconnaît avoir accueilli, en ces années de famine, plus de 400
catéchumènes environ, pour un stage de préparation
immédiate au baptême. Car la famine était si intense que
certains individus préféraient se réfugier à la
Mission pour survivre. Les chrétiens nés dans de telles
circonstances n'avaient pas cherché à se faire baptiser, ils ont
voulu éviter une situation de famine. Et donc, il ne faut donc pas
s'étonner s'ils retournent quelques semaines plus tard à la
religion traditionnelle, puisqu'ils ont été baptisés sans
être convertis.
A cette époque « Ils sont passés en
faisant le bien » pourrait -on dire avec raison et sans risque de se
tromper dans ces villages.
Le christianisme apparu très vite aux yeux de bon
nombre de chrétien comme le signe de leur libération
intégrale. Une libération d'abord contre les chefs de cantons qui
abusaient de leur pouvoir en faisant travailler les populations dans leurs
propres chantiers et aussi face aux maladies épidémiques qui
faisaient des ravages sans limites et enfin contre les sauterelles qui
étaient plus que la sécheresse la principale cause de famine.
C'est à juste titre que D.Y Pierre DIARRA affirme qu'à cette
époque « le missionnaire était facilement vu comme le
bouclier du chrétien catholique ». Mais cette apparence
pacifiste, d'agent de la Croix-Rouge et du protecteur du missionnaire ne nous
fait pas oublier la violence pratiquée pour maintenir les nouveaux
adhérents dans le catholicisme, et pour drainer les gens à
l'Eglise. En effet, le christianisme était devenu une sorte
« d'enclos » ; une fois entré on avait plus le
droit de sortir. « Tout priant qui avait
« inscrit » son nom n'avait plus le loisir d'en prendre et
d'en laisser des activités de la petite communauté naissante.
Celui ou celle qui n'était pas vu(e) le dimanche à la
prière ou le soir à la récitation du chapelet,
était démarche à la maison fouetté(e) au vu et au
su de tous »13(*). Pour dire aux indigènes qu'on ne devrait pas
« s'amuser » avec « le blanc », qu'il
soit administrateur ou missionnaire. Cette politique sera poursuivie par
certains autochtones responsables de communautés chrétiennes
même en l'absence du Père.
II-1-6 LA POLITIQUE SOCIALE DU
CATHOLICISME CHEZ LES BWA
Sensibles à la situation misérable des
populations, les Pères mirent sur pieds beaucoup de structures sociales
pour le bien être social des Bwa. Des dispensaires ont été
construits et peuplés de religieuses qui y ont consacré presque
toutes leurs énergies.
S'agissant des Ecoles dites paroissiales, elles sont d'abord
des écoles de catéchisme. L'instruction et la formation
religieuse y sont données à des enfants de 12 à 14 ans,
pendant la saison sèche. Ce programme d'éducation comprenait
quelques cours de lecture et d'écriture en langue indigène et en
français pour ceux qui seront disposés à entrer dans les
Ecoles de catéchistes. Ces écoles fonctionnent normalement
grâce à la bonne administration des Soeurs Blanches. En 1945,
l'Ecole de Mandiakuy compte 99 élèves. Pour les filles une
formation propre est organisée par la mise sur place de la
« sixas ». La sixas fut un centre des fiancées
chrétiennes pour un stage de formation obligatoire, plus ou moins long,
variant entre quatre et six mois, suivant le degré de catéchisme
de l'intéressé. Au début, elle avait l'appréciation
de tous, car les fiancés retrouvaient leurs fiancées quelques
mois après, prêtes pour le foyer, bonnes mères de famille,
capables de donner une éducation chrétienne à leurs
enfants.
Au fil du temps, le nombre croissant d'année en
année complique la tâche aux soeurs blanches. La sixas deviendra
plus tard, par manque de rigueur dans sa gestion, un centre attroupement de
jeunes filles sans autre programme de formation que de suivre des cours de
catéchismes appropriés à leur état
prénuptial, de faire la cuisine aux élèves de la mission,
apprendre la filature du coton et de danser au son de tambour les
soirées dans la cour de la mission. En plus, plusieurs filles, sans
motif valable, venaient s'y réfugier pour se libérer de leurs
fiancés indésirables.
Ces oeuvres catholiques mises sur place par les missionnaires
semblèrent êtres des structures de prosélytisme pour
convertir les Bwa à la nouvelle religion, qu'il s'agisse des
écoles, des dispensaires, des « sixas » ou des
autres oeuvres missionnaires.
Ce qui nous laisse un grand doute sur la gratuité de la
mission catholique auprès des Bwa ; suscitant la question à
savoir si le missionnaire fut animé d'une réelle volonté,
malgré ces « réalisations », de sortir
l'homme bo de sa misère sociopolitique et économique.
Comme cela s'est fait remarquer dans certaines parties du
Soudan français, telles que les régions de Kayes, Bamako et
Ségou où les Missionnaires avaient comme objectifs, en
créant les écoles, de préparer la relève
missionnaire et non de former des citoyens pour le futur Etat
indépendant du Mali. La preuve est qu'ils n'ont formé que de
« collaborateurs sociaux » spécifiés pour des
postes d'enseignants, d'infirmiers, aides-soignants et de matrones qu'ils
emploieraient dans leurs structures sanitaires et éducatives. Il est
certain que la même politique fut validité chez les bwa.
Les Ecoles Catholiques abritaient les séances de
Catéchisme. La plupart des écoles primaires et secondaires ont
été ouvertes par des missionnaires, d'abord pour leurs propres
besoins tels que les écoles des catéchistes à Mandiakuy
qui furent transférées quelques années plus tard à
Dobwo pour la formation des agents pastoraux, des auxiliaires de la Mission,
des assistants à la catéchèse et des animateurs de
communautés chrétiennes.
Il s'agissait pour les structures d'éducation
catholique, de former d'abord des prêtres et ensuite des
catéchistes incontestables hérauts et héros de la Bonne
Nouvelle du Christ à travers les villages du Bwatun. Bref, ces
écoles n'avaient pas pour objectifs de former des citoyens et des
fonctionnaires d'état qui s'impliqueraient plus tard dans
l'édification de leur pays dès que le colonisateur se serait
replié de la colonie.
Nous ne voulons donc pas remettre en cause le Catholicisme,
mais la méthode jadis utilisée par les Missionnaires pour
convertir les Bwa.
Le Christianisme semble avoir été transmis dans
la culture occidentale par le missionnaire, la culture dont ils sont usus. Car
« l'homme ne peut, sans illusion sur lui-même, ni
déséquilibre en lui-même, oublier les données
natives et l'enracinement corporel de son être »14(*). Même si nous avons
l'air d'adopter un langage quelque
peu « révoltant » à ce niveau, nous ne
nions en aucun cas les bienfaits de la mission catholique dont l'engagement
social qui, en bien des secteurs, est digne de louange ; mais nous
révoquons juste certaines pratiques qui ont fait plus de mal que de bien
aux Bwa.
Nous voulons donc dénoncer les tares d'un biblicisme et
d'une idéologie erronée longtemps prêtés au message
évangélique pour garder les Bwa dans leur misère, et qui
sont aujourd'hui, tout comme hier, inconcevables et incompatibles avec l'esprit
de l'Evangile du Christ, qui est une Parole de vie. Mais
« critiquer ce qui fut fait hier et aujourd'hui (de critiquable)
n'obère en rien la qualité de ce qui fut fait hier (de beau et
bon) »15(*)
comme l'exprime J.T. DIARRA. Puisqu' il ne s'agit point « de
savoir n'importe quoi, d'acquérir un amas confus de connaissances,
d'écraser à force les données inintelligibles, il s'agit
de répondre aux questions de l'humanité en
désarroi »16(*) affirme L.J.LEBRET.
Il faut se dire que c'est dans le souci d'une
préparation de la relève missionnaire que plusieurs oeuvres
éducatives furent d'abord réalisées chez les Bwa. Et donc,
les aspirations humaines de l'homme bo n'avaient pas été une
priorité majeure.
Est-ce dans le souci d'éviter au catholicisme le visage
d'un organisme humanitaire ? Le salut qu'apporte Jésus Christ ne se
porterait uniquement qu'à l'âme sans prendre en compte les
réalités sociopolitiques ? Si notre remarque est juste, cela
n'est-il pas une note d'insuffisance sur le rôle du religieux et/ou de
l'oeuvre des hommes et femmes de Dieu au Bwatun ?
Voilà autant de questions qui suscitent engouement et
curiosité chez les nouvelles générations de Bwa
aujourd'hui.
Les problèmes sociaux liés à la famine,
à la servitude des populations et aux aléas climatiques
caractérisés par la sécheresse, ont permis aux Bwa de
mieux découvrir le rôle que les missionnaires pouvaient jouer en
vue d'un progrès intégral des Bwa. Mais reconnaissons que cette
participation sociale n'a pas été à hauteur de souhait, si
nous faisons une évaluation de la situation qui prévaut
encore aujourd'hui dans cette partie du Mali. L'assistance
perpétuelle et illimitée n'a pas aidé l'homme bo à
prendre conscience de sa misère, mais, il a plutôt poussé
les Bwa à fonder sur le missionnaire de flux et faux espoirs.
Ce qui explique sans justifier, le retour de certains
baptisés vers les croyances traditionnelles dès l'annonce du
répit du missionnaire. Puisque déçu quelque part, par un
catholicisme déconnecté des réalités mondaines et
quotidiennes des Bwa et s'intéressant trop peu à la vie
d'ici-bas, les uns et les autres ont préféré revenir
à leur situation de départ, la religion traditionnelle africaine.
II-2 LE RÔLE DE L'EGLISE
DANS LA SITUATION SOCIOPOLITIQUE ET ÉCONOMIQUE ACTUELLE DES BWA
L'élan des Bwa envers le missionnaire semble n'avoir
pas été au prime abord, dans le but d'adhérer au
catholicisme, mais pour solliciter son aide et son efficacité face aux
fléaux tels que la famine, l'invasion des sauterelles, la
sécheresse accablante. Fléaux qu'ils considéraient jusque
là comme une manifestation de la colère des esprits et des autres
puissances surnaturelles. Car certains villages qui ont réclamé,
à cor et à cri, les Missionnaires durant les années
difficiles de 1938-1942 de la sécheresse, des Sauterelles et de la
famine, n'ont pas enregistré de conversions massives même
après l'installation des Pères dans leur localités.
Mais, il faut reconnaître que ces oeuvres sociales
notamment les dispensaires ont été d'un grand apport pour les
populations Bwa face aux épidémies et à la misère.
Mais il faut reconnaître que ces structures
constituèrent les meilleurs moyens de former une bonne
chrétienté et de l'étendre. Et de ce fait, ils ont
joué un rôle politique non négligeable même si ce ne
fut pas le but primordial. Puisque toute instruction une fois acquise,
quelqu'en soit la qualité, peut ouvrir à l'homme d'autres
perspectives de réflexion et de développement.
II-3 L'EGLISE LOCALE ET SES
oeUVRES SOCIALES
Après l'indépendance du Mali le 22 Septembre
1960, l'Eglise autochtone sous la direction de Monseigneur Joseph Perrot
nommé Evêque de San le 29 septembre 1964, poursuit la lutte
auprès des populations du Bwatun à travers les oeuvres
d'assistance sociale.
Dans le cadre de l'éducation, des Ecoles privées
catholiques furent construites pour la formation/Education qui seule pouvait
promettre un avenir meilleur aux populations.
C'est le cas des villages comme :
- Mandiakuy (Premier et Second Cycle),
- Tuba Premier Cycle)
- Bénéna (Premier Cycle),
- Waramata (Premier Cycle devenu gouvernemental depuis 1989),
-Somo (premier Cycle),
-Togo : Premier Cycle créé en 1953. Et
plus tard un Second Cycle aux comptes des Diocèses de San et de Mopti le
petit Séminaire Interdiocésain ouvre ses portes en Octobre 1965
sous la direction du Père Jean Poulain. Réservé aux seuls
séminaristes en ses débuts, le petit Séminaire St Paul est
aujourd'hui un Séminaire-Collège s'ouvrant aux
élèves venant de divers horizons. En 2006 les Séminaristes
ne représentaient que 16% de l'effectif général.
- Dobwo : Un Second cycle qui abrite le Juvénat
des frères du Sacré Coeur depuis 1980. Dobwo abrite
également le CFC (Centre de Formation des Catéchistes) qui fut
transféré de Mandiakuy à partir de 1973 et le Centre de
Vocation féminine sous l'administration des SAB depuis 1982.
Pour aider les paysans à dompter une nature qui devient
de plus en plus capricieuse, le Centre de formation Agricole Rurale de Zura
(CFAR) fut créé en 1968 et ensuite le koni en 1971 pour
développer de nouvelles méthodes, modernes, de l'agriculture.
Pour permettre aux populations d'avoir facilement accès
aux soins, les dispensaires de Touba et de Togo furent construits, pour
dépeupler le seul Dispensaire de Mandiakuy construit par les premiers
Missionnaires.
Mais l'Eglise semblait rendre se service libre de tout
engagement politique qui lui ferait prendre le risque de donner à
l'autorité administrative l'occasion de penser que les chrétiens
étaient jusqu'à présent à son encontre. Cela
explique sans justifier le sentiment rétif des chrétiens Bwa,
dans leur grande majorité, à l'activité politique.
CHAPÎTRE III- LES ORGANISMES
D'AIDE AU DEVELOPPEMENT DES BWA
III-1 CARITAS/SAN
En appui aux structures de secours aux populations de l'Eglise
Catholique énoncées plus haut, vient s'ajouter l'action de la
Caritas diocésaine jadis connus sous l'appellation de Secours
Catholique/Action Sociale et dont les actions sont surtout connues à
travers les greniers de prévoyance sociale et les caisse
d'épargne. Caritas assiste également les paysans par la formation
aux nouvelles méthodes agricoles, les sélections des
espèces de semence mieux adaptées aux conditions d'avantage
déplorable de la pluie.
Il faut considérer aujourd'hui la Caritas comme un
signe tangible d'engagement social de l'Eglise Catholique digne
d'éloge ; car elle est à l'origine des premiers grands
programmes de développement dans cette « région
oubliée » du Mali.
En effet depuis bien des années, les Bwa semblent
victimes d'une marginalisation et d'une discrimination camouflées de la
part de l'administration ; a-t-on coutume d'entendre. Une sorte
d'exclusion du système Etatique malien « qui peut être
de l'ordre de la négligence inconsciente de l'Etat malien
vis-à-vis de cette région, une certaine indifférence par
rapport aux besoins parce que on se dit que les Eglises chrétiennes
et/ou les ONG présentes dans la région depuis longtemps assument
une part non négligeable des attentes en éducation, en
santé »17(*) comme l'exprime J. T. DIARRA. Ce qui pousse à
avouer que l'Eglise Catholique occupe une place de choix irréductible
dans le domaine du développement aujourd'hui. Sa réussite,
résiderait dans le fait que le caractère humanitaire de ses
interventions ressemble bien fort à la solidarité communautaire
culturelle jadis vécue dans les communautés villageoises et dont
on a aujourd'hui la vive nostalgie. Car la probabilité de
réussite de toute intervention sociale d'appui au développement
qui ne prend pas en compte le facteur social et les mentalités du
milieu, peut être bien faible dans une zone comme le Bwatun.
En plus, la crise de confiance née des rapports des
paysans Bwa avec l'appareil étatique qu'ils trouvent corrompus sur toute
la ligne, menaçait toutes les interventions de développement
étatique d'un échec préétabli.
L'absence de l'Etat lance un grand défi à
l'Action Caritative de l'Eglise Catholique à étendre ses
perspectives d'aides au développement pour relever le niveau de vie des
populations.
En ses débuts sous forme d'organisme humanitaire vers
les années 1970 en réponse aux besoins ponctuels des populations,
l'action de l'Eglise sera ensuite transformée en 1984 en organisme de
développement, devenant ainsi le pionnier des organismes d'aide au
développement du Bwatun.
· Le Secours Catholiques/ Caritas San
Il s'articulera d'abord sur l'Alphabétisation et la
formation des animateurs, la Stabulation saisonnière des animaux, mode
de logement du bétail, principalement les bovins pour mieux les
entretenir. Car les paysans abandonnaient leurs animaux dès la fin de
l'hivernage. Faute d'entretien et en plus du manque d'aliment et d'eau sans
parler des soins, les animaux mourraient en grand nombre (surtout les vaches
laitières et les veaux) durant les mois d'Avril de Mai, et de Juin et de
Juillet qui ouvrent sur la saison pluvieuse. Et ceux qui échappaient
à cette période, en général les boeufs,
succombaient plus tard en Juillet suite à la demande subitement intense
pour les travaux de labour.
Plus tard la Caritas va s'intéresser au reboisement
face à la sécheresse et aux feux de brousse qui
accélèrent l'avancée très imminente du
désert. Puis elle entame un système de crème de
crédit, aujourd'hui concrétisée par la construction de
caisse d'épargne pour des groupements de villages en secteur. Les
paysans peuvent y garder leurs économies ou y faire des prêts,
après s'être inscrits moyennant une petite somme (2,3 €
environ).
Le secours catholique s'est fait distinguer par son rôle
dans la promotion de la santé villageoise, par la construction de
margelles de puits, de latrines et l'assainissement des villages. Mais il faut
noter que ces Aides Caritatives d'urgence, favorisent et nourrissent
l'attentisme, la paresse et la dépendance villageoise, si elles ne font
pas participer les villageois au plan de développement ; cette
assistance peut, à long terme, réduire la capacité et la
volonté des assistés à entreprendre pour leur propre
developpement. Il faut que les individus à développer deviennent
acteurs de leur propre développement, sinon le pourcentage de
réussite se réduit considérablement.
· Le Centre de Formation et d'Animation rurale de
Zura (CFAR-Zura)
Mis sur pied pour révolutionner l'agriculture
jusque-là traditionnelle, CFAR-Zura sera un centre de formation, de
promotion et de vulgarisation agricole pour améliorer la
productivité paysanne locale. Des jeunes, souvent
délégués par leurs villages ou en solitaire venaient y
apprendre les nouvelles techniques agricoles, l'entretient des cultures, la
gestion des récoltes et l'élevage. Au terme de leur formation qui
s'étendait souvent sur plusieurs jours, ils recevaient chacun un
équipement (une charrette à deux roues, un âne, une
charrue, une paire de boeufs et du petit matériel agricole : une
brouette et une pèle). Le centre se transformera plus tard en
action-projet, qui élabore, exécute et finance des actions
d'intérêts collectifs dans les villages. Il prend en compte dans
son volet d'hydraulique, les forages de puits et la construction de petits
barrages, puis la formation de gestionnaires villageois, la construction de
banques de céréales, la réalisation de programmes de
sensibilisation et d'animation dans sa lutte contre l'érosion et d'appui
à l'essor du jardinage par la confection de grillage.
Il faut reconnaître aujourd'hui la recrudescence de ces
activités de développement au profit d'autres organisations non
gouvernementales (les ONG) d'appui au développement qui se sont
recensement installés dans la zone.
III-2 LES ORGANISATIONS NON
GOUVERNEMENTALES (ONG)
Les ONG avec leurs programmes d'appui au développement
du Bwatun, conscients de la généralité des besoins, se
sont rangées aux cotés de la Caritas pour tenter de
désenclaver la région, même s'il n'existe pas de liens
spécifiques entres elles. Parmi elles nous notons, celles qui sont
marquées par un caractère religieux comme la Mission Protestante
qui n'est pas une ONG mais peut être citée comme un projet de
développement, un peu comme la branche protestante du Secours
Catholique. Seulement ses oeuvres caritatives sont destinées uniquement
aux seuls protestants.
III-2-1 LA MISSION
PROTESTANTE
Elle se donne, d'abord aux oeuvres caritatives uniquement en
direction des adhérents du protestantisme, à l'encadrement des
associations de protestants dans les villages. Plus tard elle va oeuvrer dans
l'éducation par la construction de salles de classes et de salles
d'alphabétisation. Son impact est reconnu pour l'éducation et
l'alphabétisation, la résolution des problèmes d'urgence
qui teinte ses actions de prosélytisme.
Nous avons les ONG comme Word Vision International ou Vision
Mondiale Bwatun, ensuite SOS Sahel, AID et Mali- Aqua- VIVA et bien d'autres
ONG qui sont obligées pour une raison ou une autre d'élargir leur
programme aux localités voisines sous la menace de réduction de
l'aide externe ; c'est le cas de la CMDT qui collabore avec le PAE, la
BNDA, l'AID et qui coordonne les interventions de ces Agences de
développement dans la zone.
Mais nous suivrons l'ordre chronologique dans la description
de ces organismes d'aide au développement qui sont entrain de faire leur
preuve dans la promotion des Bwa.
III-2-2 MALI- AQUA-VIVA
Face au problème grandissant de pénurie d'eau
dans certaines localités du Bwatun due à l'insuffisance
pluviométrique, Mali-Aqua VIVA vient en aide aux populations
villageoises. Elle adopte un programme hydraulique villageois par la
construction de forage avec un système de pompe solaire. Mali-Aqua VIVA
ne réussira pas à hauteur de souhait faute d'une bonne
collaboration des populations villageoises qui n'ont pas accordé
d'importance à l'entretien de ces ouvrages coûteux que sont les
pompes solaires.
III-2-3 SOS SAHEL (SAVE OUR SOUL-
SAHEL)
Arrivée en 1989, cette ONG s'engage une dizaine
d'année pour le désenclavement du Bwatun. SOS-SAHEL s'engage par
l'appui institutionnel villageois pour la gestion des ressources, mesure de
lutte anti-érosive, octroi de petits crédits, compostage,
formation « d'accoucheuses traditionnelles » auxquelles
elle distribue du matériel de base. En plus elle prend dans ses
programmes la formation d'animateurs villageois, la construction de Banques
céréalières pour les associations féminines,
l'alphabétisation, Aménagement du terroir, santé
villageoise.
L'impact de ce projet est surtout connu par sa méthode
de diffusion d'information que véhicule des groupes d'artistes de la
localité, sensibilisation des paysans par cassette audio sur les mesures
de protection de l'environnement écologique (feu de brousse,
déboisement) par le reboisement ou sur la santé (lutte contre le
SIDA) ou encore sur des thèmes sociaux comme l'exode rurale et la vie
conjugale. Cette méthode de sensibilisation des paysans par des chansons
dans la langue locale s'est avérée efficace, car elle permet aux
informations d'atteindre tous les coins et toutes les couches sociales des
populations Bwa.
III-2-4 WORD VISION INTERNATIONAL
(VISION MONDIALE BWATUN)
Arrivée en 1999 elle s'est montrée
efficace par l'appui à l'éducation formelle et informelle
(soutien des écoles de base en équipement, construction et
équipement de salles de classes et d'alphabétisation des femmes
et des adultes), l'agroforesterie, Aménagement du terroir,
création de banques de céréales. En pleine expansion de
ses zones d'action, World Vision International s'engage dans le domaine de la
santé communautaire par la lutte contre le VIH/SIDA dont les panneaux
d'affiche de sensibilisation planent dans presque tous les villages. En plus,
elle mène un dur combat contre l'excision des jeunes filles, un
fléau de la localité.
Son impact est connu également dans le parrainage des
enfants de 4 à 9ans auxquels elle fait des distributions de
vêtements une ou deux fois par an.
A ces ONG s'ajouteront d'autres comme Luxe-Developpement
uniquement pour le cercle de San, Iles des Eaux pour le Cercle de Tominian,
dont les impacts seront connus dans un avenir proche selon leur
efficacité et les leçons qu'elles auront tirées de leur
phase d'essai.
Même si l'heure n'est pas encore au bilan pour ces ONG,
nous pouvons affirmer que des efforts sont entrain d'être
déployés de part et d'autre afin que la promotion humaine et
intégrale de l'homme bo devienne une réalité constatable.
CONCLUSION DE LA
PREMIÈRE PARTIE
Nous pouvons affirmer que cette vaste terre qu'habitent les
Bwa, est confrontée à certaines difficultés dues à
la nature et aux fléaux climatiques. Face à cette misère,
l'Eglise locale, appuyée par certaines ONG, lance les jalons du
développement. Mais les stratégies utilisées pour
répondre dans l'immédiateté aux besoins des Bwa, à
court terme, et la mauvaise volonté de certains acteurs, rendent presque
vains les efforts de développement.
Les Bwa, malgré toutes les implications sociales de
l'Eglise et les ONG, restent confrontés aux problèmes de
développement. Car, les acteurs d'aide au développement ont voulu
développer « le Bwâtun » sans les Bwa eux-mêmes,
sans les aider à être les vrais acteurs de leurs propres
développement. Il n'y a pas de véritable engagement solidaire
avec les pauvres si on les considère seulement comme des personnes qui
attendent passivement une aide, car ils sont les vrais acteurs de leur
développement. Respecter leur condition d'acteurs est une clause
indispensable à une authentique solidarité. Car pour toute
personne, être agent de sa propre histoire est une expression de
liberté et de dignité, point de départ et source d'un
développement authentiquement humain et durable.
DEUXIEME PARTIE
Le coeur du message de Jésus est l'annonce de Dieu qui
s'exprime dans la proclamation de son royaume. Royaume qui transporte le sens
de l'histoire au-delà d'elle-même, jusqu'à son
accomplissement ; et en même temps, il est présent en elle
dès maintenant, dans la formule classique du
« déjà et du pas encore ».
Le but de la promotion humaine, dans une vision
chrétienne, ne se résume pas à l'assouvissement des seuls
besoins, des désirs et des fantasmes de l'être humain. Mais d'une
remise de cet être humain dans le projet de Dieu pour la création.
Car la promotion humaine se fait dans un but plus large d'une plénitude
de relation entre Dieu et l'homme et de promotion de la création comme
mission de l'homme. Dès lors, le développement ne peut plus
être compris comme un processus d'émancipation orgueilleuse de
l'homme vis-à-vis de son Créateur, résultant de
l'augmentation des moyens matériels jusqu'à l'oubli de Dieu, mais
plutôt comme une responsabilité, un devoir de l'homme envers la
création et envers le créateur. C'est à cette mission
divine que l'Eglise invite l'être humain et lui donne les moyens pour y
parvenir, grâce à la Parole de Dieu, l'Evangile du Salut qu'elle
annonce. La foi chrétienne invite à témoigner d'un amour
sans frontières en dénonçant le prestige et la menace de
la force pure, l'injustice, la corruption au mépris du droit, de la
justice et de la vérité. Invitation pour le chrétien
à être de plus en plus un facteur d'éveil de conscience,
pour aider ses concitoyens à progresser vers la vérité de
Dieu pour que la Cité terrestre devienne l'accomplissement des promesses
divines de salut et de libération en Jésus Christ.
CHAPÎTRE I- LES
FONDEMENTS SCRIPTURAIRES DE L'AGIR SOCIAL DU CHRÉTIEN
En parcourant la Bible, nous pouvons bien nous rendre compte
que de l'amour immense dont Dieu entourant l'homme, est transcrit de
façon particulière dans ses différentes interventions.
Progressivement révélé à travers
les signes multiples et divers de sa présence protectrice au sein du
peuple élu, Dieu a manifesté Son Amour à Son peuple, le
peule d'Israël qu'il s'est choisi de préférence parmi tous
les peuples de la terre . Au-delà de cette longue histoire d'amour vrai
et réel avec le Peuple élu, c'est avec toute l'humanité
qu'il établi ce lien d'amour accompli par/en l'avènement de son
Jésus Christ, le révélateur du Père par excellence,
le Verbe dont l'incarnation est la preuve sublime et plénière de
l'amour de Dieu pour l'homme et pour tout homme. Dieu vient à la
rencontre de l'homme pour le relever de sa chute, de son humiliation face au
péché et lui restaure toute sa dignité « d'Etre
créé à l'image et la ressemblance de
Dieu »18(*).
Le regard d'amour de Dieu pour l'humanité se
découvre dans sa relation avec l'homme à travers l'histoire
propre du peuple d'Israël dans l'ancienne alliance et son dessein de salut
pour toute l'humanité dans la nouvelle alliance. D'où la
nécessité pour nous de redécouvrir cet amour dans toute sa
profondeur pour tous les hommes en général et surtout pour
l'homme bo en particulier dans sa précarité, afin de saisir tout
le sens pour ce peuple de façon particulière. « Il
s'agit de savoir dans quel mesure, en fin de compte, le destin des pauvres est
au coeur du mystère de la Révélation
Divine »19(*) et
comment la Parole de Dieu qui est bonne nouvelle vient relever l'homme bo.
Nous sommes convaincus que le règne d'amour et de paix
de Dieu proclamé par Jésus Christ est destiné à
tous les hommes comme leur libération du mal sous toutes ses formes,
même les plus abominables. Le Christ a vaincu la mort par sa
résurrection pour donner à tous les hommes la vie ; cela
prouve qu'il a vaincu toutes les forces du mal et toutes les formes de mort,
dont la pauvreté, la famine, la soif, la misère, l'oppression
qui constituent des formes expressives de la mort de l'homme bo. Car ce salut
et cette libération qu'apporte le Christ à tous les hommes,
incluent le salut de la personne humaine dans tous ses aspects physiques et
spirituels, son corps et son âme.
I-1- DANS L'ANCIEN TESTAMENT
L'histoire de Yahvé Dieu avec son Peuple, le peuple
d'Israël nous montre que Dieu n'est pas neutre. Il prend une part active
dans la vie et la survie de son peuple au milieu des nations païennes.
Mais bien avant, lorsque nous remontons à l'origine, dans le livre de la
genèse, au commencement de l'existence de l'homme sur la terre, nous
découvrons que l'homme est le fruit de l'amour.
Dans l'histoire du peuple d'Israël, nous
découvrons le regard bienveillant de Dieu envers les pauvres que sont la
veuve et l'orphelin les opprimés et les esclaves fréquemment
cités. C'est en raison de cet grand amour dont il veut embellir
l'être humain qu'il veut libérer l'homme de toute forme de
domination, non seulement de la domination spirituelle qu'est le
péché, mais aussi de la domination charnelle, physique, que
peuvent être l'exploitation et l'exclusion sociale qui handicapent
l'être humain jusqu'aux profondeurs de son être, son
intégrité physique, morale et spirituelle.
Dès les origines d'Israël, le Dieu d'Abraham,
d'Isaac et de Jacob se révèle comme celui qui prend toujours la
défense du pauvre la veuve et l'orphelin. Il est le Dieu juste. Le
peuple, toute fois se laissait abuser par les démons du pouvoir et de la
richesse : les forts opprimaient les faibles et les riches
s'enrichissaient au détriment des pauvres. Mais la voix des
prophètes rappelait sans cesse les exigences de la justice que
Yahvé veut pour ses enfants.
Ainsi Israël ne pouvait nullement pas prétendre
être le peuple du Dieu juste, si de toute son énergie, il ne
s'efforçait pas de faire de la justice le centre et la norme de sa vie
sociale et collective. C'est ainsi qu'existaient parmi les coutumes deux
audaces qui suscitent encore l'admiration, même si elles n'étaient
pas toujours appliquées strictement comme elles sont prescrites. En
effet, chaque septième année en Israël, la terre devait
être laissé en jachère et ses produits spontanés
revenaient aux pauvres. C'était en quelque sorte l'année
sabbatique (Ex 23, 10-13 ; Dt 15, 1-8 ; Lev 25, 2-7). Les esclaves
étaient affranchis, et les débiteurs, libérés de
leurs dettes, pouvaient à nouveau tenter leur chance. Les
possédants devaient compter sur les récoltes de six années
précédentes pour vivre. Pour les petites gens, c'était
l'année de grâce accordée par Yahvé, le Dieu
juste.
En plus, après 49 ans, c'était l'année
jubilaire, une institution plus subversive encore (Lv 25,8-17 ; 23-55).
Outre la mise en jachère des terres, la libération des esclaves
et la remise des dettes, les maisons et les champs qui avaient
été aliénés, pour une raison ou une autre,
revenaient à leurs anciens propriétaires. Puisque tout
était à Dieu, une minorité ne pouvait donc pas
s'approprier tous les biens et les outils de travail. C'était une forme
de justice sociale en Israël pour traduire la volonté de
Yahvé, le Dieu juste et vrai, le seul vrai juge.
Adorer Dieu et exploiter le pauvre étaient donc
considérés comme deux attitudes contraires. Quand le peuple
l'oubliait, les prophètes élevaient leur voix pour le
rappeler et avec la plus grande fermeté, en Oracle de Yahvé.
Le peuple d'Israël attendait le messie qui viendrait
instaurer la justice de Dieu dans le monde en chassant l'occupant.
Marie quand elle apprend qu'elle sera la mère du
Messie, chante son allégresse au nom des opprimés, des
affamés et des pauvres de Dieu. Les mots de son cantique
d'allégresse font écho à la parole des prophètes et
à sa foi au Dieu juste, qui aime les pauvres et se préoccupe de
la situation des plus faibles de son peuple.
Au coeur donc de l'expérience du peuple d'Israël
se trouvent sans doute la conviction et la confession d'une foi au Dieu
libérateur. La foi au Dieu libérateur suppose de toute
évidence la foi au Dieu Unique, au Dieu Créateur,
miséricordieux et juste, qui est au coeur de la confession de foi du
peuple juif : « Ecoute, Israël ! Le Seigneur notre
Dieu est Unique »20(*). C'est dans cette foi au Dieu créateur et
Unique que doit se découvrir l'imminente dignité de l'homme et de
tout être humain, car elle confère à la libération
d'Egypte une signification universelle. Une réalité du peuple
d'Israël, un peuple jadis marginalisé qui va s'actualiser en tout
homme. Tous les exploités et les opprimés (peuples,
minorités ethniques, individus) de toute l'histoire et tous les pays ont
le droit de se réapproprier cette histoire impersonnelle des
hébreux, puisqu'elle n'est pas liée à un moment
donné de l'histoire humaine mais à la réalité
même du Dieu Sauveur. Dieu en libérant son peuple dont le cri lui
est parvenu depuis l'Egypte (Ex1, 7), atteste à travers une histoire
particulière, celle du Peuple d'Israël, qu'Il est non seulement
contre toute exploitation et toute oppression de l'homme par l'homme mais qu'il
a une préférence particulière pour les pauvres, les
faibles que les psalmistes désignent par la veuve et l'orphelin. Il est
le Dieu qui a du souci pour l'opprimé. Nous osons dire que la
libération d'Egypte déboucha sur des conséquences
pratiques que sont la confession de foi et la révélation d'un
Dieu libérateur.
Le livre de l'Exode qui est le paradigme même de la
rédemption raconte une histoire de libération, de promotion de
l'être humain à travers celle du seul Peuple, le peuple
d'Israël. L'histoire d'un Dieu, Yahvé, qui accorde un grand prix
à son peuple et à travers le peuple d'Israël, c'est à
tout peuple et à tout être humain que Dieu accorde ce
prix. « J'ai vu la misère de mon peuple ; je connais
ses angoisses, je suis descendu pour le délivrer » (Ex3, 7-8).
Ce cri des nécessiteux, des innocents et des victimes qui constituent le
peuple d'Israël auquel Dieu ne peut rester sourd est toujours
d'actualité dans le contexte sociopolitique de l'homme bo aujourd'hui.
Son coeur de Père en souffre réellement devant la misère
des enfants en esclavage. Cela se précisera plus tard par
l'alliance qu'il va conclure avec son peuple.
C'est bien chez les prophètes que l'appel à la
justice et à la solidarité, fondé sur la foi au Dieu
libérateur, s'est fait le plus pressant. Les pratiques religieuses qui
s'accompagnent d'injustice et d'égoïsme n'étaient qu'une
abominable hypocrisie pour ces hommes de Dieu.
Ils annoncent un Dieu qui se porte au secours des pauvres, des
persécutés et des opprimés. Ils interpellent vivement la
société sur le sort des pauvres. Ils veulent faire comprendre que
dès que l'injustice et l'oppression se généralisent et que
la corruption se répand à l'encontre et à la
défaveur des pauvres abandonnés à leur propre sort, la
vraie religion n'est plus. Car Dieu ne peut accepter une oppression de sa
créature.
Les prophètes situent la vraie religion dans la
relation avec les pauvres et des opprimés et mieux encore, ils
montrent que la prise en charge de leur destin social fait l'objet d'une
béatitude de la part de Dieu : « N'est-ce pas partager
ton pain avec l'affamé, héberger chez toi les pauvres sans abri,
si tu vois un homme nu, le vêtir, ne pas te dérober devant celui
qui est ta propre chair, alors ta lumière éclatera et la gloire
de Yahvé te suivra. Si tu te prives pour l'affamé et si tu
rassasies l'opprimé ta lumière se lèvera dans les
ténèbres »21(*).
Il s'agit ici des faibles, des persécutés, des
malheureux, des indigents, des veuves et des orphelins, de tous les hommes et
femmes qui sont victimes des injustices sociales et politico-économiques
de notre monde.
A travers l'histoire propre du peuple d'Israël, un
peuple qui a connu une condition d'esclavage (Ex 13,3), nous découvrons
donc la manifestation suprême de ce Dieu, Maître de l'histoire et
dont l'universalité de la tendresse atteint tous les hommes en situation
difficile et surtout les plus démunis, les nécessiteux. Dieu
vient promouvoir chaque homme en lui accordant sa dignité
d' « être sacré » puisqu'il porte
l'emprunte sacré de son créateur qui est Saint, Sacré,
à l'image et à la ressemblance duquel il fut créé
(Gn1, 27). C'est dans ce contexte que les prophètes ne cessent
d'élever la voix contre les abus des plus hautes autorités. Ils
dénoncent donc une religion qui n'a pas de rapport avec la vie
quotidienne, politique, sociale et professionnelle. Ils font ressentir que la
prise en compte du sort des pauvres est également une
fidélité à la Loi.
L'amour de Dieu s'affirme pour tous ceux qui sont dans la
survivance, en proie à la faim, à l'injustice, à la
violence, à toute forme de misère et pour tous ceux sont
déjà morts ou inexistants dans leur fort interne parce que sans
espoir. Cet amour s'étend également pour tous ceux qui
appartiennent aujourd'hui dans notre monde au cortège des
humiliés de l'histoire humaine. Et lorsque Dieu promet la
libération et le don d'une terre merveilleuse à son Peuple, c'est
par amour qu'il le réalise. Non seulement il veut délivrer son
Peuple, mais aussi il veut qu'il vive dans le bonheur. Car la liberté
sans le bonheur apparaît insuffisante pour l'épanouissement
véritable de l'être humain. « Je vous ferai monter
de l'affliction d'Egypte vers la terre...vers une terre qui ruisselle de lait
et de miel »22(*) dit Yahvé à l'endroit de son peuple
livré en esclavage sur une terre étrangère
égyptienne.
Le livre des proverbes montre le lien particulier qui attache
Dieu au plus démunis, aux faibles : « Opprimer le
pauvre, c'est outrager son Créateur » (Pr14, 31). En d'autres
termes, Dieu est atteint dans tout ce qui dégrade, dénigre,
anéanti la liberté et la dignité de l'être humain.
Cet être humain, c'est chaque homme ou femme, quelque soit son
appartenance ethnique, raciale ou clanique.
Car Dieu subit en sa personne la maltraitance, la peine et la
misère des pauvres et des opprimés, oserions-nous dire en
nous referant aux sapientiaux « Ne dépouille pas le
pauvre, et n'opprime pas, à la porte, le malheureux, car Yahvé
épouse leur querelle et ravit à leurs ravisseurs la
vie »23(*).
La prise en charge du destin des plus démunis, des
affamés, des opprimés, des non vêtus, des sans-logis, des
affamés, des exclus de la société est l'objet d'une
béatitude dont il convient que chaque chrétien en prenne
conscience dans sa réalité quotidienne, sa vie de chaque jour
et de tous les jours s'il veut être fidèle à sa foi
chrétienne. La foi au Dieu Créateur engage dans une
responsabilité conséquente qui doit se sentir et se
découvrir dans le vécu quotidien du croyant. Car il se sanctifie
par son action qui fait du bien aux autres, comme le livre des proverbes nous
le consigne « Béni sera l'homme bienveillant, car il
donne de son pain au pauvre » (Pr22,
9) ; « Heureux qui a pitié des pauvres »
(Pr14, 21), Dieu se réjouit de ses oeuvres de fidélité et
il lui destine ses bienfaits.
Dans les psaumes, Yahvé est le Dieu qui libère,
le Père de son peuple, surtout les plus démunis (Ps70, 6). Il est
le Dieu de la vie dont l'amour et la puissance se révèlent dans
les situations de détresse, de douleur et de
mort ; « J'étais faible, et il m'a sauvé...
Tu m'as délivré de la mort. Il en coûte au Seigneur de voir
mourir ses fidèles. Tu as dénoué mes
liens »24(*)
écrit le psalmiste qui confesse sa reconnaissance au Dieu de la vie.
Le Dieu Yahvé dont il est question dans les Psaumes est
un Dieu attentif à la vie de ses enfants ; C'est donc un
Père qui se rend présent dans la vie de chaque homme et à
tout instant, pour trouver remède à tout ce qui entrave son
épanouissement. Il est celui qui fait justice aux
défavorisés, car tous les hommes ont du prix à ses yeux.
« Il fait droit aux opprimés, il donne du pain aux
affamés ; le Seigneur délie les Prisonniers, le Seigneur
ouvre les yeux des aveugles, le Seigneur redresse ceux qui fléchissent,
le Seigneur aime les justes, le Seigneur protège les immigrés, il
soutient l'orphelin et la veuve »25(*).
L'expérience d'Israël est celle d'un Dieu sauveur
qui vient libérer l'être humain d'une situation dont est elle
prisonnière et qu'on peut qualifier de situation mortelle. Car la
maltraitance déshumanise et l'esclavage enlève à
l'être humain sa dignité d'enfant de Dieu.
L'engagement du croyant et surtout du chrétien dans la
société trouve son sens et toute sa vérité dans sa
foi en ce Dieu bienveillant envers les pauvres, les opprimés, les sans
défenses. Pour cela, le chrétien est invité à faire
renaître dans son milieu de vie, dans sa société,
l'espérance là où sévissent et surgissent les
formes de misère, d'injustice et de violence.
Cet amour de Dieu pour l'humanité et pour tout
être humain atteint sa plénitude, son perfectionnement dans la
personne de Jésus Christ, le verbe de Dieu. La présence de Dieu
se manifeste dans les mouvements miraculeux de libération de son peuple,
et dans l'accompagnement de ce même peuple. Mais cet amour s'est
révélé de façon beaucoup plus manifeste en son fils
Jésus christ. Pour rendre sa relation avec l'homme davantage visible et
plénière, Dieu est venu habiter parmi les hommes, afin que
l'humanité soit restaurée dans son intégrité. En
Jésus Christ, c'est Dieu qui vient faire chemin avec l'homme.
Nous reconnaissons l'image parfaite du Père en son
Fils Jésus Christ. Celui qui est venu témoigner, par sa vie, ses
actes et ses paroles de l'infini amour et suprême de Dieu pour
l'humanité et pour tout être humain dans la singularité de
son histoire et de sa personnalité.
I-2 DANS LE NOUVEAU TESTAMENT
En Jésus Christ son fils Unique, Dieu le
Père fait irruption dans l'histoire humaine, dans l'histoire personnelle
et individuelle de chaque homme et femme pour le relever de sa chute. Il est la
révélation ultime du Dieu d'amour, et la plénitude de cet
amour. Jésus se présente comme celui qui accomplit les annonces
brûlantes des prophètes. Ce qui s'affirme de lui
déjà au premier jour de sa vie publique, lorsqu'il se lève
dans la synagogue de Nazareth et proclame la Parole de Dieu :
« L'Esprit du seigneur est sur moi, parce qu'il m'a consacré
par l'Onction. Il m'a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres,
annoncer aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la
vue, rendre la liberté aux opprimés, proclamer une année
de grâce du seigneur. » Et il ajoute à la fin
« aujourd'hui s'accompapli à vos oreilles ce passage de
l'écriture » Lc4, 16-22.
Désormais, c'est en la personne du Christ que se
poursuit la manifestation de la miséricorde de Dieu dans notre monde et
dans la réalité sociopolitique de tout être humain. Il est
celui qui libère de toutes les captivités qui humilient
l'être humain en diminuant sa dignité de créature de Dieu.
Le Christ apporte à l'humanité la libération du
péché, du mal, de la souffrance, de l'oppression, de la rupture,
de la haine et de la désunion (Lc4, 16s ; Mt11, 2-6). Jésus
perçoit les besoins des foules, et en particulier des personnes
vulnérables, les petites gens, et n'attend plus pour alléger de
leurs jougs (Lc13, 10-13). Puisque ceux qui sont malades, alités,
diminués de quelque façon que ce soit vivent une certaine
mort ; celle de l'exclusion sociale et de la misère.
C'est par les gestes miraculeux de guérison qui
témoignent de la miséricorde de Dieu dans les situations de
maladie, de douleur, de pauvreté et de misère, que vont se
révéler le mystère salvifique du Christ pour les plus
démunis.
Nous retenons quelques passages édifiants qui
prouvent l'amour infini de Dieu pour l'être humain:
-« Seigneur, aie pitié de mon fils, qui est
lunatique, et qui souffre cruellement; il tombe souvent dans le feu, et souvent
dans l'eau ». (Mt 17,15)
- « Et voici, une femme
cananéenne, qui venait de ces contrées, lui cria: Aie
pitié de moi, Seigneur, Fils de David! ». (Mt 15,22)
Parlant de l'aveugle de Jéricho « il se mit
à crier; Fils de David, Jésus aie pitié de
moi! » (Mc10, 47 ; Lc 18,38, Mt 20,31-32)
Lorsque nous parcourons les évangiles, nous
découvrons la grande compassion du Christ à l'égard de la
misère humaine (Mt4, 23 ; Mc1, 39 ; Lc4, 44) ; il
révèle un Dieu Père, refuge et réconfort des
exclus, des opprimés, les rejetés (Lc 7,37-50 ; Jn5,
27-28 ; Jn4, 5-42). Il dit à ses disciples :
« Allez, et apprenez ce que signifie: « Je prends plaisir
à la miséricorde, et non aux sacrifices. Car je ne suis pas venu
appeler des justes, mais des pécheurs ». (Mt 9,13).
Aujourd'hui c'est à tous ses disciples dissipés à travers
le monde, à tout chrétien que le Christ s'adresse pour l'inviter
à découvrir le projet de Dieu pour l'humanité et pour
chaque personne.
Le Christ vient délier l'être humain des
chaînes du mal qui l'handicapent, du mal spirituel qu'est le
péché et du mal corporel qu'est la maladie, la souffrance
physique (Lc8, 40-56 ; Mt 9, 18,26 ; Jn 11,1-43). Il s'agit là
de chaînes qui peuvent conduire à la mort ; la mort de
l'âme et du corps, la mort de l'être tout entier.
-« Ma petite fille est à
l'extrémité, viens, impose-lui les mains, afin qu'elle soit
sauvée et qu'elle vive » dit Jarus, un des chefs de la
synagogue, désespéré devant son enfant malade, à
Jésus Christ. (Mc5, 21) ; Car il a reconnu en Jésus Christ
celui qui pouvait sauver son fils de son mal, le délivrer de la mort.
A celui qui est malade le Christ accorde la guérison,
aux pauvres et aux misérables, il se rend présent pour les
sauver ; il réintègre les exclus et les marginalisés
dans leur société. C'est le cas des lépreux qui viennent
à lui, invoquant sa pitié (Lc17, 12-14) ; C'est
également au nom du même amour débordant de Dieu qu'il
vient au secours de la veuve dont le coeur et l'âme sont meurtris par la
mort de son fils, son fils unique (Lc7, 12-15) et qui invoque la
miséricorde et la bonté de Dieu en confessant sa
foi :« Un grand prophète s'est levé parmi nous,
Dieu a visité son peuple » (Lc7, 17). Et lorsque le
Christ guérit le paralytique (Mc2, 3-5), il veut qu'il
s'épanouisse pleinement et qu'il retrouve sa dignité et sa
liberté. Il le décharge de son fardeau, le restaure dans sa
dignité d'enfant de Dieu, le délivrant ainsi du rejet, de
l'exclusion, de la maltraitance et de la déconsidération sociale
dont il était l'objet.
L'importance de la pitié et de la miséricorde
que nous relevons en parcourant les Evangiles (Mt9, 13 ; 12, 7 ; 23,
23 ; Lc1, 50 ; 10, 37 ; 6, 36), traduit dans toute sa
vérité l'amour de Dieu manifesté en son Fils pour le
salut, la libération intégrale et l'épanouissement de
l'être humain. Car, il nous faut, aujourd'hui, découvrir comment
le christ a fait l'option préférentielle des pauvres tout au long
de sa mission et comment son sacrifice sur la Croix fut le couronnement, la
plénitude de l'amour de Dieu pour l'humanité et pour chaque homme
en particulier dans la réalité spécifique qui est la
sienne. Afin que l'histoire de la Croix ne soit pas une réalité
ne soit pas pour nous une vaine histoire événementielle, mais une
réalité divine qui se concrétise dans le vivre quotidien
de tout être humain.
Reconnaître dans la mission du Christ la
centralité du message de paix et ses gestes de soulagement comme fruit
de l'amour de Dieu pour tout homme, est déjà une confession du
Dieu-Amour. Le Christ est donc la plénitude de la vie, de la
vérité, de la justice et de l'amour salvifique de Dieu. C'est en
cela que son message nous est une Bonne nouvelle, et peut être objet
d'espérance pour l'humanité, surtout pour les plus
démunis.
Puisque, en lui, tous les espoirs et les désirs humains
trouvent leurs assouvissements et leurs réponses. Bref,
« toute la vie du christ est l'expression maximale de la compassion
du Dieu des prophètes »26(*) comme nous l'exprime M. ELA. C'est la compassion et
l'amour du Dieu libérateur, révélés dans le livre
de l'Exode qui s'expriment dans le geste-libérateur du Christ lorsqu'il
guérit (Mt4, 23 ;Mc1 ,39 ;Lc4, 44), accueille les
pécheurs (Mt9, 13 ; Lc7, 37-50 ; Jn5, 27-28), approche les
rejetés, les exclus(Jn4, 5-42) et délivre les
enchaînés des forces du mal
(Mc5,21-43 ;Lc8,40-56 ;Mt9,18-26 ;Jn11,1-43).
Le règne d'amour qu'inaugure le christ signifierait-il
pas la fin de la misère, la victoire sur le mal et surtout
l'introduction d'un nouvel ordre de relations sociales basé sur le
principe de l'inclusion et non plus de l'exclusion ? Désormais,
tout être humain est concerné par la paix et l'amour du Dieu, ami
des hommes, Père de miséricorde qui fait lever son soleil sur les
méchants et sur les bons et qui fait tomber la pluie sur les justes et
les injustes (Mt5,45).
Toutes les aspirations des hommes et des femmes de ce temps,
à la liberté et à la justice, à la dignité
et au bien-être, à l'amour et à la vie trouvent leur comble
et leur accomplissement en Jésus Christ, mort pour le salut de tous. Il
est l'agneau de Dieu, sacrifié, humilié, crucifié sur le
bois de la croix afin que part sa mort et par sa résurrection, tous les
hommes retrouvent la liberté, la joie, la paix, la vie en
plénitude.
Puisque celui qui n'est pas libre ne vit pas, celui qui est
malheureux non plus, tout comme celui qui a faim ou celui qui est en manque de
vêtements, d'habitat et de soins, le disciple du Christ est invité
à être pour ses frères et soeurs en humanité, un
second Christ, prêt à se donner pour leur
épanouissement.
C'est en Jésus Christ que se réalise pour le
chrétien sa quête de liberté ; libération de
l'ignorance qui est aussi une forme d'esclavage et la libération du joug
peineux de tout ce qui porte atteinte à la vie, au bonheur et à
la dignité de l'être humain. Il fut crucifié pour tous, les
pauvres, les opprimés et les affamés afin que soient
essuyées à jamais toutes larmes et que triomphe la
vérité de Dieu dans le monde. C'est là le mystère
de la croix que nous sommes appelés, en tant que disciple du Christ,
à découvrir dans la réalité de chaque jour ;
pour qu'à la suite du Christ chacun porte sa croix librement, en portant
les infirmités de ses frères et soeurs. Voilà la dynamique
de l'agir chrétien dont il importe de prendre conscience aujourd'hui,
pour que la mort du Christ soit pour nous, le signe du refus de toute
pauvreté, de toute misère et de toute passivité vicieuse.
La misère de l'être humain quelque soit son rang social, son
appartenance ethnique et raciale est donc un crime qu'il faut réprimer
avec toutes ses énergies au nom de l'amour du Christ qui doit
transformer notre monde.
Car l'élévation cruelle et humiliante du Christ
sur le bois de la croix en rappel au serpent de bronze élevé au
Désert par Moise, peut se comprendre également comme la
condamnation de toutes les entraves qui diminuent l'être humain dans son
rapport avec Dieu. La maladie est le premier cas, la misère,
l'oppression en sont d'autres signes que nous ne cesseront pas de citer comme
des atteintes à la liberté et à la dignité de
l'homme.
La mission du Christ dans notre monde est donc une mission de
rédemption pour l'épanouissement et le bien être
intégral de tous.
Le cri du Christ lancé en
croix « Eli, Eli, lema sabachtani » (Mt27,
46) est le cri de tous les opprimés, des victimes de l'injustice, des
affamés, des isolés, des abandonnés et de tous les exclus
de notre monde. Ce cri retentit aujourd'hui encore, sous de formes multiples et
variées à travers le monde. C'est pourquoi il nous importe de
discerner la relation du Crucifié avec les crucifiés de notre
monde, que sont les « pauvres » de notre monde, pour
comprendre, que la foi en Dieu est une invitation à sortir de
soi-même, de l'égoïsme humain, pour oeuvrer à ce que
soit évitée, une nouvelle crucifixion du Christ dans notre
monde.
S'engager pour la cause des plus faibles par leur promotion
sociale, revient pour le chrétien à refuser cette seconde
crucifixion du Christ. Mort et ressuscité pour tous les hommes, le
Christ est donc source de libération pour l'homme bo également.
Mais en la personne du Christ, Dieu accorde à notre monde le salut, la
paix. Le Christ est donc le rédempteur de l'humanité et donc il
n'est plus possible que le chrétien se tienne dans l'inactivité
face à la misère de son milieu de vie. C'est cela qu'il
précisera lui-même, en parlant du royaume de Dieu, lorsqu'il
dit « le royaume de Dieu ne se laissera pas observer, et on ne
dira pas, le voilà, il est ici ! Ou bien il est là. Car
voici que le règne de Dieu est au milieu de vous » (Lc17, 21).
Il s'agit pour le chrétien de vivre selon les principes qui vont rendre
ce royaume de Dieu, visible, tangible, concret, pour ses contemporains. Il
s'agit de témoigner, par la parole et les actes, que le royaume de Dieu
est parmi nous.
La liberté à l'égard du
péché signifie également que l'homme échappe
à la fascination du mal qui le rend esclave, tel que la course
effrénée au pouvoir, la soif de domination et
l'égoïsme qui engendre les structures oppressives et
étouffantes. Puisque le péché s'incarne et s'enracine dans
tous les systèmes humains, économiques et politiques
aliénants, qui engendrent des pauvres, des esclaves, des affamés,
des opprimés. Dès lors, la libération qu'apporte le
Christ, qui ne se réduit pas à un état d'esprit purement
spéculatif ou une pratique strictement interne, mais aussi dans les
dimensions politique, économique et socio-anthropologique, qui engagent
tous les chrétiens et les invitent incessamment à promouvoir, par
leur vie et leur travail une société plus humaine, de justice,
de paix et de vérité. Mais, le changement de comportement doit
venir nécessairement du fort interne, c'est-à-dire, d'une prise
de conscience et ensuite que les impacts soient visibles dans des actes
concrets. La foi chrétienne devient une interpellation et une invitation
en elle-même, à instaurer le règne d'amour du Christ dans
le monde. Car en « s'ouvrant à la détresse humaine
afin de participer aux luttes pour la vie et la justice, l'Eglise est au
service du Royaume de Dieu dont la venue se dessine aujourd'hui autour des
destins des pauvres et des opprimés »27(*) Dans l'engagement à la
cause de cette mission commune de toute l'Eglise, les chrétiens sont
appelés, chacun dans son milieu de vie, à partager effectivement
les luttes et les résistances des hommes et des femmes qui, à
travers le monde, refusent tout ce qui porte atteinte à la
dignité de la personne humaine et qui enlèvent à l'homme
ses droits les plus essentiels : le droit à la vie, à
l'éducation, à la nourriture, à l'habitat, aux soins, et
le droit à la liberté qui constituent les droits fondamentaux de
l'être humain. Car la foi au Christ allume dans leurs coeurs des
baptisés une flamme, la flamme de l'amour provenant de la lumière
du ressuscité, celle qui fait jaillir l'espoir que tout peut et doit
être transformé pour que l'être humain quelque soit sa
couleur, son rang social vive dans le bonheur, la paix, la tranquillité
et jouisse de tous ses droits.
Dans le monde d'aujourd'hui, où sévissent toutes
les formes d'exploitation et de domination, la mission du baptisé en
tant que témoin du Christ ressuscité s'avère urgente pour
que l'esprit de l'évangile imprègne notre société
de sa vérité et de sa charité. Particulièrement,
dans notre continent africain, il s'agit pour le chrétien de
redécouvrir le Dieu solidaire des innombrables victimes des
mécanismes que sont la mauvaise gouvernance, la corruption, les
pouvoirs dictatoriaux, qui produisent la pauvreté et la misère
qui créées des violents et des aigris au coeur de nos
sociétés.
La mission du chrétien consiste à faire en sorte
que sa foi en l'avènement du royaume d'amour du Christ, dont il est le
témoin, ne soit pas une vaine espérance pour lui-même et un
vain discours qui pense la plaie des pauvres et de tous les souffrants sans
pouvoir les guérir. Son témoignage de foi devra traduire en
vérité et effectivement la présence de ce royaume de Dieu
pour tous les hommes et toutes les femmes de notre monde. Il s'agit aujourd'hui
de rendre présent le règne d'amour du Christ où
« le loup pourra habiter avec l'agneau, où le nourrisson
s'amusera sur le nid du cobra sans peur, royaume où l'enfant pourra
étendre sa main sur le trou de la vipère sans trembler et sans
peur d'être mordu »(Is11,6-8) ; car l'amour de Dieu aura
l'emporté sur la violence, l'injustice, la corruption, sur toute forme
de méchanceté et de haine ; Royaume de Dieu où il
n'existera plus « d'esclaves ou hommes libres, ni de juifs ou de
païens » (1Co 12,13), un monde sans aucune
ségrégation ni de discrimination car Dieu aura gagné tous
les coeurs à la cause de l'amour, de la charité et de la
vérité, principes de la justice de la paix. Le règne de
Dieu signifie d'une part la transformation intégrale de
l'humanité en une nouvelle création, une renaissance du monde et
la libération des hommes et femmes de toutes les formes d'esclavage et
d'oppression personnelle et sociale d'autre part. Il signifie la manifestation
et la pleine réalisation du dessein d'amour et de salut de Dieu pour
notre monde.
I-3 L'ENSEIGNEMENT SOCIAL DES
PÈRES DE L'EGLISE
Les Pères de l'Eglise donnent un message très
instructif sur le témoignage et l'engagement du chrétien,
témoin du Christ, dans la société. Ce message traduit
toute la foi et l'espérance grandissante en Dieu dont ils ont fait
preuve durant leur pèlerinage terrestre, certains jusqu'au don ultime de
leur vie. Il faut malgré tout reconnaître que les
références explicites à leur égard sont moins
nombreuses qu'on ne pourrait s'y attendre dans le cadre d'un enseignement
social spécifié. Car il est vrai que l'apport des Pères
est plus important dans le domaine de la théologie dogmatique et de la
spiritualité que dans le domaine de l'enseignement social. La situation
contextuelle d'une communauté chrétienne minoritaire en ses
premiers siècles dans l'Empire romain, qui vit sous de constantes
persécutions païennes pour son non-conformisme aux principes
sociaux, l'Eglise ne pouvait que se prévaloir le droit d'une implication
sociopolitique bien limitée et teintée de réserves. C'est
ce que souligne l'historien Mounier lorsqu'il affirme
que « l'Eglise ancienne n'a pas cherché à
briser les cadres sociaux, culturels, politiques, façonnés par
l'histoire et inscrits dans les moeurs. Elle a accepté les structures
sociales du monde antique, notamment l'esclavage, mais cette acception des
inégalités sociales ne signifie pas, de sa part,
résignation passive ni tolérance complice. En inculquant aux
chrétiens de toutes les conditions les devoirs de fraternité, de
charité, d'honnêteté, qui leur incombent, elle a
contribué de manière efficace, insensiblement, à
transformer les relations des hommes, d'abord au sein des communautés,
mais aussi, dans une certaine mesure, les rapports
sociaux »28(*). Mais nous constatons qu'à l'image de la
première communauté de Jérusalem (Ac2, 42-47), les
chrétiens des premiers siècles, dans une société du
droit romain où la propriété privée avait un
caractère absolu, pratiquaient l'entraide et par une libre invention,
faisait un certain partage des biens surtout avec les plus nécessiteux.
Ce sont les agapes.
Les communautés témoignaient d'une réelle
communion enracinée solidement dans la joie du Christ ressuscité.
Leur volonté, certes discrète, d'imprégnation
évangélique de la société se découvrait dans
la vie communautaire intense qu'ils menaient et surtout « à
travers la mise en pratique de l'idéal chrétien de la
sexualité et de la vie conjugale et familiale, ainsi que par une
charité intense»29(*). C'est ce que voulait dire par des termes
synthétiques l'auteur de l'Epître à Diognète
lorsqu'il dit que « en un mot, ce que l'âme est dans le corps,
les chrétiens le sont dans le monde»30(*). Car les adhérents du
Christ avaient désormais une nouvelle vision de la
société, de la vie et de l'homme. Les chrétiens
interpellent les injustes en invitant à un monde plus fraternel. C'est
bien un nouveau type de société, une nouvelle façon de
vivre qui s'invite dans l'adhésion à Jésus Christ. C'est
dans ce même contexte que St Augustin (354-430) définit l'Eglise
comme maîtresse de vérité et éducatrice des
Peuples : « Tu unis non seulement par la société
mais encore par une sorte de fraternité les citoyens aux citoyens, les
nations aux nations, et tous les hommes, en souvenirs de leurs premiers
parents. Tu apprends aux rois à veiller sur les peuples,...Tu enseignes
avec soin à qui est due l'honneur, à qui l'affection, à
qui le respect, à qui la crainte... montrant que si tout n'est due
à tous, à tous est due la charité, à personne
l'injustice »31(*). Il faut reconnaître des Pères de
l'Eglise que leur souci brûlant de transformer en profondeur toutes les
réalités et les dimensions de l'existence à la
lumière de l'Evangile du Christ laisse pour notre époque des
références remarquables et un ensemble de témoignages
d'une vie de foi imprégnée des valeurs morales du christianisme.
Leur courage et leur audace qui a conduit certains au martyre, sont des
exemples édifiants de témoignage et de fidélité au
Christ.
Certains Pères de l'Eglise vont s'attaquer à la
situation sociale et économique de leur société, surtout
au moment où les pauvres sont victimes de la fiscalité et de la
puissance des riches.
A l'égard des riches, ils retrouvent l'accent vengeur
des prophètes en mettant vigoureusement en cause tout ce qu'on pouvait
avoir d'égoïste, d'injuste ou excessif dans la richesse et le
pouvoir. Malgré ses compromissions avec la société civile
à partir du IIIème, l'Eglise s'est toujours souvenue de sa
source. Si certains s'en allaient au désert, dans des monastères
pour vivre entre eux les exigences radicales de l'Evangile, d'autres, en plein
monde, face donc aux injustices, rappelaient que « la terre est
à tous parce que tout est à Dieu ».
Un des Pasteurs louables de cette doctrine est Saint
Basile, le grand archevêque et grand prédicateur de
Cappadoce en 370. Fils d'un père riche et considéré, il se
dépouilla de tous ses biens en faveur des pauvres. Car pour lui, la
justice consiste également, à subvenir aux misères des
autres. Il dira qu'à l'affamé appartient le pain que tu gardes,
à l'homme nu, le manteau que tu enfoui dans ta valise et tes offres, au
va-nu-pieds revient la chaussure qui pourrit chez toi et au miséreux
l'argent que tu tiens enfoui. Ce Père grec nous est
présenté comme l'un des premiers
« apôtres » sociaux, touché par la
misère et l'injustice sociale dont les pauvres sont les premières
victimes. Il va développer dans l'Homélie 7 contre les riches,
les grands thèmes sociaux tels que l'imminente égalité de
tous les hommes devant le Dieu et l'inviolable de la dignité de toute
personne humaine. C'est pourquoi il évoquera la nécessité
d'une redistribution des biens pour limiter la cupidité et
l'enrichissement des uns, et pour mettre fin au scandale social et à la
misère des autres. Il invite la société à porter
plus d'attention aux personnes vulnérables tels les vieillards, les
malades, les employés et les ouvriers.
Un second « apôtre du social »,
c'est Saint Jean Chrysostome (+407). Il
renonce aux biens de famille et se fait moine. Mais sa charité le
ramène vers les hommes. Il devient patriarche de Constantinople et se
fait avocat des pauvres. Il s'engage dans la lutte contre les fléaux
sociaux en réponse à l'invitation de la parole de Dieu.
Ensuite nous avons Saint Ambroise, évêque
de Milan (+379). Il est l'auteur d'un opuscule
intitulé « Nabot le pauvre »,
composé à partir de plusieurs homélies consacrées
au commentaire d'un récit du premier livre des Rois (I R21), qui raconte
comment le roi Achab s'empara injustement de la vigne de Nabot. L'Evêque
de Milan va à partir de l'exemple de Nabot pour dénoncer les
formes d'injustices aujourd'hui présentes dans notre monde et toutes les
vicissitudes de la richesse. C'est donc un appel à la justice par la
juste répartition des biens de la terre qui sont à tous parce que
tout est à Dieu. C'est donc une invitation à la charité
dans l'attention aux plus pauvres que l'Evêque lançait à
ses contemporains.
En somme, ce qui est mis en exergue dans la pastorale sociale
des Pères de l'Eglise c'est la participation active du chrétien
dans la construction de la société, par la charité. Une
invitation à combattre l'exploitation des pauvres, l'oppression des
petits par les riches l'injustice sociale, la faim, la pauvreté et la
misère sous toutes ses formes. C'est l'objet de cette doctrine morale
patristique.
Il s'agit pour le chrétien de se munir de son arme de
combat qui est l'Evangile du Christ, pour agir face aux misères
humaines. Ils étaient convaincus, que l'Evangile n'est pas seulement une
Bonne Nouvelle pour une vie individuelle et personnelle, mais surtout une
grâce pour l'organisation de la structure sociale selon le projet et la
vision de Dieu.
Cela prouve que l'enseignement social de l'Eglise n'a pas
commencé avec les Encycliques, même si en fonction des
époques et face à certaines situations ponctuelles, l'Eglise
s'est montrée beaucoup plus rigoureuse dans ses messages qu'à
d'autres moments de l'histoire du monde.
CHAPÎTRE II- LA DOCTRINE
SOCIALE DE L'EGLISE
Le Concile Vatican II a réaffirmé l'importante
de la mission et le rôle de l'Eglise dans le monde lorsqu'il écrit
que « l'Eglise, en poursuivant la fin salvifique qui lui est
propre, ne communique pas seulement à l'homme la vie divine, elle
répand aussi, et d'une certaine façon sur le monde entier, la
lumière que cette vie divine irradie, notamment en guérissant et
en élevant la dignité de la personne humaine, en affermissant la
cohésion de la société et en procurant à
l'activité quotidienne des hommes un sens plus profond, la
pénétrant d'une signification plus haute.»32(*). C'est pourquoi l'Eglise doit
sans cesse rappeler aux hommes et aux femmes de notre monde comment ils doivent
se situer en face du monde et de leurs frères dans les relations
sociales tout autant que dans les rapports interpersonnels. Car « si
les aspects techniques de la pensée et de l'action politique sont
à découvrir par un effort d'intelligence dont rien ne peut
dispenser, le chrétien cependant recevra de la doctrine de l'Eglise
l'inspiration pour une vie politique en tous points conforme aux vraies
requêtes de la nature de l'homme et de la
société »33(*) comme l'exprime J.JULIEN.
Cette mission n'est point un second rôle que l'Eglise
voudrait jouer aujourd'hui en moins une nouvelle mission qui s'ajouterait
à sa mission salvifique, mais plutôt une partie prenante de sa
mission d'évangélisation. L'Eglise a mission d'éclairer
les hommes et femmes de ce temps, elle est invitée à être
sel et lumière pour la société humaine. Par l'Eglise,
c'est tout disciple du Christ qui est invité à faire sien ce
message évangélique pour la promotion de l'homme, pour être
fidèle au Dieu qu'il confesse. Et lorsqu'elle invite ses fils et filles
à être des acteurs de développement c'est parce que par
« chacun de ses membres comme toute la communauté qu'elle
forme, l'Eglise croit pouvoir largement contribuer à humaniser toujours
plus la famille des hommes et son histoire »34(*).
Le message évangélique a impérativement
une portée sociale qui suscite une permanente interpellation à
l'adresse de tous les disciples du Christ. Chacun selon son charisme est
invité à faire de l'Evangile un facteur d'assainissement, de
développement et de rénovation sociale dans son milieu de vie.
Membres de la société humaine, les chrétiens, hommes et
femmes, ont la mission divine de participer à son édification
selon le dessein de Dieu. Car les anthropologues reconnaissent que l'homme est
un être social par nature. Il ne s'agit donc pas en premier lieu d'une
convention humaine, même si les relations sociales peuvent être
réglées par des conventions arbitraires pour faciliter les
rapports sociaux. Et c'est dans cette même nature d'être social que
l'homme trouve le fondement de sa relation à l'autre. Dès lors
l'engagement social pour la promotion intégrale de l'être humain
apparaît comme un devoir naturel, mais surtout, un devoir divin, puisque
l'homme tient sa nature de Dieu ; c'est-à-dire, que le fait
d'être homme, donne le devoir d'oeuvrer au rayonnement de la
société et au bien être de tout être humain, faute de
quoi on ne saurait se dire véritablement homme. « En raison du
caractère social de la personne, il y a donc un lien, une
interdépendance entre l'essor de la personne et le développement
de la société elle-même »35(*). Le domaine social est le lieu
d'invention et de créativité de l'être humain. L'homme
construit l'ordre social, en mettant en oeuvre toutes les ressources de sa
personnalité, de son intelligence, il favorise les relations
humaines.
En somme dans la doctrine sociale de l'Eglise, c'est la
perspective d'une évolution et d'une orientation vers une
société plus humaine qui mène le croyant au royaume de
Dieu, qui est recherchée.
Evangéliser, c'est annoncer le salut de l'homme
retrouvé en Christ et aider les hommes à entrer dans cette
perspective divine. La mission d'évangélisation de l'Eglise
inclut de toutes manières la prise en charge de ses aspirations humaines
et temporelles par fidélité à l'Evangile qu'elle porte aux
hommes et femmes, dans les réalités quotidiennes. Car le salut en
Dieu suppose aussi le bien être intégral et réel de
l'homme, dans le règne de paix et de justice rendu présent dans
la personne du christ, ici et maintenant. Ce règne de Dieu ne pourrait
se réserver à l'au-delà très souvent
situé dans un avenir lointain et vague. L'espérance
chrétienne en la vie éternelle ne doit pas être un refuge
qui fait oublier la vie d'ici bas, ni être une occasion ou une astuce de
fuite de sa responsabilité face aux réalités terrestres et
au combat de la vie.
C'est pourquoi l'Eglise appelle tous enfants à prendre
une part active dans la mission salvifique d'évangélisation dans
toutes ses perspectives en réaffirmant que « les joies et les
espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres
surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les
tristesses et les angoisses des disciples du Christ »36(*). Cette affirmation de l'Eglise
est donc une interpellation adressée à tous les fidèles
chrétiens, à s'engager pour la cause de l'humanité,
surtout pour les plus pauvres, en signe d'une étroite solidarité
avec toute la famille humaine dont ils sont membres. Comme l'affirme Jean Paul
II « Le fils de l'homme qui s'est incarné il y a deux mille
ans par amour pour les hommes, accomplit son oeuvre aujourd'hui : nous
devons avoir un regard pénétrant pour la voir et surtout nous
devons avoir le coeur large pour en devenir nous-mêmes les
artisans »37(*).
Car l'engagement social du fidèle chrétien pour la promotion de
l'être humain et de tout être humain sans exception, dans le
respect de sa dignité, est une exigence impérative de la vocation
chrétienne. Mais le progrès social n'est véritablement
promotion de l'homme que s'il est au service de la personne humaine, s'il
respecte sa dignité. Une mise à l'écart des
réalités socioculturelles et politico-économiques de
l'homme par l'Eglise reviendrait certainement à vouloir le conduire au
ciel comme si la terre où il est d'abord accueilli n'existait pas. Car
les chrétiens ne vivent pas en dehors du monde et donc, ils sont
invités à y porter la lumière de l'Evangile qu'ils ont
eux-mêmes reçu.
II-1 L'ÊTRE HUMAIN, BUT DE
LA DOCTRINE SOCIALE DE L'EGLISE
Nous sommes dans un monde qui juge l'être humain sur
son agir, sur sa fonction, ses capacités plus que sur son être en
soi. Il faut donc nous rappeler que l'homme par nature à une valeur,
indépendamment de son rang social, de sa race, de son appartenance
ethnique et indépendamment de tout autre critère de jugement ou
de distinction. Cette dignité « naturelle » lui a
été conférée par Dieu, son Créateur. C'est
dire que la dignité de l'être humain réside dans sa nature,
en tant qu'être créé à l'image et à la
ressemblance de Dieu (Gn1,27-28) ; Ce qui fait de l'homme un être
« sacré » portant donc la marque divine de son
Créateur. Ainsi, affirmer la primauté de la personne humaine sur
les structures (économiques, politiques, industrielles),
l'inviolabilité de sa dignité, le droit à la vie pour tout
homme depuis la conception jusqu'à sa fin naturelle, est un devoir de
chrétien. Toute l'anthropologie chrétienne à son
fondement essentiel dans le fait que l'être humain est à l'image
de Dieu.
En plus, rappeler l'amour et la solidarité dans une
société aujourd'hui marquée par les tensions et les
violences multiples, faire du souci des pauvres la condition sine qua
non de la transformation sociale, sont des constantes de l'esprit
évangélique transmis et enseigné par l'Eglise pour
éclairer la société humaine.
Le Concile Vatican II va réaffirmer l'importance de
cette dignité intrinsèque de l'être humain « Cet
Evangile annonce et proclame la liberté des enfants de Dieu, rejette
tout esclavage qui en fin de compte provient du péché, respecte
scrupuleusement la dignité de la conscience et son libre choix, enseigne
sans relâche à faire fructifier les talents humains au service de
Dieu et pour le bien des hommes, enfin confie chacun à l'amour de
tous »38(*).
L'Eglise dans sa mission d'évangélisation
s'engage donc efficacement à travers ses pasteurs, tous ses fils et
filles à « honorer et promouvoir la dignité de la
personne humaine, sa vocation intégrale et le bien de toute la
société. C'est l'homme en effet qui est l'auteur, le centre et le
but de la vie socio-économique. »39(*). Car de nos jours la
dignité de la personne n'est pas toujours respectée. L'être
humain est souvent instrumentalisé, réduit à une machine
de production ou de plaisir exacerbé et vicieux. Les conditions de vie
et de travail, le salaire et les heures de travail de certains employés,
la violence faite aux femmes à travers le monde, la maltraitance et
l'abus fait aux personnes vulnérables en sont des preuves.
Aujourd'hui, dans certaine partie de notre monde, l'être
humain est souvent réduit à un matériau biologique
manipulable, un outil de recherches scientifiques.
Il nous faut donc nécessairement découvrir la
dignité inaliénable de l'être humain qu'il tient de son
origine divine. Instrumentaliser la personne humaine reviendrait à
l'écraser dans son intégralité physique et morale. Mais,
cette exploitation est également une négation de son
Créateur qui est Dieu.
Sur notre continent africain aujourd'hui, nous assistons
à des guerres ethniques, à la pauvreté, à la
misère, à la famine, à l'exploitation des enfants dans les
mines et les rébellions dans des conditions indignes de l'être
humain.
L'Eglise a donc une mission plus pressante en ces zones de
troubles. C'est pourquoi à travers ses pasteurs, ses fidèles et
tous les hommes de bonne volonté, elle interpelle l'homme face à
lui-même et face à la création tout entière. Les
systèmes étatiques tyranniques et dictatoriaux qui
enlèvent à l'homme toute les formes de liberté,
liberté d'expression, liberté de réunion, liberté
d'entreprise constituent également des formes d'aliénation et de
refus de la dignité de l'être humain qu'il faut combattre par la
vérité de l'Evangile. Cet engagement pour la promotion sociale de
l'homme nécessite également que le croyant oeuvre pour la justice
et la paix dans sa société ; et par une lutte, bien entendu
pacifique, pour l'éradication des formes d'injustices et de
violences.
Il faut également sortir de ses extrêmes pour
enfin prendre conscience que toute personne humaine est une histoire, histoire
du mystère d'amour de Dieu. C'est en raison de son origine divine que
l'homme ne peut être instrumentalisé ni maltraité sans
qu'on s'en prenne à son Créateur. C'est le fondement
théologique du combat pour la dignité humaine, pour la justice et
la paix sociale, pour la promotion humaine, la libération et le
développement intégral de l'homme et de tout homme40(*) que mène l'Eglise il y
a plus de deux mille ans.
L'Eglise ne s'érige pas en experte d'une théorie
économique ou politique et ne prétend pas détenir un
bâton magique pour résoudre les problèmes sociaux d'une
manière miraculeuse. Mais par son engagement à promouvoir la
vérité, la justice et la paix, en raison de sa conception
très élevée de l'homme et de la société,
elle vise à promouvoir la reconnaissance de la dignité de l'homme
et de tout homme. Cet homme qui est l'objet de la mission, c'est tout
être humain quelque soit son origine, sa situation sociale et sa
religion. C'est donc l'homme et son salut intégral qui demeurent au
coeur de la doctrine sociale de l'Eglise. Le salut intégral de l'homme
est la raison d'être de la doctrine sociale de l'Eglise. Il s'agit de
l'homme, « l'homme considéré dans son unité et
sa totalité, l'homme corps et âme, coeur et conscience,
pensée et volonté»41(*). La mention de l'homme corps et âme revêt
une grande importance, puisqu'elle évoque l'homme vivant, et l'homme
vivant est corps et âme. C'est donc l'homme considéré dans
tous ses aspects physiologique, intellectuel et spirituel.
Et « grâce à la doctrine sociale, l'Eglise annonce
Dieu et le mystère du salut dans le Christ, et, pour la même
raison, elle révèle l'homme a lui-même »42(*). La promotion intégrale
de l'être humain constitue une partie indissociable de l'unique mission
assignée par le Christ à ses apôtres :
« Allez donc ! Faites des disciples, baptisez-les au nom du
Père, du Fils et du Saint Esprit ; apprenez-leur à garder
tous les commandements que je vous ai donné »43(*).
« Les relativismes actuels et les irénismes
dans le domaine religieux ne sont pas un motif valable pour faillir à
cet onéreux engagement qui appartient à la nature même de
l'Eglise et qui constitue sa tâche primaire »44(*) rappelait Benoît XVI
dans son homélie du 25 avril 2005. Une mission que tous les
fidèles sont appelés à faire sienne pour que l'Evangile
transcende nos réalités temporelles. Puisque l'histoire de
l'homme et de tout homme, « prend tout son sens dans l'Incarnation du
verbe de Dieu qui est le fondement de la dignité humaine
restaurée »45(*). La fidélité de l'Eglise à cette
Bonne Nouvelle inclut la fidélité aux conséquences
inhérentes à la Parole de Dieu, qui englobent le social et la
relation de l'homme dans son rapport avec autrui ; c'est-à-dire,
que l'Evangile appelle à une prise de conscience effective de la
fraternité et de la charité chrétienne envers tous les
hommes et envers tout homme. Car la conversion à l'Evangile transforme
notre représentation du monde, bouleverse l'échelle de nos
valeurs, nos critères de jugements, nos règles tacites et
confuses qui structurent et gèrent le fonctionnement de la
société, celles qui repartissent les hommes en classes sociales,
pour leur assigner un rôle et une place selon le dessein de Dieu.
II-2 LA DOCTRINE DE LA PROMOTION
HUMAINE
L'Église contribue à harmoniser les relations
sociales par le message d'amour de l'Evangile qui enseigne la
vérité de l'amour de Dieu. Car le fondement de la moralité
de l'agir chrétien et de toute oeuvre sociale pour le progrès
intégral de la personne humaine devrait se situer dans le souci et
l'engagement qui visent à créer des conditions qui permettent
à tout homme de réaliser sa destinée en Dieu. En fait
« tout est considéré à partir de la personne et
en direction de la personne »46(*). C'est le résumé du message de l'Eglise
quand elle s'adresse aux hommes et aux femmes dans un message touchant le
social.
L'appartenance de l'homme à la société
temporelle qui est d'ores et déjà un motif de solidarité,
est supplantée par le message d'amour de l'Evangile. C'est pourquoi
à la fin du XVIIIème siècle face à la montée
du capitalisme « sauvage » favorisé par un
état libéral, le Pape Léon XVIII appelle l'humanité
à plus de justice. Car l'Evangile du salut que l'Eglise prêche et
annonce n'est pas seulement une Bonne Nouvelle pour la vie personnelle, mais
qu'elle est aussi ordonnée à l'organisation des structures
sociales. C'est pourquoi elle interpelle les détenteurs de
l'autorité à promouvoir la vérité et la justice
dans le monde.
A travers l'Encyclique Rerum Novarum le Pape Léon
XIII, le 15 Mai 1891, fait connaître la position de l'Eglise sur les
conditions des ouvriers, marquant ainsi, pourrait-on dire, l'origine d'une
« doctrine Sociale » de l'Eglise destinée à
tous les hommes et femmes de bonne volonté, croyants ou non-croyants.
Dans cette encyclique, le Pape donne une orientation fondamentale et judicieuse
sur le contrat de travail, la propriété privée et son
usage social. Car, dit-il, « il est une loi de justice naturelle plus
élevée et plus ancienne, à savoir que le salaire ne doit
pas être insuffisant à faire subsister l'ouvrier sobre et
honnête »47(*).
Parlant des richesses, des biens temporels, le Pape
évoque la solidarité et la charité qui doivent marquer
toujours les plus riches, afin que l'usage de leurs biens se fasse selon la
volonté de Dieu. C'est pourquoi il affirme qu'« il est permis
à l'homme de posséder en propre et c'est même
nécessaire à la vie humaine. L'homme ne doit pas tenir les choses
extérieures pour privées, mais pour communes, de telle sorte
qu'il en fasse part facilement aux autres dans leurs
nécessités »48(*). Léon XIII évoque la question de la
dignité humaine face à l'exploitation des ouvriers dans les
industries. Invitant au respect de la personne humaine, il dénonce
l'exigence d'«une somme de travail qui, en émoussant toutes les
facultés de l'âme, écrase le corps et en consume les forces
jusqu'à épuisement »49(*).
Il invite également à combattre toutes les
idéologies contraires à la vision de Dieu.
II-3 LA DOCTRINE DE LA
STABILITÉ SOCIALE
La valeur jadis prédominante dans l'Eglise et qu'elle
cherchait à promouvoir était la stabilité sociale, en
invitant les chrétiens à se préserver de toute prise de
position pouvant occasionner des tensions. Les pauvres étaient
invités à suivre le Christ souffrant avec un appel habituellement
appuyé par une spiritualité de fuite du monde en orientant les
coeurs et les esprits vers le monde à venir. Les esclaves étaient
invités à supporter les « croix » de
l'oppression et de la maltraitance pour être davantage en communion le
Christ souffrant. Dans un tel spiritisme, le monde était fustigé
comme une vallée de souffrances et de larmes au profit d'un ciel
considéré comme le « chez-nous des
chrétiens », le lieu où les injustices
inévitables de ce monde seraient rectifiées.
En plus l'Eglise ne cessait de mettre en garde les
fidèles chrétiens face au danger de réduire
l'Evangélisation aux seules sphères économique, politique,
sociale et culturelle, et surtout face aux dangers d'une politisation excessive
du rôle de l'Eglise. Néanmoins elle rappelait sa mission
d'accompagner et d'interpeller l'Etat dans la mission de conduire le destin du
peuple, tout en l'invitant selon l'esprit de l'Evangile à promouvoir la
paix entre les Nations. Car elle reconnaît que tout être humain
devrait « croître et se développer à travers tout
ce qui concourt au développement et au progrès du monde où
il vit »50(*).
Certains Pasteurs soutenaient que la mission de l'Eglise
s'arrêtait à l'amour et celle de l'Etat à la justice ;
excluant ainsi l'Eglise de toute implication sociopolitique dans le monde, sans
prendre conscience que l'amour et la justice sont inséparables dans le
royaume de Dieu.
Aujourd'hui l'Eglise doit éduquer et conscientiser les
hommes de son temps sur les exigences de la justice et sur le respect de la
dignité inviolable de l'homme. Et cette mission est d'avantage
importante dans nos Pays d'Afrique où le respect de la personne est
difficilement accepté, même de nos jours.
Dans sa mission d'évangélisation, l'Eglise
prêche et pratique un amour qui s'incarne dans son combat pour la
justice, la paix, la liberté et la vérité qui constituent
les valeurs fondamentales à tout progrès social et
intégral de l'être humain aujourd'hui.
L'évolution de la doctrine sociale de l'Eglise est
liée aux mutations politiques et économiques du monde si nous
asseyons de voir les circonstances des discours et encycliques traitant des
questions du social. C'est aussi l'actualisation du message
évangélique dans les situations concrètes des hommes et
femmes.
Face aux menaces grandissantes de la paix sociale
déjà ébranlée par la guerre de 1945, l'Eglise
invite à la paix. Dans son encyclique, Pacem in Terris (Paix
sur la Terre), le Pape Jean XXIII affirme que tous les Droits de l'homme sont
le fondement de la Paix qui appelle au désarmement. Il invite les
grandes puissances à reconnaître à toutes les nations une
égale dignité et le droit de se développer par
elles-mêmes. Car Dieu a créé les hommes égaux en
droits et en dignité, et par conséquent « la paix sur
terre, objet du profond désir de l'humanité de tous les temps, ne
peut se fonder ni s'affermir que dans le respect absolu de l'ordre
établi par Dieu »51(*).
Le Concile Vatican II, spécialement dans sa
Constitution Pastorale Gaudium et Spes chercha à écarter
cette dichotomie entre ce monde-ci et le monde à venir en soulignant
l'importance de l'engagement de l'Eglise, surtout à travers ses
fidèles laïcs, dans l'édification de la
société humaine. Les pauvres eux-mêmes étaient vus
non plus comme objets de l'histoire, mais comme les acteurs
privilégiés de Dieu pour créer son nouveau monde.
La mission de l'Eglise vis-à-vis de la
société n'est ni de soutenir les interventions violentes, ni de
renverser par des moyens violents, les pouvoirs tyranniques. Au contraire elle
a mission d'interpeller et de rappeler par son opposition à ces
utopistes convaincus, qui sont prêts à utiliser tous les moyens,
même les plus violents pour instaurer la justice, pour qu'ils sachent que
seule la vérité triomphe par la justice. Cette interpellation
consiste à donner un témoignage délibérément
choisi et vécu qui emploie les méthodes de la paix et de la
vérité, celles qui auront toujours le dernier mot sur la violence
et sur l'injustice qui constituent aujourd'hui les causes de la misère
et de la famine dans nos sociétés, en particulier, celles
d'Afrique. Car les paroles et les actions de Jésus interpellaient
constamment les attitudes, les pratiques et les structures socioculturelle,
politico-religieuse et économique qui tendaient arbitrairement à
restreindre ou à exclure les membres potentiels de la communauté
Israélite que furent les pauvres, les malades.
L'affirmation chrétienne de Dieu comme notre avenir
absolu, loin de diminuer la valeur de nos engagements sociopolitiques pour une
société plus humaine, leur ouvre au contraire une perspective
divine qui peut garantir leur signification durable et leur vraie valeur. Cet
engagement consiste également à soutenir les efforts des hommes
et femmes de bonne volonté dans leur lutte contre tout ce qui se
caractérise par l'injustice, l'esclavage, la misère et la
pauvreté, pour transformer le monde selon le principe d'amour de
l'Evangile. Car il nous faut découvrir où le royaume est
déjà présent comme germe pour y nourrir les semences en y
consacrant nos ressources et nos énergies pour qu'advienne la paix, la
justice et l'amour de Dieu pour sur tous les peuples. C'est la
caractéristique fondamentale de notre engagement social. Même si
le fait de secourir les victimes d'accidents tous les jours est une oeuvre
charitable, mais réparer le virage qui cause ses accidents est davantage
évangélique.
II-4 L'AGIR SOCIAL COMME
PARTICIPATION À LA MISSION DE L'EGLISE
Dans la période qui a suivi le Concile Vatican II,
diverses réflexions théologiques insistèrent sur la
nécessité d'une présence efficace du chrétien dans
la sphère publique comme fidélité à l'Evangile du
Christ. Elles insistèrent également à que l'on prenne en
considération la puissance de l'annonce de la foi à partir de
l'envers de l'histoire, à partir du monde de l'injustice et de
l'insignifiance sociale où vivent les pauvres et toutes les couches
vulnérables de la société pour que l'Evangile soit
véritablement « Bonne Nouvelle » de salut pour
toutes ces couches sociales méprisées. Car le Christ est venu
libérer l'homme du péché, un péché dont les
conséquences et ses formes expressives sont la servitude, la
misère et toutes les formes d'oppression et d'injustice qui subsistent
dans notre monde, surtout sur notre continent africain. Cette
préoccupation de l'Eglise fut effectivement traduite dans plusieurs
textes du magistère, notamment Gaudium et Spes où les
Pères conciliaires exposèrent la vision de l'Eglise dans le monde
actuel. Car, l'Eglise possède la vérité sur l'homme qui
est le fondement de toute vraie libération.
Peu après, le synode Romain en 1971 sur le thème
« Justice dans le monde » affirmera que la mission de
l'Eglise « inclut la défense et la promotion de la
dignité et des droits fondamentaux de la personne humaine »
(n°37).
Paul VI dans le texte qui correspond au synode sur
l'Evangélisation en 1974 affirme que « l'Evangélisation
apporte avec elle un message explicite (...) sur les droits et devoirs de toute
personne humaine, sur la vie familiale (...), la paix, la justice, le
développement ; un message, particulièrement vigoureux de
nos jours, sur la libération »52(*). Dans son discours inaugural du Puebla en 1979, Jean
Paul II, s'inspirant de la parabole du bon samaritain, soutenait que la mission
évangélisatrice de l'Eglise comporte un
élément indispensable : l'action pour la justice et la
promotion de l'humain.
Le concile Vatican II reprécisa en profondeur la
mission des chrétiens, spécifiquement celle des fidèles
laïcs dans la société ; laïcs auxquels il lance
une invitation particulière lorsqu'il affirme que « les
laïcs doivent assumer comme leur tache propre le renouvellement de l'ordre
temporel. Eclairés par la lumière de l'Evangile, conduits par
l'Esprit de l'Evangile, entraînés par la charité
chrétienne, membres de la cité, ils ont à coopérer
avec les autres citoyens suivant leur compétence particulière en
assumant leur propre responsabilité et à chercher partout et en
tout la justice royaume de Dieu »53(*). Car certains états totalitaires ont tendance
à réduire l'activité chrétienne au seul et unique
culte, c'est-à-dire ici, au seul domaine individuel. La Parole de Dieu
et la prise de conscience des valeurs spécifiques de l'Evangile sont
ressenties par ces pouvoirs comme une menace pour leurs conceptions
globalisantes de la société.
Les chrétiens sont marqués par une sagesse issue
de l'Evangile et de l'Expérience ecclésiale, mais ils sont
invités à en prendre conscience pour que cette grâce de
Dieu soit profitable à toute la famille humaine. Comme tels, ils ne
doivent pas se mettre au dessus de la société, ni à
coté, mais au milieu de tous. Ils doivent se sentir concernés par
les débats et des enjeux de l'humanité. Puisque c'est le
présent et l'avenir de toute la société dont il est
question. Acteurs en elle lorsqu'elle fait son histoire en prenant des
décisions lourdes de conséquences pour l'homme et lorsqu'elle
élabore ses repères éthiques, les chrétiens ont
à s'exprimer en personnes éclairées. Ils sont
invités à être « sel et
lumière » pour leur société. Cette sagesse a
été maintes fois rappelée par les Pasteurs dans les
encycliques ou par les lettres Apostoliques. Ces différentes
responsabilités des laïcs dans le dialogue de l'Eglise avec le
« monde » d'aujourd'hui, correspondent aux
différents secteurs d'engagement et d'actions des chrétiens qui
sont les secteurs familial, économique, social, culturel et politique.
Tout homme a de la valeur en lui-même, il est appelé à une
promotion humaine et spirituelle et le progrès social doit favoriser
cette promotion sociale. Partout où des hommes vivent, travaillent et
souffrent, partout où ils réclament la vérité et la
justice, le chrétien doit être présent et doit se sentir
interpellé par les aspirations de ces peuples en manque, car l'Eglise a
davantage une mission à remplir dans ces milieux socioculturels. A
travers tous les fidèles laïcs engagés pour la promotion
sociale et l'épanouissement de l'être humain, c'est le Christ qui
est à l'oeuvre dans le monde par son Eglise qui veut mettre en oeuvre
l'esprit évangélique pour qu'en transformant les dimensions
humaines, elle leur confère une finalité spirituelle pour le
salut de l'homme et la plus grande gloire de Dieu.
II-5 L'AGIR SOCIAL COMME EXIGENCE
DE FOI CHRÉTIENNE
L'expérience des chrétiens engagés dans
les Actions et Mouvements d'oeuvres sociales/caritatives d'aide au
développement est motivée et orientée par l'Evangile et
par la doctrine sociale de l'Eglise qui proclame les devoirs de l'Eglise
à l'égard de l'humanité et précise également
les responsabilités des fidèles laïcs dans
l'édification de la société humaine. Pour nous
chrétiens, le fait de savoir que tout être humain est aimé
de Dieu et sauvé par le Christ, est une raison d'action de plus pour le
progrès social et l'épanouissement de tous les hommes et femmes
de ce monde. C'est à cela que Saint Augustin (354-430) nous invite
lorsqu'il affirme que celui que la vérité a rendu libre, la
charité le rend esclave.
Nos relations humaines préparent notre relation avec
Dieu. A ce niveau, l'histoire de Saint Martin qui donna son manteau au Christ
en croyant le donner à un pauvre sera notre histoire à
tous : « Tout ce que vous avez fait au plus petit d'entre les
miens, c'est à Moi que l'avez fait ». (Mt25, 40)
La participation effective et véritable du
chrétien pour le progrès social de son milieu sociopolitique est
donc une exigence de sa vocation chrétienne, de disciple du Christ. Le
disciple imprégné de la Parole de son maître, se met au
service de Dieu à travers celui de ses frères et soeurs. Comme le
Seigneur qui passait en faisant le bien, le chrétien ne doit pas
hésiter, lorsqu'il peut le faire sans compromission de sa foi, à
aider les plus démunis, à mieux vivre, à se cultiver,
à se développer par une charité chrétienne, tout
simplement parce qu'il porte en lui l'amour du christ, un amour contagieux, qui
est dynamisme et vie au service des autres. Ce qui signifie que la promotion
humaine doit se réaliser dans la promotion intégrale de l'homme,
de la famille et de toute la société dans la
vérité, la justice et l'amour. En apportant son soutien pour la
promotion sociale, il est important de faire en sorte que les hommes et les
femmes en misère soient eux-mêmes les vrais acteurs de la
promotion de leur société en y assumant toujours leurs
responsabilités pour un développement intégral et
harmonisé. D'où la faiblesse et l'irresponsabilité d'un
assistanat perpétuel comme action d'aide au développement et de
la promotion humaine.
L'engagement social du chrétien dans les
réalités terrestres de sa société n'a pas de sens
si ce n'est pas pour participer à la promotion sociale des hommes et
femmes de son milieu de vie comme l'Evangile le recommande. Cet engagement
total et gratuit, mais motivé par la foi en Jésus Christ,
découle de la liaison entre la charité chrétienne et la
vie de foi.
En plus la libération signifiée par le salut en
Jésus christ doit concerner les libérations historiques et
l'épanouissement véritable de l'homme à l'égard de
toutes les servitudes. L'engagement social du chrétien pour la promotion
sociale doit être toujours considéré dans la perspective de
la charité évangélique, comme un don de soi pour les
autres, surtout les plus faibles.
CHAPÎTRE III- LA PROMOTION
HUMAINE À LA LUMIÈRE DU RÉCIT DE LA CRÉATION (GN1,
26-2)
III-1 LA MISSION DE L'HUMANITÉ AU CoeUR DE LA
CRÉATION
Les chrétiens croient pourtant en un Dieu
Créateur. « Je crois en Dieu, le Père tout-puissant,
créateur du ciel et de la terre » sont les premières phrases
du Symbole des Apôtres, l'une des plus anciennes confessions de foi
chrétienne. Le Symbole de Nicée-Constantinople (381)
précise que ce Dieu est aussi créateur « de toutes choses
visibles et invisibles.». Cela veut dire que nous croyons non seulement
que Dieu a créé toutes choses, mais qu'il les gouverne et les
conduit, disposant et réglant selon sa volonté tout ce qui arrive
de bien, de beau et de bon dans le monde, tout ce qui concoure à
l'épanouissement de la famille humaine ». Comme toute
idéologie religieuse, philosophique ou politique, la foi en un Dieu
créateur influence notre regard sur le monde, sur les hommes et les
femmes comme sur toute créature ; elle influence également notre
façon de vivre dans ce monde. La Parole de Dieu nous invite à
oeuvrer de sorte que la volonté de Dieu, le Créateur qui a voulu
toute chose « bonne » et bienfaisante, soit faite dans
notre vie et dans celle des autres, pour le bien être de la famille
humaine.
la création de l'humanité : Gn1,
26-31
- Gn1, 26 « Faisons l'homme
à notre image... »
Avant de créer l'être humain, Dieu, prend le
soin, de préparer là où il va accueillir celui qu'il veut
qu'il soit à son image, l'homme. Tout a pour but de fournir le cadre
où l'homme sera appelé à l'Existence. L'homme se distingue
d'une manière spéciale des autres créatures. C'est
pourquoi Dieu s'est déterminé à le créer à
la suite d'une décision particulière et solennelle.
Dieu se recueille ; il délibère : peut
être une délibération avec sa cour céleste (Ps8,
6 ; Jb1, 6). Mais ce pluriel est interprété comme, exprimant
la majesté, la plénitude et la richesse intérieure dont
témoigne le nom commun « Elohim ». Les Pères
de l'Eglise évoquent ici la préfiguration de la Trinité,
ce que l'on pourrait désigner aujourd'hui, dans la perspective de la
théologie africaine, par la Famille-Trinitaire.
- « Dieu créa l'homme » : la
personne humaine est une créature. Ici le verbe créer,
employé trois fois, souligne vraiment que la personne humaine est
créée et qu'elle est limitée.
- « A l'image de Dieu il le
créa » : la personne humaine limitée est
créée à l'image de Dieu. Le terme hébreu
Selem qui signifie : de Dieu, mais le verset ajoute le
terme Demut qui signifie comme à notre ressemblance.
Le terme Selem : se réfère à une
chose concrète comme une statue, par laquelle on peut se faire une
idée de la personne représentée. Il est traduit par une
image qui suggère une similitude physique parfaite.
Le terme Demut quant à lui, correspond à une
notion abstraite : comme similitude, une analogie. Demut qualifie selem en
diminuant sa force.
Nous trouvons également la même formulation en
Gn5, 3, pour indiquer la conformité entre Adam et son Fils. Le Fils
ressemble au Père sans lui être identique : la similitude
divine est un caractère de nature que le premier homme, Adam, transmet
à ses descendants. Une personne humaine ; c'est une reproduction,
une copie de Dieu mais seulement de façon analogue. Toute la
création, y compris la personne humaine icône de Dieu, est
l'oeuvre de Dieu et donc sa propriété.
La Bible nous donne une conception toute particulière
de l'être humain : l'homme est cette créature qui a
reçu un pouvoir royal sur le reste de la création. Dieu lui
confie la gérance de l'univers. Comme Dieu, l'homme possède la
souveraineté sur l'Univers. L'effort humain pour connaître et
maîtriser l'univers s'inscrit dans cette perspective divine. Il est
invité à participer à l'action créatrice de Dieu
comme coopérateur, collaborateur de Dieu, il est co-créateur de
Dieu dans la création.
Dans le livre de la genèse plusieurs verbes sont
employés pour définir précisément le mandat
adressé par Dieu à l'humanité. Ce mandat demeure,
malgré la « chute », la rupture de l'alliance et de la
communion avec Dieu.
Trois couples de verbes nous semblent résumer cette
mission de l'humanité dans le monde : « Multiplier (fructifier) et
remplir la terre, « dominer et soumettre » les animaux, la
végétation et les ressources naturelles, au sens large ; et
enfin, « cultiver et garder » la terre. Notons qu'il s'agit
là, en premier lieu, d'une bénédiction de Dieu et non pas
d'une contraignante oeuvre face à laquelle un Adam historique, en
compagnie de son épouse Eve, serait condamné, après son
éjection du jardin de Dieu, comme on le fut comprendre selon une vielle
idéologie des siècles antérieurs.
Que signifient ces verbes de la Genèse dans leur racine
hébraïque ?
Quelles en sont les conséquences pour le milieu
naturel, pour notre environnement et pour la société ?
Les chrétiens ont-ils une responsabilité plus
particulière dans la transformation de la nature et du monde ?
Voila les questions auxquelles nous tenterons de
réponse dans cette partie.
Multiplier et remplir : Peupler la terre
- Pârâh : porter du fruit, être
fécond
- : Râbâ : multiplier, augmenter
- : mâlçh : remplir
Gn 1.22, 28 ; 9.1: - - : ordre, mandat
Bénédiction-multiplication : terme
employé 10 fois dans le livre de la Genèse, avant et après
chute/déluge : Gn 1.22 (animaux) ; Gn1. 28 ; 8.17 ; 9.1, 7 (hommes) ; Gn
17.20 ; 28.3 ; 35.11 ; 47.27 ; 48.4 (lignée d'Abraham).
- Gn1, 28 «Dieu les bénit et leur
dit : Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre et
soumettez-la. Dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et
sur tous les animaux qui fourmillent sur la terre ».
Il existe une double mission pour l'être humain à
ce niveau.
Une première mission qui découle de cet aspect
sexué de la nature humaine, consistera pour l'humain à donner vie
à des êtres qui seront son image, comme Dieu. C'est pourquoi en
créant l'être humain à Son Image, Dieu a acquis un
partenaire, quelqu'un qui lui ressemble, l'homme, avec lequel il peut entrer en
dialogue, en relation. A l'image d'un Dieu relationnel, l'être humain est
aussi relationnel. L'Amour ne peut être solitaire : c'est un couple,
un homme et une femme qui s'aime et dont l'amour produit la vie. Homme et
femme, Dieu les créa, ou plus exactement « mâle et
femelle » il les créa, deux termes réservés aux
animaux. Pour dire, que l'être humain est un être unique, mais qui
en même temps fait partie du monde terrestre, animal.
Dieu accorde la bénédiction à
l'humanité et le pouvoir de donner la vie. Même
bénédiction que pour les autres êtres vivants qui ont en
commun avec l'humanité d'être mâle et femelle.
La seconde mission est propre à l'humanité, il
s'agit de soumettre et de dominer la terre.
Dominer et soumettre :
râoâh et kâbash
Le terme Dominer râoâh : signifie prendre soin
de, gouverner (Gn 1.28 ; Ps 110.2).
Dans les mythes de la création, l'homme était
fait pour travailler pour les dieux, pour que ceux-ci aient des temps libres de
loisirs. Mais dans la Bible, les humains sont les serviteurs de Dieu et la
fonction de l'humanité est en rapport avec le monde. Par la
bénédiction, Dieu rend l'être humain capable d'accomplir
cette mission. Cette bénédiction est en rapport avec la vie, la
fertilité, la fécondité, la croissance, la
prospérité, le succès.
D'après le livre de la Genèse, les hommes et les
femmes étaient au commencement invités à remplir, dominer
et cultiver la terre en communion avec Dieu, c'est-à-dire avec amour et
justice. Il ne s'agissait pas pour eux d'exercer leur tyrannie sur la
création, mais plutôt d'en prendre soin pour le bien de toutes les
créatures et pour la gloire du Créateur. C'est le sens de l'un
des verbes traduits par dominer ; l'hébreu raoâh est
employé à plusieurs reprises dans le Pentateuque (les cinq
premiers livres de la Bible). Dans le Lévitique, en particulier, il est
rappelé aux descendants d'Abraham, dans le cadre des lois sur le travail
domestique, qu'ils ne doivent pas dominer sur leurs frères de
façon arbitraire (Lévitique 25 et 26). Ces lois étaient
données pour éviter les problèmes de l'esclavage. Les
serviteurs juifs pouvaient être rachetés par un membre de leur
famille ; ils avaient la possibilité de recouvrer la liberté lors
de l'année sabbatique dont nous avons parlé plus haut, tous les
sept ans, ou lors du jubilé, tous les cinquante ans. Le même verbe
dominer (raoâh) est employé par les prophètes, comme
Ézéchiel ou Jérémie, qui rappellent au roi qu'il
doit exercer sa domination avec bienveillance et justice, qu'il doit prendre
soin de son peuple comme un berger envers son troupeau, et non comme un tyran
assoiffé de pouvoir. Il s'agit donc pour l'homme de dominer sur la terre
en tant qu'être créé à l'image de Dieu comme le
précisent les Pères de l'Église sur la base de la
traduction grecque (Septante) de la Bible : l'hébreu raoâh est
traduit par le grec árkhô, qui évoque la capacité
à commander, à exercer la fonction de chef, avec toutes les
qualités requises.
Le terme Soumettre : kâbash: signifie assujettir (grec
katakurieúô: devenir maître) fouler aux pieds : prendre
possession sur permission du souverain.
Le verbe hébreu kâbash a suscité les
contresens les plus douteux et destructeurs pour la nature. Car s'il signifie,
en effet, soumettre, fouler aux pieds, il a aussi le sens de «prendre
possession » (cf. grec de la Septante : katakurieúô, devenir
maître de), ainsi qu'on peut le comprendre dans la littérature du
Proche-Orient ancien, comme sur la stèle de Thoutmès III
(Égypte, XVIIIe dynastie, 1505 - 1450 av. J.-C.), à Karnak, et
dans lettre de Sargon II (Assyrie, 722-705 av. J.-C.) : le souverain donne
l'autorisation à l'un de ses gouverneurs de « fouler aux pieds
» son territoire pour l'administrer en son nom. Dans le contexte de la
Genèse, cela signifie que l'homme et la femme sont appelés
à gérer (bien administrer) la création avec intelligence.
A une nuance de violence (Job 18, 1 ; 2Sm8, 11), ce terme est
utilisé pour décrire la conquête de la terre promise qui
est une responsabilité particulière du Roi. Car le roi a pour
fonction de promouvoir la justice et la paix avec une préoccupation pour
les faibles. Ainsi la fonction royale de domination est un service pour la
justice, la paix, l'harmonie dans le monde créé par Dieu et non
pas pour l'exploitation du monde à des fins personnelles. La
conquête de la terre promise n'est pas sa destruction mais
l'enlèvement des obstacles pour qu'on y vive en paix. Ainsi est la
mission de l'humanité par rapport à la terre. Dieu a mis de
l'ordre dans le chaos, mais le chaos n'est pas détruit : il l'a
plutôt organisé. Aussi notre mission est d'empêcher que le
chaos ne prenne le dessus, et de travailler pour que tous puissent y vivre dans
la culture de la paix et de la prospérité. Et pour cela, il faut
s'inspirer des principes du créateur lui-même, qui a voulu un
univers unique, bien ordonné et bon.
Au sens moral et religieux d'autres significations se
dégagent nécessairement par rapport à la pratique
religieuse.
- Garder les commandements de Dieu (Dt 4.2 ; 10.13, etc.), le
sabbat (Dt 5.12), les fêtes (Ex23.15), l'alliance (Gn17.9), son âme
(Dt4.9; Ps 25.20).
- Cultiver, travailler, rendre un culte, servir Dieu :
activité des lévites dans le temple, garder le sanctuaire,
préserver la pureté du lieu saint (Ex 10.26, Nb 3.7, 4.23, 24,
30, 47 ; 8.11-22).
Au-delà du sens littéral (cultiver la terre pour
se nourrir), en hébreu, les verbes cultiver (âbad) et garder
(ðamar) ont aussi une connotation religieuse : on garde les commandements
ou l'alliance de Dieu, on garde le sabbat ou son âme. Le verbe cultiver,
travailler, peut avoir le sens de « rendre un culte », « servir
Dieu». Il est employé pour désigner l'activité des
lévites dans le tabernacle dressé dans le désert ou dans
le temple de Jérusalem. Les prêtres étaient
également tenus de « garder » le sanctuaire, et notamment de
préserver la pureté du lieu saint de toute souillure profane. La
domination des êtres humains - autorité
déléguée par Dieu, vocation de remplir et cultiver la
terre, d'identifier, nommer et protéger les êtres vivants -
implique également leur responsabilité humaine et religieuse.
III-2 LES IMPLICATIONS SOCIALES DU RÉCIT DE LA
CRÉATION (GN1, 26-2)
Les lois de l'Ancien Testament mettent en évidence le
lien entre la terre, sa fécondité, l'obéissance morale et
religieuse du peuple de Dieu. Dans les livres du Lévitique et du
Deutéronome, en particulier dans l'énoncé des
bénédictions et des malédictions, un lien étroit
est souligné entre l'obéissance à Dieu, le climat
favorable, la fertilité de la terre et l'abondance des récoltes,
et comme une conséquence logique, le culte que l'on rend à Dieu
par amour et par reconnaissance lors des fêtes agricoles (Pâques,
Pentecôte et fête des tentes ou Soukkôt).
La tâche que Dieu a confié à l'homme qui
consiste à cultiver et à garder la terre et la protéger ne
signifie pas qu'elle lui appartienne, que l'homme en est le seul et unique
responsable. La terre lui est déléguée, confiée en
tant qu'intendant, gestionnaire qui doit rendre compte à son
maître, il se rend coupable de pillage. Cet engagement de l'homme au
service de la création toute entière sous le contrôle de
Dieu peut déjà le qualifier d'agent de développement. La
création de l'homme n'est pas le fruit du hasard. Dieu n'a pas
créé l'homme sans objectifs. Il y avait des dispositions
précises dans son plan créateur de développement. A cet
effet, il serait nécessaire et important de voir quels types de
dispositions Dieu a prises dans son plan de développement par rapport
à la création. A cet effet, l'ennemi de la gestion est le
détournement et l'ennemi de la soumission, serait l'orgueil de l'homme.
Le développement, pour qu'il soit véritable et conforme au plan
voulu par Dieu, doit d'abord rentrer dans cette perspective.
Le lecteur rapide de la Genèse verrait dans la mise au
travail d'Adam, le résultat d'une malédiction pesant sur toutes
les générations, comme ce fut le cas de la vieille
théologie du « péché originel ».
Chaque goutte de transpiration dégoulinant sur les corps
épuisés, renverrait inévitablement au verdict d'un Dieu
sévère et intraitable. Le judaïsme a refusé cette
lecture trop pessimiste du Pentateuque.
En quittant l'Eden, Adam n'est point maudit, il n'a rien perdu
de son image divine comme le rappellera Yahvé quelques
générations plus tard à Noé ; ses
potentialités spirituelles sont restées intactes. La
transgression l'a seulement placé dans un nouveau rapport au monde, non
plus fondé sur la gratuité et l'innocence, mais sur la
connaissance et l'effort de production.
Adam en s'éloignant du paradis ressemblerait à
ce jeune homme quittant père et mère pour construire son
existence d'adulte. C'est acquérir une certaine maturité et de
travailler pour son propre épanouissement et pour son propre
développement.
Par la transformation de la nature, l'homo faber se distingue
radicalement de l'animal. Le travail n'est plus une malédiction mais une
responsabilisation et une élévation de l'activité de
l'homme. Par travail, il ne faut point comprendre uniquement le travail de la
terre, comme ce fut le cas chez les Bwa qui n'admettaient comme travail que le
travail manuel, le travail de la terre. Il s'agit de toute activité qui
nécessite à l'homme un effort quelconque, qu'il soit physique,
intellectuelle ou spirituelle.
Fidèles à cette logique de lecture, les sages
d'Israël proposèrent comme idéal de vie pour chaque membre
de la collectivité, d'associer un métier à
côté de la pratique religieuse. Cette harmonie s'exprime de
façon éclatante dans la conception hébraïque qui
associe à la fois activité économique et service de
Dieu.
Ainsi un même terme désigne à priori deux
démarches opposées. Avoir les pieds dans la boue ou les mains sur
un clavier, paraît-il antinomique à l'attitude qui consiste
à s'isoler pour mieux se concentrer dans la récitation d'un
psaume ? Dans la logique monothéiste Hébraïque, chaque
lieu traversé, chaque moment qui s'égrène devient le
tremplin d'une rencontre ultime, totale avec la transcendance. Dieu se trouve
aussi bien au coeur du dévot dans sa chapelle que dans celui d'un cadre
tenant la mallette se rendant à son rendez-vous professionnel. Car la
ferveur peut s'exprimer partout, seules les modalités d'expression sont
variables.
Travail/ production, travail/ prière invitent le
croyant à cet effort continu de transformation de la nature, nature
extérieure ou intérieure à soi-même.
Dans une société où le travail/production
n'est plus le lot de tout un chacun, mais où le pain se quémande
comme la société bo, l'on comprend à quel point
l'activité économique porte l'honneur de l'homme. La
prière loin de nous éloigner du monde devrait être alors
source d'engagement et de grande motivation dans le labeur quotidien.
III-3 LA VALEUR INESTIMABLE DE TOUT HOMME AUX YEUX DE DIEU
« Tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du prix et
je t'aime » (Is 43,4)
Comme pour les autres créatures, la création de
l'homme commence par une Parole de Dieu, mais celle-ci est différente
des précédentes. Il ne s'agit pas en effet d'un ordre suivi
immédiatement de sa réalisation, « Que la lumière
soit', et la lumière fut » (Gn 1,3), mais d'une Parole exprimant un
désir. Dieu semble nous révéler ainsi son rêve, son
intention la plus profonde : l'homme.
De plus, le verbe « faire » n'intervient pas ici
lors de sa création, mais seulement le verbe « créer, bara'
», un verbe qui dans toute la Bible n'a que Dieu pour sujet. Et il
apparaît trois fois. Or le chiffre « trois » est souvent un
chiffre symbolique qui renvoie à Dieu en tant qu'il agit. Dieu a donc
agi pour l'homme avec une intensité toute particulière, comme il
ne l'avait encore jamais fait jusqu'à présent. On pourrait dire
dans un langage beaucoup moins théologique, qu'Il a
déployé pour l'être humain, tous ses talents de
Créateur, et l'homme est apparu dans l'existence. Le texte nous fait
attester que son origine de l'homme demeure un Mystère que Dieu seul
connaît.
Enfin, le même terme arrive pour la septième fois
dans le texte en signe de plénitude, Dieu déclare une fois
l'homme créé : « Et voici : cela était très
bon ». Or, « tob », « bon » en hébreu, peut
aussi se traduire par « bien », « beau ». Nous le
retrouverons plus tard dans « l'arbre de la connaissance du bien et du mal
» (Gn 2,9). Comme le souligne André Boulet, «
littéralement, il faudrait traduire par « Quel bien ! »... Le
terme employé pour signifier cette bonté ne se
réfère pas d'abord à une catégorie
esthétique, mais à une catégorie éthique :
« la Création est fondamentalement bonne, et, parce que bonne,
elle est belle »54(*). Et Dieu regarde l'homme au coeur de la
création comme un bien profond.
Puis, juste après l'avoir créé, Dieu va
le bénir, comme il l'avait fait auparavant pour les premiers êtres
vivants qui étaient apparus dans la mer et dans le ciel ; c'est
là une révélation indirecte de son amour pour la vie.
Cette bénédiction est la grâce que Dieu donne à tout
homme pour pouvoir pleinement s'accomplir. Elle l'accompagne tout au long de sa
vie et ne demande qu'à être accueillie par des coeurs de bonne
volonté. Nous percevons déjà ici l'importance de la
relation « Créateur-créature », nous y reviendrons.
Cette grâce devrait nous inciter à avoir confiance dans la vie,
dans l'avenir, car elle sous-entend que Dieu accompagne l'histoire de chacun,
l'histoire de l'humanité, pour lui permettre de déboucher sur cet
« à venir » qui nous attend tous, par-delà notre mort
sur cette terre.
Pour les animaux, nous avions : Dieu les bénit en
disant : « Soyez féconds, multipliez... », tandis que pour
l'homme nous avons : Dieu les bénit et Dieu leur dit : «Soyez
féconds, multipliez ». La différence est minime mais elle
est capitale : l'homme est la seule créature à laquelle Dieu
adresse la Parole. L'être humain a donc été
créé pour vivre en relation avec Dieu, le Créateur, pour
l'écouter, le comprendre et lui répondre. Tel est l'un des
fondements ultimes de l'existence humaine.
Enfin, l'homme est la seule créature à «
être à l'image et ressemblance de Dieu ». Il existe donc un
lien unique entre l'homme et Dieu, à tel point qu'en regardant l'homme,
il est possible de découvrir quelque chose du Mystère de Dieu, et
ce n'est qu'en regardant Dieu que l'on comprendra toujours davantage « qui
» est l'homme.
Le second récit de la création permet de
préciser ce que signifie : « être à l'image et
ressemblance de Dieu ». En effet, dans ce second récit, l'homme est
la seule créature vivante que Dieu suscite dans l'existence en soufflant
en lui : « Le Seigneur Dieu modela l'homme avec la glaise du sol, il
insuffla dans ses narines un souffle de vie et l'homme devint un être
vivant » (Gn 2,7). Or, le souffle dans la Bible renvoie à l'Esprit
de Dieu, à l'Esprit Saint.
Et, St Jean nous dit que « Dieu est Esprit » (Jn
4,24). Le mystère de la vie de chaque être humain s'enracine donc
dans la Présence de Dieu, au plus profond de son être d'une
réalité qui est de l'ordre de « l'Esprit Saint »,
c'est-à-dire de l'ordre de ce que Dieu est en Lui-même. Comme
l'écrit le P. Ceslas SPCQ, « être l'image » c'est «
participer l'être » et la vie du « Dieu vivant »55(*). L'idée de «
souffle » est en effet inséparable de celle de « vie »,
le souffle manifestant la présence de la vie. Recevoir le souffle de
Dieu, c'est donc recevoir la vie de Dieu. L'Esprit de Dieu est ainsi avant tout
une réalité de l'ordre de la vie : « c'est l'Esprit qui
vivifie » nous dit Jésus (Jn 6,63 ; cf. Ga 5,25).
Ainsi, le Mystère de la vie de tout homme s'enracine
dans le Mystère de sa participation à l'Esprit de Dieu,
c'est-à-dire à la Vie de Dieu. Et c'est dans cette perspective
que la notion « d'image et de ressemblance » prend toute son
intensité. Tout être humain est invité à
reconnaître en Dieu la source originaire de sa propre existence comme de
celle d'autrui. C'est en remontant à ce Principe suprême que peut
être perçue la valeur inconditionnelle de l'être humain et
de tout être humain.
III-4 L'INTENDANCE DE L'HOMME DANS LA CRÉATION
L'homme a été créé pour vivre en
relation avec Dieu, et cela est bien sûr valable dans la mise en oeuvre
concrète de sa mission sur cette terre. En effet, le Seigneur et le
Maître de la Création n'est pas l'homme, mais Dieu. L'auteur nous
l'a maintes fois répété lorsqu'il nous montrait Dieu
nommant les réalités qu'il venait de créer : « Dieu
appela la lumière jour, et les ténèbres nuit » (Gn
1,5). Or, dans la mentalité biblique, « donner un nom » c'est
être le Seigneur et le Maître de la réalité que l'on
nomme. Si la vocation de l'homme est de « dominer » la terre, cette
vocation ne pourra donc que s'exercer dans le cadre plus général
de l'unique Seigneurie de Dieu.
L'homme apparaît donc ici comme « l'intendant de
Dieu », « son mandataire libre et responsable ». De plus, dans
ses prises de décisions, il devra toujours se référer
à son Seigneur et aux valeurs qui sont les siennes, car c'est Lui et Lui
seul qui sait ce qui est bon ou pas, ce qui est bien ou pas. Il est l'unique
« Juge » de l'univers. La recherche du
« bien », du « beau »du
« bon » ne pourra donc que se réaliser dans le cadre
d'une relation avec Celui-là seul qui est à l'origine du
« bien » du « beau », du
« bon », Dieu lui-même. Ce n'est qu'ainsi que l'homme
pourra « cultiver et garder » la terre (Gn 2,15), deux verbes
hébreux que l'on pourrait aussi traduire par « servir et
protéger ». Alors il sera vraiment « à l'image et
ressemblance » de son Créateur et Père.
Précisons maintenant le sens de ce mot « adam
» en Gn 1,26. Lorsque Dieu dit : « Faisons l'homme, na`aséh
`adam », ce singulier « Adam » est aussitôt suivi d'un
verbe au pluriel : « et qu'ils dominent ». « Adam » ne
renvoie donc pas ici à une personne humaine unique, mais à
l'humanité tout entière. Chaque personne humaine a donc
été créée à « l'image et ressemblance
de Dieu » mais c'est aussi l'humanité en son ensemble qui est
appelée à l'être.
Seul le Nouveau Testament permettra d'approfondir cette
perspective en nous révélant que Dieu est Mystère de
Communion de Trois Personnes divines distinctes dans l'unité d'un
même Esprit. Tous les êtres humains, issus d'un même
Père et donc tous frères, sont ainsi appelés par Dieu
à ne former qu'une seule et même famille, un seul et même
Mystère de Communion dans l'unique Esprit, à l'image et à
la ressemblance de Dieu. S'agissant de la famille humaine, cette maison c'est
la terre, le milieu que le Dieu Créateur nous a donné pour que
nous y habitions de manière créative et responsable. Nous devons
avoir un ardent souci pour l'environnement : il a été
confié à l'homme pour qu'il le garde et le protège dans
une liberté responsable, en ayant toujours en vue, comme critère
d'appréciation, le bien de tous.
Cette perspective d'une humanité « Mystère
de communion » à l'image et à la ressemblance de Dieu «
Mystère de Communion » appartient déjà à
l'ordre des réalités si l'on fait référence au
second récit de la création où la vie de l'homme nous est
présentée comme prenant sa source dans la Présence de
Dieu, au plus profond de son être Divin, son Esprit Saint, cet «
Esprit qui vivifie » (Jn 6,63 ; cf. Ga5, 25). Cette communion de vie unit
ainsi chaque être humain à Dieu et à son semblable. Mais
puisque nous sommes sur cette terre des êtres en devenir, tout notre
travail consiste à faire en sorte que cette potentialité qui nous
habite déjà puisse pleinement s'épanouir dans toutes les
dimensions de notre être. Ainsi, tout ce qui unit les hommes entre eux,
tout ce qui les réunit, tout ce qui contribue à les faire
travailler ensemble au bien commun de tous, appartient au projet de Dieu.
L'humanité est une multitude d'êtres différents, dont les
différences nourrissent d'ailleurs les relations, unis dans la communion
d'une même Vie et travaillant ensemble au bien de tous. Et ce « bien
» est perceptible à tous car c'est la présence de ce souffle
de Dieu, de cet Esprit de Dieu à la racine du Mystère de notre
Être, qui est à l'origine de ce que nous appelons notre «
conscience ». Cette « loi inscrite dans le coeur de tout homme, la
loi naturelle inscrite dans le coeur de l'être humain et
manifestée à lui par la raison » qu'on nomme conscience, est
la conséquence directe de la Présence de l'Esprit de Dieu au plus
profond de chaque être humain. Un Esprit qui nous donne de participer
à l'insondable richesse de Dieu Lui-même. Et cet Esprit apporte
avec Lui toutes les valeurs inhérentes au Mystère de Dieu :
altruisme, bienveillance, droiture, justice, vérité, patience,
respect et tolérance pour le bien être de la famille humaine.
III-5 L'UNIVERSALISME DE LA MISSION DE L'HOMME DANS LE MONDE
La raison humaine est en outre capable de la discerner au
moins au niveau des exigences fondamentales, en remontant à la Raison
créatrice de Dieu, qui est à l'origine de tout. La connaissance
de la norme morale naturelle n'est pas réservée à l'homme
qui rentre en lui-même et qui, face à sa destinée,
s'interroge sur la logique interne des aspirations les plus profondes qu'il
discerne en lui. Non sans perplexité ni incertitudes, il peut arriver
à découvrir, au moins dans ses lignes essentielles, cette loi
morale commune qui, au-delà des différences culturelles, permet
aux êtres humains de se comprendre entre eux en ce qui concerne les
aspects les plus importants du bien et du mal, du juste et de l'injuste. Mais
le droit ne peut être une force de paix efficace que si ses fondements
demeurent solidement ancrés dans le droit naturel, donné par le
Créateur. C'est aussi pour cela que l'on ne peut jamais exclure Dieu de
l'horizon de l'homme et de l'histoire. Cette prise de conscience pourrait
aider, entre autres, à orienter les initiatives de dialogue
interculturel et inter-religieux. Ces initiatives sont toujours plus nombreuses
et elles peuvent stimuler la collaboration sur des thèmes
d'intérêt mutuel, comme la dignité de la personne humaine,
la recherche du bien commun, la construction de la paix et le
développement pour toute l'humanité. L'esprit d'association pour
le bien de toute la société. La création n'est pas une
réalité inerte et sans signification, oeuvre permanente de Dieu,
toute créature est appelée à lui rendre témoignage.
L'être humain est appelé à participer à la vie
divine, a aussi pour mission de rendre plus significative cette relation de
toute créature à Dieu. C'est le sens profond de son existence
terrestre, de dominer la terre, comme un gérant administrant des biens
au nom de leur auteur. Or, l'homme réalise cette tache essentiellement
par le travail qui marque la nature de son empreinte, comme c'est
rappelé par les Pères conciliaires à Vatican II. Ce
travail constitue le prolongement de l'oeuvre du Créateur et
permet à l'homme de coopérer à l'achèvement de la
création en Dieu.
Car en faisant passer dans les choses son intelligence et son
labeur transformant, l'homme y fait passer aussi la pensée et la
puissance de Dieu dont il est l'image et le relais plus ou moins
influençable. Le travail parait alors comme le moyen de perfectionnement
du croyant, lorsque celui-ci est placé dans son contexte juste. Car,
c'est en mettant en oeuvre ses possibilités que l'homme se perfectionne
en traduisant la volonté de son maître dans le monde.
Pour toute définition du travail humain et de sa raison
d'être reflètera une option sur l'homme lui-même et sa
vocation, sur sa fin ultime. La création des richesses terrestres
à partir de la nature est la preuve de son engagement à traduire
la volonté de Dieu dans le monde. Cette création des richesses
par la médiation du travail correspond d'une manière obvie
à une sorte « humanisation » et donc de domination
de la nature que le créateur lui a confié à l'homme.
Ainsi, par le travail, l'homme non seulement utilise la nature à son
service en la modifiant, mais aussi transforme sa vie et se réalise
lui-même dans la nature. Mais il faut pouvoir affirmer que l'homme ne se
contente pas de marquer la nature de son sceau, il devient véritablement
homme-dans-la nature. Nous pourrions dire que la nature donc semble faire corps
avec l'être humain. Cette nature, d'extérieure à l'homme
qu'elle était, devient dans le premier temps, un bien mis à la
disposition de l'homme, mais, dans le second temps, c'est l'homme
lui-même qui est transformé par son travail. Il se perfectionne
ainsi dans son labeur quotidien, dans une action laborieuse. Faisant ainsi du
travail un lieu de sanctification et de perfection où l'homme en se
construisant, construit un monde objectif et humain.
Il nous faut comprendre, aujourd'hui, que l'espérance
eschatologique n'est pas qu'une question de chronologie, mais de tension
intérieure, de préparation et même de participation
à la construction du Royaume de Dieu sur la terre. C'est donc cette
construction du royaume de Dieu dans son étape terrestre, stade fait de
labeur ; c'est-à-dire, à partir des taches humaines.
L'eschatologie prend comme relais les espoirs humains, pour leur infuser un
dynamisme divin et une certaine assurance que le meilleur de ces espoirs ne
sera pas perdu. Ainsi, l'espérance chrétienne n'est plus ce que
critiquait Karl Max et qui faisait dire à Nietzsche le chrétien
est un inutile, un séparé, un résigné ; il est
étranger au travail de la terre.
La règle souveraine qui domine alors ce processus est
d'exercer cette transformation de la nature, non pour la dénaturer, mais
pour la gérer dans le but pour lequel elle a été mise
à la disposition de l'homme. Deux excès sont alors à
éviter.
D'abord voir cette sauvegarde comme une sorte de respect de
l'esprit de la protection d'un parc naturel. Cette nature n'est pas offerte
à l'homme pour être seulement un objet de contemplation
esthétique « panthéisme », de
vénération, mais pour être entretenue et lui permettre, par
le travail et l'innovation technique, de mieux réaliser son
développement intégral et solidaire.
La justice de Dieu ne fait qu'exprimer ce droit fondamental
de tout être humain de se développer, afin d'avoir accès
aux moyens pour y parvenir, d'abord et en priorité, les moyens
économiques qui assurent une vie digne de l'être humain.
Le Christ est donc venu nous révéler une
réalité qui existe depuis toujours et pour toujours : le
Mystère de ce Dieu Présent au coeur de sa création depuis
qu'elle existe, ce Dieu « qui éclaire tout homme venant en ce monde
» (Jn 1,9), qui « pétrit et façonne le coeur de chacun
», comme dit le Psalmiste (Ps 33(32), 13-15). Le chrétien saura
donc reconnaître en tout homme de bonne volonté un frère
que Dieu guide, éclaire, soutient, conduit, tout comme lui, même
s'il en parle autrement, même s'il n'en a pas conscience. Et il
s'attachera à s'engager avec lui pour travailler avec lui au bien de
toute la famille humaine.
Cette perspective est bien présente dans le premier
récit de la Création. En effet, c'est à «Adam »
qui représente ici l'humanité tout entière, qu'est
donné la mission de «dominer la terre». Et cette
«Adam-humanité» se différencie ensuite en deux blocs
principaux : «l'Adam mâle» et «l'Adam femelle» dite
Eve. Et bien sûr, chacun de ces blocs est ensuite constitué de la
multitude des personnes humaines créées de sexe masculin et de
sexe féminin. De cette simple remarque découlent de nombreuses
conséquences, tout aussi révolutionnaires autrefois
qu'aujourd'hui : cette égalité foncière de toute
personne humaine, homme ou femme, en droits et en devoirs, devant Dieu. C'est
une invitation à défendre les droits de l'homme et de tout homme.
Travailler au bien de tous sera ainsi notamment faire en sorte
que chacun puisse bénéficier d'un espace de liberté
où il pourra développer sa diversité et mettre en oeuvre
les talents qui lui sont propres. Et si tel est vraiment le cas, cette mise en
oeuvre se fera toujours pour le bien de tous! En d'autres termes, travailler au
bien de l'autre, c'est non seulement s'accomplir soi-même mais c'est
encore travailler au bien commun, et donc à son propre bien!
Le Christ est donc venu accomplir le projet de Dieu qui a
créé l'humanité pour qu'elle soit «la famille»
de ses enfants unis à Lui dans la communion d'un même Esprit,
d'une même Vie, dans l'Amour. Ce projet commence à se mettre en
oeuvre dès maintenant par l'oeuvre de Réconciliation accomplie
par sa mort et sa résurrection, réconciliation avec Dieu et donc
aussi réconciliation des hommes entre eux. Les chrétiens
reçoivent ainsi par leur foi la grâce de mourir à tout ce
qui sépare pour ressusciter à tout ce qui unit. Et cette
grâce est tout en même temps Lumière et Force qui leur
permet de collaborer activement, dans l'aujourd'hui de leur histoire, à
la construction de cette humanité « famille de Dieu ».
Cette Lumière leur donnera notamment de
reconnaître la Présence de cette même Lumière au
coeur de tous les hommes et de toutes les femmes de bonne volonté, quel
que soit leur chemin religieux. En effet ceux qui, sans faute de leur part,
ignorent l'Evangile du Christ et son Eglise et cependant cherchent Dieu d'un
coeur sincère et qui, sous l'influence de la grâce, s'efforcent
d'accomplir dans leurs actes sa volonté qu'ils connaissent par les
injonctions de leur conscience, ceux-là aussi peuvent obtenir le salut
éternel. Et la divine Providence ne refuse pas les secours
nécessaires au salut à ceux qui ne sont pas encore parvenus, sans
qu'il y ait de leur faute, à la connaissance claire de Dieu et
s'efforcent, avec l'aide de la grâce divine, de mener une vie droite. En
effet, tout ce que l'on trouve chez eux de bon et de vrai, l'Eglise le
considère comme un terrain propice à l'Evangile et un don de
Celui qui éclaire tout homme, pour qu'il obtienne finalement la vie
» (Concile Vatican II, Lumen Gentium & 16). St Paul, dans son
épîtres aux Romains, souligne l'importance du regard fraternel,
universel et bienveillant que nous devrions porter sur tous ceux et celles qui
nous entourent, quelles que soient leur culture, leur appartenance religieuse
ou raciale. En effet, les valeurs de Dieu, les seules sur lesquelles toute vie
personnelle ou communautaire peut vraiment se construire, habitent au coeur des
hommes et des femmes de bonne volonté. En reconnaissant leur
présence au-delà de toutes les étiquettes sociales ou
religieuses, nous pourrons alors nous engager avec eux, quels qu'ils soient,
pour travailler ensemble au bien commun de toute l'humanité.
Tous les chrétiens sont donc invités à
s'engager avec tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté, en
responsables actifs de la cité, pour travailler ensemble au bien commun
de tous en cultivant les valeurs de droiture, de justice,
d'honnêteté, de tolérance, de bienveillance. Ces valeurs,
Dieu ne cesse de les insuffler au plus profond de chacun d'entre nous par le
Souffle de son Esprit qui est à la racine du Mystère de toute vie
humaine sur cette terre. Mais à la lumière de leur foi, en
s'engageant activement avec eux, les chrétiens savent qu'ils travaillent
à l'accomplissement de la volonté de Dieu qui ne désire
que l'authentique épanouissement de toute la famille humaine.
CHAPÎTRE IV- L'ACTUALISATION
DU MESSAGE DE LA CRÉATION CHEZ LES BWA, AUJOURD'HUI
IV-1 LA PLANIFICATION DE LA SAINTETÉ DANS LE
LABEUR QUOTIDIEN
Croire, ce n'est pas simplement être en règle
avec une série de prescriptions et de pratiques religieuses. Beaucoup de
gens pensent être de « bons chrétiens », parce
qu'ils sont baptisés, vont à la messe tous les dimanches,
participent aux offices de la semaine et aux neuvaines, sont présents
aux pèlerinages diocésains et nationaux. Pour eux, la foi n'a pas
de lien avec le travail, les études, le foyer, la politique,
l'économie qui sont des réalités temporelles et dont il
faut s'en débarrasser pour mieux s'orienter vers Dieu et son paradis.
La religion, comme ensemble de pratiques rituelles, ne peut
être facteur de progrès intégral de l'homme, s'elle n'est
pas l'expression dense, symbolique et sacramentelle, et du véritable
culte de notre vie chrétienne et si elle ne nous incite pas
à rendre cette vie plus humaine pour tous. (Rm 12,1).
Vivre en chrétien, c'est avant tout vivre en
témoin du Christ qui est saint, au sein du monde pour y actualiser sa
Parole qui sauve. C'est dire que le chrétien est appelé à
vivre la sainteté au quotidien comme le Christ, pour être
fidèle à l'Evangile.
Les Evêques de l'espace CEREAO pendant leur
assemblée plénière tenue à Bamako au Mali en 2003
avaient opté pour la planification de la sainteté ici et
maintenant en référence à l'ordre donné par le
Seigneur « soyez saints comme votre Père céleste est
saint »(Mt5, 48). Mais, la question qu'on se pose, est de savoir
quelle forme de sainteté nous pouvons vivre en milieu bo aujourd'hui, et
quel genre de saint nous pouvons imiter ? C'est à ces questions que
nous allons tenter de répondre pour aider le chrétien bo à
être pour ces frères et soeurs, signe et porteur de
l'espérance chrétienne.
Les chrétiens sont plus que jamais appelés
à vivre la sainteté, c'est-à-dire, à vivre dans les
circonstances sociopolitiques et économiques actuelles, la seule
sainteté qui soit une participation à la mission
d'évangélisation de l'Eglise en oeuvrant à rendre
présent le royaume de Dieu dans leur milieu de vie. Car la foi
véritable fait référence à un dynamisme authentique
pour le croyant ; elle à cette capacité de mettre les hommes
en mouvement et de les pousser vers leur pleine réalisation.
Nous ne prétendons pas inventer chez les Bwa, et
uniquement pour eux, un modèle de sainteté qui leur conviendrait
et dont nous en ferions ici l'éloge. Car chaque croyant est
spécifique, et à une relation unique avec Dieu. Mais, il faut
reconnaître que tout chrétien est invité, en toute
époque et en tout lieu, à faire fructifier la grâce
baptismale et à atteindre cette « union parfaite avec le
christ qui est la sainteté »56(*). Néanmoins, il importe aujourd'hui de
réaffirmer que la sainteté n'est pas seulement une qualité
objective et eschatologique du croyant comme cela s'est fait comprendre chez
bon nombre de fidèles chrétiens.
Même si le martyre durant les persécutions et la
vie monastique à l'époque Médiévale avaient
été décrites comme des voies certaines de sainteté,
il faut bien se dire que la voie de sainteté chez les Bwa ne peut plus
être unilatéralement la vie monastique, identique à celle
de ces chrétiens d'une certaine époque et un contexte social,
politico-économique spécifique. Car le saint pourrait se
définir davantage comme celui qui s'est consacré tout entier
durant son séjour terrestre à traduire la volonté de Dieu
dans sa vie et à se conformer à Sa volonté, plutôt
que quelqu'un qui n'a pas péché une seule fois dans sa vie.
Le catholicisme en milieu bo semble ne pas avoir accorder
jusque là de valeur positive à l'action professionnelle dans le
monde. Le retrait hors du monde et le refus de la recherche des biens, ont
très souvent été valorisés comme chemin de
perfectionnement et de sainteté.
Dans le contexte dramatique de la pauvreté, le
chrétien bo ne pourrait prétendre se conformer à la
volonté de Dieu en se réfugiant dans une vie monastique comme les
chrétiens du Moyen Age. Cela reviendrait à une
« idolisation » du Dieu, en le programmant magiquement
à réaliser nos intentions comme un « bon
Dieu » à tout faire et à notre place. C'est au mieux
par le travail que l'homme bo peut témoigner de la bonté, de
l'amour de Dieu pour ses contemporains aujourd'hui. L'effort humain
mérite d'être considéré comme un chemin de
perfectionnement, de sanctification du croyant ; car il y a un lien
étroit entre la rédemption et la transformation du monde par le
travail.
Si les chrétiens ne sont pas mieux, de point de vue
aisance économique, il faut se dire que c'est un
contre-témoignage. La misère du chrétien doit se
définir comme une certaine infidélité à la Parole
de Dieu et un contre témoignage de sa foi en Christ. Cela ne s'applique
pas seulement au travail de la terre, mais à tout ce qui engage l'homme
être dans une responsabilité ou un mission à remplir. C'est
dans sa réalité sociale actuelle que l'homme bo doit
témoigner de son attachement, de son amour pour le Christ, par le
service de ses contemporains.
A la suite de Saint Irénée nous disons que la
gloire de Dieu chez les Bwa, c'est homme vivant, l'homme bo debout qui
refuse la misère sous toutes ses formes et qui ne s'obstine pas dans un
état de vie résignante de mendicité, d'ivrognerie et de
paresse au service de tous les vices de notre temps, comme on peut le constater
chez plus d'un chrétien aujourd'hui. Le chrétien africain en
général et bo en particulier doit savoir, et reconnaître en
âme et conscience, que désirer être pauvre
équivaut à désirer la mort, ce qui est condamnable en tant
que acte prémédité de suicide, et dommageable à la
gloire de Dieu. « En particulier la mendicité, de la part d'un
individu en état de travailler, outre qu'elle est paresse condamnable
est également (...) violation du devoir envers le
prochain »57(*).
Les aides de l'Eglise à travers l'action du secours catholique, ont
souvent créé dans certaines localités, chefs-lieux de
paroisse, des chrétiens paresseux (hommes et femmes), des partisans du
moindre effort. La vie de sainteté est en l'occurrence celle d'un
chrétien versé lui-même dans l'histoire de son temps.
Certes la sainteté de l'âge des Pères de l'Eglise n'est pas
différente de la sainteté d'aujourd'hui, en ce sens que c'est de
la sainteté du Christ qu'il est question dans les deux cas; mais le
saint de cette même époque est différent de celui que nous
pouvons définir comme saint (en nous rassurant que les saints et saintes
ne sont pas uniquement ceux qui ont leurs noms inscrits dans le calendrier
liturgique) chez les Bwa en raison la spécificité du contexte
politico-économiques et socioreligieux. On peut dire, qu'il est
parfaitement conforme au plan de Dieu que chacun se perfectionne par son
travail quotidien pour donner un sens plus large à sa vie, car le
travail est un facteur de solidarité humaine. Le modèle de
sainteté est celui de Dieu, mais les chemins pour parvenir à
cette sainteté peuvent varier suivant les réalités
soico-politiques du milieu de vie du chrétien.
IV-2 L'ENGAGEMENT POLITIQUE,
DYNAMIQUE DU TÉMOIGNAGE DE FOI
Parler d'engagement politique et exercer cet engagement
supposent, du chrétien d'aujourd'hui, qu'il soit suffisamment
formé, informé et averti de la vision chrétienne de
l'activité politique. La Parole de Dieu est la lumière qui aide
le chrétien à ne pas perdre de vue la charité. Car,
« s'il y a pas un enseignement politique chrétien, il y a
nécessairement des exigences chrétiennes en politique, comme
dans tous les domaines dans lesquels l'homme engage son
destin »58(*)
nous affirme J. AUBERT.
En effet, la politique est un domaine qui a toujours
suscité de graves réserves chez les chrétiens (hommes et
femmes) du Mali de façon générale et peut être
à un degré encore un plus élevé chez les Bwa. Cette
attitude des catholiques dans leur majorité, a longtemps
prêté à de variantes interprétations. Mais, il faut
se dire que l'attitude rétive des Bwa chrétiens face à
l'activité politique s'explique de façon diverse.
D'abord, les séquelles de la répression violente
suite à la fameuse Révolte de 1916 a créé un
sentiment de haine de la politique encore bien présente dans les
mémoires, qu'on soit chrétien ou non. A cela vient s'ajouter le
fait créé par la Séparation de l'Eglise et de l'Etat en
France et qui fut été à l'origine des tensions entre le
Missionnaire et le colon. Crise qui a marqué également les
premiers convertis.
Ensuite, la vision populaire à laquelle
l'activité politique se prête dans nos pays africains, comme
manière acquérir illicitement des biens, suscite beaucoup de
méfiance chez les chrétiens (hommes et femmes). En Afrique,
beaucoup (pour ne pas dire tous) d'individus s'engagent en politique pour
s'enrichir aux dépends des pauvres populations. Ce qui fait que la
politique se définit selon la masse populaire, comme l'art de convaincre
par le mensonge ; ce qui fait que l'action politique est synonyme de vol
et de tricherie, vices contraires aux valeurs évangéliques. C'est
la course au profit personnel. Ce sont les grandes interprétations qui
justifieraient le sentiment de méfiance et de haine à
l'égard de l'activité politique aux regards des chrétiens
« justes et honnêtes » au Mali. Ainsi bon nombre de
chrétiens se demandent si de tels engagements politiques,
« impropres », ne risquent-ils pas de compromettre leur foi
chrétienne et leur salut, à travers des liaisons et des options
partisanes. Il en va de même pour le commerce que beaucoup de
chrétiens, notamment les Bwa considéraient comme une
activité contraire aux valeurs évangéliques. En plus, les
chrétiens, surtout quand ils sont minoritaires comme au Mali, restent
attachés ne serait-ce juste que par les activités religieuses ou
sociales telles les fêtes ou les funérailles qui les rassemblent.
Et donc l'unité confessionnelle dont ils doivent témoigner serait
brisée par des options partisanes dans des camps politiques très
opposés, en violentes concurrences. Car en politique, il semblerait
qu'on ne peut pas rester neutre, puisque même le refus de prendre
position est déjà une implicite prise de position. Ce qui fait
qu'au Mali on assiste à une résignation des chrétiens
(hommes et femmes) de toute activité politique. La politique a pourtant
un grand impact social et elle constitue une force de contestation devant les
injustices sociales et les oppressions, car elle concerne directement la
gestion de la cité. Oubliant que « le droit d'être un
membre de sa communauté politique n'est pas une simple faculté.
C'est aussi, sur le plan éthique, un destin devoir fondé sur la
solidarité humaine. Puisqu'on partage le destin commun et qu'on
bénéficie de ses avantages.»59(*) Chaque personne doit se situer en citoyen libre et
responsable par rapport à l'ensemble du reste de la
société. En effet, la politique est le domaine des
décisions fondamentales, d'où son caractère
nécessaire et impérative, les chrétiens ne peuvent
prétendre être acteurs du royaume de Dieu sans prendre une part
active dans l'édification de leur communauté et de leur
société.
Le Pape Jean Paul II appelle les chrétiens à
s'investir davantage pour le renouveau du Monde pour une société
plus humaine et plus juste lorsqu'il dit qu'il invite les
« chrétiens à un renouveau dans leur esprit et dans
leur coeur pour que, en promouvant une plus grande justice (...), personne ne
manque de la nourriture, du vêtement, du logement et du travail, c'est
dire, de tout ce qui donne sa dignité à la personne
humaine ; l'image du christ sur la croix, prix de la rédemption de
l'humanité, est un appel pressant à mettre sa vie au service de
ceux qui sont dans le besoin, au rythme d'une charité
généreuse qui ne sympathise non pas avec l'injustice, mais avec
la vérité »60(*). Car il est plus que convaincu que
l'évangélisation entraîne indispensablement le souci du
développement humain et du progrès social.
Chez les Bwa, la réticence face à
l'activité politique est plus vive parce que beaucoup de
chrétiens ont de la peine à comprendre que la réalisation
humaine est une réponse à l'acte de foi, au credo professé
au cours de la messe dominicale ; et que croire en Jésus Christ
aujourd'hui ne signifie pas simplement adhérer à une série
de vérités. Certains pensent avoir la foi parce qu'ils sont
toujours à la messe et récitent leur Credo : je crois en
Dieu, le Père, le Fils et l'Esprit Saint, abandonne l'alcool durant le
temps de Carême, respectent les prescriptions chrétiennes. Mais il
faut se dire que tant que la foi se maintient au niveau des
vérités intellectuelles, sans implications sociales responsables,
pouvons-nous parler encore d'une foi authentiquement vécue et capable
d'aider au changement positif de la société ?
En plus, bon nombre de fidèles chrétiens
souhaitent un Dieu facile, qui leur apporte des décisions toutes faites
à leur place. Ils attendent que quelqu'un vienne d'ailleurs changer
l'ordre social et politique, en leur faveur. Pour ces chrétiens (hommes
et femmes), la foi est un refuge ; et face aux situations difficiles, ils
attendent que Dieu vienne tout faire à leur place, oubliant que le fait
de céder à la facilité, à la corruption, signifie
également se rendre complice de la misère et de l'oppression dans
le monde.
L'action politique est également l'activité
soucieuse de la promotion de l'être humain, de son épanouissement,
de la justice sociale et de son avenir
La politique est l'activité sociale la plus
élevée, celle dans laquelle les autres activités
familiale, économique et culturelle, qui fondent l'essentiel de la vie
humaine, trouvent leur sécurité, leur régulation sociale
et leur efficacité, en tant qu'elle est le domaine des décisions
fondamentales portées en vue du Bien commun de tous. Bref,
l'activité politique exprime et concerne donc le caractère social
de l'existence humaine ; et du fait que la politique est la gestion des
activités sociales pour le bien commun, elle est en rapport avec
l'avènement du salut chrétien. Et pour le chrétien,
l'effort de libération, à la fois contre le péché
et les servitudes extérieures individuelles et collectives, est
déjà une réalisation du vouloir divin sur sa
création ; et constitue une manière d'accueillir le projet
de Dieu dans sa vie, pour le bien de toute la société.
Ainsi tout processus social, politique de libération,
en vue d'une existence plus digne de l'homme et tout ce qui rapproche les
hommes est une préfiguration et une préparation de la
communauté du Peuple de Dieu à l'avènement du royaume de
Dieu rendu présent dans le Christ. Puisque ce sont les hommes et femmes
qui sont concernés dans leur unité vitale ; une question de
vie et de survie pour la société.
Il importe donc de réaffirmer que le christianisme est
la religion qui rejoint tout homme aujourd'hui dans ses préoccupations,
ses soucis, ses angoisses et ses frustrations, de telle sorte que la foi soit
une réponse authentiquement humaine aux aspirations profondes de
libération, de salut et de plein épanouissement. Et donc, le
disciple du Christ ne peut pas ne pas s'intéresser à tout ce qui
concerne le bien être social, car, « tout ce qui touche aux
droits de la personne nous renvoie au coeur du message chrétien avec son
exigence d'amour et de service »61(*)comme l'exprime J. Marc ELA.
De nos jours, le chrétien bo doit prendre conscience
que l'agir chrétien, dans le sens d'une présence politique active
est aussi une dimension de la mission baptismale du chrétien. Car «
la mission de toute l'Eglise comme peuple de Dieu, et donc de tout
chrétien, est de vivre l'Evangile, de l'actualiser au cours de
l'histoire, pour le rendre présent dans la vie des hommes de notre
temps »63(*).l'exprime J. GRITTI Et à ce niveau, nous
pouvons nous dire que « la foi lui donnera des raisons plus profondes
que la simple solidarité humaine pour s'engager au service de ses
frères »64(*) Dans le monde.
Il ne faut surtout pas penser que la politique est un nouveau
champ d'action dans lequel on inviterait les fidèles aujourd'hui pour
quelque raison que se soit, mais, nous voulons juste redonner à l'action
politique toute sa valeur sociale et son impérativité dans le
témoignage de foi du chrétien.
Malgré toutes les investigations sociales à
travers la sensibilisation et les intellectuels bwa qui travaillent dans les
hautes structures étatiques, nous nous étonnons aujourd'hui de
n'avoir « vu nulle part en pays bo, émerger des leaders,
meneurs d'hommes, ayant une assise économique et/ou
politique »65(*)
comme l'exprime J.T DIARRA.
La foi chrétienne à forcement une dimension
politique, puisqu'elle pousse le chrétien, homme ou femme, à
sortir de son ornière de peur et de complexe social pour contester les
situations d'injustice, afin de rendre l'avenir commun meilleur pour tout le
peuple. C'est là également que se situe la vocation sociale du
chrétien.
Il nous faut reconnaître également que la bonne
citoyenneté du chrétien est non seulement un témoignage de
foi, mais surtout une implication dans l'avenir des hommes et femmes de notre
société. C'est aussi une participation à la mission
commune des hommes dans le monde.
IV-3 L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE DU CHRÉTIEN
COMME EXIGENCE DE LA MISSION DE L'HOMME DANS LA CRÉATION
Max Weber (1864-1920) avait fait une grande étude
comparative des religions du monde pour tenter de comprendre comment elles ont
influencé ou non le développement économique. Dans son
ouvrage intitulé L'Ethique protestante et l'Esprit du Capitalisme, il
part d'un constat, le caractère très majoritaire des protestants
tant des possesseurs de capital et des chefs d'entreprise que des cadres
supérieurs qualifiés et en particulier du personnel des
entreprises modernes doté d'une formation technique ou commerce
supérieure. Et suite à ce constat, il découvre que les
étudiants protestants s'orientaient de préférence dans les
hautes facultés d'économie et/ou de gestion, tandis que les
étudiants catholiques s'orientaient davantage vers les études
à caractère social. Il compris que l'éthique protestante
qui considérait la réussite comme une bénédiction
de Dieu, avait certainement de l'influence sur cette tendance économiste
des protestants. Et, donc le fait que les catholiques s'intéressaient
davantage au social, traduisait également une éthique religieuse
catholique de la réticence face à l'argent et au devoir
chrétien de venir au secours des nécessiteux en « bon
samaritain ».
Aujourd'hui encore, la question de l'argent ou des richesses
dans la vie d'un catholique reste encore un sujet délicat et
névralgique qui suscite bien de la méfiance voire même de
la peur dans nos Eglises ; un tabou, tout comme certaines questions touchant la
sexualité.
Nos Eglises locales ont donc hérité de cette
morale catholique méfiante face à l'argent et aux biens
terrestres de façon générale
Mais lorsque nous nous efforçons d'en faire un sujet de
réflexion nous ne pouvons pas ne pas nous heurté à la
complexité et à l'ambivalence de la question. Parce qu'il s'agit
de développer une morale des biens temporels, de la richesse de
façon générale et surtout de l'argent en particulier,
« le nerf de la guerre ».
De nombreux fidèles gardent encore en mémoire,
les sermons sur la parabole du jeune riche en dialogue avec Jésus «
Va, vends tout ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres ; puis, viens et
suis-moi » (Mt 19,16-30). Beaucoup de théologiens se sont servi de
cette phrase du Christ pour développer une éthique de la richesse
purement eschatologique, faisant le choix du dépouille de soi jusqu'au
martyre. Une autre théologie fondée sur la Parabole des talents
n'a pas manqué de faire l'éloge des biens temporels comme
étant la preuve d'une mise à profit de l'intelligence et du
labeur humain. Face donc à cette ambivalence de la question
économique, bon nombres de fidèles ont
préféré se dérober pour ne pas être l'objet
de calomnie au niveau de leur communauté. Longtemps, le commerce fut
fustigé comme un vol, une activité malhonnête que toute
personne qui craint Dieu devrait éviter dans sa vie.
Le développement économique est pourtant l'un
des domaines qui a plus de place dans notre monde aujourd'hui. Car il touche
toute l'existence quotidienne dans sa qualité et exprime le
progrès social. Nul ne peut se passer de l'argent, et mener une vie
normale comme au paléolithique où les peuples vivaient de chasse,
de pêche et de cueillette.
Le développement économique est une
activité qui concerne également l'homme dans sa recherche des
biens nécessaires à sa subsistance et à son
développement. Car l'homme est appelé à croître,
à grandir et à se développer. C'est pourquoi il
éprouve de nombreux besoins, insatiables sur terre, sa nature fait que
ces besoins portent sur des réalités matérielles qui alors
deviennent des biens à acquérir. Il s'agit donc et avant tout
d'une activité productrice de richesses pour la subsistance de l'homme.
Mais, dès que nous parlons de richesses à acquérir ou
à a accumuler pour mieux vivre, le chrétien catholique se sent
intriqué et demeure pantelant face un Evangile qui proclame «
heureux les pauvres » et qui met les riches en enfer en leur disant
qu'ils ont déjà leurs récompenses ici sur terre. Le
chrétien bo en particulier a de la peine à se situer par rapport
à une éthique chrétienne qui à fait l'éloge
de sa pauvreté sociale, de sa misère (car Il y a donc
misère quand les biens vitalement nécessaires et indispensables
à une vie digne et à maintenir l'état social de vie) et
qui aujourd'hui l'invite à s'auto-prendre en charge.
L'activité économique consiste donc à une
adaptation de la nature à l'homme qui est chargé de la faire
correspondre à ses besoins. Tout effort humain dans le sens d'une vraie
croissance, celui du développement intégral et solidaire de
l'homme, même s'il se situe sur le plan purement temporel et terrestre,
contribue à la croissance de l'homme tout entier.
Toutefois, en raison de la présence du
péché et du mal en l'homme (l'orgueil, l'angoisse et l'oppression
des faibles etc.) qui corrompt la croissance économique et la
détourne de sa finalité, les chrétiens ont un
témoignage à apporter, celui qui ne serait pas orientée
vers le bien de l' homme. Car aujourd'hui, l'argent en tant que moyen n'est pas
un mal, bien au contraire. Mais sa nature, telle se réalise dans notre
monde est soumise à une monstrueuse perversion. C'est pourquoi le
chrétien à plus que besoin de la lumière de
l'évangile pour ne pas tomber dans cet état de perversité
et de divinisation de l'argent et des richesses économiques. Ainsi, il
parviendra à faire la part des choses entre le gain frauduleux des biens
et leur usage égoïste qui conduisent au péché, donc
à l'éloignement et à la richesse économiques en que
tant fruit du labeur humain et de la bénédiction de Dieu.
IV-3-1 LA LÉGITIMITÉ DES BIENS TEMPORELS DU
CHRÉTIEN
Dans les évangiles on retrouve un enseignement plus
explicite sur l'activité économique avec la parabole des talents
(Mt25, 14-30 ; Lc19, 12-27), ces paraboles bancaires dans lesquelles
Jésus met comme critère de vie chrétienne le devoir de
faire fructifier les dons de Dieu et donc de ne pas rester dans une attitude
d'immobiliste stérile. Il s'agit là d'une invitation à la
mise en valeur du ferment évangélique.
Il faut reconnaître que la richesse acquise dans la
légitimité et à la sueur du front (il ne faut pas
comprendre par « sueur de front » le seul travail de la terre
longtemps considéré comme seule oeuvre loyale et digne du
Chrétien) est une mise en valeur du rôle créateur de
l'homme, du chrétien, de son sens de l'entreprenariat grand stimulant
pour le progrès et l'innovation.
Malheureusement, les biens temporels, surtout l'argent, ont
souvent été considérés comme une présence de
l'esprit démoniaque dans la vie d'un homme par de nombreux
fidèles chrétiens. Et pour cela, il fallait s'en
débarrasser pour mieux se disposer au royaume. L'activité
économique apparaît presque comme la séduction de la
richesse avec les soucis du monde et les convoitises, et qui sont donc les
épines qui envahissent et étouffent la Parole de Dieu,
l'empêchant de porter son fruit, la moisson du royaume (Mc4,19 ; Mt13,22
; Lc8,14).
Dans l'Ancien Testament, certains écrits comme le
livre d'Hénoch, l'argent apparaît comme la puissance sur laquelle
s'appuient les impies, tandis que les pauvres et les pieux ne se confient qu'en
Dieu. Et dans le monde à venir, Dieu renverserait la situation. Les
riches, déjà rassasiés de biens, s'en iront au feu de la
géhenne avec toutes les richesses et les pauvres iraient jouir des
richesses de Dieu dont ils ont hérité
Il faut reconnaître que l'antithèse pauvre-riche,
désignait plutôt des attitudes religieuses. Le pauvre est synonyme
de juste, saint, tandis que le riche est l'impie ; qui persécute les
amis de Dieu (Ps22 ; 25 ; 34 ; 69 ; 147 ; 149). Les pauvres sont les humbles
qui cherchent Dieu, ceux qui mettent en lui leur sécurité, ceux
qui ont faim et soif de la justice de Dieu, et qui attendent sa bonté.
Pour ces « justes » même les récoltes de leurs
champs appartiennent à Dieu. Tandis que les riches sont les impies,
qu'ils disposent de biens matériels ou pas, il s'agit de ceux qui se
réfèrent à leur force et à leurs richesses, ceux
qui nient pratiquement Dieu et cherchent à ébranler la foi des
amis de Dieu. La pauvreté et la richesse renvoyaient davantage à
un état d'esprit qu'à une condition de vie misérable ou
aisée.
IV-3-2 MAMMON, UN BON SERVITEUR, MAIS UN MAUVAIS
MAÎTRE
De l'Evangile nous connaissons que « Nul ne peut servir
deux maîtres, vous ne pouvez servir Dieu et Mammon » (Lc16, 43).
Mammon est le « dieu de l'argent » ou « l'argent
divinisé », qui semble être à l'origine des
tentations du matériel.
La richesse apparaît comme ce qui aveugle l'homme sur le
royaume de Dieu ; et la pauvreté se définit comme le
détachement et la libéralité. Il s'agit d'une attitude
plus radicale « ne rien amasser sur terre pour mieux s'enrichir dans le
royaume de Dieu à avenir. Dès lors ; le terme riche ou richesse
finit par prendre une nuance péjorative, au point que les fidèles
décident de manquer même du pain quotidien, des biens de
subsistance, pour mieux vivre l'esprit évangélique comme cela a
pu s'observer chez les bwa.
En allant à son sens réel, comprenons que ce
verset biblique ne peut pas être réduit à un sens
péjoratif, car la suite du texte éclaire davantage sur notre
conception de l'argent « l'argent est un bon serviteur, mais un mauvais
maître ».
Ce premier avertissement compare la sagesse du
chrétien à celle de l'intendant, sur la prudence de celui-ci que
sur sa manière de gérer les biens de son maître. Il est
appelé injuste ou malhonnête, parce qu'il dilapidait les biens de
son maître.
L'homme en effet, est intendant des biens de son Maître,
son Créateur, et donc qu'il est gérant de « biens » qui
ne lui appartiennent, mais dont il tire son profit, sa subsistance ; les
économistes parleraient de pourcentage ou d'intérêts. Mais,
le principe de gestion de ses biens a été déjà
défini par le Maître. Or, d'un intendant, on ne peut qu'exiger que
la fidélité. Et par conséquence, l'honnêteté
ou la malhonnêteté du gérant dépendra donc de sa
fidélité, qualité que l'on exige de l'intendant.
Pas plus que dans l'Ancien Testament, le nouveau testament ne
contient pas comme on l'a prétendu dans les siècles derniers,
d'un pessimisme troublant et d'un dualisme radical à l'égard des
richesses et des biens de la terre. Car, tout vient de Dieu et tout doit
s'orienter à Dieu. C'est là le rôle et/ou le service que
l'argent et toutes autres richesses devront rendre. Ces richesses ne seront
plus une finalité de la vie de l'homme mais des moyens qui concourent
à son épanouissement intégral sur la terre.
Lorsque Jésus, dans cette parole célèbre,
désigne l'argent du nom de Mammon (Mt 6:24, Lc 16:13), il personnifie le
pouvoir de l'argent, et le reconnaît comme étant susceptible de
devenir pour l'homme une sorte de divinité «revendiquant la place
et l'autorité qui sont celles de Dieu. Au niveau le plus profond de
notre être, l'amour de Dieu et l'amour de l'argent lui apparaissent comme
étant totalement contraires et exclusifs l'un vis-à-vis de
l'autre. De plus, le Christ, parlant de Dieu et de Mammon, décrit la
condition humaine comme étant «enfermée dans l'alternative
d'être soumise à l'un ou à l'autre de ces deux
maîtres». De telle sorte que la seule façon, pour l'homme, de
ne pas être l'esclave de Mammon sera - et c'est bien là la pointe
de son exhortation - de faire de Dieu son unique Maître, de faire
allégeance au Royaume de Dieu. Seule la justification par la foi est
susceptible de libérer de l'esclavage de Mammon. Un des signes par
lesquels se manifeste l'esclavage de l'argent, dans l'Ecriture, est aussi
«l'insatiabilité de l'amour de l'argent»! «Celui qui aime
l'argent n'est pas rassasié par l'argent» (Ec10, 19). Comme l'a
écrit J. Ellul: «Dans cette recherche hallucinée, haletante,
ce n'est pas seulement la jouissance que l'homme recherche, mais
l'éternité, obscurément.».66(*)
Car le risque souvent mal connu des richesses est que face
à elles le croyant ne puisse recouvrer de sa liberté d'enfant de
Dieu, d'être en marche et/ou en quête de Dieu, son ultime
finalité. Une fois que l'homme a le regard fixé sur Dieu et son
royaume, comme bien Absolu, il n'aura pas cédé aux tentations
d'orgueil de la chair ; il retrouve sa fonction d'intendant, de gardien de
ces biens, qui a mission d'ordonner tous les biens de la terre à Dieu.
Ainsi, l'argent et toutes autres richesses rentreront donc dans un circuit
normal, celui du service des hommes et d'abord des plus démunis.
Grâce à l'esprit de Dieu qui est en l'oeuvre dans
le croyant et sa fidélité au Royaume de Dieu que celui-ci pourra
restituer les richesses économiques, notamment l'argent à son
véritable rôle de moyens de subsistance de l'être humain et
de manifestation de l'amour fraternel. Elles ne pourront plus s'ériger
en anti-Dieu, un second maître pour l'homme qui n'a de maître que
Dieu seul, son Créateur.
Si l'homme est intendant des biens que Dieu lui a
confié, toute emprise de l'argent sur lui se présente comme une
révolte, une infidélité dans sa conduite de serviteur.
Derrière l'argent ou Mammon, le dieu de l'argent, il y a la
possibilité d'une obsession du coeur de l'homme jusqu'au rejet de Dieu
et de sa justice. Les méfaits de la déification de l'argent
consistent donc à détourner l'homme de Dieu, à
détourner sa vision de Dieu comme son bien absolu. Mais la tendance
dangereuse est que l'homme peut se faire absorber par ses propres biens, ne
plus être à mesure de jugement juste.
Comment donc concevoir encore aujourd'hui que les biens qui
appartiennent à l'homme, y compris l'argent, peuvent être
considérés comme impurs. Cela reviendra-t-il pas à avoir
une idée péjorative de la création et de tout son contenu
qui vient de Dieu. Il faut plutôt se dire que lorsque l'homme se met
à la recherche effrénée de l'argent, par tous les moyens
au dépend de toute de la morale de l'Evangile, il n'a plus de temps pour
Dieu et se met ainsi au service de Mammon au lieu que ce soit celui-ci qui le
serve. L'homme ainsi obsédé par ses biens, se laisse
posséder et toute sa vie est dédiée à son avoir.
L'argent devient dans ce cas le maître de l'homme, celui qui commande son
coeur, et toute sa vie en dépend. Les biens ne doivent donc point
s'ériger en anti-Dieu. Et pour cela, si l'homme est placé au
coeur du développement économique, l'argent devient donc un
«serviteur», puisqu'il sera un outil qui permet à l'homme de
s'épanouir sur terre.
Si l'on place la personne humaine au coeur du
développement économique, sa dignité et ses droits, en
ayant à coeur que la finalité, c'est de parvenir à une
meilleure satisfaction ses besoins de tous les hommes, besoins qui permettent
à l'être humain de mener une vie digne.
Comme Job, l'homme sait que tout ce qu'il possède est
à Dieu et doit un jour retourner à Dieu, il fera en sorte que la
justice de Dieu prime sur toute sa vie. C'est là que Mammon peut
apparaître comme un bon serviteur, un moyen pour mieux servir Dieu, en
gérant selon les principes définis par le propriétaire
même « de la maison » qui est Dieu. Dès lors, il n'y a
plus la tentation de placer sa confiance, sa suffisance, en lui-même ni
en son avoir propre, mais en Dieu de qui vient ces biens. Car la richesse,
c'est tout ce qui permet une meilleure satisfaction des besoins humains et
contribue à une sorte d'humanisation du monde : meilleure alimentation,
bons soins, logement et tout ce qui concours au bien être social et
spirituel de l'homme. Dans ce contexte d'économie humaine, l'argent et
tout autre bien retrouvent leur rôle exact, celui de moyen au service
d'une activité dont l'objectif est l'épanouissement de tout
l'être humain. C'est pourquoi, le renoncement à son avoir
personnel pour subvenir aux besoins de ses frères et soeurs
nécessiteuses traduira l'amour fraternel auquel le Christ invite ses
disciples. Cette fraternité dont la première communauté de
Jérusalem a témoigné par le partage « Nul ne disait
sien ce qui lui appartenait mais entre eux tout était commun» (Ac4,
32). La répartition des biens de la terre doit aider à
l'épanouissement de toute la société et non q'une
minorité qui gardent jalousement toutes les richesses et en jouissent au
mépris des autres, surtout des plus nécessiteux.
La magnification de la Pauvreté
évangélique n'est-elle pas une attitude qui pousse à
couper à la racine, tout effort pour améliorer sa condition
sociale ? Cela, il faut le réaffirmer que la pauvreté
évangélique ne peut pas s'opposer à la magnanimité
et à l'audace. Car la capacité d'avoir de l'ambition
économique, de se développer, c'est améliorer sa propre
condition de vie. Or, c'est un devoir de se développer, de mettre la
création à profit pour s'épanouir lorsque les conditions
que le chrétien vit le prive de sa dignité d'icône de Dieu
et déshumanise; car Dieu n'a pas crée l'homme pour qu'il vive
malheureux. La preuve, c'est qu'il l'a crée par amour. Or, aux
êtres aimés on souhaite tout le bonheur qu'il faut même dans
notre condition d'homme ; combien plus Dieu, dont l'amour est sans
frontières, sans limites, peut nous aimer, d'un son amour propre et nous
souhaiter tout le bonheur qu'il faut.
La pauvreté véritable exigée par Dieu
consiste donc à mettre toute sa confiance en Lui et à attendre la
justice de Son Royaume. Nous sommes bien loin d'une exaltation de la
pauvreté comme condition sociale, mais de la pauvreté du coeur,
par-dessus tous les biens dont nous disposons. Car les patriarches Abraham,
Isaac et Jacob disposaient de grandes richesses par la
bénédiction de Yahvé en qui ils n'ont jamais
désespéré. Mais à l'appel de Dieu, ils ne sont pas
peaufinés sur leurs biens temporels pour désobéir à
Dieu, mais plutôt, tout concourait à le servir. Cette
pauvreté d'esprit ne signifie pas non plus, la pauvreté
intellectuelle, comme le prétendait ironiquement Julien l'Apostat et
d'autres ennemis de foi chrétienne. Elle signifie l'esprit de
pauvreté. Il s'agit de cette vie que mènent certaines personnes,
qui même au sein de l'opulence, sont pourtant des pauvres d'esprit,
parce qu'elles possèdent leurs richesses sans attache de coeur et sans
orgueil, savent s'émanciper de leur servitude et de leur tyrannie et,
savent que tout appartient au Seul Maître de la création, Dieu.
Cette heureuse pauvreté à laquelle la Parole de Dieu invite le
chrétien condamne la pauvreté misérable, indigne et
criminelle, qui est une déshumanisation de l'être humain. Telle
fut la pauvreté d'Abraham, de David, des Saints Louis, Charles
Borromée, des Saintes Elisabeth, Jeanne-Françoise de Chantal et
bien d'autres encore.
CONCLUSION DE LA
DEUXIÈME PARTIE
Si la terre est faite pour fournir à chacun les moyens
de sa subsistance et les instruments de son progrès, tout homme a donc
le droit d'y trouver ce qui lui est nécessaire. Tous les autres droits,
quels qu'ils soient, y compris ceux de la propriété et de libre
commerce, y sont subordonnés: ils n'en doivent donc pas entraver, mais
bien au contraire faciliter la réalisation, et c'est un devoir social
grave et urgent de les ramener à leur finalité première
(Populorum Progressio, n. 22). Le chrétien conscient de cette
tâche inhérente à sa nature « d'icône » de
Dieu ne peut pas se soustraire, se dérober à cette mission divine
et abandonner l'ordre temporel comme une activité en dehors de sa
quête de Dieu. Participer à la construction de la
société devient une exigence de sa foi en ce Dieu qui est
toujours à l'oeuvre au coeur de sa création pour la sanctifier
par son Esprit Saint. Pour le chrétien, sa foi en Jésus Christ
est donc la source, la justification et la raison ultime de son engagement pour
la promotion intégrale de la société humaine, tout en
évitant les tomber dans les vices qui empêchent de vivre sa
relation avec Dieu.
TROISIEME PARTIE
Malgré les efforts de ces dernières
années dans le cadre d'une théologie africaine, il faut
reconnaître que la culture africaine n'est pas suffisamment
exploitée dans l'annonce de la Parole de Dieu pour la conversion de
l'africain
Le Fétichisme, le Totémisme, l'Animisme, le
Vitalisme, le Paganisme, le Panthéisme, le Polythéisme, le Culte
des ancêtres, le Culte des esprits, les possessions Démoniaques,
le tabou, l'Idolâtrie, la Sorcellerie, les Religions archaïques, les
Religions traditionnelles africaines, les Religions indigènes, les
Religions Aborigènes, les Religions Naturelles, les Religions
Autochtones, tels sont souvent les termes dont on fustige la
spiritualité de l'homme africain. Ainsi, avec ce qu'elle peut avoir de
positif, ce qu'elle a comme valeur morale et qui n'est pas en contradiction
avec l'Evangile, la vie spirituelle de l'homme africain se cristallise autour
de quatre grands points : l'Unicité du Divin, créateur et
propriétaire du monde, la bi dimensionnalité du monde (le monde
de l'invisible et le monde du visible), la bi dimensionnalité de l'homme
( l'homme du visible et l'homme de l'invisible et la symbiose de vie entre le
Divin et l'ensemble de sa créature. Cette unité s'exprime
essentiellement par la croyance en une communauté de vie entre les deux
dimensions du monde, entre les deux aspects de l'homme et entre le monde et
l'homme. C'est à partir de cette vision communautaire du monde et de
l'homme, inspirée par l'unité du Divin que l'homme bo pourra
donner une signification à son existence dans sa société
et dans la communauté chrétienne.
L'expansion de l'Evangile du Christ dans le monde aujourd'hui,
prouve l'évidence de la possibilité que les hommes de cultures
différentes peuvent vivre diversement les valeurs absolues et
universelles auxquelles cet Evangile les invite. Tout comme ces valeurs divines
ont intégré l'histoire du peuple d'Israël depuis son
élection jusqu'à son installation en terre promise en passant par
sa délivrance en Egypte, les valeurs évangéliques
intègrent l'histoire humaine de chaque peuple avec ses hauts et ses bas,
son contexte sociopolitique et économique, pour le transcender. Cela
nécessite au préalable une bonne connaissance de la culture une
prise de conscience chez les bwa des valeurs et des contre-valeurs de leur
culture.
CHAPITRE I- LA CULTURE
TRADITIONNELLE AFRICAINE BO ET SON ÉTHIQUE SOCIALE
I-1 LA CULTURE BO, UNE CULTURE DE
LA COMMUNAUTÉ CLANIQUE
L'homme africain en général est un être
social. Sa vie et son être tout entier n'ont de valeur qu'au sein de sa
communauté, quelle soit villageoise ou même familiale. La culture
traditionnelle est une valeur certes, mais cette culture n'a de valeur que si
elle est au service de l'homme et de son épanouissement.
Or, souvent une culture très développée
de la communauté s'obstine à garder tous les membres de la
société sur la même ligne de pauvreté. Dans de
nombreuses cultures, on assiste à une stratégie sociale pour
maintenir les membres de la communauté au même niveau de vie.
Très souvent ceux qui ont une petite
sécurité financière, qui sont dits
« riches67(*) », au ras de l'échelle
hiérarchique familiale. Et donc les pauvres très majoritaire,
sont les premiers décideurs du destin de la communauté. Ce qui
créé évidemment un climat de jalousie, de rivalité,
d'envie a mort et de destruction réciproque. La société
est tirée par une politique familiale stricte vers le bas, vers le
niveau de vie de cette majorité. Cela se découvre davantage dans
les pratiques magico-occultes et d'incantation meurtrière dont les uns
et les autres se servent pour se défaire de ceux qui veulent changer cet
« ordre » social préétabli pour tous, celui
de la pauvreté généralisée. Chez les Bwa
aujourd'hui, en plus des autels et fétiches propres à la famille,
certains « malins » détiennent et par mauvaise
intention, des autels privés en provenance des peuples voisins comme les
Bobofing, les Minianka et les Senoufo68(*).
Cela constitue un frein au progrès social, parce que
ce sont des pratiques qui empêchent les individus de
réfléchir et d'entreprendre des projets d'avenir, de se
concentrer sur les problèmes réels, chacun étant
plutôt préoccupé par sa propre sécurité (si
je ne tue pas, je serai tuer), cherche un moyen de défense, de
protection ou un moyen pour exterminer les autres. Et nous assistons donc
à une sorte de guerre-froide indéterminée entre clans ou
entre des individus. Dans de telles conditions de concurrente ouverte, de
chasse à l'homme, l'instinct de survie prend le dessus sur le souci du
développement et du progrès, dans la société.
L'homme bo semble ne pas avoir de réelles ambitions de
développement social. L'homme bo semble vivre du jour le jour,
malgré les diverses sensibilisations des ONG et les organismes d'aide au
développement. Le fait de ne pas pouvoir s'unir pour faire le bien, sauf
quand c'est pour détruire, est en quelque sorte un mal inné aux
Bwa en général. Voilà ce que nous appelons ici
« le péché originel » des Bwa ; un
péché nourri par l'individualisme, la jalousie et l'orgueil.
L'esprit d'association pour faire le bien n'existe que chez très peu de
Bwa. Mais il existe des réseaux de sorciers et d'autres réseaux
de malfaiteurs.
I-2 LA CULTURE BO, UNE CULTURE DU
« SECRET »
C'est à juste titre que le sage Hampaté Bâ
disait qu'en Afrique chaque fois qu'un vieillard meurt c'est une
bibliothèque qui brûle. Car la culture africaine de façon
générale est connue comme une culture du secret. Les
connaissances ne sont généralement pas enseignées, ou
elles sont transmises de générations en générations
au sein de la même et unique communauté familiale69(*) ou villageoise par le canal de
groupes restreints que sont « les initiés ». Le
savoir familial n'est transmis qu'aux « initiés » et
l'initiation demeure l'unique domaine de la transmission de la connaissance des
connaissances et du savoir faire de la communauté familiale ou clanique.
Même à ce niveau la « science » est transmise
avec une certaine marge de sécurité pour celui l'enseigne. C'est
donc un savoir-faire purement ésotérique. Ainsi, il n'y a donc
pas d'évolution, au contraire, il y a régression, car beaucoup de
sages meurent sans avoir transmis toute leur science. Il garde toujours une
certaine marge pour sa propre sécurité. Alors, il n'y pas de
continuité, mais plutôt de la stabilité et de la constance.
De telles pratiques peuvent être un frein au développement
socio-économique d'un peuple
I-3 LA CULTURE BO, UNE CULTURE DU
« CONSERVATISME »
Chez l'africain en générale et chez l'homme bo
en particulier, il existe un certain esprit traditionnel de conservatisme
négatif, qui se traduit dans les faits par une idéologie de
stagnation fermée aux initiatives et hostile à tout changement.
Il faut dire que les Bwa sont, en général, hostiles aux
innovations sociales et politiques. On se contente non seulement de
gérer le quotidien sans se préoccuper de l'avenir jugé
souvent lointain, mais on donne toujours raison au passé glorieux des
aïeux, qu'on aime se rappeler en public. Ce traditionalisme fait
barrière à l'esprit de créativité et
d'entreprenariat tout en cultivant l'inertie et l'immobilisme au sein de toute
la société. L'homme bo semble toujours s'accrocher à un
passé glorieux déjà conclu pour se dérober aux
réalités quotidiennes et faire oublier sa condition
présente.
En Afrique l'individu est souvent contraint par une certaine
pression sociale de sa communauté ethnique ou clanique, et toutes les
initiatives sont étouffées par l'idéal du groupe ou de la
société. Une telle culture est un frein au développement,
une bombe à retardement, un opium pour le peuple. Le sens aigu de la
communauté ne favorise nullement pas l'initiative, la liberté
d'action et de pensée, la créativité ou l'entreprenariat
d'un individu. Or sans risque d'ouverture, l'esprit d'innovation est
écarté au profit d'une mentalité conservatrice qui
favorise et promeut une société d'hommes uniformisés dans
la pauvreté, submergés dans l'anonymat du groupe ethnique ou
clanique. Les initiatives de changement et les talents individuels sont
très souvent enterrés au nom d'une valeur clanique qui veut,
à tout prix, maintenir tout le groupe dans une certaine idéologie
dont le franchissement des barrières n'est pas sans risque de mort.
C'est ainsi que cela a toujours été fait et ce ne sera pas toi
qui pourras le changer, avons-nous coutume d'entendre. L'individu est donc
subordonné à sa communauté familiale, villageoise,
clanique ou ethnique. Toute tentative de rupture avec les normes sociales est
considérée comme une trahison, un reniement, et c'est la mort qui
s'en suit. Un groupe d'extermination sécrète est mise sur pied
pour les exécutions de ces genres de traites innovateurs.
La culture africaine de façon générale
est caractérisée par un esprit de subsistance, une certaine
routine dans les activités quotidiennes sans une volonté
déterminée de changement. Pire encore, chez le Bwa, la
société semble s'organiser de sorte à cultiver chez les
jeunes générations l'amour du répétitif et du statu
quo. Cela se caractérise par le maintien de certaines valeurs
traditionnelles, aujourd'hui contraires à tout esprit de progrès
social, puisqu'elles constituent un handicap à l'épanouissement
réel de l'être humain. A cela vient s'ajouter le fait que l'homme
bo est très individualisme, sauf quand c'est pour faire le mal. L'esprit
d'association est très peut développer. Car nul ne veut
être sous la responsabilité d'un autre, surtout si celui-ci n'est
pas de son groupe clanique ou de sa famille. Or, sans association, le
progrès n'advient que très lentement.
Aujourd'hui de nombreuses études ont prouvé que
l'innovation, l'ouverture, l'esprit d'initiative et de créativité
sont indispensables à tout progrès de l'être humain, que ce
soit dans le domaine du social, de l'économie.
CHAPÎTRE II- LES EXIGENCES
FONDAMENTALES, INDISPENSABLES AU PROGRÈS SOCIAL
Pour que se réalise un progrès social et
intégral au service de l'être humain et dans le respect de sa
dignité, certaines dispositions psychologique, spirituelle et morale
sont indispensables.
L'être humain pour lequel ce progrès se
réalise, doit avoir la forte conviction qu'il peut et qu'il doit oeuvrer
à améliorer ses propres conditions de vie pour son propre
épanouissement et celui de toute la société. Il faut donc
une prise de conscience de la nécessité du progrès social
et économique, pour que ce progrès soit réalisable,
en ayant comme référence la loi de Dieu, afin que ce ne soit pas
un sursaut d'orgueil qui le sépare de Dieu.
Dans le cas ici traité, qui concerne l'homme bo, il
faut que les Bwa prennent conscience du progrès qui doit s'opérer
d'abord dans leurs mentalités pour qu'enfin ils puissent traduire
concrètement cette conviction dans leurs manières de vivre et
d'agir.
L'agir du bo chrétien doit traduire avant tout, sa foi
chrétienne, sa conception de l'être humain et de la
création. Une prise de conscience de la misère est le premier pas
à tout engagement pour la promotion humaine. Car on ne peut chercher
à evoluer si on ne prend pas conscience de son retard par rapport au
niveau des autres.
L'imaginaire de l'homme bo, sa vision du monde et sa
conception de la vie et de la mort sont entre autres les causes du
sous-développement.
Aujourd'hui, il existe dans nos sociétés des
genres de comportements et de pratiques qui ne favorisent nullement pas le
progrès social. Beaucoup de pratiques rendent les tentatives de
développement très problématiques et peuvent même
les vouer d'avance à l'échec.
D'où l'impérative mission pour les nouvelles
générations d'oeuvrer à faire évoluer ces
mentalités vers le bien, pour vaincre le drame de la misère et de
la pauvreté chez les Bwa. Et les nouvelles générations de
fidèles chrétiens qui sont plus ou moins de cette mission doivent
être les premiers acteurs afin d'entraîner avec eux toutes les
couches sociales au développement.
II-1 LES CONFLITS SOCIAUX ET LEURS
IMPACTS SUR LE DÉVELOPPEMENT
Les conflits entre communautés villageoises se soldent
très souvent par une haine à mort et une destruction
réciproque entre groupes sociaux. Car une idée trop
poussée de la communauté villageoise ou de l'ethnocentrisme
créé également un individualisme exacerbé, limitant
la solidarité à l'unique clan dont on veut préserver les
secrets et les traditions par tous les moyens, même au détriment
des autres clans que l'on cherche à anéantir.
Des conflits entre communautés claniques datant de plus
d'un demi-siècle continuent de faire encore des victimes dans nos
villages.
Certains projets d'aide au développement sont
refusés et orientés vers d'autres zones parce que les groupements
de villages qui étaient les bénéficiaires n'arrivent pas
à s'entendre.
Plusieurs projets de constructions d'établissement
scolaires dans le Bwatun ont échoué par le fait que les villages
qui étaient désignés comme les bénéficiaires
directs entretiennent encore de vieux conflits animés par des
perturbateurs sociaux toujours aux argueux, toujours prêts à
réveiller les vieux démons et établissant un blocage dans
les tentatives de réconciliation. Plus d'un établissement
scolaire financé par les ONG de la place ont été
construits dans des carrefours en pleine brousse. Car les
bénéficiaires entretiennent de vieux conflits claniques, et
chaque partie refuse que l'établissement porte tout simplement le nom de
l'un ou l'autre des villages.
Ce sont là des attitudes qui ne favorisent en aucune
manière ni la communion, ni la paix, ni le développement d'une
zone.
L'Eglise est davantage attendue chez les Bwa, à
être sans cesse le signe de la réconciliation et
l'éveilleuse de consciences. Elle est invitée à être
le signe et le lieu de la nouvelle unité, à être le nouveau
« Do » symbole de l'unité des bwa, pour que le
progrès social soit possible. C'est le défi que les pasteurs
d'aujourd'hui doivent impérativement relever, résoudre ces
conflits entre villages pour qu'un progrès social soit possible.
Comment développer un peuple aussi parsemé de
rivalités? Comment faire progresser des gens qui ne veulent pas
avancer?
Il faut donc convertir les mentalités,
réconcilier l'homme bo avec lui-même pour prétendre
à un quelconque progrès économique.
Telle devra être la mission de l'Eglise au Bwatun,
rendre l'évangile présent dans les coeurs des Bwa pour
créer, au delà des communautés villageoises et claniques,
une communauté d'enfants de Dieu, réconciliés et
rassemblés dans/autour le Christ. L'Evangile sauve l'homme bo, dans la
mesure où il arrivera à rassembler les Bwa, hommes et les femmes,
au delà des différences claniques. Et l'Evangile ne sera Bonne
Nouvelle pour les Bwa que dans la mesure où il aura recréé
ce peuple en le délivrant de tout ce qui est obstacle à son
unité.
En éclairant l'homme bo sur sa réalité
sociopolitique et culturelle, l'Evangile lui permettra de quitter les champs du
fatalisme, qui le rend toujours démissionnaire face aux formes de
misère, pour enfin les pousser à l'action dans
l'abnégation et dans l'incitation à la créativité
dans une responsabilité personnelle et collective.
Avant tout, l'homme bo a soif de Dieu, comme l'exprimait
Mère Teresa que « la première pauvreté des peuples
est de ne pas connaître le Christ. Les gens ont faim de Dieu. Les gens
ont soif d'amour. En sommes-nous conscients ? Le savons-nous ? Avons-nous des
yeux pour le voir ?... Nous devons ouvrir les yeux et voir » disait-elle.
D'où la nécessité de l'inculturation, mettre la Parole de
Dieu au coeur, au centre et au sommet de la vie de l'homme bo pour que le
progrès social soit possible. Etablir le lien entre la vie de foi et le
vivre quotidien est la condition sine qua nom à tout éventuel
progrès social chez les Bwa aujourd'hui.
II-2 LE SENS PERDU DE LA VALEUR
DU « SACRÉ » CHEZ LES BWA
De nombreux sociologues et anthropologues
intéressés par le milieu bo ont trouvé presque à
l'unanimité que les conditions et les manières dont la conversion
des Bwa s'est effectuée à « la religion des
Pères » laissent croire qu'il s'est plutôt agit d'un
reniement des coutumes et des valeurs culturelles et religieuses des Bwa, pour
faire plaisir au missionnaire, que d'une conversion veritable au Christ. Un
pasteur autochtone illustre bien cette affirmation lorsqu'il dit « qu'a
son époque, les premiers qui arrivaient à l'Eglise pour la messe
du Dimanche étaient les plus grands sorciers du village ». Il
voulu ainsi traduire toute l'hypocrisie religieuse des fidèles de sa
communauté, même si nous devons nuancer cette affirmation. Pour
lui, qu'il a été plutôt question chez les Bwa d'un
reniement de leur culture que d'une conversion à une nouvelle
religion ; même si ce sont des étapes difficiles à
délimiter. Certains faits démontrent que chez les Bwa convertis
au christianisme, le sens du sacré avait été perdu.En
effet, en brûlant les buissons, les autels ancestraux, en profanant les
lieux sacrés pour convaincre les
« pères » de leur adhésion à
«la nouvelle religion », les Bwa venaient de perdre le sens
du sacré ; le sacré culturel et religieux qui constituait la
référence morale de l'homme bo.
En plus, en creusant une fosse entre les frères
convertis et leurs familles/villages, l'Evangile prêché chez les
Bwa, n'a-t-il pas été cause d'un certain spiritisme suicidaire,
qui, au lieu de rassembler dans le Christ, a plutôt été un
facteur de rupture familiale, de haine conduisant à la rivalité
généralisée et à l'envie à mort, à la
dispersion des Bwa. Donnant naissance à un individualisme
exacerbé chez les bwa.
Sans vouloir créer de polémique entre le
« sacré ancestral » et le « sacré
chrétien », nous trouvons que les exactions commises à
la culture, soldées par la profanation des domaines sacrés,
laissent croire que l'homme bo n'a pas été conscient de sa
conversion. Qu'il a peut être été tiré vers cette
conversion par la contrainte des réalités sociopolitiques et
économiques qui prévalaient chez lui à l'aube de
l'Evangélisation du Bwatun.
En remettant en cause les valeurs religieuses et toutes les
pratiques culturelles jadis homologuées par plus d'un missionnaire comme
du « fétichisme », les Bwa acquis à la cause
des « Pères », perdaient les bases inhérentes
à toute spiritualité. Car la spiritualité est d'abord et
avant tout une réalité culturelle. Elle est l'expression de la
sensibilité du croyant. Or toute sensibilité spirituelle qui ne
s'origine pas dans la culture, la tradition, n'est qu'une pure et simple
hypocrisie, ou même une aberration, et peut poser des problèmes de
pratique religieuse fidèle et de conviction culturelle véritable.
Le question se pose aujourd'hui à savoir, comment
enraciner le message du Christ dans les coutumes culturelles non plus reconnues
comme valeurs par les Bwa « traîtres »70(*) qui sont chrétiens
aujourd'hui ?
Dans la perspective de l'inculturation ou de la nouvelle
évangélisation, nous ne douterons plus de la
nécessité d'un retour au sacré et aux valeurs culturelles
longtemps bafouées ou laissées à l'oubli par le
catholicisme prêché chez les bwa.
Aujourd'hui certains pasteurs d'autres cultures admettent
nonchalamment, l'existence d'une spiritualité africaine réelle.
Et pourtant certains administrateurs colons en avaient conscience dès
les débuts de l'invasion coloniale comme nous pouvons le constater par
le discours du ministre Belge des colonies, J. RENQUIN lorsqu'il donne des
instructions aux prêtres belges venus évangéliser le
Congo : « Prêtres, vous venez certes pour
évangéliser. Mais,...Le but essentiel de votre mission n'est donc
point d'apprendre aux Noirs à connaître Dieu. Ils le connaissent
déjà. Ils parlent et se soumettent à un NZRABE ou un
MVINDI-MUKULU, et que sais-je encore. Ils savent que tuer, voler, calomnier,
injurier...est mal. Ayons le courage de l'avouer, vous ne venez donc pas leur
apprendre ce qu'ils savent déjà... »71(*).
Notre culture traditionnelle est un pas qui nous donne de
comprendre beaucoup plus facilement notre relation au Dieu d'amour
révélé en Jésus Christ.
CHAPÎTRE III-
L'ÉVANGÉLISATION DES BWA AUJOURD'HUI
Toute personne humaine est une histoire sacrée du fait
même de son origine divine. Mais en plus de cette origine divine qui
assigne a tout être humain une dignité inaliénable, il y a
aussi la valeur culturelle qui le fait exister dans son milieu. Un être
humain sans culture apparaît donc comme un être sans repères
sociale, morale et même religieuse. Il lui manque de la cohérence
éthique, car la culture constitue la première éducation
intégrale de l'être humain, antérieure à toute autre
connaissance.
L'enracinement culturel du message évangélique
apparaît donc comme une preuve de maturité de notre foi
chrétienne et la condition sine qua nom d'une foi
réellement accueillie et vécue par un peuple. C'est donc à
juste titre que J. GRITTI affirme que celui« qui veut faire le
croyant à l'état pur se retrouve prisonnier de
lui-même »72(*). La culture façonne l'être humain
indépendamment de sa propre volonté, Puisque « le
culturel dans ces puissances mentales comme dans ses dynamiques instinctifs,
l'homme l'est par ses enracinements historiques et ses appartenances sociales.
Il lui est impossible d'échapper à cette seconde nature, à
ce qui précisément le fait homme, lui confère sa
spécificité : la culture»73(*).
Les socio-anthropologues modernes relèvent plusieurs
aspects de la culture parmi lesquels nous retenons deux : l'aspect
pratique et l'aspect symbolique.
L'aspect pratique de la culture concerne les
réalités tangibles ; il s'agit là des
activités et des conduites de la vie sociale tels les outils et les
techniques, les coutumes, les formes d'apprentissage, d'instruction et
d'éducation. Et par aspect symbolique nous désignons tout ce qui
transmet des significations, des valeurs éthiques comportementales entre
les membres d'une même société ou d'une même
communauté clanique : rites, traditions, mythes et langage.
La foi chrétienne est bien culturelle,
inévitablement culturelle, dès lors qu'elle se vit, se pratique,
s'exprime dans les moeurs et mentalités, dans les formes de culture et
de société, dans les langages et symboles, dans les aspirations
et interrogations des époques et des pays ou elle s'implante et se
transmet74(*).
La culture apparaît comme l'outil de fabrication, la
moule de toute personne humaine. Dès lors aucun enseignement ne peut se
comprendre sans qu'on ne fasse recours à la culture, car la culture
constitue les assises de références d'une société.
C'est pourquoi, il importe donc de partir de la culture bo pour transmettre
l'Evangile du Christ pour que celui-ci se sente vraiment concerné et
touché.
Il est donc important et même primordial comme l'exprime
J. ELA de « courir le risque de comprendre le mystère de Dieu
en assumant les questions posées aux Eglises d'Afrique par des hommes
qui se demandent en quoi Dieu les concerne dans les conditions dramatiques ou
ils vivent aujourd'hui. Essayer de montrer que la Révélation de
Dieu en Jésus Christ trouve sa pleine signification en Afrique lorsque
l'Eglise fait mémoire d'un Evangile de libération»75(*). Sur cette lancée
culturelle, l'Eglise découvre la tâche de rencontrer, dans la
diversité des cultures humaines, les symboles qui parlent davantage aux
Bwa, en faisant sans cesse référence à leur culture et aux
valeurs culturelles qui ne sont pas en contradiction avec la Parole de Dieu.
Pour cela, il importe aujourd'hui d'accorder à la
culture bo toute sa valeur, toute sa signification en descendant des hauteurs
intellectuelles pour rencontrer des modes de sagesse, des pratiques et des
parlers quotidiens des Bwa, pour leur rendre la Parole de Dieu accessible dans
les expressions sont les leurs. Car la Bonne nouvelle en retentissant dans le
milieu bo rencontre un langage, des pratiques, des formes d'expressions
religieuses qui constituent la culture de ce peuple. Cette culture bo,
façonnée par des valeurs éthiques, sociales, religieuses
et aussi d'une sagesse quotidienne, ne peut que favoriser la rencontre de
l'homme bo avec le Dieu de la vie, maître de l'histoire humaine, mais
à condition qu'elle se laisse transcender par la vérité de
l'Evangile. La Parole de Dieu vient l'épurer de ce qu'elle peut avoir
d'inhumain et contraire à la loi naturelle et à l'Evangile.
III-1 LA TRADUCTION DE LA PAROLE
DE DIEU DANS LA LANGUE LOCALE, PREMIERE ETAPE DE
L'ÉVANGÉLISATION D'UN PEUPLE
Les premiers chrétiens se demandaient si les mots, le
style et les images prêtées par les quatre
évangélistes au Christ lui furent réellement propres,
c'est-à-dire, propre à son milieu et à sa culture
araméenne ? Même si quelques rares expressions sont retenues
dans les évangiles comme propres au Christ dans le langage local
araméen comme talitha koum (Mt 5,41) ; Ephata (Mt 7,44) ; Eloi
Eloi lama sabachtani (Mt 15, 34), les textes de la Bible utilisent des
expressions et un langage propre à la culture des rédacteurs.
Aujourd'hui les sciences sociolinguistiques et
ethnolinguistiques nous démontrent toute l'importance du langage local
et quotidien dans la compréhension de tout savoir extérieur
à la culture et surtout le rôle social et culturel de la syntaxe
et du lexique.
Pour une culture, la langue représente la base de tout
savoir scientifique. Puisque en dehors des règles de base et des
structures d'une langue, les usages ou la manière locale de la parler,
supportent et manifestent une culture et traduit une mentalité. La
langue d'un peuple est une sorte de synthèse de sa culture et de ses
coutumes.
Les différentes traductions de la Bible en
intégralité dans nos langues locales n'ont commencé que
très récemment.
Le fait de rendre la parole de Dieu accessible à un
peuple dans sa langue constitue les préliminaires incontournables
à toute inculturation, à toute évangélisation. Que
le croyant bo entende Dieu dans les mots et les expressions qui lui sont
propres, est indispensable à la compréhension de ce message et
à son acceptation.
Lorsque nous parlons de l'enracinement culturel de la foi
chrétienne, beaucoup pensent d'abord, à l'introduction du
folklore dans la liturgie ; ceci n'est qu'une minime partie de
l'inculturation. Comment l'homme bo peut-il se sentir réellement
concerné par une Parole qui lui est étrange, transmise dans un
style linguistique qui est bien différent du sien ? En effet, la
préoccupation de l'Eglise en Afrique de faire entendre la Parole de Dieu
dans la langue locale des fidèles chrétiens correspond à
un besoin profond chez tout croyant qui s'efforce d'accorder sa foi et sa
culture dont il est imprégné, pour mieux vivre cette foi. En
plus, chaque croyant, pour le développement de sa vie chrétienne,
est travaillé par le besoin de cohérence entre ce qu'il croit et
son vécu et par là même, devra effectuer la synthèse
personnelle entre sa foi et sa culture. Car la foi qui implique une
décision et un attachement au Christ, n'est ni aveugle ni isolée.
Elle construit le croyant et change sa manière de vivre, de parler et
d'agir. Loin de designer une opération purement intellectuelle, la foi
« n'est pas un choix résigné et défaitiste pour
se consoler de la dureté de l'existence »76(*) comme l'exprime Y. P DIARRA.
Elle se vit et s'exprime dans un témoignage de vie et de relation avec
Dieu et le prochain.
III-2 PROMOUVOIR UNE FOI
CHRÉTIENNE CENTRÉE SUR LE TÉMOIGNAGE DE VIE
Depuis notre tendre enfance, la foi nous a été
souvent présentée au catéchisme comme un don de Dieu que
l'être humain reçoit comme un cadeau, sans aucun mérite de
sa part. Comme une« chose » qui lui viendrait « d'En
Haut » pour s'ajouter à sa nature humaine, la foi
apparaît comme un supplément que certains possèderaient et
d'autres non. Et aussi comme un don qui se recevrait par le baptême et
ferait en sorte qu'un enfant « païen » se transforme
magiquement en chrétien, ayant droit au ciel.
Si nous nous représentons la foi comme elle fut
jadis définie dans les cours de catéchisme, il apparaît
alors qu'elle n'est pas essentiellement pour la vie d'ici-bas, si non elle
ressemblerait à une sorte d'assurance, à un
« self-conduit » pour entrer dans la vie future, une
croyance, pour se réserver un siège au Ciel en attendant sa fin.
Ce qui est bien contestable, car la foi est avant tout, la dynamique qui fait
grandir l'être humain en humanité. Elle est la force qui le fait
marcher et qui ravive son espérance chrétienne. La foi ainsi
considérée, bien que son inspiration dépende de
l'initiative de Dieu, est un bien authentiquement humain puisque
acceptée par l'homme de façon consciente et libre. La foi
authentiquement vécue n'est donc pas un supplément, et toute
expérience de foi doit toujours produire des fruits pour le bien de la
communauté et de toute la société. Comme l'a
exprimé le Cardinal SUHARD dans sa lettre pastorale « Essor ou
déclin de l'Eglise ? » en 1947 lorsqu'il dit
« quand la vitalité religieuse est en recul dans une
société, la vie religieuse se réfugie dans les seuls actes
cultuels ; à l'inverse, quand elle est en progrès, elle se
diffuse, à partir des actes du culte, dans toutes les activités
du chrétien, même les plus profanes en
apparence »77(*). Réaffirmant ainsi le lien indissociable entre
la foi et le vivre quotidien. Pour cela, une promotion de la culture et de ses
valeurs dans l'éducation chrétienne en milieu bo s'avère
plus que nécessaire pour que l'homme bo redécouvre d'avantage ce
à quoi le Christ l'appelle l'aujourd'hui, sa mission dans la situation
sociopolitique et économique qui est la sienne, pour pouvoir y
répondre avec générosité et espérance.
Si nous insistons sur la nécessité de
l'inculturation du message, c'est parce que nous pensons qu'il faut que l'homme
bo se sente concerné et interpellé par le message
évangélique pour qu'il soit à mesure de confesser sa foi
chrétienne par sa vie et ses oeuvres. Car le danger de l'évangile
sans inculturation, c'est la déconnection du vivre quotidien avec la
Parole de Dieu.
Le message évangélique peut paraître
très beau comme le discours d'un grand orateur, mais il faut que ceux
qui l'écoutent se sentent concernés par ce message dans leur
situation présente de misère et de sous-développement,
pour découvrir ce en quoi un tel message répond à leurs
aspirations. Pour cela, il faut qu'il y ait un lien entre ce qui est dit et la
vie de ceux qui écoutent ce message, pour qu'ils puissent en vivre. Ce
qui n'est pas possible si référence n'est pas faite à la
culture, aux coutumes et aux valeurs dominantes de l'auditoire.
III-3 LA PROMOTION DES VALEURS
CULTURELLES TRADITIONNELLES DANS TOUS LES SECTEURS DE L'ÉDUCATION
CHRÉTIENNE
« La rupture entre Evangile et culture est sans
doute le drame de notre époque » disait Paul VI en 1975 dans
son exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi (n°20) ;
soulignant ainsi la difficulté des fidèles chrétiens
à traduire dans leur vivre quotidien le message
évangélique. Avec ces paroles, Paul VI lançait une
invitation à toutes les communautés chrétiennes à
revaloriser les valeurs culturelles locales pour mieux vivre leur foi
chrétienne. De nombreux efforts ont été faits, mais il
importe d'élaborer une stratégie beaucoup plus scientifique
depuis la base, dans le catéchisme et les autres domaines de formation
chrétienne, pour que dès le jeune age, l'initiation
chrétienne ne soit pas un amas de sacrements, mais aussi
d'expérience de vie chrétienne.
L'être humain est inséré dans une
culture ; c'est dire qu'il est pétri de valeurs culturelles qui
fondent sa personnalité et son identité. Il est donc important
que l'inscription de la foi chrétienne dans une culture donnée
soit une priorité dans la formation des individus qui ont accueilli la
foi chrétienne et qui portent en eux une grande soif ; la soif de
comprendre ce qu'ils croient et la soif de traduire ce qu'ils croient dans leur
vivre quotidien. Puisque la culture désigne la manière
d'être d'un groupe humain particulier, avec un ensemble de pratiques des
plus simples aux plus complexes telles la manière de parler, la
façon de s'habiller, de construire, de produire et de s'organiser, bref
la façon de vivre à laquelle s'attache des valeurs importantes
pour le peuple. Elle est en effet ce qui fonde l'identité de
l'être humain. C'est donc la culture qui fonde la particularité
d'un être humain. C'est telle qui fait d'un tel un Bo et non pas un
Bobofing, et qui le diffère d'un Senoufo ou d'un Dogon.
La culture est donc le domaine d'humanisation de l'être
humain qui lui confère une identité propre, elle est donc une
référence morale, sociale ; en ce sens que la culture
« désigne tout ce par quoi l'homme affine et
développe les multiples capacités de son esprit et de son corps,
s'efforce de soumettre l'univers par la connaissance et le travail, humanise la
vie sociale, aussi bien la vie familiale que l'ensemble de la vie civile,
grâce au progrès des moeurs et des institutions, traduit,
communique et conserve enfin dans ses oeuvres, au cours des temps, les grandes
expériences spirituelles et les aspirations majeures de l'homme, afin
qu'elles servent au progrès d'un grand nombre et même de tout le
genre humain» (Gaudium et Spes n°53 § 2).
Aujourd'hui, le défi de l'inculturation doit être
impérativement relevé si nous voulons fonder des
communautés de disciples du Christ. Car le christianisme doit pouvoir
constituer l'identité de ceux qui y adhèrent et cela doit
s'opérer non pas en dehors de leur culture qui fonde leur
personnalité et leur vie, mais à l'intérieur même
des réalités culturelles données. Cela ne peut se faire
sans une formation catéchétique adéquate et
conséquence ; une lourde tâche qui incombe une
responsabilité partagée entre les parents, la communauté
chrétienne et les Pasteurs. Par cette formation on aboutirait à
une inculturation des sacrements. Car la catholicité véritable,
nous dit J. GRITTI, « souhaite et recherche l'accomplissement et non
le dépérissement des cultures, la vie et non la
mort. »78(*). Et
Comme l'exprime Paul VI dans son exhortation apostolique que « la
construction du Royaume ne peut pas ne pas emprunter des éléments
de la culture et des cultures humaines »79(*). Aujourd'hui, « la
réinterprétation des traditions religieuses à la
lumière de l'Evangile et l'intelligence de l'Evangile à la
lumière de ces traditions, nécessaires pour une
évangélisation en profondeur, sont aussi, par elles-mêmes,
un des facteurs du développement »80(*) nous affirme V.CASMAO. Pour
nous dire que l'inculturation réussie peut être un vecteur
d'incitation au développement.
III-3-1 AU NIVEAU DE LA FORMATION
CATÉCHÉTIQUE
Que signifierait une catéchèse qui se situerait
au-dessus ou hors des cultures africaines et qui prétendrait
s'adresser aux africains et aux Bwa que nous sommes?
Il est nécessaire que la catéchèse ne se
fasse plus dans l'impasse des réalités cultures si l'on veut
fonder des communautés réellement chrétiennes,
c'est-à-dire, des communautés de disciples du Christ, de
fidèles témoins (hommes et femmes) de l'Evangile, prêts
à s'engager pour qu'advienne le royaume d'amour et de paix du Christ,
ici et maintenant. Car il n'y a pas de réelle
évangélisation ni d'éveil à la foi
chrétienne, si le catéchète ne prend pas en compte, les
réalités concrètes les individus auxquels le message
évangélique est adressé, tels qu'ils sont. Sinon, on en
viendrait à un encrage véritable avec de vains mots.
Si aujourd'hui nous insistons sur la nécessité
de prendre en compte les valeurs culturelles dans le catéchisme, c'est
parce que la foi chrétienne ne se résume pas à assimiler
les données de la foi ou l'histoire du Salut depuis les origines
jusqu'à nos jours. Et que « la foi elle-même, dans son
contenu, dans les rapports entre Révélation divine et langages
humains détient les raisons profondes de son propre statut
culturel »81(*)
comme l'exprime V. CASMAO. Car, il serait bien difficile de faire comprendre la
Révélation à un Bo, en oubliant ses valeurs culturelles de
jugement, de sa conception de l'Etre Suprême, et des expressions qui
caractérisent sa relation avec le divin et avec le prochain.
Il nous faut donc partir aujourd'hui de la culture bo,
c'est-à-dire, des mentalités, les valeurs dominantes, les types
de comportements du milieu, les critères de jugement, les habitudes qui
s'accordent avec l'Evangile pour recréer l'homme bo, capable de
créativité et d'innovation, s'engageant pour le rayonnement de sa
communauté et de toute la société. C'est dire que dans le
catéchisme, il ne s'agit plus uniquement de «
prêcher l'Evangile dans les tranches géographiques toujours plus
vastes, ou à des populations toujours plus massives, mais d'atteindre et
comme de bouleverser par la force de l'Evangile les critères de
jugement, les valeurs dominantes, les points d'intérêt, les lignes
de pensée, les sources inspiratrices et les modèles de vie de
l'humanité qui sont en contraste avec la Parole de Dieu et le dessein du
Salut »82(*) comme l'exprime Paul VI.
S'agissant du programme du cours de catéchisme et de sa
méthodologie actuelle, il faut reconnaître que nos méthodes
actuelles ne répondent pas véritablement aux genres de
communautés chrétiennes que nous voulons fonder, ni aux genres de
chrétiens dynamiques et engagés dans le destin avenir de notre
continent africain, pour sortir de son drame actuel.
Si nous voulons former aujourd'hui des chrétiens
conscients de leur mission dans le processus de développement du Bwatun,
il faut inévitablement les aider à dépasser cette vie de
foi résignante et passive. On voit par là combien il est opportun
de présenter le christianisme à l'Africain non pas comme un
enseignement technique qu'on donne uniquement au cours de catéchisme,
mais cimme une initiation religieuse, comme l'entrée dans un groupe,
comme la participation à une vie nouvelle, supérieure, qu'on
partage avec d'autres et qu'on vit au milieu d'autres personnes qui ne
partagent pas notre foi.
Les stages de catéchuménat bien qu'ils
s'étendent sur trois à quatre ans, que ce soit la
catéchèse scolaire ou non scolaire, sont souvent des
rassemblements ponctuels de catéchumènes qui se soldent par la
célébration des sacrements, baptême, première
communion ou confirmation. Ce temps de formation s'apparente souvent à
une révision des notions sur le credo catholique. Une telle
méthode ne suffit pas pour leur donner une formation chrétienne
réelle, permettant de grandir dans la foi. Bon nombre de ces
catéchumènes ne se préoccupent point de la formation, ni
de ce à quoi les différents sacrements les engagent dans leur
vivre quotidien, mais plutôt des festivités, des amis (filles et
garçons) que l'individu va rassembler en famille à cette
occasion, ou même de sa tenue de cérémonie.
En plus, les sacrements s'apparentent pour certains
chrétiens à des certificats qui donnent droit à une somme
de choses dans l'Eglise. Ainsi les uns les autres diront que le sacrement de
Baptême donne droit à des funérailles chrétiennes et
le sacrement de confirmation à un mariage religieux dans l'Eglise. Il
s'agit d'une sorte de promotion sociale à laquelle les sacrements font
accéder.
Il importe donc que nos cours de catéchisme ne soient
plus basés exclusivement sur la transmission de savoirs (une doctrine,
une morale, des formules...). Ce ne serait ni efficace ni conforme à
notre perspective d'Eglise Famille de Dieu, où chaque fils ou fille doit
apporter sa pierre de construction.
De nos jours, le fait de transmettre la foi comme un
héritage spirituel, sans proposer des exemples d'expérience de
vie concrète aux nouveaux adhérents, leur permettant d'exprimer
concrètement leur foi à la face du monde, n'est plus conforme
à la vision pastorale de nos Eglises africaines qui veulent former des
chrétiens dynamiques et engagés, responsables dans leur vie de
foi et dans la société. Cette nouvelle approche de la
catéchèse s'inspire du modèle de
catéchuménat des adultes restauré par le Concile Vatican
II, qui veut que nous passions d'une catéchèse d'instruction
unilatérale à une catéchèse davantage axée
sur la foi vécue et pratiquée, et à la vie en Eglise.
C'est donc une invitation à sortir d'une catéchèse
ponctuelle ou événementielle centrée sur des
célébrations sacramentaires (baptême, première
communion, confirmation), pour arriver à une catéchèse
comme cadre d'apprentissage de la vie de foi, de témoignage et d'une
culture chrétienne. A ce niveau il faut impérativement faire en
sorte que la catéchèse ne vise pas seulement l'adhésion
à un contenu de croyances et de valeurs, mais qu'elle soit aussi
centrée sur la personne en marche et son devenir chrétien, qui
permettra aux chrétiens de prendre conscience de sa mission dans sa
communauté et dans la société.
Il a été dit que l'Afrique est
catéchisée et « sacramentalisée » et
non pas encore évangélisée. Et nous constatons que bon
nombre de chrétiens ignorent la Parole de Dieu, parce qu'ils ont
été formés par un catéchisme de
« questions-réponses ».
Heureusement que de nouveaux schémas de
catéchèse centrée sur la Parole de Dieu ont vu le jour
grâce aux efforts des commissions de catéchèse et sont en
train d'être mis en application. De tels efforts sont à encourager
et à poursuivre, si nous ne voulons pas retomber dans les erreurs de nos
devanciers.
Bon nombre des fidèles de nos communautés ont du
mal à comprendre et même à percevoir le sens réel
des sacrements. Il en résulte la nécessité de promouvoir
la catéchèse sacramentaire davantage ressourcée dans la
Parole de Dieu, d'où ils s'originent, pour ne pas perdre de vue la
relation entre l'Evangile et tout sacrement. Il est donc urgent, de faire
comprendre aux baptisés, hommes et femmes, par une formation
catéchétique adéquate et permanente, la dimension
missionnaire des sacrements de l'initiation chrétienne et de tous les
autres sacrements, pour aider les fidèles chrétiens à
être de véritables missionnaires du Christ, des disciples qui
témoignent par un engagement authentiquement
évangélique.
Dans cette perspective, il s'avère nécessaire de
promouvoir toutes les activités permettant aux fidèles
chrétiens de connaître la Parole de Dieu. Et que dans la
perspective de l'Eglise-famille de Dieu, les Communautés
Chrétiennes de Bases (C.C.B) en viennent à s'organiser pour
prendre en charge la catéchèse au niveau des quartiers, des
établissements scolaires et des centres communautaires.
Ce qui fait que beaucoup de fidèles sont
emportés par les sectes qui développent un sens aigu de la
communauté avec une certaine chaleur humaine si forte qu'on souffrirait
d'un manque en quittant la communauté. Beaucoup de fidèles se
sentent faire chemin en solitaire dans le catholicisme. Il faut donc que dans
nos communautés chrétiennes soient mises en place des structures
d'accompagnement des nouveaux chrétiens.
III-3-2 AU NIVEAU DES MOUVEMENTS
D'ACTION CATHOLIQUE (MAC)
S'agissant essentiellement du Mouvement Amis de Kizito, de
la C.E.C (communauté des Elèves Croyants) et du Scoutisme, les
Mouvements d'Action Catholique sont des cadres d'éveil à la foi
et d'apprentissage d'une vie chrétienne engagée et active
à travers les oeuvres de charité. Ce sont également des
cadres d'animation de vocation et ils participent à l'une ou l'autre
activité de la vie paroissiale à travers souvent des animations
liturgiques. Beaucoup d'efforts sont déployés pour que ces
Mouvements participent efficacement et effectivement à la vie
paroissiale.
Aujourd'hui ces mouvements s'apparentent à des
associations de groupe d'âge avec un programme hebdomadaire de rencontre,
pour jouer, s'amuser et causer. Leur dimension chrétienne démunie
d'année en année. Cela est dû au manque de formation des
accompagnateurs de ces mouvements. Car ceux-ci sont très souvent des
volontaires, très souvent de jeunes sans expérience
chrétienne véritable qui ont déjà fait le mouvement
et qui ont accepté d'accompagner volontairement le mouvement à la
demande de la communauté paroissiale. Ils ne reçoivent pas
suffisamment de formation dans ce sens ; juste, au besoin des rencontres
de recyclage. Leur préoccupation, c'est de faire en sorte que beaucoup
de jeunes puissent s'intéresser au mouvement. Ce qui les pousse à
miser davantage sur l'aspect recréation. Et peu à peu, le
mouvement perd son objectif primordial, qui est de donner une éducation
chrétienne aux jeunes.
Or l'objectif primordial de ces mouvements, c'est d'aider les
jeunes à grandir dans la foi et à acquérir une
expérience de vie chrétienne, pour les aider à prendre
conscience de leur rôle et de leur mission de chrétien, d'abord au
sein de leur communauté chrétienne et aussi dans toute la
société. C'est-à-dire, apprendre aux jeunes à
développer les vertus évangéliques, à
témoigner de leur foi chrétienne par de petites actions de
charité ; surtout face à l'avancée grandissante des sectes
et des courants de spiritisme, qui n'épargnent aucune
société.
Il importe aujourd'hui de redynamiser et de redonner sens
à ces mouvements d'action catholique, par un accompagnement beaucoup
plus adéquat pour en faire des cadres d'éducation
chrétienne. Ce qui passe impérativement par la formation des
accompagnateurs et/ou accompagnatrices. Et que toute la communauté
chrétienne s'organise, avec des chrétiens, hommes et femmes,
ayant une certaine expérience chrétienne crédible,
disposés à aider les jeunes à prendre aux sérieux
leur vie de foi et de témoignage, dans l'Eglise et dans la
société.
III-3-3 AU NIVEAU DE
L'ENSEIGNEMENT PRIVÉ CATHOLIQUE
L'enseignement catholique s'est donné comme mission
d'apporter aux jeunes, avenir de notre Eglise et de notre pays, une formation
intellectuelle et humaine digne de ce nom. Il s'est jadis distingué par
la qualité et le niveau encore crédible de ses
élèves. Des grands efforts sont consentis pour que les
élèves soient formés aux vertus du travail bien fait, de
la persévérance, de la discipline et de l'excellence.
En plus, malgré sa non neutralité, l'Ecole
catholique reste un cadre propice au dialogue interreligieux, car elle
accueille des jeunes de toutes confessions religieuses. Ce qui constitue des
valeurs certaines pour la culture de la paix dans notre société.
Ces dernières années, l'Ecole malienne, de
façon générale, traverse de graves crises qui affectent
l'ensemble du système éducatif national. L'Ecole catholique n'est
donc pas en marge de ces crises. Même s'elle n'est pas toujours
concernée par toutes les revendications d'étudiants ou de
professeurs, elle reste pourtant victime des mascarades académiques
auxquelles nous assistons depuis plus d'une décennie au Mali.
L'élite qui a fait une certaine fierté de
l'Ecole catholique, a presque atteint son déclin. Cette élite
composée d'un certain groupe d'éducateurs qui avaient un sens
élevé du travail bien fait, du sacrifice et qui avaient des
compétences intellectuelles crédibles et auxquels l'Ecole
catholique doit tout son prestige, sont pour la plupart, atteints par
l'âge de la retraite ou sont arrachés par la mort. En plus, les
fidèles chrétiens, compétents dans le domaine de
l' éducation, enseignants de formation et qui devraient prendre la
relève aujourd'hui, sont ceux qui, pour la plupart, critiquent
violemment la « trop grande rigueur » de l'enseignement
catholique. Et ils préfèrent se faire embaucher dans
l'enseignement public où ils se voient beaucoup plus libres,
échappant à tout contrôle de
régularité ; libre de mal faire ou même de ne pas
travailler, sans qu'ils se fassent interpeller par un directeur comme ce
pourrait être le cas dans l'Ecole catholique. Le personnel enseignant de
l'enseignement catholique est aujourd'hui d'un certain nombre de
carriéristes sans âmes et sans consciences, qui ont eux aussi
attrapé le virus du monnayage des services et qui ne vont à
l'église que par crainte du « que dirait-on ». Le
métier d'instituteur est devenu un
« métier-refuge » aujourd'hui, pour beaucoup
d'individus. Ce n'est plus ceux qui ont la passion et la capacité
d'enseigner qui sont enseignants, mais, pour la grande majorité, ceux
qui ne voient plus d'autres alternatives de réussites et qui vont s'y
réfugier pour gagner leur « pain », leur vie. La
preuve est que plus de 7/10 étudiants dans les Instituts de Formation de
Maîtres (IFM) sont souvent des rescapés du Secondaire ou du
Supérieur. En plus ces futurs enseignants continuent de souffrir d'une
formation académique et pédagogique au rabais et ne sont plus
que des personnages résignés, aigris et susceptibles. Et quand
s'y mêlent les intrigues de service, l'utilitarisme égocentrique
et l'irresponsabilité des responsables administratifs, il se produit un
effet étouffant et boomerang, pouvant exploser à tout moment au
grand dam des pauvres élèves qu'on voulait pourtant
libérer du joug de l'ignorance. Cela s'appelle du
contre-témoignage.
A ce niveau les agents pastoraux notamment les prêtres,
les religieux et les religieuses ont une grande responsabilité dans
l'avenir de l'Enseignement catholique qui affiche de plus en plus des signes
d'instabilité. Ils sont invités à s'impliquer davantage
dans le domaine de l'éducation qui reste avant tout un domaine
d'évangélisation et de témoignage. Cela ne peut se faire
sans une formation sérieuse en la matière, car de nos jours,
notre société à horreur des amateurs. La volonté et
le zèle ne suffisent plus pour réussir ; il faut
nécessairement une qualification (être un professionnel) dans le
domaine, pour être davantage efficace.
CHAPÎTRE IV- L'EGLISE DE SAN
EN MARCHE VERS SON CENTENAIRE D'EVANGÉLISATION
IV-1 LA JEUNESSE, AVENIR DE NOTRE
EGLISE ET DE NOTRE PAYS
La pastorale des jeunes a toujours été l'une
des priorités majeures de notre Eglise ; Cela ne fait aucun doute,
puisque l'initiation des Journées Diocésaines de la jeunesse
(JDJ) en est une preuve. Ces événements qui ont lieu tous les
deux ans et qui ont déjà fait leurs preuves dans la pastorale des
jeunes sont à soutenir et encourager.
Au delà des efforts fournis au niveau
général, chaque paroisse s'improvise une animation pastorale
spéciale pour sa jeunesse.
A ce niveau, les activités sont diverses. Les uns
organisent des Journées Paroissiales de la jeunesse tous les ans et les
autres, des journées d'amitiés. Certaines paroisses arrivent
également à soutenir des événements artistiques ou
sportifs pour développer les talents des jeunes. Mais, l'aspect
recréation a souvent pris malheureusement le dessus sur l'esprit
évangélique que l'on veut véhiculé à travers
ces activités. Et même si les paroisses ruinent souvent leurs
budgets pour réussir ces événements, il faut
reconnaître que les résultats ne sont pas encore, jusque là
a hauteur de souhait. Ces journées sont certainement des journées
de rencontre, mais il faut reconnaître aujourd'hui, qu'elles sont
davantage des occasions de retrouvailles, d'amourettes entre filles et
garçons ; faute de structuration.
Si nous faisons une évaluation de cette pastorale de la
jeunesse, nous voyons que les paroisses qui s'investissent davantage pour ces
événements, sont très souvent celles qui enregistrent
aujourd'hui plus de filles mères/ élèves-mères ou
de garçons-pères/ élèves-pères. Par
ailleurs, ce sont des jeunes gens ou jeunes filles, mariés ou non
mariés qui s'adonnent à l'alcool, au libertinage sexuel, au vol
et que sais-je encore.
C'est donc la preuve que ces événements manquent
de canalisation et de suivie constante ; et sont donc un fiasco pastoral,
pour qui connaît combien coûte un seul événement de
ce genre à un budget paroissial.
Nous ne minimisons pas les bonnes intentions de cette
pastorale, mais, nous en appelons à plus de responsabilités dans
l'accompagnement de la jeunesse dans nos paroisses. La pastorale de la jeunesse
si elle n'est pas suffisamment élaborée, continuera à
créer encore de des chrétiens, hommes et femmes irresponsables,
pour nos communautés et dans notre société, comme cela
s'est passé avec les générations
précédentes.
L'exemple des jeunes de la Paroisse de Touba qui ont
effectué en 2007 une « marche politique de
protestation » contre la mutation d'un Pasteur, est le signe d'un
manque d'accompagnement responsable de cette jeunesse. C'est la preuve
qu'après plus de vingt Cinq ans de présence Salésienne
à Touba, les jeunes se savent encore ce que c'est qu'un pasteur et
quelle est sa mission. C'est une grande tristesse pour les Pasteurs qui y ont
donné leur vie. Car beaucoup d'efforts sont consentis au niveau de cette
paroisse dans l'accompagnement de la jeunesse. Cela nous permet de nous
interroger sur la pastorale menée dans cette paroisse et même au
niveau général dans le Diocèse.
Beaucoup de fidèles chrétiens (hommes et femmes)
ont encore la nostalgie du Mouvement « Hirimi Hirosi »,
mouvement qui a fait ses preuves, avec une certaine génération de
catéchistes et d'animateurs engagés dans leurs communautés
chrétiennes. Il y a donc lieu de restructurer la Pastorale de la
jeunesse pour que cette jeunesse, avenir de notre Eglise et de notre pays,
puisse cultiver et développer les valeurs. Pour qu'enfin se
réveil à travers cette jeunesse les espoirs d'une Eglise
Diocésaine beaucoup plus rayonnante et d'une société ayant
un niveau de vie un peu plus élevé.
Notre peuple à besoin de jeunes (filles et
garçons) qui ont de l'ambition, Car, l'un des problèmes du
sous-développement des Bwa est le manque d'ambition et l'absence d'une
soif du changement chez les jeunes gens et jeunes filles aujourd'hui.
Le besoin d'une pastorale, qui va aider les jeunes à se
déployer, à s'engager dans de nouvelles dynamiques capables de
rassembler les chrétiens et les chrétiennes dans une nouvelle
volonté de bâtir le monde sur les valeurs culturels et
évangéliques.
IV-2 LA NÉCESSITÉ
D'UNE PASTORALE DE LA CULTURE BO
Il y a juste quelques années, nous reprochions aux Bwa
leur trop grande fermeture et leur sorte de refus orgueilleux des autres
peuples.
Même si aujourd'hui le Bo n'a pas changer ses
manières de manger, de produire, d'enterrer et de pleurer ses morts,
même si sa conception du monde et du progrès non pas
évolué, il faut reconnaître qu'une culture bo reposant sur
les valeurs humaines de l'honnêteté, la discipline et la franchise
tend à disparaître aujourd'hui chez les Bwa.
Cela est dû certainement aux vagues de migrations des
Bwa vers les villes régionales malgré les nombreuses
sensibilisations. Certains villages Bwa sont devenus aujourd'hui des villages
Bambara, car la première langue de communication est le Bambara.
Certains parents préfèrent ne pas apprendre le
Boré à leurs enfants, affichant une sorte de complexe
d'appartenance à ce peuple.
Aujourd'hui nous assistons à une
interpénétration des cultures que facilitent les moyens modernes
de communications et d'échanges. Si nous prenons le cas isolés
des funérailles chez les Bwa, quelles soient traditionnelles africaines
ou même chrétiennes, de nouvelles pratiques se sont
mêlées. Des petits fils confisquent aujourd'hui le corps d'un
grand père défunt ou d'une grand-mère pour demander des
rançons avant sa mise en terre. Certains vous diront qu'il faut faire du
haricot ou du « dègè » (bouillie de mil) le
quarantième jour de la mort d'un parent, et pire encore, certains
exigent la messe de requiem de leur défunt le quarantième jour de
son décès. Ce sont des pratiques qui n'existaient pas chez les
Bwa et qui sont entrées aujourd'hui dans la culture bo en provenance des
peuples voisins.
Aujourd'hui certains enfants de père bo et de
mère bo vous diront qu'ils comprennent Boré, mais qu'ils ne
peuvent s'exprimer dans cette langue. A cette allure, nous assisterons sans
nul doute et en moins d'un quart de siècle, à une mort du
Boré, si de dispositions ne sont pas prises pour préserver la
culture et surtout la langue, comme c'est le cas aujourd'hui du grec et du
latin. Les pasteurs ont une très grande responsabilité dans la
survie de cette culture qui est la leur. La liturgie est un pas, et une
inculturation réussie sera d'un grand apport à ce niveau. Comme
l'exprime V. COSMAO : « le message évangélique ne
peut, en effet, être reçu, intériorisé, sans mettre
en mouvement un travail souterrain de réactivation culturelle des
groupes qui y adhèrent»83(*). Il y a donc un besoin imminent d'une pastorale de la
culture bo, d'avantage élaborée, pour préserver les
valeurs et les richesses culturelles des Bwa.
CONCLUSION DE LA
TROISIÈME
Tous les peuples qui ont accueilli l'Evangile du Christ avant
les Bwa, ont dit, vécu et pratiqué leur foi dans leur propre
culture de façon spontanée et quotidienne, sans avoir au
préalable élaboré une théorie de la rencontre entre
leur foi chrétienne et leur culture.
Attentifs à l'Esprit Saint, ils se sont laissés
transformés par la Parole de Dieu, dans leurs réalités
ordinaires de leur culture. Convaincu de la vérité du message
évangélique, le chrétien travaille à le faire
passer dans sa propre culture. Les chrétiens de toute culture ont
à puiser dans leur propre expérience socioculturelle et
d'unité spirituelle, pour vivre leur foi chrétienne. Cela
nécessite une disponibilité intérieure et une bonne
connaissance de sa culture, de ce qu'elle peut avoir de valeurs et
contre--valeurs. Cet effort interne trouve dans la rencontre des cultures
humaines une exigence et une stimulation constantes, et permet au
chrétien de vivre sa foi dans les réalités
socioculturelles qui lui sont propres et de traduire cette foi dans des actes
concrets, pour son propre épanouissement et celui de sa
communauté de vie.
CONCLUSION
GÉNÉRALE
Quel est le lien entre le message évangélique et
les réalités concrètes de notre monde ? Les
réponses à cette question devisent depuis des millénaires
les chrétiens et influencent encore aujourd'hui leurs approches des
questions sociales, notamment celles liées au développement,
à la promotion humaine. Pour les uns, l'Evangile est avant tout un
message de libération, un message d'évasion hors des
contrariétés, des turpitudes matérielles et des
appétits mondains, pour fixer « l'âme »
à des idéaux eschatologiques plus nobles, dans l'attente pieuse
du retour glorieux du Christ à la fin des temps. Pour les autres, la
proclamation de la vie, de la mort et de la résurrection de Jésus
Christ annonce, au contraire, l'irruption du Règne de Dieu dans
l'histoire de l'humanité ; faisant de l'Evangile un message
d'espérance et de changement pour le plus grand bien de toute
l'humanité. Car l'Eglise est au service de la promotion de l'homme, au
service de son épanouissement, au service de son salut et au service de
l'orientation de son existence. Dans la mesure où c'est pour sauver cet
homme que le Christ s'est incarné et a donné sa vie, tout ce qui
contribue à la libération de l'être humain, à
l'affirmation de la vie en abondance et à l'efflorescence de ses
capacités inventives et de son potentiel créatif pour transformer
le monde et créer une société de bonheur, relève du
ressort de la vocation de l'Eglise. Le développement enviable est pour
nous, cette dynamique de la promotion de l'être humain dans toutes ses
dimensions d'humanité, ses dimensions physique, morale, spirituelle,
politique, économique, sociale et culturelle.
« L'Eglise existe pour
évangéliser »84(*) affirme Paul VI dans son Exhortation Apostolique
Evangelii Nuntiandi. Paul VI invitait tous les fidèles
chrétiens, hommes et femmes, à faire le lien entre la
présence active de l'Eglise dans le monde et sa mission
d'évangélisation. La transformation des réalités
humaines par la force de l'Évangile, témoignée par des
hommes et des femmes fidèles au Christ sauveur, a toujours
été un défi pour nos Eglises locales. L'annonce de
Jésus Christ, Bonne Nouvelle de salut, d'amour, de justice et de paix,
ne trouve pas facilement accueil dans le monde d'aujourd'hui
dévasté par les guerres, la misère et les injustices de
tout genre. Annoncer le Christ c'est susciter une prise de conscience de
l'état du délabrement moral et spirituel dans lequel l'homme se
trouve en vue d'un changement radical et salvateur des mentalités et de
toutes les contre-valeurs culturelles hostiles à l'épanouissement
de l'humanité. Car cette promotion humaine ne se définit pas en
termes de monde à conquérir mais d'homme à reconstruire.
Et la promotion humaine n'a de sens que s'elle l'homme libère de son
ignorance tous azimuts pour le faire vivre à hauteur d'homme, entendu
comme « image de Dieu » (Gn1, 27). D'où le
rôle sacré de l'Eglise de réveilleur et de mobilisateur des
consciences en vue de la construction d'un type d'homme capable de conduire
avec efficacité les projets de développement.
Cependant, L'Eglise s'est rendue compte que le Christ qui est
la Parole révélée, ne s'est pas contenté de la
prêcher sans en même temps prendre le soin d'assurer sa
réalisation pratique dans le quotidien des hommes à travers des
actes ponctuels de soulagement de leurs misères et de tous leurs maux.
Notre monde a donc besoin de la foi qui sauve, de l'espérance qui
éclaire et de la charité qui aime, à travers des hommes et
des femmes plus que jamais engagés pour qu'advienne le règne de
Dieu dans une société plus humaine et plus digne de l'être
humain.
Mais, de nombreuses communautés chrétiennes
à tendance spiritualiste ont refusé la problématique du
développement comment tâche du chrétien. Faisant de la
seule annonce de l'Église et de la proclamation de Jésus Christ
le centre de son message, elles ont orienté leurs actions vers
l'au-delà en refusant les enjeux sociopolitiques par une
interprétation extra-mondaine de la foi et de l'espérance
chrétienne. C'est pourquoi, un christianisme de réflexion sur la
promotion de l'homme et de sa dignité s'est affirmé avec vigueur
par les Pères de l'Église et plus tard, avec beaucoup plus de
fermeté dans l'enseignement social de l'Eglise de diverses
manières par les encycliques, notamment la célèbre
encyclique publié par le Pape Paul IV, Populorum Progressio,
orienté dans le sens de la promotion intégrale de la personne
humaine et des sociétés, et au Concile Vatican II.
La mission de l'Eglise n'est donc pas uniquement et
unilatéralement une première annonce kérygmatique (la
passion, la mort et la résurrection du christ) de l'Evangile. C'est
porté le message du Christ dans les réalités sociales et
historiques des hommes d'aujourd'hui afin qu'il les transforme et les
renouvelle grâce à sa puissance de sanctification. Car c'est
« le propre de l'Evangile de pénétrer tous les tissus
de l'existence et de les irriguer d'un sang toujours neuf »85(*) comme l'exprime J. RIGAL.
D'où cette interpellation à l'égard des
fidèles chrétiens (hommes et femmes) à être plus
conscients de leurs responsabilités dans la vie de leurs
communautés chrétiennes et dans l'avenir du Pays. Car le Christ
rejoint chaque personne dans sa situation sociale individuelle et
communautaire. C'est également une invitation à comprendre que la
responsabilité de l'annonce de l'Evangile n'est plus l'affaire des seuls
pasteurs, l'hiérarchie de l'Eglise, mais une charge qui implique tous
les chrétiens. Le salut libérateur qu'apporte le Christ à
tout homme et à tous les hommes, surtout aux plus pauvres, aux
opprimés et aux nécessiteux, fait prendre conscience du lien
indissoluble qui existe entre l'Evangélisation et l'action pour la
promotion humaine et intégrale de l'être humain et de tout
être humain.
L'être chrétien chez les Bwa consiste aujourd'hui
à prendre une part active dans le combat de l'Eglise contre
« les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres
surtout et de tous ceux qui souffrent »86(*), afin de transformer la terre
en une demeure digne de l'homme, afin de rendre tous les hommes et femmes,
participants du royaume de Dieu, rendu présent en Jésus Christ,
ici et maintenant.
Le chrétien bo est invité à vivre
intensément l'idéal évangélique dans son lieu de
travail, et à revaloriser sa foi chrétienne, dans tout ce qu'il
peut faire de bien pour sa société sans tomber dans la violence
du prosélytisme. Car Le salut libérateur qu'apporte le christ
appelle tous les hommes à une véritable révolution, un
changement de coeur pour témoigner de l'amour et de la charité
à travers la plus belle manière de rendre service au prochain.
Mais l'amour ne peut avoir toute sa signification s'il ne s'incarne dans des
actions concrètes, s'il n'anime pas tous les efforts et toutes les
luttes pour plus de justice, pour une libération intégrale de
l'être humain. Et l'activité politique est citée parmi ces
meilleures possibilités d'aider la société humaine
à se construire humainement, à s'humaniser davantage.
C'est pourquoi nous avons voulu redonner à l'action
chrétienne toute sa valeur, valeur qui avait été longtemps
blâmée par de nombreux chrétiens (hommes et femmes) au
profit d'un spiritisme eschatologique centré uniquement sur la vie
à avenir dans l'au-delà. Car, nous pensons que si la foi
chrétienne n'a pas pu aider l'homme Bo à se mettre debout pour
changer sa situation sociopolitique et économique, comme sur d'autres
terres, c'est parce que celui-ci a eu du mal à établir le lien
pourtant indissociable entre sa quête de Dieu et l'engagement mondain
pour le bien de tous, au nom du sacrifice d'amour du Christ sur la Croix. Il
nous a paru opportun de « redonner toute sa valeur au monde d'ici-bas
auquel le christianisme négrier n'a jamais accordé d'importance
pour les africains dans la mesure où le bonheur ne leur était
promis que dans l'au-delà »87(*) comme l'exprime J. ELA. Car, dans les situations
inhumaines et dramatiques de la misère, de l'oppression, de la famine et
de maladie, il n'y a plus de salut sans la réintégration de
l'homme dans toute son identité qui est corps et âme. Une
promotion qui consistera donc pour l'homme bo en une transformation profonde
des réalités socioculturelles et politico-économiques,
dans leur globalité et leur complexité pour les Bwa et par les
bwa eux-mêmes. Le chrétien bo est plus que jamais attendu à
ce niveau par ses frères et soeurs, surtout les plus pauvres. Mais pour
que cela soit possible ou même envisageable, il faut qu'il y ait au
niveau des populations à la base, des communautés
chrétiennes, des paroisses, des groupes et associations locales, une
transformation profonde et véritable des mentalités. Afin qu'il
n'y ait plus d'attentisme et de passivité, plus de faux-fuyants, de
renvoi de la responsabilité personnelle et collective à des
forces politiques, économiques ou mystiques occultes. Tous, hommes et
femmes, doivent prendre la responsabilité personnelle et collective, de
leur implication dans l'édification de leur société, en
cessant d'être uniquement théoriciens, consommateurs et
commentateurs, pour enfin devenir des acteurs et des décideurs de leur
propre sort. Car le royaume de Dieu que le chrétien bo est invité
à annoncer, est donc la vie sur la mort, la lumière de la
vérité sur les ténèbres de l'ignorance et du
mensonge.
L'Eglise locale à un rôle considérable
à jouer par rapport au changement de mentalités. L'Eglise
prêche, éduque et catéchise, mais elle est aussi capable de
mobiliser autour d'expériences, et par ses structures sociales, de
promouvoir par de projets concrets, afin de restaurer l'envie du
développement chez les Bwa. C'est là que pourront
véritablement s'élaborer des mentalités nouvelles,
purgées de tout fatalisme, capables d'entreprendre un changement social
en profondeur pour la plus grande gloire de Dieu et le salut intégral de
l'homme bo.
BIBLIOGRAPHIE
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III- THESES
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Bwa avant et après l'indépendance du Mali (1888-1988),
gratuité de l'Evangile et responsabilité de l'Eglise,
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2- Idem, Le christianisme et la libération des Bwa du
Mali, quelle religions pour quel homme. Thèse pour l'obtention du DEA en
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3- DIARRA Sì'ìã
Cyriaque, « Faites ceci en mémoire de moi »
(Lc22, 19b), pour une herméneutique Bo du « Touto».
Thèse en vue de l'obtention du Doctorat en théologie biblique,
Abidjan, Février 2001, 326p.
IV- MEMOIRES
1- DIARRA Jean Baptiste, l'engagement politique du
chrétien au Mali, mémoire de fin d'études au GSSA de
Samaya, Mai 1993, 48p.
2- DEMBELE Joseph, le nom traditionnel et le nom chrétien
chez les Bwa, ( une étude anthropologique et théologique),
Institut Catholique de Paris, Mémoire de Maîtrise en
théologique, Juin 1997, 128 p.
3- KONE Pierre, Baranyini, mon frère, Exode rural des
jeunes du Bwa-tû et pastorale des migrants du diocèse de San
(Mali), mémoire de fin d'Etudes, GSK, 1989, 69p.
4- SANOU Jean Baptiste, l'Evangélisation comme oeuvre de
développement en Afrique, mémoire de fin d'Etudes au GSSA de
Samaya, Avril 1993, 55p.
V- REVUES
1-Document de travail pour le Synode des évêques,
Vocation et Mission des laïcs dans l'église et dans le monde 20 ans
après Vatican II, présentation de Gastro Piétri, Paris,
Centurion, 1987, 70p.
2- Lumen Vitae, Revue Internationale de la formation religieuse,
Volume XXI, 1966, n°4
3- Lumen Vitae, Revue Internationale de la formation religieuse,
Volume XLIII, 1988, n°2
4- RUCAO, Personne humaine et crise de la société
en Afrique, sortir de la crise, Abidjan, 2003, n°18
5-Catéchèse, Inscrire la foi dans notre culture,
Janvier 1989, n°114
TABLE DES
MATIERES
DEDICACE
2
REMERCIEMENTS
3
CARTE I
4
CARTE II
5
INTRODUCTION GÉNÉRALE
6
1-MOTIVATIONS PASTORALES
7
2-MOTIVATIONS THÉOLOGIQUES
9
3- PROBLÉMATIQUE
11
4- HYPOTHÈSES
14
5- L'ÉTAT DE LA QUESTION
15
6- L'ORIGINALITÉ DE LA QUESTION
16
7- DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE
16
PREMIERE PARTIE
18
CHAPÎTRE I- PRÉSENTATION DU BWATUN
« PAYS DES BWA »
19
I-1 SITUATION GÉOGRAPHIQUE
19
I-2- SITUATION HISTORIQUE
19
I-3- L'ANTHROPOLOGIE BO
20
I-3-1- L"ETHNIE
20
I-3-2 LA LANGUE
20
I-3-3 LA SOCIÉTÉ
20
I-3-4 LA CONCEPTION DE L'UNIVERS
21
I-4 LA CONCEPTION DU PROGRÈS SOCIAL CHEZ LES
BWA
22
CHAPÎTRE II- L'ÉVANGÉLISATION
DU BWATUN
23
II-1 LE CONTEXTE SOCIOPOLITIQUE ET
ÉCONOMIQUE DES BWA AVANT «L'INVASION » MISSIONNAIRE
23
II-1-1 LA CRISE GÉNÉRALE A L'AUBE DE
L'EVANGÉLISATION
23
II-1-2 LA RÉVOLTE DE 1916 AU BWATUN
24
II-1-3 L'IMPLANTATION DE LA MISSION DE
MANDIAKUY
25
II-1-4 LA DIFFICULTÉ DES NOUVEAUX
ADHÉRENTS À LA « NOUVELLE RELIGION »
25
II-1-5 LA SÉCURITÉ DE LA RELIGION DU
MISSIONNAIRE BLANC
26
II-1-6 LA POLITIQUE SOCIALE DU CATHOLICISME CHEZ
LES BWA
28
II-2 LE RÔLE DE L'EGLISE DANS LA SITUATION
SOCIOPOLITIQUE ET ÉCONOMIQUE ACTUELLE DES BWA
31
II-3 L'EGLISE LOCALE ET SES oeUVRES SOCIALES
31
CHAPÎTRE III- LES ORGANISMES D'AIDE AU
DEVELOPPEMENT DES BWA
32
III-1 CARITAS/SAN
32
III-2 LES ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES
(ONG)
34
III-2-1 LA MISSION PROTESTANTE
35
III-2-2 MALI- AQUA-VIVA
35
III-2-3 SOS SAHEL (SAVE OUR SOUL- SAHEL)
35
III-2-4 WORD VISION INTERNATIONAL (VISION MONDIALE
BWATUN)
36
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE
37
DEUXIEME PARTIE
38
CHAPÎTRE I- LES FONDEMENTS SCRIPTURAIRES DE
L'AGIR SOCIAL DU CHRÉTIEN
39
I-1- DANS L'ANCIEN TESTAMENT
40
I-2 DANS LE NOUVEAU TESTAMENT
44
I-3 L'ENSEIGNEMENT SOCIAL DES PÈRES DE
L'EGLISE
50
CHAPÎTRE II- LA DOCTRINE SOCIALE DE
L'EGLISE
53
II-1 L'ÊTRE HUMAIN, BUT DE LA DOCTRINE
SOCIALE DE L'EGLISE
55
II-2 LA DOCTRINE DE LA PROMOTION HUMAINE
58
II-3 LA DOCTRINE DE LA STABILITÉ SOCIALE
59
II-4 L'AGIR SOCIAL COMME PARTICIPATION À LA
MISSION DE L'EGLISE
61
II-5 L'AGIR SOCIAL COMME EXIGENCE DE FOI
CHRÉTIENNE
63
CHAPÎTRE III- LA PROMOTION HUMAINE À
LA LUMIÈRE DU RÉCIT DE LA CRÉATION (GN1, 26-2)
64
III-1 LA MISSION DE L'HUMANITÉ AU CoeUR DE
LA CRÉATION
64
III-2 LES IMPLICATIONS SOCIALES DU RÉCIT DE
LA CRÉATION (GN1, 26-2)
69
III-3 LA VALEUR INESTIMABLE DE TOUT HOMME AUX YEUX
DE DIEU
70
III-4 L'INTENDANCE DE L'HOMME DANS LA
CRÉATION
72
III-5 L'UNIVERSALISME DE LA MISSION DE L'HOMME DANS
LE MONDE
74
CHAPÎTRE IV- L'ACTUALISATION DU MESSAGE DE LA
CRÉATION CHEZ LES BWA, AUJOURD'HUI 78
IV-1 LA PLANIFICATION DE LA SAINTETÉ DANS LE
LABEUR QUOTIDIEN
78
IV-2 L'ENGAGEMENT POLITIQUE, DYNAMIQUE DU
TÉMOIGNAGE DE FOI
80
IV-3 L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE DU
CHRÉTIEN COMME EXIGENCE DE LA MISSION DE L'HOMME DANS LA
CRÉATION
84
IV-3-1 LA LÉGITIMITÉ DES BIENS
TEMPORELS DU CHRÉTIEN
86
IV-3-2 MAMMON, UN BON SERVITEUR, MAIS UN MAUVAIS
MAÎTRE
87
CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE
91
TROISIEME PARTIE
92
CHAPITRE I- LA CULTURE TRADITIONNELLE AFRICAINE BO
ET SON ÉTHIQUE SOCIALE
93
I-1 LA CULTURE BO, UNE CULTURE DE LA
COMMUNAUTÉ CLANIQUE
93
I-2 LA CULTURE BO, UNE CULTURE DU
« SECRET »
94
I-3 LA CULTURE BO, UNE CULTURE DU
« CONSERVATISME »
94
CHAPÎTRE II- LES EXIGENCES FONDAMENTALES,
INDISPENSABLES AU PROGRÈS SOCIAL
96
II-1 LES CONFLITS SOCIAUX ET LEURS IMPACTS SUR LE
DÉVELOPPEMENT
96
II-2 LE SENS PERDU DE LA VALEUR
DU « SACRÉ » CHEZ LES BWA
98
CHAPÎTRE III- L'ÉVANGÉLISATION
DES BWA AUJOURD'HUI
100
III-1 LA TRADUCTION DE LA PAROLE DE DIEU DANS LA
LANGUE LOCALE, PREMIERE ETAPE DE L'ÉVANGÉLISATION D'UN
PEUPLE
101
III-2 PROMOUVOIR UNE FOI CHRÉTIENNE
CENTRÉE SUR LE TÉMOIGNAGE DE VIE
102
III-3 LA PROMOTION DES VALEURS CULTURELLES
TRADITIONNELLES DANS TOUS LES SECTEURS DE L'ÉDUCATION
CHRÉTIENNE
104
III-3-1 AU NIVEAU DE LA FORMATION
CATÉCHÉTIQUE
105
III-3-2 AU NIVEAU DES MOUVEMENTS D'ACTION
CATHOLIQUE (MAC)
108
III-3-3 AU NIVEAU DE L'ENSEIGNEMENT PRIVÉ
CATHOLIQUE
109
CHAPÎTRE IV- L'EGLISE DE SAN EN MARCHE VERS
SON CENTENAIRE D'EVANGÉLISATION
111
IV-1 LA JEUNESSE, AVENIR DE NOTRE EGLISE ET DE
NOTRE PAYS
111
IV-2 LA NÉCESSITÉ D'UNE PASTORALE DE
LA CULTURE BO
112
CONCLUSION DE LA TROISIÈME114
CONCLUSION GÉNÉRALE
115
BIBLIOGRAPHIE
119
TABLE DES MATIERES
122
* 1 Jean Paul II, le message
de Puebla, Edit. du Centurion, Paris 1979, p.60
* 2 L. J LEBRET, Dimensions
de la charité, Lyon 1958, Editions Ouvrières, p. 41
* 3 Mt19, 23-24
* 4 Mt 6, 19-24
* 5 J.Tanden DIARRA, Etats,
Eglises et Sociétés, les Buwa, les mécanismes
oubliés d'une marginalisation, Bamako,EDIM-SA, 2007 p.68
* 6 Idem, p.67
* 7 J.CAPRON, Sept Etudes
d'ethnologie bwa, Burkina Faso, 1957-1987, Université
François Rabelais de Tours, Mémoire du laboratoire
d'anthropologie et de sociologie, n°1, 1988, p. 50
* 8 Terme désignant
les bwa et aussi les Bobo
* 9 D Y P. DIARRA, la
Mission Catholique auprès des bwa avant et après
l'Indépendance du Mali, Paris, Juin 1992, Tome I p.38
* 10 J. Roger de
BENOIST, les Relations entre l'Administration coloniale et les Missions
Catholiques, au Soudan français et en Haute Volta, De1885 à 1945,
Paris, Tome I p.370
* 11 N. BONI,
Crépuscule des temps anciens, Présence Africaine, in
Y.D. P. DIARRA, la Mission Catholique auprès des bwa du Mali
(1888-1988, Gratuité de l'Evangile et Responsabilité de
l'Eglise, Paris, Juin 1992, Tome I p.142
* 12 Y.D. P. DIARRA, la
Mission Catholique auprès des bwa du Mali (1888-1988,
Gratuité de l'Evangile et Responsabilité de l'Eglise, Paris, Juin
1992, Tome I p.167
* 13 Ibidem, p.62
* 14 J. GRITTI,
l'expression de la foi dans les cultures humaines, Paris, Centurion
1975 p.19
* 15 J.Tanden DIARRA,
Etats, Eglises et Société, les BUWA, les
mécanismes oubliés d'une marginalisation, Bamako, EDIM-SA
2007 p.13
* 16 L. J LEBRET,
Dimensions de la charité, Lyon 1958, Editions Ouvrières,
p.153
* 17 Idem, p.15
* 18 Gn1, 27
* 19 J.ELA, Repenser la
théologie africaine. Le Dieu qui libère, Paris, Karthala,
2003, p.224
* 20 Dt 6,4
* 21 Is 58,7-8.10
* 22 Ex3, 17
* 23 Pr22, 22-23
* 24 Ps116, 3-8, 15, 17
* 25 Ps146,6-9 ;1o,18 ;
103,6,14 ; 107,9,14-16 ; 68,7 ; 145,14 ; 42,7
* 26 Ela J., op. cit p.227
* 27 ibidem p.211
* 28 C. MUNIER, l'Eglise
dans l'empire romain (IIè et IIIè siècles), Eglise et
Cité, Paris, Cujas, 1979, p.73 in R. Coste, Pas de pauvre chez toi,
la pensée sociale de l'Eglise, Paris, Nouvelle Cité, 1984
p.77
* 29 R. Coste, Pas de
pauvre chez toi, la pensée sociale de l'Eglise, Paris 1984,
Nouvelle Cité, p. 78
* 30 Trad. H.-I. MARROU,
«sources chrétiennes», n°33, p. 65 in A. Hammam, pour
lire les Pères de l'Eglise, Paris 1991, Cerf, p.26
* 31 ST Augustin, De
moribus Ecclésias (XXX, 63) in R. Coste, Pas de pauvre chez
toi, la pensée sociale de l'Eglise, Paris, Nouvelle Cité,
1984 p.78
* 32 Gaudium et spes n°40
§3
* 33 J.JULIEN, Le
chrétien et la politique, Tournai, Desclée, 1963, p.199
* 34 Gaudium et Spes n°40
§3
* 35 Gaudium et Spes
n°25
* 36 Gaudium et Spes
n°1
* 37 Novo Millenio Ineute
n°58
* 38 Gaudium et Spes n°41
§2
* 39 Gaudium et Spes n°63
* 40 Ecclésia in Africa
n°69
* 41 Gaudium et Spes
n°3
* 42 Centesimus Anno
n°54
* 43 Mt 28,19-20
* 44 Documentation catholique
102 (2005), p.553
* 45 Ecclésia in Africa
n°69
* 46 Gaudium et Spes
n°45
* 47 Rerum Novarum n°34
* 48 Rerum Novarum n°19
* 49 Rerum Novarum n°19
* 50 Jean Paul II, Allocution
au Bourget, 1er Juin 1980, Documentation Catholique, n°1788 (Juin 1980),
p.586
* 51 Jean XXII, Pacem in
Terris, 11 Avril 1963
* 52 Evangelii Nutiandi
n°29
* 53 Apostolat des Laics
n°7
* 54 1 BOULET A.,
Création et rédemption (Chambray 1995) p. 39. Sr JEANNE D'ARC,
Chemins à travers la Bible p. 75: " Toute chose est
faite par Dieu belle et bonne. Il faut souligner l'optimisme foncier de cette
perspective".
* 55 2 SPICQ C., "eijkwvn ",
Lexique théologique du Nouveau Testament (Paris 1991) p.
429-431.
* 56 Lumen gentium n°
49
* 57 M. Weber, l'Ethique
protestante et l'esprit du capitalisme, Paris, Plon, 1964, p.197
* 58 J. AUBERT, Vivre en
chrétien au XXè siècle, tome 2eme, l'engagement du
chrétien, sexualité, l'économie, la politique, Paris,
Salvador, 1977 p.160
* 59 R. COSTE, Les
communautés politiques, Paris, Cerf, 2000, p.156
* 60 Jean Paul II,
Homélie de la messe pour la justice et la paix, Cathédrale de
Brazzaville, 05 Mars 1980
* 61 62 J. Marc
ELA, Repenser la théologie africaine, le Dieu qui
libère, Paris, Karthala, 2003 p.83
* 63 J. GRITTI,
l'expression de la foi dans les cultures humaines, Paris, le
Centurion, 1975, p.7
* 64 J.JULIEN, Le
chrétien et la politique, Tournai, Desclée, 1963, p.199
* 65 J.T DIARRA, Etats,
Eglises et Société, les Buwa, les mécanismes
oubliés d'une marginalisation, Bamako, EDIM-SA, 2007 p.67
* 66 J. Ellul, L'homme et
l'argent, Presses Bibliques Universitaires, Lausanne 1954, p.65
* 67 Ici nous voulons par les
termes riches, ceux qui ont de quoi se nourrir et de quoi se vêtir tous
les 12 mois de l'année. A ceux-ci on ajouterait ceux qui
détiennent quelques têtes de bovins et de caprins.
* 68 En fait, les
fétiches propres sont des autels de communication avec les
ancêtres et les esprits de la nature. Ceux-ci n'ont pas de porté
néfaste, ils peuvent porter des effets correctionnels de la par des
ancêtres en cas d'infraction à la coutume.
* 69 En général,
le savoir faire d'une communauté est considéré comme un
bien de la famille et ne doit en aucun cas être transmis en dehors cette
famille. Car ces connaissances sont considérés comme l'expression
de la puissance familiale et doit, pour cette raison, être
conservé orgueilleusement.
* 70 Chez les Bwa, l'abandon
des pratiques traditionnelles culturelles et religieuses est
considéré comme une sorte de trahison, d'apostasie.
* 71 Extrait de la
communication du ministre Belge des colonies, J. RENQUIN, en 1920 avec les
premiers missionnaires catholiques du Congo. Sources: L'avenir colonial Belge,
Bruxelles, 30, Octobre, 1921
* 72 J. GRITTI,
L'expression de la foi dans les cultures humaines, Paris, le
Centurion, 1975 p.19
* 73 Idem, p. 20
* 74 Cf. commentaire du
cours
* 75 J. ElA, Repenser la
théologie africaine. Le Dieu qui libère, Paris, Karthala,
2003, page de garde.
* 76 D Y P. DIARRA, la
Mission Catholique auprès des bwa avant et après
l'Indépendance du Mali, Paris, Université de Paris-Sorbonne,
Juin, 1992, Tome II p.542
* 77 Cardinal SUHARD dans sa
lettre pastorale « Essor ou déclin de l'Eglise ? » en 1947
* 78 J. GRITTI,
l'expression de la foi dans les cultures humaines, Paris, le
Centurion, 1975, p.138
* 79 Paul VI, Evangelii
Nuntiandi, n°20
* 80 V. COSMAO, Changer le
monde une tâche pour l'Eglise, Paris, Cerf, 1979, p.104
* 81 Idem, p.98
* 82 Evangelii Nuntiandi
n°19
* 83 V. COSMAO, Changer le
monde une tâche pour l'Eglise, Paris, Cerf, 1979, p.104
* 84 Paul VI, Evangelii
Nuntiandi n°14
* 85 J. RIGAL, le courage
de la mission, Paris, Cerf, p.10
* 86 Gaudium et Spes
n°1
* 87 J. ELA, Repenser la
théologie africaine, le Dieu qui libère, Paris,
Karthala, 2003 p.81
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