3. La nécropole mérovingienne
L'organisation, la disposition spatiale des sépultures
et des différents pôles de cette petite nécropole ont
été en partie détaillée dans la première
partie du mémoire, nous nous attarderons donc ici plus
particulièrement sur les pratiques funéraires mises en oeuvres au
sein de celle-ci.
3.1. Pratiques funéraires
Le groupe mérovingien présent au sein de la
nécropole peut sommairement être scindé en deux : les
sépultures présentes à l'intérieur du
bâtiment et toutes celles à l'extérieur. Ces deux zones
funéraires se distinguent sur plusieurs aspects :
- - le type de sarcophage utilisé. Cette
différenciation se base sur la morphologie
des cuves, le matériau utilisé, ainsi que la
technique de taille des sarcophages.
- la présence ou non de mobilier.
- le nombre et le mode de dépôts des
défunts.
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L'intérieur de l'édifice abrite exactement 11
tombes dont une grande majorité est représentée par des
sarcophages. Fabriqués en calcaire coquiller, ces sarcophages
trapézoïdaux qualifiés de type 1 ou de « Bordeaux
» (Cartron et Castex 2006), se divisent en deux types de décors.
Dans la majorité des cuves, un riche mobilier comprenant plaques boucle,
boucles de chausse et autre est associé au défunt. Selon les
auteurs, les individus enterrés dans ce bâtiment rectangulaire
constitueraient un groupe sélectif d'inhumations plus prestigieuses. En
témoigne en particulier un sarcophage (sep 014), contenant une femme
d'âge entre 20 et 29 ans qui se distingue par la présence d'une
bague en or massif datant du IIIe --IVe siècle. Cet espace
funéraire constituerait une petite nécropole aristocratique
familiale du haut Moyen Âge (Cartron et Castex 2009). Le bâtiment
pourrait correspondre plus particulièrement à une
mémoria, c'est-à-dire à un monument
funéraire en relation avec la mémoire d'un groupe d'individus.
Toutefois, il semble difficile d'y attester un culte chrétien (Cartron
et Castex 2006).
Concernant le nombre et le mode de dépôt des
défunts au sein de ces sarcophages ; seul
deux d'entre eux semblent avoir fait l'objet de
dépôts primaires individuels (sep 013 et 014) perturbés
postérieurement. Les autres sarcophages de l'édifice, semblent
quant à eux avoir fait l'objet de réutilisations avec
superposition d'un seul individu associé à quelques manipulations
d'ossements pratiquées sur le 1 er inhumé. Notons que
le mauvais état général de certains individus
retrouvés au sein de ces sépultures réutilisées,
n'a pas permis de diagnose sexuelle et d'estimation fiable de l'âge. En
conséquence, aucun regroupement fondé sur ces critères n'a
été mis en évidence.
La mémoria, se compose majoritairement
d'adultes, mais abrite néanmoins deux sépultures individuelles
d'immature. Contrairement aux adultes, aucun mobilier n'est associé
a ces enfants, inhumés dans ce qui pourrait être un
contenant en bois.
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La nécropole entourant l'édifice comporte une
quarantaine de sépultures. Ces tombes, plus ou moins regroupées
en pôle aux quatre points cardinaux de l'église, semblent se
démarquer de celles retrouvées pour la même période
à l'intérieur du bâtiment. Ces sépultures, des
sarcophages mais aussi des coffrages en bois et des cercueils, ne contiennent
que très
rarement du mobilier. L'unique exception étant un
sarcophage isolé situé à l'Est du bâtiment
ou une fibule a été mis au jour au coté
du défunt. Cet unique mobilier ainsi que les datations C14 sur les
ossements permettent de dater l'installation de ces tombes au milieu du VIIe
siècle (Cartron et Castex 2006).
Au sein de cet ensemble, un nouveau type de sarcophage,
qualifié de type deux est retrouvé dans la partie ouest. Dans ce
secteur, les sarcophages sont taillés dans un calcaire blanc et fin et
semblent former un groupe assez homogène et différent de ceux du
type 1. Au sud ainsi qu'au nord du bâtiment, quelques sarcophages sont en
calcaire coquiller mais il semblerait que seul deux d'entre eux (sep 092 et sep
093) soit assimilable à ceux de la mémoria, de par le
matériau et la technique de taille utilisée. Les sarcophages au
sud et à l'est de la nécropole n'ont pas pu être
rapprochés d'un des deux types car mal conservés, ou encore non
fouillés. Certains d'entres eux pourraient également appartenir
à un troisième type. Les
sarcophages de la zone extérieure ont, pour une grande
majorité, été réutilisés. Parmi eux, on
observe des cas de superpositions avec quelques manipulations
d'ossements (sep 092, 094 et
169), des cas de superpositions multiples (jusqu'à 4
individus) accompagnés de réductions pour les
sépultures du secteur ouest (sep 170, 171, 172) et quelques
regroupements
d'ossements issus de gestes indéterminés. Les 17
autres sépultures en contenant en bois ne semblent pas avoir fait
l'objet de réutilisation (Gleize 2006).
La position des individus lors de leur dépôt a pu
être en grande partie reconstituée. Il semblerait que la
majorité des individus, à l'intérieur comme à
l'extérieur de l'édifice, ait été couchée
sur le dos, les membres inférieurs en extension. Dans les cas, ou elle a
pu être déterminée, la position des avants bras est basse,
le long du corps ou ramenée vers le bassin ou l'abdomen. Quelques
exceptions confirment néanmoins la règle ; certains jeunes
enfants peuvent être retrouvés en position foetale, comme dans le
cas des sépultures 210 et 170, mais il serait cependant imprudent de
rapprocher ces deux cas. L'individu de la sépulture 217 se
démarque également par la position de ces pieds, semble t-il
croisés.
Dans plusieurs cas, les observations taphonomiques ont permis
d'émettre l'hypothèse de l'existence de brancard (sep 122) ainsi
que des supports en matière périssable sous la tête (sep
191).
La plupart des jeunes enfants sont retrouvés en
dépôt primaire individuel dans des contenants en bois, ainsi que
nous avons pu l'observer à l'intérieur de l'édifice (sep
210, 243 et 217). Cependant, seul l'un d'entre eux, un périnatal
retrouvé dans le secteur ouest (sep 170), semble
bénéficier d'un sarcophage, fait rare à cette
époque.
3.2. Le recrutement par âge et par sexe
La nécropole extérieure, comme
intérieure, se compose majoritairement d'adultes et, comparé
à une population archaïque, il existe un déficit
général pour les individus de moins de quinze ans. La prise en
compte des taux de mortalité montre que cette différence est du
à un biais important chez les immatures de moins de dix ans (Cartron et
Castex 2006). Il est par ailleurs important de noter que lors de la post
fouille de 2005, il a été mis en évidence dans les niveaux
archéologiques de cette zone de nombreux ossements erratiques,
généralement immatures. Il est bien entendu difficile de savoir
si ces sépultures se rattachent à cette période mais de ce
fait, il faut donc considérer cette population mérovingienne
comme relativement biaisée.
3.3. Le cas particulier des sarcophages du secteur
occidental
Comme nous l'avons vu précédemment, l'ensemble
des sarcophages situés dans le secteur occidental de la chapelle forme
un groupe relativement défini et homogène au sein de la
nécropole extérieure. En effet, cet ensemble de sept sarcophages
taillés dans un même type de
calcaire se démarque des autres sur certains aspects.
Outre le type de sarcophage, ces sépultures ont en majorité
été réutilisées de multiples fois, allant de deux
à quatre fois, ce qui est une pratique spécifique à cette
zone. A côté de cela, le groupe est topographiquement bien
identifiable du fait que quatre des sept sépultures sont très
resserrées et alignées de façon organisée. De plus
la position du groupe dans la nécropole, face à l'édifice,
et la présence d'une agrafe tardive pourraient suggérer une
datation postérieure aux inhumations réalisées dans le
bâtiment. L'élément le plus notable reste encore le fait
qu'un de ces sarcophages renferme un périnatal, fait qui soulève
un certain nombre de questions. Quelle est la raison de la présence de
cet individu au sein de ces sarcophages ? Est-il apparenté à l'un
des individus inhumé à ses côtés ?
Figure 8 : Sépulture 169, 170 et 171
(in Cartron et Castex 2006).
Des prélèvements de mandibule, en vue d'analyse
génétique, ont été effectués sur chacun des
13 individus des sépultures 169, 170, 171 et 172 (La figure 8
présente uniquement les sépultures des individus analysés
dans le cadre de cette étude). Ces prélèvements
présentent un double intérêt. Ils pourraient tout d'abord
permettre la compréhension du fonctionnement de ces sarcophages, groupe
archéologiquement pertinent, ainsi qu'une discussion sur un
éventuel lien de parenté entre les individus d'une même
structure (Castex et Cartron 2007). Ils
pourraient dans un second temps apporter des informations
d'ordre méthodologiques. Ces prélèvements ont
été effectués avec plus ou moins de précautions
suivant les sépultures. Il s'agirait donc d'observer si ces
différences ont eu des répercutions sur les analyses
génétiques.
Pour ces quatre sépultures, il convient de noter que les
couvercles des sarcophages étaient absents mais les cuves, bien
conservées, présentaient un remplissage homogène.
Le tableau ci-dessous (tabl .1) détaille l'âge et
le sexe des individus inhumés dans chaque sarcophage. Seuls les
sarcophages analysés en lors de notre étude
paléogénétique sont présentés dans ce
tableau.
Tableau 1 : Détail des individus
inhumés dans les sarcophages.
La sépulture 169, accueillait 3 individus dont les
dépôts superposés et différés dans le temps,
n'ont entrainé que très peu de manipulations des premiers
inhumés.
La sépulture 170 est un peu plus complexe. Lors de la
réutilisation de la cuve, le squelette du 1er inhumé a
été en partie réduit et une grande majorité de ces
os ont été retirés puis redéposés sur le
deuxième inhumé. La position décentrée de la jeune
femme ainsi que l'enchevêtrement de ces os avec ceux du périnatal
laissent penser à un éventuel dépôt simultané
de ces deux corps. Une relation mère-enfant unirait-elle ces deux
derniers inhumés ? Cette information pourra peut-être être
apportée par des analyses génétiques. Par ailleurs,
l'hypothèse d'un support en matière périssable type
brancard ou civière a été émise face à la
présence d'un espace vide situé sous la jeune femme. Pour finir,
signalons également la découverte d'une agrafe à double
crochet dans le remplissage de la cuve qui renvoie à la période
du mérovingien récent 3 (entre 660 et 750 ap. J.-C).
La sépulture 171 a fait l'objet de plus de
remaniements. En effet, les deux premiers inhumés, au départ
superposés, ont subi plusieurs manipulations avant le dépôt
du 3ème individu. Ainsi, certains de leurs ossements auraient
été sortis puis redéposés dans les angles
du sarcophage, sans doute de manière à
ménager le plus d'espace pour la superposition du dernier
inhumé.
D'un point de vue paléopathologique, aucune
lésion importante n'a été décelée chez ces
treize individus. Bien au contraire, on note une absence d'hypoplasie
linéaire chez six d'entre eux alors que cette pathologie de
l'émail dentaire est fréquente à 68 % (12/ 19) dans
l'effectif de la population de la nécropole (Gleize 2006).
La recherche de caractères discrets osseux s'est
montrée infructueuse (Cartron et Castex 2006 ; Gleize 2006). Une
étude menée sur les caractères discrets dentaires des
individus de la nécropole n'a malheureusement pas permis d'apporter
d'information intéressante laissant penser à un quelconque lien
de parenté entre certains de ces individus (Laforest 2008). La
présence d'un même caractère est cependant observé
(entocunulide sur une M3 inférieur) sur deux individus du sarcophage
172.
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