Introduction
Durant l'antiquité, on observe en Occident une
séparation stricte entre le monde des vivants et celui des morts. Selon
une tradition romaine, il était interdit d'inhumer les défunts
intra muros ainsi qu'au sein des sanctuaires. Du point de vue des
pratiques funéraires, on observe à cette époque une
gestion quasi exclusive des funérailles par la famille. Les
défunts étaient ainsi inhumés aux cotés de leurs
ancêtres, comme on peut le voir encore aujourd'hui (Treffort 1996).
C'est durant la période du Haut-Moyen-Age que des
changements progressifs vont s'effectuer sur plusieurs niveaux. Ceux-ci sont en
grande partie dus à l'installation du christianisme en Gaule. Durant
cette période transitoire, entre Antiquité et Moyen-Age, on
observe alors des remaniements s'appliquant aux espaces ainsi qu'aux pratiques
funéraires. La tradition romaine de séparation se perd peu
à peu et l'on assiste à des regroupements de tombes autour de
lieux sacrés, prémices du cimetière chrétien
retrouvé quelques siècles plus tard. Peu après, on assiste
au passage d'une gestion familiale antique des défunts à une
gestion plus communautaire menée par l'église (Treffort 1996).
Les défunts chrétiens ne sont donc plus
préférentiellement inhumés aux cotés de leurs
ancêtres mais au sein d'un lieu funéraire regroupant une autre
grande famille : la communauté chrétienne.
Le sujet de ce mémoire concerne le site
archéologique de Jau-Dignac et Loirac, situé en Gironde,
fouillé depuis 2001 par I. Cartron (MC Ausonius, Bordeaux3) et D. Castex
(CR, UMR PACEA-LAPP). Ce site est marqué par plusieurs occupations
successives dont une nécropole mérovingienne, présente
à l'intérieur et aux alentours d'un édifice religieux.
Fréquentée du Ve au VIIIe siècle, elle s'inscrit donc
parfaitement dans la période de transition des pratiques
funéraires énoncées précédemment.
Elle se compose majoritairement de sépultures
(sarcophage et autres structures funéraires) primaires individuelles
mais quelques sépultures plurielles sont également
retrouvées et préférentiellement dans le secteur ouest du
site.
Ces sarcophages regroupant 2 à 4 individus posent la
question inévitable des liens entre les inhumés. S'agit-il de
regroupements familiaux ? Ou bien le regroupement était-il un moyen
simple et rapide d'acquérir de la place au sein de la nécropole ?
Peut-être doit-on aussi y voir une volonté de rapprochement d'un
lieu de culte.
Comme nous l'avons vu précédemment, la
composante familiale tend à disparaître au Moyen-Age au profit de
l'aspect communautaire. Mais, toutefois celle-ci semble perdurer dans les
pratiques funéraires du Haut Moyen-Age (Cartron 2009). C'est donc ce
caractère familial que nous souhaitons tester sur plusieurs individus
retrouvés groupés au sein des sarcophages de la nécropole
de Jau-Dignac. Précédemment, une étude visant à
caractériser et comparer des populations du site par l'apport de
variations non métriques dentaires a été
réalisée (L aforest 2008). Malheureusement aucune information n'a
pu être apportée en termes de relation de parenté entre ces
individus.
Le mémoire présenté ici s'inscrit dans le
cadre d'une étude paléogénétique de liens de
parenté. Le principe général de cette étude est
d'analyser l'ADN d'individus afin d'observer si ceux-ci présentent des
séquences identiques et partagent donc des liens biologiques. Lorsque
l'ADN est obtenu, ces analyses paléogénétiques apportent
des informations beaucoup plus fiables et plus précises que l'analyse
des caractères discrets. On peut ainsi parfois avoir une idée du
type de lien (mère-enfant, frère-soeur etc....) qui unit deux ou
plusieurs individus, ce qui est une information très intéressante
pour la compréhension des pratiques funéraires (Cappellini et
al. 2004 ; Haak et al. 2008, etc).
On observe depuis quelques années une multiplication de
ce type d'étude. Néanmoins, ces analyses sont compliquées
et limitées car elles se heurtent à plusieurs obstacles
importants qui sont entre autres : la conservation de l'ADN et la
détection de contaminations. Le nombre d'études
paléogénétique de liens de parenté publiées
est à ce jour assez réduit et la plupart de ces articles ne
mentionnent pas toutes les précautions connues aujourd'hui comme
nécessaires à l'obtention de résultats fiables. Les
résultats sont d'ailleurs généralement fragmentaires, une
grande majorité de ces études ne permettant pas d'obtenir d'ADN
nucléaire et devant se cantonner à l'ADN mitochondrial.
Nous avons jugé opportun de faire une brève
synthèse de travaux publiés pour ce type d'approche (neuf
articles), afin de faire le point sur leurs potentialités et leurs
limites.
L'ADN mitochondrial, ADN seulement transmissible par voie
maternelle, est d'ailleurs le premier marqueur moléculaire
utilisé dans ce type d'étude. Il est en effet plus abondant,
mieux conservé et donc plus facile à obtenir. Il va en quelques
sortes, donner la « tonalité » d'une étude
paléogénétique. De mauvais résultats obtenus
à partir de cette molécule circulaire ne présage rien de
bon concernant l'ADN nucléaire.
L'ADN mitochondrial sera l'unique marqueur analysé dans
le cadre de ce mémoire car le sujet de celui-ci ne concerne
véritablement que la première étape de cette étude
de liens de
parenté, à savoir la faisabilité. Il
s'agit donc en premier lieu d'évaluer la présence ou non d'ADN
analysable et authentique. Cette étude de faisabilité sera
réalisée sur un groupe de neuf individus regroupés par
trois au sein de trois sarcophages.
Ce mémoire pourra également apporter des
informations méthodologiques. Les analyses présentent-elle
beaucoup de contaminations ? D'où proviennent-elles ? Les
prélèvements d'échantillons n'ont pas toujours
été effectués dans les mêmes conditions ni avec les
même précautions. Observe-t-on des différences en termes de
contaminations entre les différents prélèvements ? Peut-on
identifier des gestes contaminants ?
Si nous parvenons à obtenir de l'ADN mitochondrial
authentique chez plusieurs de ces individus, il sera alors possible d'apporter
dans ce mémoire des réponses en terme de relations de
parenté maternelle. De plus, si cette étude de faisabilité
s'avère fructueuse, d'autres analyses plus poussées portant sur
l'ADN nucléaire (STR, Chromosome Y) pourront être
envisagées afin de repérer d'éventuels liens de
parenté paternels et de type parent / enfant.
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