1.4.5 - PERIMETRES IRRIGUES RIZICOLES : CONDITIONS DE
LEUR GESTION ET REUSSITE
Un périmètre irrigué
peut être défini comme un domaine d'exploitation agricole sur
lequel est aménagée une infrastructure d'irrigation.
L'irrigation est indispensable à la riziculture et
permet le contrôle de la production ainsi que la rentabilisation de cette
culture. Les riziculteurs doivent rationaliser l'usage de l'eau car comme
l'écrit le FAO (1994) : "le riz est la céréale la plus
coûteuse à produire compte tenu de ses exigences en eau, en
aménagements..."
Une carence en eau entraîne souvent de mauvais
rendements dans la sous-région.
N. BOUDERBALA et ALII (1992) révèlent dans leur
étude sur les périmètres irrigués en Afrique
l'importance de la rationalisation. Pour ces derniers, la construction des
périmètres irrigués est une réponse : "Les
périmètres irrigués sont conçus comme un moyen de
rationaliser l'agriculture. Cette rationalisation vise principalement à
chercher la maîtrise des données géo climatiques
défavorables ". Pour ces auteurs, l'élément moteur de
cette rationalisation est la pratique de l'irrigation qui permet une
maîtrise des données naturelles intervenant dans la
production : "la maîtrise des données naturelles par
irrigation permet de tempérer la dépendance de l'agriculture
à l'égard des contingences climatiques et des conditions
géographiques difficiles "
Pour CHRISTY qui abonde dans le même sens,
"l'agriculture irriguée est un moyen effectif de rationalisation de la
gestion des espaces aménagés en optimisant les
bénéfices socio-économiques qui peuvent être obtenus
grâce à leur mise en valeur". L'irrigation permet, selon CHRISTY,
une bonne gestion des espaces puisqu'elle conduit inévitablement
à une pratique intensive de l'agriculture au détriment des
pratiques extensives, consommatrices d'espaces. Ainsi, elle donne une ouverture
à la résolution des problèmes fonciers rencontrés
dans les campagnes
Les problèmes fonciers ne sont malheureusement pas du
seul domaine des terres non irriguées; l'on les rencontre
également sur les périmètres irrigués et ils
constituent l'un des obstacles à l'exploitation efficace de ces
derniers. KANKARTI (1990) a fait ce constat dans la vallée du ZIO et
d'Agomé-glozou où, ils constituent l'un des problèmes
fondamentaux liés à l'inefficacité de l'exploitation des
périmètres irrigués de ces régions. Pour pallier
ces problèmes, Yao TOKPA conditionne la réussite de la mise en
valeur des périmètres irrigués à deux facteurs
fondamentaux : "la nécessité de sensibiliser la population avant
l'aménagement et la nécessité d'une réorganisation
foncière du périmètre". Car selon ce dernier, la
sensibilisation permet aux paysans d'être informés des avantages
de l'irrigation et de l'organisation des travaux sur le périmètre
et la réorganisation foncière assure aux paysans la
sécurité de jouissance, de droit d'exploitation d'une parcelle
sur laquelle ils pourront investir sans inquiétude.
Parlant de la place de l'irrigation dans les exploitations
agricoles, John L. Dillon et J. Brian Hardaker (1996) dans la «recherche
en gestion pour le développement de la petite exploitation »
pensent que l'irrigation tient une place de choix dans l'élaboration des
plans d'exploitation. Pour eux, il faut un plan d'utilisation de l'irrigation
afin de réaliser de bons résultats et dans l'établissement
de ce plan d'utilisation, ils relèvent un problème dont les
aspects sont, la faisabilité et la
rentabilité
Concernant la faisabilité, ils ont écrit ceci :
"Le point le plus important est d'essayer de prouver pour le système de
production envisagé, que les moyens en irrigation sont supérieurs
ou égaux aux besoins". Ils précisent qu'il ne suffit pas de
déterminer globalement la quantité d'eau ; mais qu'il est
également nécessaire de considérer la répartition
des disponibilités en eau tout au long de l'année. Le
problème de faisabilité relatif à l'établissement
du plan d'utilisation de l'irrigation est pour nous très important
à considérer en ce sens que nous savons qu'il y a un aspect
dynamique concernant l'irrigation qui, en général, n'existe pas
pour les autres facteurs de production, c'est-à-dire que la
réponse d'une culture à l'irrigation est souvent fonction de la
quantité d'eau fournie à un stade précoce ou plus tardif
de la vie de la plante.
Il faut chercher également à rentabiliser les
moyens d'irrigation. A cet effet, ils préconisent ce qui suit : "Si le
coût marginal de l'eau n'est pas nul, ce qui est souvent le cas, il sera
rentable de trouver un compromis entre la diminution des charges d'irrigation
et les pertes de rendements dues à la diminution des quantités
d'eau ou de la fréquence de l'irrigation."
Les autres éléments importants relevés
par ces deux auteurs dans l'établissement d'un programme d'irrigation
sont :
- La qualité de l'eau d'irrigation, qui selon eux, est
aussi une considération importante, parce que : "La gestion de l'eau et
sa salinité sont liées".
- La fiabilité des approvisionnements en eau.
En vue de relever les facteurs intervenant dans le rendement
de la culture du riz, le FAO cite trois facteurs à savoir :
l'utilisation des variétés adaptées, la gestion de la
fertilité des sols et la gestion de l'eau. Pour ce dernier facteur, il
déclare que sa gestion est manifestement défaillante sur de
nombreux périmètres, ce qui conduit à des distributions
inefficaces, aggravées par l'insuffisance de nivellement des parcelles
et d'entretien du réseau hydraulique.
Abordant à son tour les problèmes de
dysfonctionnement des périmètres irrigués, (dont les
conséquences sont néfastes à la production rizicole) Tokpa
(1996) relève sur le périmètre irrigué d'Agome -
glozou :
- L'inorganisation administrative du centre.
- Le non-regroupement des exploitants du
périmètre en véritables coopératives.
- Le manque de capital financier aggravé par la
mauvaise organisation des exploitants.
- L'inexpérience des paysans en matière de
riziculture irriguée.
A propos de l'inorganisation administrative, l'auteur
déclare qu'elle a pour conséquences : le non-entretien des
infrastructures hydro-agricoles et le manque d'encadrement technique des
paysans, ce qui influence négativement le développement de la
riziculture dans le milieu. En ce qui concerne le non-regroupement des
exploitants en coopérative, Tokpa déclare qu'il est
démontré que l'une des conditions de l'exploitation rationnelle
et intensive d'un périmètre irrigué est que les
exploitants doivent travailler en groupements. Ceci parce que, l'exploitation
d'un périmètre irrigué implique certains problèmes,
notamment le respect des dates de semis par quartier d'irrigation,
l'utilisation de l'eau conformément au tour d'eau et l'entretien des
équipements qui n'est possible que si les irrigants sont en
véritables groupements.
En aval de ce qui précède, on peut relever un
réel problème de gestion et d'organisation des
périmètres irrigués.
T. Kelley White (1993), directeur de la division de l'analyse
des politiques à la FAO, confirme ce constat lorsqu'il déclare :
"les politiques d'aménagement et de mise en valeur des
périmètres irrigués surtout ceux à grande
échelle posent quelquefois de sérieux problèmes de gestion
d'exploitation dont tous les aspects ne sont pas encore totalement
maîtrisés".
Pour venir à bout de ces problèmes, J.A.
Sagardoy (1987), responsable de la division de la mise en valeur des terres et
des eaux de la FAO préconise ce qui suit : "Le bon fonctionnement d'une
organisation dépend en partie de sa structure (c'est-à-dire
de la manière dont les tâches et les responsabilités sont
réparties entre ses membres) et en partie de son mode de gestion
(c'est-à-dire de la manière dont les décisions sont prises
au sein de la structure établie)".
Pour cet auteur, il faut donner une place importante à
la structure de l'organisation, veiller à la répartition des
tâches entre les membres et les responsables du système
d'organisation mis en place, car, disait-il, c'est de la manière dont
les tâches et les responsabilités seront réparties entre
les membres que dépendra le bon fonctionnement de l'organisation.
Pour ce faire, il préconise une structure
organisationnelle à deux dimensions :
- Une dimension horizontale, qui servira à
différencier les diverses activités indispensables à la
réalisation des objectifs de l'organisation, puis à les
coordonner de façon à conjuguer les efforts de ces unités
spécialisées ;
- Et une dimension verticale qui concerne la
répartition des responsabilités entre les membres travaillant aux
différents échelons de l'organisation et de ses unités
constitutives. Pour J.A. Sagardoy (1987), il est impératif d'associer
les premiers concernés par l'organisation, à la gestion de cette
dernière pour escompter de bons résultats.
Concernant les activités qui sont
généralement pratiquées sur les périmètres
irrigués, J.A. Sagardoy (1987) énumère trois grands
types :
- La distribution de l'eau et l'entretien des
réseaux,
- L'établissement et la collecte des droits d'eau ;
- La vulgarisation et l'aide aux agriculteurs pour la gestion
de l'eau.
La plupart de ces activités tournent autour de la
gestion de l'eau. Mais aujourd'hui, l'on parle de plus en plus de gestion
intégrée des périmètres irrigués,
c'est-à-dire une gestion qui permettra l'intégration de
l'irrigation aux pratiques culturelles par l'introduction d'autres types
d'activités. Il s'ensuit une nouvelle organisation des activités,
en trois types, à promouvoir sur les périmètres
irrigués :
- Les services agricoles :
s'occuperont de la vulgarisation agricole ;
- Les services commerciaux :
s'occuperont de la fourniture d'intrants, du crédit et de la
commercialisation plus précisément de la recherche du
marché;
- Les infrastructures de base et de services
sociaux : on parlera ici surtout de : logement, routes,
écoles, services de santé etc. nécessaires pour soutenir
l'organisation. Cette infrastructure en venant en appui à l'organisation
permet l'intégration de celle-ci dans les us et coutumes du milieu
visé par l'organisation.
Pour J.A. Sagardoy (1987), l'intégration des services
d'autres types dans la gestion des périmètres irrigués
s'avère indispensable parce que la bonne gestion et la réussite
des périmètres irrigués en dépendent. Il
écrit : " Par exemple, un des aspects importants de la gestion de
l'irrigation consiste à assurer à tous les stades de
l'évolution des petits agriculteurs la fourniture en temps voulu des
facteurs de production autres que l'eau. Mais dès que d'autres organes
spécialisés seront en mesure d'assurer directement ces services,
c'est en coordonnant leur action et celle de l'organisme de gestion que les
meilleurs résultats seront obtenus".
Pour Sagardoy(1987), le service de commercialisation devrait
être un élément intégrant, voire central de
l'organisation des périmètres irrigués. Il déclare
à ce sujet : "Lors de la création de nouveaux
périmètres, il sera sans doute indispensable d'implanter des
installations de commercialisation adéquates car l'apport de
l'irrigation permettra la pratique de cultures qui, jusqu'alors étaient
peu répandues dans la région : Si les agriculteurs ne sont pas
assurés de trouver des débouchés fiables pour ses
spéculations, ils ne prendront pas le risque de s'y atteler".
D'où le rôle intégrateur de ce service.
Pour terminer, nous allons énumérer les
conditions indispensables que préconise l'auteur pour la bonne gestion
d'un périmètre.
Conditions indispensables à la bonne gestion d'un
périmètre
La gestion d'un périmètre, dit J.A.
Sagardoy(1987), sera d'autant plus efficace que ses administrateurs
bénéficieraient d'un environnement favorable à la prise de
décision.
Par contre, si certaines conditions ne sont pas remplies,
leur tâche peut se révéler extrêmement difficile. A
cet égard les conditions les plus importantes sont les suivantes :
- Le réseau d'irrigation doit être
judicieusement conçu ;
- La structure organisationnelle doit être
adaptée à la nature du périmètre ;
- Les objectifs généraux doivent être
cohérents et bien définis ;
- Le système de gestion doit être bien
étudié (processus administratif détaillé,
description de postes, système d'information et de suivi) ;
- Les politiques de recrutement, de productivité et de
salaires du personnel doivent être suffisamment motivantes pour favoriser
la réalisation des objectifs du projet ;
- Un soutien financier adéquat doit être
prévu pour les dépenses récurrentes, les ressources
provenant soit de crédits gouvernementaux, soit des droits d'eau soit
encore d'une combinaison des deux.
- Les moyens juridiques voulus doivent être mis en
place pour garantir l'application effective de la réglementation
touchant à la distribution de l'eau ou au contrôle de l'extraction
des eaux souterraines.
Tous ces éléments, poursuit l'auteur, font
partie intégrante de l'organisation du périmètre et
doivent recevoir la plus grande attention lors de la planification du projet,
durant la phase dite de "planification de la gestion".
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