Chapitre 4 : Les voies d'amélioration du PEP au
MINEP
« Ce n'est pas parce que les choses sont di((iciles
que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas qu'elles sont
di((iciles. »
SENEQUE
Bien que la gestion par la performance soit devenue une
exigence dans l'approche managériale des opérateurs en charge des
affaires publiques, il faut relever que cette orientation reste un projet
à conduire avec beaucoup d'humilité et de circonspection. Cette
nouvelle orientation devra surmonter des obstacles de natures diverses et
connaître une maturation progressive en fonction des succès et des
échecs
rencontrés. Une approche processus suppose une remise en
question permanente en vue d'une amélioration continue.
L'amélioration de la qualité (réduction des
non=qualités
et amélioration des processus de travail) du
PEP demande une réflexion associant le sommet hiérarchique du
ministère et les principaux acteurs du processus afin de définir
des objectifs atteignables et acceptés de tous.
I. Les difficultés structurelles à
surmonter
Le pilotage vers l'amélioration de la performance en
management des projets au MINEP appelle une préparation adéquate
qui favoriserait des aménagements institutionnels adaptés au
contexte, ainsi qu'un toilettage du dispositif normatif régissant la
conduite des projets. Ce changement de cap sur le plan structurel devra
s'accompagner d'une mutation d'approche sur le plan culturel. Le point
départ de ce changement sera d'introduire le long terme dans la
politique managériale. Ceci revient à déterminer les
orientations et objectifs généraux visés.
1. La définition d'une
vision
La vision est un point de repère qu'un organisme se
fixe dans l'avenir, en dehors de toute contingence liée à son
passé et à son présent. Elle est
généralement envisagée comme un levier fondamental pour le
développement. HAMEL et PRAHALAD (1994) soulignent que le principe
fondamental de la vision consiste, à se fixer des ambitions
démesurées pour le futur par rapport à l'état
actuel de ses ressources.
En matière de Management par projets, il est essentiel
que les relations entre la vision, la stratégie et les projets soient
clairs. Le risque est de privilégier le (trop) court terme, d'initier
trop, ou de «mauvais » projets, de revenir en cours de route sur des
décisions déjà prises, ou de ne pas mobiliser les
ressources indispensables au succès. Or, seul le développement
d'une vision et d'une stratégie claire et partagée par le plus
grand nombre, est de nature à donner la cohérence indispensable
à la multiplicité des actions à orchestrer.
2. Respect des attributions et du rôle des
structures
S'agissant de la mutation vers la performance, l'organigramme
du ministère laisse une place de choix au Ministre pour la conduite du
processus. Il se positionne comme le responsable du management des projets au
MINEP. A ce titre, il lui revient d'impulser les réformes
nécessaires devant conduire à l'amélioration du PEP. Comme
le précisait un de nos enquêtés « une
volonté réelle du Ministre suffit à changer les
choses ». Il doit jouer le rôle de catalyseur de l'ensemble de
son administration. En effet, tous ces axes de réforme ne sauraient
prospérer sans une réelle détermination
des autorités à l'échelon stratégique et sans une
adhésion progressive de l'ensemble des acteurs à la culture de la
performance. De même, dans un ministère aussi important que celui
de l'Environnement, la capacité de coordination devrait être
renforcée et la
démarche de responsabilisation développée
pour permettre de décongestionner le centre.
A la suite de cette décongestion, le SG reprendrait sa
place dans le fonctionnement harmonieux des services. Nous avons fait le
constat qu'il n'existe pas de cadre régissant le PEP au MINEP. Il
revient donc au SG de concevoir et de s'assurer de l'application d'un document
de référence (Manuel de procédure, Manuel
d'exécution, etc.) qui guiderait le PEP au MINEP. Ce document devrait
déterminer les différents acteurs du processus. Les
critères devant conduire à l'accession à un poste de
responsabilité dans les projets. Il s'agit de définir les profils
des équipes de projets. Il devra également préciser les
rapports entre les chefs de projets et la cellule de coordination (DEPC).
La contre partie des responsabilités doit être
l'obligation de rendre compte de cette responsabilité. La notion de
« compte rendu » ici est essentiellement positive
car elle n'est pas liée à la recherche de la faute. Elle permet
à l'autorité hiérarchique de suivre l'exécution des
missions confiées aux collaborateurs en même temps qu'elle permet
aussi de trouver rapidement des solutions aux difficultés
éventuellement rencontrées dans la mise en oeuvre des missions
assignées. Il s'agit donc pour le SG de définir la
périodicité des comptes rendus attendus des chefs de projets et
les informations qu'ils doivent contenir.
Ainsi, comme le dit NDONG SOUMHET (2003) dans un article
intitulé « Pour une nouvelle compréhension de la
notion de responsabilité appliquée à la gestion des
affaires publiques », « La prise en compte des
difficultés rencontrées dans la poursuite des objectifs
assignés est ici incontestable et renvoie indubitablement à
d'autres préoccupations que celles du contrôle de
régularité. Il est donc impérieux que l'accountability
s'intègre davantage dans la culture administrative dans la mesure
où toute administration est censée avoir un devoir
général de «redevabilité» envers son mandant
qu'est le pouvoir politique et,
partant, le peuple qui est la source ultime de la
légitimité. » Après la définition du
cadre réglementaire encadrant le PEP, il revient à
l'Administration de suivre son application effective.
Il ne s'agira pas d'écrire à nouveau des
très beaux textes, mais surtout de pouvoir en assurer la saine
application dans le sens de la mise en oeuvre effective du mode de gestion
axé vers les résultats. Cette fonction revient à l'IG qui
assure le contrôle des services.
Dans le même esprit, l'urgence semble être
aujourd'hui à la redynamisation de la DDPE afin qu'elle se
spécialise dans la définition des stratégies et dans le
suivi de leur mise en oeuvre aux fins d'aider à la décision,
l'obligation de résultats devenant saillante dans les organisations.
3. Une nouvelle approche pour la gestion des
ressources humaines
La performance d'une administration dépend
essentiellement de la qualité de ses agents. Elle appelle un
renouvellement d'approche en terme de constitution et d'utilisation des
ressources humaines. Le recrutement de ces derniers doit donc se faire avec la
plus grande rigueur et la plus grande objectivité. La formation
permanente et la formation continue revêtent aussi importance capitale
dans la qualité des interventions du ministère.
La qualité des acteurs impliqués dans le PEP est
liée au recrutement des agents de l'Etat en général. Des
recrutements par voie de concours peuvent être organisés pour le
recrutement des professionnels. Il s'entend que ces concours doivent
définir les profils recherchés par le Ministère.
L'hypothèse de la subjectivité des concours peut être
soulevée, mais l'avantage de ces recrutements ciblés est d'avoir
des profils bien ciblés. Le concours lui - même doit être
aménagé de telle sorte qu'il permette de
mesurer les capacités intellectuelles des candidats
mais aussi « leurs vertus et leurs talents
». L'objectif étant d'éviter de recruter
dans l'Administration des individualités qui n'ont ni le goût, ni
le sens du service public.
Concernant le personnel déjà recruté, il
est nécessaire de renforcer ses capacités. Confrontés au
quotidien à des exigences d'adaptation de leurs techniques de management
des projets, les cadres du ministère doivent subir des programmes de
recyclage appropriés et approfondis en rapport avec les enjeux ainsi que
les grandes orientations stratégiques.
De nouveaux axes stratégiques doivent être
explorés aux fins d'accompagner de la meilleure manière la
démarche de gestion par la performance la gestion des ressources
humaines proprement. Il est vrai que la fonction publique camerounaise demeure
une administration de carrière et que le fonctionnaire reste
placé en son sein dans une situation légale et
réglementaire. Mais, il faut privilégier l'objectivité
dans les nominations en y intégrant, en plus de la compétence, la
probité, le sens élevé de l'intérêt
général ainsi que la culture du résultat.
Par ailleurs, le management par objectifs qui implique une
démarche prévisionnelle dans le cadre des dispositifs de
planification stratégique devra être en phase avec le mode de
gestion des ressources humaines appelées à mettre en oeuvre les
actions au quotidien. L'occasion est ainsi ouverte au MINEP
d'expérimenter des démarches innovantes comme la gestion
prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) par laquelle
les organisations recherchent l'adéquation, qualitative et quantitative,
à moyen terme, de leurs besoins et ressources en personnel. Une
démarche embryonnaire de cette nature a été
expérimentée au sein de l'Administration fiscale camerounaise
dans le cadre de son plan de modernisation horizon 2010 de se préparer
à la mise en oeuvre des projections macroéconomiques
prévues par le Document de Stratégie pour la Réduction de
la Pauvreté (DSRP).
Cette expérience devra connaître un
approfondissement des techniques de prévision et une bonne
maîtrise du fichier du personnel. Les pistes à explorer dans ce
contexte sont à la fois quantitatives et qualitatives afin d'assurer une
mise en cohérence entre les missions et les effectifs permettant de les
accomplir avec efficacité, et efficience. Selon PARINI (2004), «
on ne peut développer une culture de la performance et de
résultat que si chaque agent, chaque fonctionnaire se sent
responsabilisé et motivé pour améliorer sa propre
prestation, le résultat collectif n'étant jamais que l'addition
des résultats individuels ».
Compte tenu du lien étroit qui existe entre le
management au niveau ministériel et le management des projets au sein de
l'administration étudiée, les différentes réformes
envisagées vont impulser une dynamique qui aura pour conséquence
de pallier aux insuffisances constatées dans le PEP.
II. Recentrage de la coordination inter-acteurs du
PEP
Dans un contexte marqué par les exigences des
populations (en vue d'une amélioration des conditions de vie) et des
Bailleurs de Fonds (pour une gestion efficace des financements octroyés
pour parvenir au redressement économique), la rigueur doit
s'ériger en dogme dans la mise en oeuvre des actions du Gouvernement
MINEP.
Pour arriver à un système optimal de pilotage
des performances, les opérateurs du PEP doivent se sentir sous pression
et sous contrôle permanant. A cet effet, le premier axe se situe au
niveau de la réhabilitation des acteurs clés du PEP. Pour
garantir son succès, ce projet d'amélioration des processus
nécessite un engagement
fort de la haute hiérarchie du ministère, et le
déroulement d'une évaluation préliminaire. Les constats de
cette évaluation pourront se traduire en un plan d'action.
Concernant le PEP l'amélioration vise à atteindre
les objectifs stratégiques suivants :
· amélioration de la qualité des services
· Amélioration de la satisfaction des
bénéficiaires et des partenaires
· Maintien du professionnalisme, en particulier en cas de
changement d'équipe de projet ou dirigeante.
L'objectif est d'anticiper et d'être prêt
à implémenter des solutions efficaces et innovantes. Une
organisation dans une telle démarche, va se doter d'un système de
mesure pour s'assurer que les processus mis en oeuvre augmentent bien la
qualité de ses services. Pour cela, tous les acteurs doivent être
mobilisés et impliqués. La coordination des actions est
essentielle, d'où la nécessité de corriger les
insuffisances du système de communication interne et d'améliorer
la politique de gestion des ressources humaines.
1. La redéfinition de la politique de
Communication interne
Les analyses précédentes ont fait ressortir que
le processus d'élaboration des projets au MINEP souffre d'une
défaillance de la coordination entre les responsables de projets et la
direction en charge de coordonner les projets (DEPC). Les questions relatives
aux ponts aériens, à la rétention d'informations, et la
désinformation ont été soulevées par les
différents acteurs.
Dans le souci de pallier à ces insuffisances, de
promouvoir l'efficacité dans le management des projets, les circuits
d'information et de communication doivent être
révisés. A cet effet, le ministère doit
élaborer une politique de communication interne propre. Celle=ci devra
assurer la fluidité des rapports entre les intervenants.
Précisément, certains réaménagements doivent
être apportés concernant la communication horizontale.
Graphique 6 : Circuit de communication entre
les responsables de projets
(révisé)
Point focal 2
Point focal 1
Le Ministre
DEPC
Ce schéma présente la coopération entre les
acteurs principaux du PEP en mettant l'accent sur la coopération entre
les points focaux, la DEPC et le Ministre.
Les recoupements effectués ressortent que cette
mutation n'est possible que si le top management s'investit réellement
La mise en place du « Manuel d'exécution des projets»
précisant les attributions et les responsabilités des
intervenants dans le PEP est une priorité. Ce manuel devra
préciser les modalités de collaboration entre les
chefs de projet et la DEPC d'une part, entre la DEPC et le
Ministre d'autre part. Il pourra notamment définir les livrables
(rapports d'activités, compte rendu, ...) attendus des responsables de
projets et leur périodicité (mensuelle, trimestrielle, etc.). Le
rôle de la hiérarchie (Ministre, SG, IG) serait de s'assurer que
ces modalités sont respectées par chacun.
Encadré 1: Proposition de plan de
rapport de projet
Résumé :
Avancement,
Commentaires généraux : faits
saillants,
Objectifs du mois à venir.
Gestion du projet : Aspect
contractuel.
Problèmes administratifs et techniques.
Tableau des évolutions.
Planning des tableaux des coûts.
Bilan technique : Bilan du
réalisé.
Exposé des problèmes éventuels
rencontrés et de toutes les informations permettant d'assurer une
cohérence de communication entre tous les destinataires.
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Après un inventaire des outils de communication
interne utilisés par le MINEP, il ressort que la communication
descendante et la communication ascendante fonctionnent. Le PEP pourrait
être enrichi par l'utilisation d'outils de communication
électronique (messagerie électronique, formule intranet - forum
de discussion).
Pour parvenir à une efficacité maximale du PEP,
il faut dépasser les problèmes structurels et communicationnels
et résoudre les problèmes qui ont une origine sociologique.
2. Faire reculer les pesanteurs
sociologiques
Les modifications qui ont été proposées
jusqu'ici sont structurelles et institutionnelles. Elles doivent être
renforcées par des interrogations sociologiques. En effet, le management
au MINEP est fortement marqué par la composante sociologique.
Les entretiens font apparaître qu'il existe une
catégorie du personnel du MINEP qui était
considérée comme des « privilégiés
». Ils jouissent d'un statut particulier qui leur attribue un pouvoir
dont l'origine est à chercher dans les faveurs que la haute
hiérarchie leur confère. Dans le PEP, la perception du
favoritisme se manifeste dans le mode de sélection des responsables de
projets et la pratique des ponts aériens évoqués plus
haut.
Le mode de désignation des responsables de projets
n'obéit pas à des critères objectifs. Ils ne sont pas
définis dans la mesure où le Ministre dispose d'un pouvoir
discrétionnaire. Comme nous l'avons préalablement
évoqué le Ministre à des objectifs politiques à
satisfaire. Il doit consolider sa base électorale. Le problème
réside dans la compétence des chefs de projets et celle=ci ne
leur est pas reconnu par les cadres qui leurs sont affectés. La
perception qu'il existe un favoritisme a une incidence sur le moral et la
motivation du personnel. Diverses opinions ont été
exprimées lors des discussions sur les manifestations du favoritisme au
MINEP. Concernant la désignation des responsables, les
raisons11 suivantes ont été évoquées
:
· Imméritées,
· Obtenues grâce à un processus injuste.
Notons néanmoins que la manifestation d'une
préférence n'équivaut pas automatiquement à du
favoritisme. Un responsable « préféré »
nommé s'il est
11 Elles ont été soulevées par
les cadres du MINEP
méritant ne signifie pas systématiquement
favoritisme. La nomination d'un responsable doit tenir compte de ses
compétences. Si elle est mise de côté, les
conséquences sur le moral et la productivité des autres acteurs
peuvent être néfastes.
Cette situation amène les responsables de
l'Administration à établir des équilibres dans les
nominations des responsables. La solution repose sur l'harmonisation des
intérêts politiques et les objectifs de performance du
ministère. Les acteurs du PEP doivent donc permettre de satisfaire les
exigences suivantes :
· être politiquement rentables,
· être professionnellement compétents
Cette insuffisance peut être palliée par la mise
en place d'une planification de la gestion des ressources humaines. La gestion
des ressources humaines doit avoir un lien avec la planification des
activités.
Il importe de définir des valeurs et d'impliquer les
acteurs du PEP. Le sommet hiérarchique est une fois de plus
interpellé pour la conduite de cette réforme. Cette situation ne
sera pas facile à corriger car certains des acteurs clés trouvent
un intérêt dans l'opacité qui caractérise la
situation actuelle. Néanmoins la possibilité de trouver un
équilibre entre les intérêts individuels et la
compétence est envisageable par la définition d'une « zone
grise»12. Il est légitime qu'un responsable veuille
constituer une équipe qui lui convienne mais, il lui revient de choisir
parmi ses préférés ceux qui disposent de
compétences requises. Une solution serait de définir les profils
de poste dans l'Administration publique et plus précisément pour
les responsables de projets qui ont très souvent une variante technique
qui échappe parfois aux responsables qui gèrent les projets.
12 Grise parce qu'elle se situe au croisement entre le
favoritisme et la recherche de compétence.
Une liste de valeurs ne suffit pas à modifier le
comportement si bien ancré dans les pratiques. La mise en place de
processus et de systèmes peut s'avérer nécessaire pour
limiter les dérives et créer un climat de travail positif,
maintenir la crédibilité des responsables. L'ouverture des postes
à concurrence et la création des profils de poste pourraient
donner plus de crédibilité aux responsables de projets. En effet,
l'absence de pratiques justes et transparentes crée cynisme et une
méfiance entre les acteurs. Le processus doit être clair sans pour
autant être très strict de peur de compliquer la situation.
L'IG et le SG ont un grand rôle à jouer dans ce
processus. Ils doivent exercer leurs rôles avec rigueur,
intégrité et impartialité. Leur autonomie, leurs
ressources humaines et matérielles doivent donc être
impérativement renforcées.
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