Section 2 : Les problèmes occasionnés par les
autochtones et par l'industrie.
Six ans après la création des parcs nationaux,
la gestion des parcs se met en place, en rencontrant toutefois des heurts,
l'opinion publique s'en empare. Les problèmes qui surgissent proviennent
des populations qui vivent autour des parcs qui d'une manière ou d'une
autre, exploitent les ressources spontanées qu'ils abritent. A
coté des problèmes pré-cités il y a aussi les
conflits d'intérêts qui naissent entre l'administration des parcs
nationaux et les exploitants forestiers ou les exploitants miniers.
A- les problèmes engendrés par les
populations vivant autour des parcs nationaux
Pour illustrer nos propos, nous nous appuierons sur quelques
parcs nationaux du Gabon.
Les populations les plus proches du parc national de l'Ivindo
sont celles de Makokou et celles de nombreux villages situés le long de
la route Makokou-Ovan. « L'activité la plus répandue reste
l'agriculture, concentrée dans une bande de 3 à 5 km le long de
la route (...). La production est consommée localement et le surplus est
écoulé à Ovan ou Makokou. Le manioc est toutefois
abandonné au bout de 2 à 3 ans et les bananiers au bout de 5
à 10 ans. Un nouvel espace de forêt est alors
défriché » (JP Vande Weghe, 2006, p. 47)
L'agriculture est souvent combinée à la chasse
et à la pêche. Tout comme les agriculteurs, les pêcheurs de
la route Ovan-Makokou pêchent dans la Mvoung et dans l'Ivindo aux abords
des chutes de Mingouli. Aussi bien les pêcheurs que les agriculteurs
exercent leurs activités au sein même du parc national de
l'Ivindo, ce qui est contraire à la loi. En effet, le décret
n°612/PR/MEFEPEPN du 30 août 2002 portant classement du parc
national de l'Ivindo, en son article 7 stipule que : « A
l'intérieur du parc national de l'Ivindo, les activités
touristiques sont organisées selon le plan d'aménagement
prévu à l'article 6 ci-dessus. »
Toutes les autres activités sont normalement interdites
dans les limites du parc national à l'exception de celles
résultant des droits d'usages coutumiers. Ainsi, conformément
à ce décret il est strictement interdit d'organiser d'autres
activités en dehors des activités touristiques. Les populations
qui résident à proximité de ce parc exercent donc leur
activité en violation flagrante des dispositions
règlementaires.
Entre autres, activités se pratiquant dans le parc de
l'Ivindo, il y a la chasse. « La chasse au fusil se pratique souvent plus
loin des villages. Ainsi, les chasseurs des hameaux situés le long de la
route Makokou-Ovan chassent dans les forêts au nord de l'Ivindo, mais
rarement ils pénètrent à plus de 5 km en forêt
dense. Le gibier visé comprend les céphalophes, les singes et le
potamochère » (J.P Vande Weghe, 2006, p.50).
Avec la raréfaction du gibier due à des
prélèvements dépassant la productivité de la
forêt du fait de la pression des populations urbaines prêtes
à payer cher pour la viande de brousse, la superficie utilisable par la
faune est aussi en constante régression suite à l'extension de
l'exploitation du bois et de l'agriculture.
Le parc de Mwagna n'est pas en reste car des activités
illégales y sont également répertoriées. En effet,
« dans le nord, les chasseurs du village Malouma, situé à
une dizaine de kilomètres du parc, disent ne plus chasser au sud de la
rivière Louaye, mais leur piste pénètre encore et
jusqu'à 5km dans le parc et lors de la dernière prospection de
2004 un groupe de chasseurs fut effectivement rencontré à
l'intérieur du parc ». (JP. Vande Weghe, 2006, p. 51). Il est
nécessaire de dire que, les populations vivant autour ou à
coté des parcs pratiquent la chasse pour la viande qui peut avoir comme
première finalité la consommation des villageois ; et la chasse
commerciale « qui est un phénomène complexe qui repose
à la fois sur la pauvreté des populations rurales et la demande
croissante des populations urbaines qui représentent au Gabon 80% de la
population totale du pays. Bien qu'elle ait oublié la
réalité du milieu forestier, cette population a conservé
le goût du gibier ». La chasse commerciale est plus destructrice
pour la faune car du fait de la demande croissante la pression
cynégétique est très importante ce d'autant plus que le
gibier se raréfie en dehors des parcs. Mais il y a encore un autre type
de chasse bien plus dommageable pour la conservation et la protection de la
faune. En effet, « à coté de la chasse pour la viande,
destinée à la consommation locale ou à la
commercialisation, il existe d'ailleurs une autre chasse à la fois
très rentable et très destructive. C'est la chasse pour l'ivoire.
La ville frontière de Mékambo en serait la plaque tournante dans
le nord-est du Gabon et le parc national de Mwagna serait l'un de ses terrains
d'action favoris (...). En 2004, un chasseur a ainsi été
appréhendé près de Makokou avec des défenses
énormes qui ne pouvaient provenir que du parc national de l'Ivindo.
Comme ailleurs en Afrique Centrale, ces chasseurs «malchanceux, souvent
dénoncés par jalousie, ne représentent cependant que
l'extrémité visible de réseaux dont les ramifications
comprennent à la fois des commerçants, des fonctionnaires et des
notables, tant en province qu'à Libreville» (idem pp. 52-53).
Dans le parc national de Loango, on note une source de conflit
entre les villageois et la conservation, dû aux agriculteurs qui se
plaignent des dégâts causés régulièrement par
les éléphants. « Ce problème est
particulièrement difficile à résoudre dans le cas des
quelques villageois qui habitent encore le parc national de Loango. Ces gens,
une trentaine de personnes en tout, habitent de manière dispersée
et se plaignent continuellement des éléphants qui ravagent leurs
champs, mais refusent de se regrouper ou de quitter leur «terre
ancestrale. Dans d'autres pays d'Afrique, ils auraient été
relogés et indemnisés, mais au Gabon cela semble impossible
» (JP Vande Weghe, 2007, p. 58). A côté des conflits entre
les villageois et la conservation à cause des dégâts
effectués par les éléphants, il y a ceux des
pêcheurs qui viennent d'Afrique de l'ouest et qui ont des coutumes
néfastes. « Les pêcheurs venus d'Afrique de l'ouest,
implantés au Cap Lopez ou à Mayumba, ont quant à eux
introduit des coutumes néfastes que les populations locales ne
connaissent pas et qui nuisent à la faune, notamment la chasse aux
sternes migratrices
sur les plages. Or il est bien connu, grâce au baguage,
que la raréfaction de ces oiseaux sur leurs colonies en Europe est en
grande partie liée à la chasse qui leur est faite sur les
côtes du golfe de Guinée, surtout de la Sierra Leone au Ghana
» (JP Vande Weghe, 2007, p. 61).
Comme pour le parc de l'Ivindo, la chasse commerciale est une
activité pratiquée par les villageois vivant à coté
du parc de Loango. Ce commerce de viande de brousse est en grande partie
illicite, mais au Gabon - il faut bien l'admettre - il est bien difficile de
faire respecter les lois relatives à l'environnement : les animaux
protégés sont tués comme les autres et
commercialisés publiquement sur les marchés ou dans les
restaurants.
Ce problème de chasse commerciale de viande de brousse
est d'autant plus délicat à résoudre, du fait que ni les
autorités, ni les ONG actives dans la conservation n'offrent des
ressources alternatives de subsistance.
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