3- REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
3.1- Introduction
Dans la littérature, il existe tout une panoplie
d'informations sur l'érosion des sols, principalement le
mécanisme, les facteurs qui l'influencent, les conséquences qui
en découlent ainsi que des méthodes d'analyse. En effet, cette
revue bibliographique a été réalisée par la
consultation des différents documents (ouvrages, articles, revues,
rapports, etc.) traitant le sujet au sens thématique
(érosion).
3.2- Définition de l'érosion
Selon la FAO (1994) l'érosion vient du verbe latin
"ERODERE" qui signifie "ronger". Elle représente l'ensemble des
phénomènes qui contribuent, sous l'action d'un agent
d'érosion (notamment l'eau) à modifier les formes de relief que
sont les sommets de plateau, les rebords de plateau, les talus, les corniches,
les terrasses, les versants.
Cette modification se fait par ablation de matières (sols
et roches), mais aussi par accumulation de la matière arrachée
(Domingo., 1996).
L'érosion des sols se fait sentir
généralement, lorsque les eaux de pluie ne peuvent plus
s'infiltrer dans le sol. Ce refus du sol d'absorber les eaux en excédent
apparaît soit lorsque l'intensité des pluies est supérieure
à l'infiltrabilité de la surface du sol, soit lorsque la pluie
arrive sur une surface partiellement ou totalement saturée par une nappe
(INRA et IFEN, 2002).
L'érosion peut faciliter ou provoquer des
dégâts aux installations ou à la qualité de l'eau. A
plus long terme, elle a pour conséquence une perte de la
fertilité et un déclin de la biodiversité des sols. Elle
varie dans le temps et dans l'espace, en fonction des conditions
écologiques et des mauvaises conditions de gestion de la terre par
l'homme.
3.3- Mécanisme de l'érosion
L'érosion hydrique résulte de divers processus que
sont le détachement, le transport et le dépôt ou la
sédimentation.
3.3.1 -Détachement
Le détachement des particules se produit à la
surface du sol lorsque, sous l'action des gouttes de pluie, des agrégats
s'éclaboussent ou lorsque la force de cisaillement du ruissellement
devient supérieure à la résistance au détachement
du sol (LTHE, 2007).
3.3.2- Transport :
Les particules issues de la dissociation, grossières
ou fines, sont ultérieurement déplacées vers l'aval sous
l'action de la gravité. Certains, comme les cailloux d'éboulis et
les blocs d'éboulement, tombent directement. D'autres, les plus fins,
sont véhiculés par un agent de transport,
généralement l'eau. La force du véhicule règle
naturellement la taille des sédiments; le vent ne pouvant
déplacer que les poussières et les fins grains de sable, tandis
que les torrents charrient du sable, du gravier et des galets
(Démangeot, 2000).
3.3.3- Dépôt
Il s'effectue lorsque l'énergie cinétique qui
déplace les matériaux issus du détachement, diminue ou
s'annule (Démangeot 2000). Les particules arrachées se
déposent entre le lieu d'origine et les mers. Elles se déposent
en général dans l'ordre suivant :
Sable sable fin limon.
Les argiles et l'humus colloïdal sont
généralement transportés jusqu'à l'embouchure du
cours d'eau où ils se déposent soit après
évaporation de l'eau, soit après floculation.
En Haïti particulièrement dans les
périphéries de l'exutoire de la rivière Grise, les
sédiments provenant de l'amont remplissent le plateau continental sur
une profondeur de plus de 20 mètres (Holly, 1999). Dans le lit, les
particules plus grosses font l'objet d'exploitation.
Figure 4 : site d'extraction de sédiments dans
le lit de la rivière Grise dans la basse plaine.
Photo prise à Santo en aval, commune de Tabarre (2007)
qui montre les matériaux transportés élevant le lit de la
rivière à la même hauteur que les bâtis (sur les
berges) dans le lointain. Cela a pour corollaire une augmentation des
fréquences des inondations (cas de la tempête tropicale Noel en
200 (1.1 de l'annexe I).
3.4-Différentes formes
d'érosion
On distingue trois formes d'érosion
accélérée :
3.4.1- Erosion en nappe (sheeterosion) ou
érosion diffuse.
L'érosion en nappe est le mouvement du sol
éclaboussé résultant de la destruction de la structure du
sol suivi du ruissellement; elle se produit assez uniformément sur la
pente et peut passer inaperçue jusqu'à ce que le sol arable ait
été perdu (Arnold et al, 1989).
3.4.2- Erosion en rigoles (rills).
L'érosion en rigoles résulte de la
concentration du ruissellement, en petits canaux assez bien définis .Ces
canaux portent le nom de rigoles lorsqu'ils sont assez petits pour ne pas
interférer avec les opérations de la machinerie. Sur un bassin
versant ou une parcelle, l'érosion en rigole succède à
l'érosion en nappe par concentration du ruissellement dans les creux.
3.4.3- Erosion en ravines
(gullies).
Une évolution de l'érosion en rigoles peut
conduire à l'érosion en ravine. Les rigoles sont appelés
ravins lorsqu'ils s'étendent au point de ne pouvoir être
comblés par les opérations normales de travail du sol, ou
lorsqu'ils deviennent nuisibles au travail du sol (Arnold et al, 1989).
En effet, le ruissellement, causant la formation ou
l'élargissement de ravins est habituellement le résultat de la
mauvaise conception des exutoires des systèmes de drainage de surface et
souterrain. Dans le BV de la rivière Grise en particulier à Dumay
l'érosion en rigole a été souvent remarquée.
3.5- Conséquences de l'érosion des
sols
L'érosion hydrique entraîne des
conséquences tant en amont qu'en aval des bassins versants. Elle peut se
traduire, en amont, par des pertes en terre ainsi que des pertes en
matière organique et en éléments nutritifs notamment
l'azote et le phosphore (Dautrebande, 2006).
A coté des dégâts bien visibles
concernant les terres cultivées, il existe des dégâts en
aval beaucoup plus insidieux, provoqués par l'augmentation du
ruissellement et l'entraînement des particules du sol. Ce sont, entre
autres, les coulées de boues, inondations, sapements de
chaussées, colmatages des réseaux d'assainissement et des
ouvrages de retenue des eaux pluviales, envasements des cours d'eau (Beauchamp,
2006). Des accumulations sédimentaires massives peuvent en
résulter à l'aval, perturbant les écosystèmes
fluviatiles, lacustres, estuariens ou côtiers, et modifiant la dynamique
du carbone particulaire et dissous (Chambley, 2002).
Source : Papy et Douyer, 1991 cité par Ifen et INRA
(2002)
Figure 5 les différentes zones d'un BV et les
types de dégâts.
En effet, l'érosion du sol porte atteinte non
seulement au développement économique, mais encore aux
changements climatiques par ce que le processus de l'érosion du sol
dégage « dans l'air des ions de carbone 4» alors que le
dioxyde de carbone est la première cause du réchauffement global
de la planète (Xinhua, 2002).
3.6-Facteurs de l'érosion
L'érosion hydrique résulte de l'interaction du
climat (pluie, températures, ...), les propriétés
du sol (matière organique, stabilité structurale,
capacité d'infiltration,...), le relief (longueur et gradient de
pente), les pratiques culturales (travail du sol) et le couvert
végétal. La
4 Selon Mark Nearing, membre de l'Organisation
internationale de la conservation du sol (Xinhua, 2002).
modification spatiale et temporelle de cette interaction peut
induire une amplification de l'érosion.
3.6.1- Facteur topographique ou l'influence de la
pente (Ls)
Les paramètres topographiques sont fondamentaux pour
expliquer l'importance des phénomènes érosifs. La
déclivité et la forme de la pente et la longueur de la plus
grande pente ont un rôle important. Batti et Depraetere
(2007) admettent que l'érosion moyenne par unité de surface
croît avec la longueur de la pente et l'expliquent par le fait que les
pentes les plus longues permettent une plus forte accumulation du
ruissellement, ce qui accroît l'énergie globale de celui ci et ses
possibilités de détachement et de transport.
FAO (1994), de son coté, souligne l'influence de
l'importance de la pente sur l'érosion en mettant en exergue l'existence
de l'érosion et de ruissellement intense sur des pentes douces. Son
analyse vise à indiquer qu'il n'est pas besoin de forte pente pour
déclencher ce phénomène.
Tableau 1: Effet de la pente sur le ruissellement et
l'érosion
Pente %
|
Erosion moyenne et t/ha/an
|
Ruissellement moyen annuel %
|
|
1,25
|
|
5,0
|
|
7
|
1,50
|
|
8,6
|
|
22
|
|
2,00
|
|
1 2,0
|
|
30
|
|
|
Source : Roose ,1994
3.6.2- Intensité des précipitations ou
érosivité des pluies (R)
La pluie est évidemment l'agent essentiel de
l'érosion hydrique. L'érosivité de la pluie se
définit comme étant son aptitude à provoquer
l'érosion. L'érosivité dépend surtout de
l'intensité de pluie ou de l'énergie cinétique qui en
résulte directement (Stengel et Gelin, 1998). Cette énergie
découle du diamètre des gouttes et de leur vitesse de chute.
L'efficacité de la pluie vis à vis des processus
d'érosion est liée aux rôles qu'elle a dans le
détachement des particules des sols et surtout dans la formation du
ruissellement (Macary et Berville., 2003).
3.6.3- Couvert végétal
(C)
Le risque d'érosion augmente lorsque le sol n'a qu'un
faible couvert végétal ou de résidus. Les résidus
et la végétation protègent le sol de l'impact des gouttes
de pluie et de l'éclaboussement. Ils tendent à ralentir la
vitesse de l'eau de ruissellement et permettent une meilleure infiltration.
L'efficacité du couvert végétal et de
résidus à réduire l'érosion dépend du type,
de l'étendue et de la densité du couvert végétal.
La végétation et les résidus combinés, couvrant
complètement le sol, interceptent la pluie et sont le moyen le plus
efficace pour réduire les pertes de sol. Les résidus
partiellement incorporés et leurs racines ont aussi leur importance,
parce qu'ils facilitent l'infiltration. (Arnold et al, 1989).
3.6.4- Erodibilité des sols :
K
L'érodibilité représente la
sensibilité d'un sol à l'arrachement et au transport des
particules qui le composent .Elle est caractérisée par la
résistance au splash (battance) et la résistance au cisaillement
(lié au ruissellement). Plusieurs paramètres sont aussi
considérés dans l'analyse de la sensibilité d'un sol
à l'érosion. Ces paramètres sont la capacité
d'infiltration, la stabilité structurale, la texture, la teneur en
matière organique.
Elle n'est pas homogène dans l'espace et elle
évolue dans le temps : elle augmente au cours de la saison des pluies et
varie en fonction des caractéristiques des sols, de l'âge du
défriche- ment et des techniques culturales.
3.6.5-Facteur d'aménagement
Le labour a certaines influences sur le risque
d'érosion du sol. Ceci comprend la profondeur, la direction et la
période de labour, le type d'équipement utilisé et le
nombre de passages. En effet, on considère que le travail du sol limite
l'érosion s'il dérange le moins possible la
végétation ou les résidus de surface. Barthès et al
(1998) estiment que le ruissellement et les pertes en sols sont plus importants
en parcelles labourées, plus faibles en semis direct et
intermédiaires en travail superficiel.
En outre, Roose et Georges (2004) considèrent que le
billonnage cloisonné en courbes de niveau améliore le stock d'eau
du sol et réduit ainsi l'impact érosif des eaux de surface. De
plus, FAO (1994) a souligné que les techniques biologiques (couverture
maximum du sol, usage d'engrais, paillage, plantes de couverture, rotations,
etc....) sont plus efficaces par rapport aux techniques mécaniques qui
sont non seulement très coûteuses mais aussi très
difficiles à entretenir. Donc, les types d'aménagement visent la
stabilisation des cours d'eau et une atténuation des excès de
précipitation.
3.6.6-Facteurs anthropiques
L'érosion est devenue essentiellement une
conséquence directe de l'activité humaine qui représente
maintenant le principal facteur de la dégradation des sols. L'homme peut
être à l'origine du déclenchement et de
l'accélération de l'érosion par ses actions de
défrichement des forêts, incendies et surpâturages et
pratiques culturales. De plus, les aménagements routiers et urbains, en
augmentant les surfaces imperméables, exacerbent les inondations,
favorisent le ruissellement et donc constituent un facteur d'entraînement
du sol.
3.7- Modèles d'évaluation de
l'érosion 3.7.1- Introduction
Il existe plusieurs modèles d'évaluation de
l'érosion, entre autres le modèle de Wischmeier et le
modèle SWAT. Les modèles constituent toujours une
représentation simplifiée de la réalité. Ils
permettent d'analyser des systèmes complexes, servent de
complément aux mesures, permettent une extrapolation dans le temps et
dans l'espace et sont susceptibles de combiner différents facteurs. La
qualité des résultants obtenus par un modèle dépend
de la qualité des données utilisées, dont les
différentes étapes ont été décrites par
Beven (en annexe).
3.7.2-Le modèle empirique de perte en terre
de Wischmeier et Smith (USLE)
Le modèle empirique de perte en terre de Wischmeier et
Smith (USLE : Universal Soil Loss Equation), ou équation universelle de
perte en sol, a été utilisé en Amérique du Nord sur
des parcelles standard (expérimentales). Selon ce modèle (Roose
et Georges, 2004), l'érosion est une fonction multiplicative de
l'érosivité des pluies (le facteur R.) que multiplie la
résistance du milieu, laquelle comprend le facteur
d'érodibilité du sol (K), la topographie (S L), les pratiques
antiérosives (P),le couvert végétal et les pratiques
culturales (C).
L'équation USLE s'exprime par la relation : A = R. K. LS.
C. P
Cependant, les facteurs de celle-ci varient en fonction des
conditions locales. Ce qui constitue une limitation puisque les
résultats ne peuvent être extrapolés sur de vastes surfaces
dans le cadre des programmes généraux de lutte contre
l'érosion.
Ce modèle renferme d'autres limites
intrinsèques. Il ne s'applique qu'à l'érosion en nappe. Il
a été testé et vérifié dans des paysages de
pénéplaines et de collines ayant des pentes allant de 1 à
20 % à l'exclusion des montagnes jeunes dont les pentes peuvent
atteindre plus de 40%. Il n'a été mis en oeuvre que pour des
données moyennes de 20 ans (Williams, 1975, Roose 1994).
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