La problématique de la répression des crimes de droit international par les juridictions pénales internationales( Télécharger le fichier original )par Aristide MUTABARUKA Université Libre de Kigali, Rwanda, Afrique Centrale - Licence en Droit 2005 |
II.3.2.1. La compétence matérielleDe manière générale, ces deux T.P.I. ont été créés pour « juger les personnes présumées coupables de violations graves du droit humanitaire international ». La compétence matérielle du T.P.I.R. créé dix-huit mois après le T.P.I.Y. est semblable à celui-ci, de quelques nuances près. Ainsi, le T.P.I.Y. est compétent pour poursuivre les auteurs d'infractions graves aux Conventions de Genève de 1949 (article 2 du Statut), les auteurs de violations des lois ou coutumes de la guerre (article 3 du Statut), les personnes ayant commis un génocide (article 4 du Statut) et les auteurs de crimes contre l'humanité (article 5 du Statut). Le T.P.I.R. quant à lui, est compétent pour poursuivre les personnes ayant commis le génocide (article 2 du statut), les auteurs de crimes contre l'humanité (article 3 du Statut ), et les auteurs de violations de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel II (article 4 du Statut). Tout en constituant une avancée certaine sur la compétence des tribunaux de Nuremberg et de Tokyo, on peut émettre un regret que la compétence des deux T.P.I. ne s'étende pas au crime contre la paix.
II.3.2.2. La compétence personnelle La compétence personnelle de ces deux tribunaux est limitée aux personnes physiques. Ils peuvent connaître de faits de toute personne ayant « planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidée et encouragée à planifier, préparer ou exécuter » un des crimes précités. II.3.2.3. La compétence territoriale et temporelle Une des particularités des T.P.I. réside dans cette compétence territoriale et temporelle. En effet, le T.P.I .Y. et le T.P.I.R. ne sont compétents que pour des faits commis sur une période de temps et un territoire particulièrement définis. Le T.P.I.Y. n'est compétent qu'à l'égard des crimes commis à partir du 1er janvier 1991 jusqu'à une date que déterminera le Conseil de sécurité après la restauration de la paix et limité aux faits survenus sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. Le T.P.I.R. quant à lui n'est compétent que pour la période allant du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1994 et pour les faits commis sur le territoire rwandais et sur les territoires voisins en cas de violations graves du droit international humanitaire commis par des citoyens rwandais. Cela signifie que le tribunal est compétent pour les crimes commis par les milices rwandaises dans les camps de réfugiés en RDC(ex Zaïre) et en Tanzanie. II.4. La création des tribunaux pénaux internationaux mixtes II.4.1. Le tribunal spécial pour la Sierra Leone En Sierra Leone, un groupe armé connu par la suite sous le nom de RUF (Revolutionary United Front) a été fondé dans les années 1988-1989 en Libye. Le RUF, sous le commandement de Foday Sankoh, a commencé ses opérations armées contre les forces gouvernementales en Sierra Leone en mars 1991 pour la conquête du pouvoir et a dégénéré en guerre civile puis en conflit international par l'implication du Liberia. Le conflit a pris une tournure telle que les atrocités se sont portées vers les populations civiles qui ont été les principales victimes des massacres pour lesquels de jeunes enfants ont même été enrôlés. La Communauté Économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), l'Union africaine et les Nations Unies sont intervenues pour parvenir, dans des conditions difficiles, à restaurer un minimum de paix et un pouvoir légitime issu des élections.32(*) Pour ne pas laisser impunis les crimes perpétrés pendant la période de guerre, il fallait trouver une solution ; au lieu de reprendre l'expérience du Rwanda ou de l'ex-Yougoslavie, la proposition retenue a consisté à choisir une solution mixte, en ce sens que le tribunal combine l'aspect national et l'aspect international. Par un accord entre le gouvernement et les Nations Unies, le 16 janvier 2002, il est institué un Tribunal spécial dont la composition inclut, à côté des juges de la Sierra Leone, une majorité de juges internationaux, avec pour mission de poursuivre les personnes responsables de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité ainsi que de certains crimes au regard du droit sierra léonais depuis le 30 novembre 1996. Installé en 2002, à Freetown la capitale sierra-leonaise ce tribunal a commencé à fonctionner en 2003 et il a délivré ses premiers actes d'accusation, visant à ce jour treize personnes dont un ancien chef d'État du Liberia, lequel par ailleurs s'est échappé pour se réfugier au Nigeria qui n'entend pas l'extrader. Les autres caractéristiques du Statut du T.S.S.L. sont notamment l'article 4.c, qui punit comme sérieuse violation du droit humanitaire le fait d'enrôler dans les forces armées des enfants de moins de 15 ans ou de les faire participer activement aux hostilités. Une autre des caractéristiques est l'article 7 du Statut qui donne au TSSL la compétence de juger des enfants à partir de l'âge de 15 ans. Ces deux articles reflètent l'une des caractéristiques tragiques de conflit, le fait que les enfants soldats en aient été d'abord victimes, mais aussi acteurs. Il convient de noter, cependant, que la situation financière du tribunal est très fragile car elle dépend des financements volontaires des États. Ceux-ci sont susceptibles de se réduire et de menacer son fonctionnement sinon son existence, car les procès de ce genre coûtent chers pour se dérouler correctement et efficacement. Les O.N.G humanitaires lancent des cris d'alarme pour que le soutien des États ne s'affaiblisse pas et permette au tribunal d'accomplir sa mission. II.4.2. Le tribunal pénal pour le Cambodge Entre avril 1975 et janvier 1979, le régime des Khmers rouges qui s'est installé au Cambodge a perpétré des massacres de la population dont l'ampleur (environ 1,7 millions de personnes, soit vingt pour cent de la population) n'a été qualifié de génocide que tardivement. Avec la nouvelle sensibilité internationale consécutive aux événements de l'ex-Yougoslavie et du Rwanda, on a estimé qu'il ne fallait pas laisser impuni un tel crime, mais en même temps on n'avait pas confiance dans la justice du Cambodge pour faire face à une telle tâche.33(*) Après de longues et difficiles négociations avec le nouveau pouvoir cambodgien, qui voulait garder le contrôle de toute la procédure en arguant de sa souveraineté, un accord est finalement intervenu avec les Nations Unies pour mettre sur pied un tribunal mixte, à l'image de celui institué en Sierra Leone. Sa mission est de poursuivre les principaux chefs khmers encore vivants, car le premier d'entre eux, Pol Pot est décédé en 1998. Toutefois, l'ensemble des mesures nécessaires à la mise en place du tribunal n'ont pas encore été prises et le peuple cambodgien, comme l'opinion internationale, attend toujours sa mise en place et la mise en oeuvre des poursuites contre quelques personnes qui continuent pour le moment de vivre tranquillement sur le territoire du Cambodge. II.4.3. Le débat sur le tribunal dans le cas irakien A l'issue de la troisième guerre du Golfe, menée par les États-Unis et quelques autres alliés contre l'Irak, au motif que ce pays détiendrait des armes de destruction massive en violation de ses engagements internationaux et des résolutions du Conseil de sécurité, le régime irakien a chuté et quelques temps après, son chef est capturé. Saddam Hussein qui a gouverné par la terreur depuis 1968 est considéré comme responsable de plusieurs crimes : les crimes contre l'humanité avec les atrocités contre le peuple irakien, y compris l'utilisation de gaz pour réprimer la population kurde, les crimes contre la paix en agressant l'Iran et le Koweït, les crimes de guerre dans la conduite des opérations menées contre les deux pays agressés. Normalement, il appartient à la justice irakienne ou éventuellement à celle de l'Iran et du Koweït de le poursuivre et de le juger. Mais, la justice est peu crédible dans chacun de ces pays. On peut penser à la nouvelle Cour Pénale Internationale, mais l'Irak n'a pas ratifié la convention de Rome, il faudrait que le Conseil de sécurité la saisisse sur la base du de l'article 13 du statut, mais dans ce cas elle ne pourrait connaître que des faits postérieurs au 1er juillet 2002, date de l'entrée en vigueur du statut, alors que l'essentiel des crimes reprochés sont antérieurs. On peut évoquer aussi l'institution d'une juridiction internationale, à l'exemple de l'ex-Yougoslavie ou du Rwanda ; mais, pour des raisons autant juridiques que politiques, il serait difficile de ne pas associer, d'une façon ou d'une autre, le peuple irakien à ce procès. D'où, finalement, l'éventualité d'une juridiction mixte siégeant en Irak, composée de juges nationaux et internationaux et appliquant des règles de procédure et de fond respectant les normes internationales. Pour le moment, le problème est en débat entre les autorités transitoires irakiennes et les États-Unis en tant qu'autorité d'occupation. Si les Nations Unies retrouvent un rôle en Irak dans le retour à une situation normale, elles auront sans doute leur mot à dire sur la solution à retenir.34(*) II.5. Les défaillances et les solutions à la répression des crimes de droit international * 32 http://www.trial-ch.org/fr/justice/justice_sierra3.htm, le Tribunal spécial pour la Sierre Leone, consulté le 10 novembre 2004 * 33 http://www.fidh.org/lettres/1999pdf/fr/n09.pdf, Un tribunal international pour les Khmers rouges, consulté le 11 novembre 2004 * 34 MAHIOU, A. Notes sur la justice internationale et les droits de l'homme, CNRS, 2004, p.31 |
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