2. Types et principes de titrisation
Globalement, on distingue deux grands types de
titrisation :
· le premier, souvent défini comme étant de
la titrisation on-balance sheet, consiste pour un
établissement de crédit à émettre des titres
gagés sur un pool de créances, lesquelles demeurent inscrites
à son bilan mais sont cantonnées juridiquement. Ces titres sont
en règle générale qualifiés de
« Covered bonds ».
· la seconde technique (off-balance
sheet) impacte directement le bilan de l'établissement de
crédit. Celui-ci cède à une institution spécifique,
le SPV (Special Purpose Vehicule), les créances qu'il
souhaite réaliser. Le SPV finance alors l'acquisition
de ces créances par l'émission de titres, dénommés
de la manière la plus générale ABS (Asset
Backed Securities).
La titrisation s'inscrit alors dans une démarche de
financement direct des établissements de crédit. Selon un tel
schéma, les revenus versés aux détenteurs de ces ABS
proviennent directement des revenus engendrés par les créances
inscrites à l'actif du SPV.
La pratique anglo-saxonne consiste cependant à parler
de MBS (Mortgage Backed Securities) lorsque les
créances titrisées sont des crédits hypothécaires,
et à n'utiliser le terme ABS (Assets Backed
Securities) que pour les autres opérations, comme par exemple
la titrisation de prêts à la consommation ou de prêts
automobile.
Les instruments de titrisation ont été
récemment enrichis avec l'introduction des CDO (Collateralised
Debt Obligations). Les CDO sont proches des ABS dans leur principe
général, ils s'en distinguent par la nature du portefeuille
d'actifs sur lequel repose l'opération de titrisation. En fait, tandis
que les ABS sont adossés à un portefeuille
d'actifs homogènes et présentant un nombre important de
lignes, les CDO font davantage jouer le
principe de diversification (à travers un portefeuille
diversifié/hétérogène) et sont en règle
générale composés d'un nombre de lignes plus
réduit.
L'appréhension du risque est donc différente
selon que l'on analyse une structure du type ABS traditionnelle ou du type CDO.
Dans le premier cas, il est possible de s'appuyer sur des taux de
défaut historiques et de faire jouer la loi des grands
nombres.
Dans le second cas, le risque est appréhendé de
manière plus individuelle, à partir d'analyses
spécifiques portant sur chaque actif présent dans le
portefeuille. Cette analyse est par ailleurs complétée par une
estimation de la corrélation des risques de
défaut des différentes composantes.
Une seconde différence tient à ce que les actifs
concernés par l'opération de titrisation sont des prêts (on
parle alors de CLO ou Collateralised Loans
Obligations) ou des titres obligataires (on parle de
CBO ou Collateralised Bonds Obligations)
d'entreprise.
Le passif des SPV (FCC) peut être organisé
très simplement, au sens où les revenus issus des actifs sont
reversés aux différents créanciers de manière
identique, c'est-à-dire sans établir de distinction entre chacun
d'eux, et au prorata de leur investissement. Il s'agit d'un schéma de
fonctionnement du type Passthrough, donc sans transformation des flux
de paiement.
Mais il est également possible de configurer le
passif du SPV de manière à offrir aux investisseurs des
titres présentant des propriétés différentes (en
termes notamment d'exposition au risque de crédit et de
pré-paiement). Dans ce cas, le revenu du pool d'actifs ne se traduit pas
par une rémunération à l'identique de l'ensemble des
créanciers, mais il fait l'objet d'une "transformation"
(schéma du type Pay-through).
FENDER et MITCHELL (2005) distingue
titrisation classique et titrisation avec transformation. La titrisation
classique sans transformation des flux (Passthrough) se
définit par deux caractéristiques :
1°) regroupement d'actifs - Constitution d'un panier
d'actifs
2°) découplage entre le risque de
crédit :
· du panier d'actifs sous-jacents et
· celui de l'initiateur de l'opération de
titrisation, généralement via le transfert du sous-jacent
à une structure ad hoc autonome, à objet et durée
déterminés.
Le regroupement d'actifs et le découplage offre
les avantages d'un prêt garanti avec un atout
supplémentaire : les revenus issus des actifs associés sont
généralement plus prévisibles.
La titrisation avec « transformation »
(Pay-through) encore appelée
« financement structuré », requiert
une troisième et dernière caractéristique, la
« hiérarchisation des exigibilités garanties
par le panier ». L'un des aspects clés de la
hiérarchisation est la capacité à créer, par un
soutien de crédit inclus dans le montage, des profils risque - rendement
différents, soit plusieurs catégories de titres
mieux notés que la moyenne du sous-jacent. Une telle structuration du
passif est obtenue au moyen de la technique de la
subordination, consistant à établir une
hiérarchie au sein des porteurs de parts. L'ordre de priorité des
flux de revenus constitue un exemple de ce soutien de crédit :
· généralement, la tranche
inférieure «Equity» vient absorber
l'essentiel du risque attaché au portefeuille de créances.
Elle absorbe les premières pertes jusqu'à son
épuisement. En cas de réalisation d'un
événement de crédit, les détenteurs de cette
tranche assument les premiers les pertes éventuelles en découlant
(pertes en principal, rupture des versements d'intérêts).
· vient ensuite une tranche intermédiaire
« mezzanine » (ou différentes
tranches plus ou moins junior), qui présente une
exposition au risque intermédiaire et couvrent les pertes
supplémentaires.
· enfin, le dernier étage est constitué de
la « dette senior » ou
« tranches supérieures », titres de
meilleure qualité qui présente une très faible
exposition au risque de crédit. Sauf circonstances très
défavorables, ils sont protégés contre le risque de
défaut inhérent au panier, les pertes éventuelles
étant supportées par les titres subordonnés.
La dette mezzanine et la dette senior
bénéficient d'une appréciation par une agence de
notation. La position privilégiée de la dette senior
lui permet en règle générale de bénéficier
de la note maximum, c'est-à-dire AAA/Aaa. En fonction
de son aversion au risque ou tout simplement des contraintes
réglementaires auxquelles il doit faire face, un investisseur choisira
d'investir dans l'une ou l'autre de ces tranches (BIS (2003) page
33).
Très souvent, c'est la banque cédant les actifs
au SPV qui prendra à sa charge la tranche
« Equity » la plus risquée.
Les MBS (titres du type Passthrough) offrent
à leurs détenteurs une rémunération identique (au
prorata de leur investissement), directement issue du pool de créances.
Les remboursements par anticipation éventuels se répercutent sur
l'ensemble des détenteurs de titres.
Les CMO (Collateralised Mortgage
Obligations), au contraire, obéissent à une logique du
type Pay-through ; ils procèdent à une
transformation du revenu du pool de créances de telle manière que
le risque de pré-paiement n'est pas supporté identiquement par
l'ensemble des créanciers.
D'une façon générale, grâce aux
imperfections des marchés, en particulier
présence de phénomènes d'antisélection
(asymétrie d'information) et/ou de segmentation, la
hiérarchisation, processus coûteux, parvient à créer
de la valeur. Ainsi, GORTON et PENNACHI (1990) montre qu'en
cas d'asymétrie d'information (initiateur ou arrangeur
mieux informé que les investisseurs extérieurs ou un groupe
d'investisseurs mieux informés que les autres) la solution optimale peut
consister à émettre à la fois des actions et des
obligations :
· la tranche inférieure
« action » ou
« equity » est acquise par les mieux
informés ou achetée par les opérateurs
spécialisés dans les instruments de dette ou conservée par
l'initiateur.
· La tranche supérieure
« obligation » ou
« dette senior » non (ou peu)
exposée au risque de défaut est dédiée aux
investisseurs généralistes.
Cette structuration, motivée par les imperfections du
marché, à savoir l'asymétrie d'information entre
investisseurs et la segmentation des marchés financiers (présence
d'opérateurs aux mandats restrictifs limités à investir
dans certaines notes), contribue à corriger également ces
mêmes imperfections, donc à créer des
marchés financiers plus complets. Pour HALL, STUART,
COUSSERAND, KOEPPEN-MERTE et NAKATA (2004), si la détention de
la tranche « equity » par les cédants contribue
largement à équilibrer les conflits d'intérêts entre
investisseurs, elle constitue elle-même une importante source
d'intérêts potentiels.
A cause des imperfections des marchés financiers, la
titrisation implique de plus en plus la transformation des
flux, structuration des droits des investisseurs en
tranches. Outre le transfert du risque, les instruments
structurés transforment également le risque en créant des
expositions à plusieurs « couches » de la
distribution des pertes du lot d'actifs sous-jacents. Les produits
structurés répondent plus efficacement que d'autres actifs aux
problèmes d'antisélection (asymétrie d'information) et de
segmentation sur les marchés financiers. Ils permettent ainsi aux
émetteurs d'accéder à de nouvelles sources de financement,
de réduire leurs exigences de fonds propres économiques ou
réglementaires ou de tirer profit d'opportunités d'arbitrage. Et
aux investisseurs de diversifier leurs portefeuilles et d'obtenir un meilleur
profil risque - rendement.
Toutefois, en raison des montages contractuels ainsi requis,
les caractéristiques du couple rendement - risque de chaque tranche
peuvent être particulièrement difficiles à
évaluer. Par conséquent, les produits émis par
tranches peuvent présenter plus de risques qu'un portefeuille
d'obligations ayant reçu une note identique, car ils exposent davantage
à des pertes extrêmes. De même, la
hiérarchisation ne contribue pas seulement à pallier certaines
imperfections des marchés. Elle peut aussi engendrer des
problèmes de gouvernance et poser la question de savoir qui doit
restructurer le cas échéant le portefeuille si une partie des
créances sous-jacentes deviennent improductives. La motivation des
détenteurs des tranches inférieures (recherche du risque et du
rendement) peut alors entrer en conflit avec la motivation des
détenteurs des tranches supérieures (limiter le risque de
défaut de leur portefeuille). On peut donc assister à un
opportunisme inattendu de la part de certains participants.
Importantes sources de valeur, ASHCRAFT (2004)
à la suite de AMATO et REMOLONA
(2003), cités par FENDER et MITCHELL (2005),
donnent des exemples de création de valeur via ces
techniques, le regroupement d'actifs et la
hiérarchisation en tranches constituent également les principaux
responsables de la complexité des instruments structurés dont
l'analyse devient compliquée : difficulté à
modéliser la distribution des pertes du portefeuille sous-jacent s'il
est constitué d'un petit nombre d'actifs
hétérogènes. Nécessité, outre
l'évaluation des pertes sur le lot d'actifs, d'évaluer chacun des
instruments structurés, chacune des tranches et de modéliser la
distribution
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