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Les chemins de fer touristiques entre nostalgie et innovation (1957-2007)

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par Jean-Jacques MARCHI
Université Bordeaux IV Montesquieu - Master Sciences économiques, option Histoire économique 2007
  

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Chapitre 4- Chemins de fer et espace

La sensibilité parfois vive des élus aux enjeux de la desserte ferroviaire64 s'explique certes par l'importance du chemin de fer dans le désenclavement des zones rurales et par le service public que l'on est en droit d'attendre de lui : circulation par tous temps, tarifs adaptés pour les publics réputés fragiles. Mais à notre avis ceci n'explique pas tout : il doit rester dans les « gênes » des souvenirs de l'époque où l'arrivée du chemin de fer bouleversait l'espace rural : des quartiers « de la gare » sortaient de terre dans les bourgades desservies, parfois même des cités entières poussaient, notamment sur les lieux des noeuds ferroviaires65. C'est que les villes nées du rail possèdent souvent leurs dépôts, qui emploient des dizaines voire des centaines de cheminots et accueillent des milliers de voyageurs qui passent une heure, un jour, une nuit, sans oublier de consommer et de générer des emplois locaux.

Effets économiques certes, mais également effets urbanistiques : « buffet de la gare », « hôtel de la gare » ou « terminus », « avenue de la gare » : quelle ville desservie par le rail (par le passé ou encore maintenant) ne possède pas ces

« structures », finalement aussi incontournables que la mairie ou l'église ?

C'est pourquoi le retrait progressif du chemin de fer de l'espace rural ne se concrétise pas uniquement par la fermeture des lignes secondaires. Un autre aspect, bien moins médiatique, résulte de la fermeture de gares petites ou moyennes qui jalonnaient autrefois le parcours des voies ferrées. Quand il traverse encore nos campagnes, le chemin de fer ne s'y arrête plus guère. Deux exemples suffiront pour s'en convaincre :

64 Par exemple la mobilisation des élus en Lozère, pour sauver la desserte ferroviaire de Mende.

65 Arvant, Capdenac, Laroche Migennes, Neussargues pour n'en citer que quelques-unes.

-Les TGV ne font halte que dans les grandes villes. Quelquefois, pourtant, des gares ont été construites en rase campagne. Ainsi, au milieu des champs de betteraves, voici la gare TGV « Haute-Picardie » qui permet aux Amiénois et autres habitants de la Somme de rejoindre le réseau à grande vitesse. On n'y trouve pourtant aucun « buffet de la gare » (il est « remplacé » par des distributeurs automatiques), et a fortiori aucun « quartier de la gare ». La campagne alentour reste désespérément vide. Où sont les effets induits ? Ironie suprême, le transfert vers Amiens se fait par autocar, alors qu'une voie ferrée « classique », se dirigeant justement vers la capitale picarde, passe à proximité immédiate de la ligne TGV mais n'y est pas raccordée.

-Lorsqu'il était jeune étudiant, il y a une vingtaine d'années, l'auteur empruntait une ligne de montagne (Aurillac - Neussargues) pour se rendre à Clermont-Ferrand. Entre ces deux gares, sur la petite soixantaine de Kilomètres du parcours, le train s'arrêtait dans huit gares intermédiaires. Maintenant, il ne stoppe plus que dans trois gares intermédiaires. Les cinq autres sont fermées, vendues à des particuliers.

Il ne s'agit pas ici de regretter (quoique !) l'époque où les omnibus s'arrêtaient partout et mettaient parfois à rude épreuve la patience de ceux qui voyageaient de bout en bout de la ligne. Il s'agit plutôt de constater que l'effet d'induction du rail sur l'économie locale a fortement régressé. Nous l'avons déjà dit, l'activité ferroviaire n'est pas rentable en elle-même (ou si peu) mais elle le devient si l'exploitant intègre en son sein une part des activités induites par les flux (hôtellerie, restauration...). Le fait pour la SNCF de tourner le dos à ces effets induits aboutit à une dégradation de la rentabilité des activités ferroviaires, qui dans une spirale « dépressive » contribue à hâter la fermeture des lignes secondaires de moins en moins rentables66. Nous verrons plus loin que les chemins de fer touristiques67 doivent en quelque sorte reconstruire ces externalités pour, d'une part, amener la rentabilité à un niveau acceptable et, d'autre part, générer à nouveau un minimum d'effets positifs sur l'économie locale.

66 Sans faire de jugement de valeur et sans vouloir polémiquer, nous rajouterons que la SNCF cumulant un mode d'exploitation coûteux et des frais de personnel élevés, son seuil de rentabilité se fixe à un niveau élevé de trafic, ce qui exclut de fait toute rentabilisation des lignes secondaires, et les condamne à un abandon progressif. Même lorsque ces lignes sont soutenues par les collectivités territoriales, la facture s'avère élevée, puisque c'est toujours la SNCF qui exploite. La tentation est parfois grande pour les collectivités de mettre fin au soutien apporté au transport par rail.

67 Plus spécialement dans notre typologie : les chemins de fer touristiques d'animation locale.

Conclusion - Une innovation qui fait son chemin ...de fer

Natif du 1 9ème siècle sous sa forme actuelle, le chemin de fer, grand ou petit, fait preuve une capacité fascinante à dépasser résistances et obstacles, qu'ils soient d'ordre technique ou d'ordre humain. Il possède potentiellement une force structurante susceptible de modeler en profondeur non seulement son environnement immédiat mais également les modes de vie des populations. Les remises en causes dont il a fait l'objet, si elles ont parfois causé son déclin, n'ont pas brisé son élan. Son histoire est jalonnée d'une longue suite d'innovations. Et c'est justement le propre des innovations de générer à la fois résistances et conflits, pour les dépasser ensuite68.

68 Le lecteur intéressé par les conflits générés par les innovations pourra se reporter utilement à Bouneau, Jung (2006).

Troisième parti

Le cadre de /'activité ferroviair

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo