Première partie - Sur la voie d'une
définition
Introduction - L'enjeu d'une
définition
La première question que l'on doit se poser est celle de
la définition des chemins de fer touristiques. Qu'appelle-t-on chemin de
fer touristique ?
En effet, le terme « chemin de fer touristique
» est un terme général ne reflétant qu'une partie de
la réalité des chemins de fer touristiques. Nos voisins
allemands parlent de «chemins de fer de musées et touristiques
»1, de « chemins de fer historiques » tandis que les
Britanniques font référence à des « heritage railways
»2. Par contre, Américains et Canadiens parlent de
« tourist railroads » ou de « scenic railroads ». Ces
appellations diverses et variées révèlent la
multiplicité des options possibles.
Car il y a presque autant de définitions des chemins de
fer touristiques que d'auteurs dissertant sur les chemins de fer touristiques.
Nous y voyons le résultat de la difficulté à
appréhender une réalité tout à la fois diverse et
diffuse. Chaque chemin de fer touristique est un cas particulier. Les
généralisations, si elles ne sont pas toujours inutiles
intellectuellement, peuvent se révéler périlleuses.
Aussi, la définition des chemins de fer touristiques est
un enjeu en elle-même : trop large, elle mêlera des
réalités dissemblables avec le risque concomitant de noyer dans
la masse le centre de nos intérêts ; trop étroite, elle ne
rendra pas suffisamment compte de la diversité du
phénomène, et laissera penser faussement qu'il existe un chemin
de fer touristique type.
1 Le « Verband Deutscher Museum- und
TouristiKbahnen (VDMT) », équivalent allemand de la FACS - UNECTO
(Fédération des Amis des Chemins de Fer Secondaires - Union des
Exploitants de Chemins de fer Touristiques et de musées), fait dans son
appellation explicitement référence aux « chemins de fer de
musée et touristiques »
2 La « Heritage Railway Association »,
équivalent britannique de la FACS-UNECTO
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Chapitre 1 - Deux définitions parmi d'autres
Voici, parmi d'autres, deux définitions des chemins de fer
touristiques, mais aucune d'elles ne nous satisfait pleinement. Remarquons que
ces deux définitions ne recouvrent pas exactement la même chose
(dans un cas on parle de ligne, dans l'autre cas de chemin de fer). Relevons le
caractère relativement réducteur de la première tandis que
la seconde émane d'un professionnel du tourisme.
Touristique (ligne) : « ligne de chemin de
fer ancienne et n'assurant souvent plus de service commercial, en
général située dans une région touristique. Elle
est remise en service par une association d'amateurs bénévoles
dans le but de faire rouler du matériel ancien préservé,
notamment en traction vapeur, et d'offrir au grand public l'occasion de
découvrir, par un parcours payant, non seulement des paysages, mais
également des techniques aujourd'hui abandonnées
»3.
Cette définition, si elle met l'accent sur la
préservation du matériel ferroviaire, a pour principal
inconvénient d'ignorer totalement les lignes construites
spécifiquement pour le service touristique, sans
prétention patrimoniale. Nous verrons qu'il en existe un nombre
significatif4.
Chemin de fer touristique : « circulations
de convois ferroviaires à vocation de découverte d'un espace
géographique et social avec, pour effet, la création de flux
touristiques non affectables à un besoin de transport. Le terme ne
s'appliquera donc ni aux 'petits trains' à caractère de
manège, ni aux 'petits trains routiers' à usage de tourisme
urbain ni, enfin, au modélisme ferroviaire »5.
Cette définition nous convient davantage car moins
restrictive ; toutefois elle nous semble s'appliquer plus spécialement
à un certain type de chemin de fer touristique6 et passer
sous silence la dimension fortement patrimoniale présente dans certains
réseaux.
3 Lamming (2005), p 424-425.
4 Ces lignes construites ex-nihilo constituent
notamment la catégorie des chemins de fer touristiques à
caractère ludique. Voir infra, Cinquième Partie,
Chapitre 6.
5 Gasc (1994), p 6.
6 Les chemins de fer touristiques d'animation locale.
Voir infra, Cinquième partie, Chapitre 6.
Alors, que faire ? Dans notre recherche d'une définition,
un courrier des lecteurs de la revue Chemins de Fer Régionaux et
Urbains 7 nous a mis sur la voie (!) d'une définition
qui nous semble acceptable. Il s'agit d'une réponse de M. Gay
à
M. Arrivetz qui, dans le numéro précédent, a
contesté le caractère touristique du tramway urbain de l'AMITRAM,
au motif où ce dernier évolue dans un
environnement industriel : « est considéré
comme touristique tout ce qui est relatif au tourisme, lequel constitue une
activité de loisir qui consiste à voyager pour son
agrément : nul ne peut contester que le public qui fréquente le
tramway de l'AMITRAM le fait par agrément ». Un peu plus loin :
« faudrait-il exclure [...] tous les trains qui circulent dans des zones
minières [...] ou industrielles, à proximité de
carrières ou de gravières, le long des voies navigables ou sur
des voies ferrées industrielles [...] dans des régions de mornes
plaines ou parmi des champs de betteraves, et n'y conserver que ceux qui
évoluent dans des régions montagneuses ou sylvestres où le
tourisme constitue la principale ressource économique ? ». Comme M.
Gay, nous répondons par la négative. Sauf à vouloir passer
à côté d'une dimension incontournable des chemins de fer
touristiques.
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