SOMMAIRE
Introduction
...............................................................................................
4
Première partie I : La requalification
discutée des contrats d'assurance vie .18
Sous partie I : La question de l'existence de
l'aléa en assurance vie .............................18
Paragraphe I : Les courants doctrinaux face
à l'aléa
................................................18
A/ L'école de Grimaldi et l'inexistence de l'aléa
en assurance vie ..................................19
B/ L'école de Ghestin et l'existence de l'aléa en
assurance vie.......................................21
Paragraphe II : Le débat jurisprudentiel
autour de l'aléa en assurance vie ...................25
A/ Des tergiversations jurisprudentielles à l'arrêt
Leroux .................................................25
B/ De l'arrêt Leroux à la requalification
des contrats d'assurance vie ...............................28
Sous partie II : La question du rapprochement des
assurances vie d'autres accords de
Volontés
..................................................................................31
Paragraphe I : Les assurances
vie et les opérations de capitalisation
.............................31
A/ La parenté entre certains comptes d'épargnes et
quelques assurances vie ........................32
B/ L'autonomie de l'assurance vie vis à vis des
opérations de capitalisation .......................34
Paragraphe II : Les assurances vie assimilables
à d'autres accords de volonté. ................36
A / Assurance vie proche des contrats de jeu et pari.
..................................................37
B / Assurance vie au service de la donation
déguisée ...................................................38
Deuxième partie II : Le débat
tranché sur la requalification des contrats
d'assurance
vie ...................................................43
Sous partie I : Les fondements de la
requalification ................................................44
Paragraphe I Les fondements légaux de la
requalification .........................................44
A/ Le code Civil
..............................................................................................44
B/ Le code des Assurances
.................................................................................46
Paragraphe II La solution jurisprudentielle
..........................................................48
A/ Définition de l'aléa
.......................................................................................49
B/ L'aléa dans le contrat d'assurance vie
.................................................................51
Sous partie II Les enjeux et la portée de
la requalification des contrats d'assurance vie...53
Paragraphe I : L'assurance vie confortée
par la Cour de cassation ...............................54
A/ Enjeux économiques et fiscaux des contrats en cours
...............................................55
B/ Enjeux matrimoniaux et successoraux : la question des primes
manifestement exagérées.....58
Paragraphe II Le nouvel environnement de
l'assurance vie ........................................60
A/ La doctrine et l'après
requalification...................................................................60
B/ La jurisprudence et l'après
requalification.............................................................63
.
Conclusion
.................................................................................................67
INTRODUCTION
« Demain est incertain. Demain peut détruire
l'acquis d'aujourd'hui. Demain est la porte ouverte au coup du sort. Demain est
la traduction de deux maux que l'homme n'a cessé de tenter de combattre
sans jamais parvenir à les vaincre. Complémentaires et pourtant
dissemblables, ils incarnent la peur existentielle de l'individu :
l'incertitude de l'avenir proche et du devenir éternel. Contre le
second, il est une issue : la religion. Contre le premier, un palliatif :
l'assurance » (1(*)).
Creuset de certaines espérances, remède contre
la peur quotidienne, l'utilité de l'assurance vie n'est plus à
démontrer. Au centre de toutes ces préoccupations : la vie et sa
protection. « Entre l'enfer et le ciel, il n'y a que la
vie qui est la chose la plus fragile » (2(*)), et assurément la plus
précieuse.
La vie humaine est à la fois le plus précieux et
le plus précaire des dons de la nature à l'homme. Tel un
trésor, tant elle est précaire et précieuse; elle
mérite d'être scellée; ceci n'est possible que par
l'assurance vie.
L'assurance vie est donc par là, la plus efficace
protection que l'homme ait su concevoir contre les aléas de la vie.
Extraordinaire invention, l'assurance vie permet par sa souplesse de garantir
les engagements financiers, de protéger la famille et l'entreprise et de
transférer les patrimoines. Dopée par une fiscalité
avantageuse et une ingénierie financière sophistiquée,
l'assurance vie est devenue le placement préféré des
Français (3(*)).
Dès la plus haute antiquité, les hommes se sont
efforcés de pallier les risques inhérents au décès
ou à la disparition. On ne trouve pourtant pas trace, à cette
époque, d'un mécanisme complet assimilable à l'assurance
vie telle qu'on la définit aujourd'hui.
S'agissant de l'origine, nous retiendrions avec Bernard
Beignier (4(*)),Véronique Nicolas (5(*)), Marc Belmont et Thierry
Deschanels (6(*)) que les
assurances vie ne sont pas très anciennes, si elles existaient sous
certaines formes à la fin du XVIIIe siècle, elles ne
se développèrent vraiment qu'au milieu du XIXe. Elles
sont, donc très postérieures aux assurances de dommages qui sont
pratiquées dès le XIIe siècle. L'histoire de
cette institution se confond avec l'histoire de la mutualité et celle de
la science mathématique dont elle constitue le point de rencontre. Ainsi
le développement de l'assurance vie suivra par conséquent pas
à pas les progrès de la science mathématique
appliquée aux opérations viagères.
Des premières tables de mortalité de la
première moitié du XVIIIe siècle,
découlèrent les premières assurances sur la vie.
Encouragées en Angleterre et en Hollande, pays hautement protestants,
elles furent prohibées en France par l'ordonnance de la marine de 1681,
dite ordonnance de Colbert, au motif qu'elles spéculaient sur la vie
humaine; prohibition qui ne prit fin qu'avec un arrêt du Conseil d'Etat
du 3 novembre 1787. L'assurance vie est née.
Pour publicité, un prospectus définit
l'assurance sur la vie comme un instrument destiné à " faire
servir l'inégale durée de la vie humaine et
l'intérêt de l'argent à fonder des ressources pour
l'âge avancé, ou après la mort en faveur des
survivants", et en décrit, de manière
éclairée, les mécanismes. Le fonctionnement du contrat
d'assurance vie, tel que décrit par ce prospectus, est très
proche de notre législation actuelle: il laisse augurer un
développement rapide de l'institution mais la révolution y met
prématurément un terme.
Un décret du 24 août 1793 (art. 1) supprime de
ce fait les associations connues sous le nom de compagnies d'assurances sur la
vie, marquant ainsi la méfiance révolutionnaire vis à vis
d'un contrat portant sur la vie humaine. Le législateur ancien ne voit
en effet, dans le contrat d'assurance vie, qu'un pur contrat indemnitaire dont
l'objet est de garantir la personne humaine envisagée comme une chose,
comme un objet quelconque estimable à prix d'argent et exposé au
risque de mort.
Nos codes sont par conséquent silencieux quant
à l'assurance sur la vie et leurs rédacteurs, inspirés par
l'ancien droit en l'occurrence par l'ordonnance de 1681 - elle-même
inspirée du Guidon de la Mer de 1589 - s'y montrent hostiles entretenant
par là-même une confusion malheureuse entre l'ancienne assurance
vie maritime et l'assurance vie moderne, confusion qui a certainement pour
partie retardé d'un siècle la création et le
développement des assurances sur la vie en France.
Ainsi, à Portalis de préciser dans
l'exposé des motifs du titre "de la vente" du Code civil (1804): "
Nous savons qu'il est des contrées où les idées de la
saine morale ont été tellement obscurcies et
étouffées par un vil esprit de commerce, qu'on y autorise les
assurances sur la vie des hommes. Mais en France de pareilles conventions ont
toujours été prohibées. Nous en avons la preuve dans
l'ordonnance de la marine de 1681, qui n'a fait que renouveler les
défenses antérieures. L'homme est hors de prix : sa vie ne
saurait être un objet de commerce, sa mort ne peut devenir la
matière d'une spéculation mercantile. Ces espèces de
pactes sur la vie ou sur la mort d'un homme sont odieux, et ils peuvent
n'être pas sans danger. La cupidité qui spécule sur les
jours d'un citoyen est souvent bien voisine du crime qui peut les
abréger".
Ces préjugés hostiles expliquent en grande
partie le retard que prend, en France, le développement de l'assurance
vie malgré que, après les troubles révolutionnaires et de
l'empire, le Conseil d'Etat ait, par un avis du 28 mai 1818, autorisé le
contrat d'assurance sur la vie, autorisation qui est donnée à la
Compagnie Générale le 22 décembre 1819.
Mais l'assurance sur la vie balbutie, tâtonne jusque
dans les années 1860 car il faut encore triompher d'une opinion
publique, peu encline aux nouveautés, méfiante, ignorante qui
assimile souvent tontine et assurance sur la vie, les considérant
volontiers comme suspectes.
L'assurance vie est aussi soupçonnée
d'être le mobile de crimes, l'affaire Couty de la Pommerais en est une
illustration. En 1864, La Pommerais, médecin est jugé pour avoir
empoisonné une cliente qui avait souscrit une assurance vie en sa
faveur. Ce qui relança le débat sur la cause immorale d'un tel
contrat, débat resté sans effet sur la validité de tels
contrats.
C'est pourquoi, il faut attendre les années 1870-1875
pour que le développement de l'assurance sur la vie soit réel
sous l'impulsion du développement de la fortune mobilière et de
l'industrie. En réalité l'assurance vie ne prendra vraiment son
essor en France qu'au lendemain de la première grande guerre. Le droit
reste à la traîne de tout cela. Ce n'est que le 13 juillet 1930
que la France, sous l'impulsion de Henri Capitant, se dote d'une loi sur les
assurances. Ce qui se suivra au bout de quatre décennies plus tard, par
l'édiction en 1976 d'un Code des assurances.
Mais qu'est-ce que l'assurance vie ? Aucune
définition ni par la loi de 1930, ni par le Code de 1976. Ce silence,
étonnant, n'est pas un oubli. Il semble être, notamment, le
résultat des difficultés rencontrées, en droit
français, pour donner à cet accord de volontés une
définition qui satisfasse les professionnels, la jurisprudence et les
auteurs qui s'y étaient essayés au paravant (7(*)). Le législateur a
volontairement évité de donner une définition
générale de l'assurance vie qui prêterait à des
controverses doctrinales insolubles et qui ne serait d'ailleurs d'aucune
utilité pratique.
Néanmoins, par Picard et Besson le contrat d'assurance
vie est classiquement défini comme une « convention par
laquelle, en échange d'une prime unique ou périodique, l'assureur
s'engage à verser au souscripteur ou au tiers désigné par
lui un capital ou une rente en cas de mort de la personne assurée ou de
sa survie à une époque déterminée »
(8(*)).
Pendant que l'assurance vie connaît plus de trois
siècles d'existence et de règne dans les pays
développés, il est encore des coins dans le monde où cette
activité n'est guère développée sinon quasi
inexistante, à cause soit de la pauvreté soit à cause du
caractère immoral qu'on lui reproche ; soit enfin à cause
des convictions religieuses et des tabous qu'entretiennent certains peuples sur
le caractère sacré de la vie humaine. Ces disparités
prouvent que le niveau de vie et l'évolution des mentalités sont
les éléments déterminants de la souscription d'un contrat
d'assurance vie.
L'Arabie Saoudite par exemple où en 2005 on ne parle
que de l'an I (un) de l'assurance (9(*)) recoupe cette réalité. Dans ce pays
l'activité d'assurance était peu encouragée, car
destinée à contrecarrer les desseins de Dieu. Moyennant quoi,
avec un revenu annuel par habitant de 8 800 euros, les montants des primes vie
et non vie par habitant étaient respectivement de 1,40 euros et de 33,20
euros en 2003. Le revenu annuel moyen par habitant est d'environ 20 200 euros
en France avec au début de l'année 2004 une cotisation moyenne
s'établissant à 7 354 euros.
Pareille situation, sinon pire en Afrique, où l'on
trouve des franges de populations vivant encore avec moins d'un dollar par
jour. Impossible dans de telles conditions de souscrire un contrat d'assurance
vie car tant on est incapable de faire face à la vie d'aujourd'hui, tant
on ne pourra épargner pour demain. A cela un mal et un palliatif :
la structure familiale trop éclatée. Un mal car le chef d'une
famille nombreuse ne peut à la fois penser à aujourd'hui et
à demain. Un palliatif car la solidarité est de mise dans une
famille nombreuse de type africain où le chef de famille n'aura à
s'inquiéter de son lendemain car il aura les siens autour de lui.
Ces indicatifs supposent que l'assurance vie est encore loin
du regard de certains peuples de certaines régions du monde.
Par ailleurs, le succès fulgurant que connaît
l'assurance vie aujourd'hui en France n'a pas été
linéaire. Les statistiques et les sondages montrent les débuts
difficiles de l'institution qui, par la suite ne fera que progresser de
manière constante.
Après la guerre, arrivent « les années
laborieuses » (1945-1960), période marquée par une
forte inflation (16 en moyenne).
Viennent ensuite les années dites
« prometteuses » (1960-1980) où l'assurance vie
profite d'une conjoncture assez favorable. A ce changement trois raisons
principales :
«L'offre évolue et la qualité des
produits s'améliore incontestablement. Dans leur
présentation aux clients, les contrats deviennent de plus en plus
lisibles et de plus en plus clairs ;
La pertinence du service financier rendu
s'améliore également et de nouveaux produits
indexés sur l'immobilier ou sur les actions, sont crées afin
d'offrir de nouvelles perspectives aux épargnants : ce sont les
contrats en unité de compte;
Enfin, les acteurs changent et la concurrence
s'affermit : aux sociétés
traditionnelles s'ajoute, à partir des années soixante-dix, une
nouvelle catégorie d'assureurs, les bancassureurs.
La compétition imposée par ces nouveaux
assureurs, qui se positionnent d'emblée sur un large public et
prétendent à une plus grande qualité de contrats
commercialisés, va peser sur les marges des compagnies, et contribuer
à améliorer le rendement des produits pour les
clients » (1(*)0).
C'est sur ces bases qu'arrivent enfin les années
"prodigieuses" (1983-2000), marquées par un contexte
économique très favorable d'inflation stabilisée et de
taux d'intérêts très positifs.
En 1998, près d'un ménage sur deux
détient un contrat d'assurance vie pour la protection de la famille, la
constitution, la gestion et la transmission de son patrimoine.
"L'épargne gérée en 1999 au
bénéfice des assurés par l'assurance vie est investie dans
l'économie nationale pour 2814 milliards de francs en obligations, 853
milliards en actions et plus de 156 milliards en immobilier. Elle
bénéficie donc également à tous les acteurs de la
vie économique et, en particulier, à l'ensemble des entreprises
et des salariés français"(1(*)1).
Cette période prodigieuse a été
aussitôt suivie d'une période de crise marquée par la
baisse des cours boursiers et la crise de l'immobilier, ce qui constituait un
coup dur pour les unités de compte - l'aléa étant
supporté par l'assuré - et l'assurance vie en
général qui ont vu leur attraction baissée du fait de la
confiance dont elles n'étaient plus dignes.
Il faut attendre 2003 pour voir revenir la confiance qui leur
était due. L'année 2004 a confirmé, pour l'assurance
française, le redressement amorcé en 2003.
L'exercice 2004 restera sans aucun doute dans les
mémoires des assureurs comme un cru exceptionnel. Après les
années « noires », le marché français
a enregistré l'an dernier le meilleur niveau de rentabilité de
son histoire, et la deuxième plus forte croissance de ces dix
dernières années. La bonne santé des marchés
financiers et l'absence de catastrophes naturelles d'ampleur ont joué
incontestablement en faveur des assureurs.
Quant à la branche des assurances de personnes,
précise Jean-Marc Boyer, délégué
général de la FFSA : « aucun nuage ne
devrait assombrir en 2005 le résultat de cette branche, qui devrait au
moins se maintenir au niveau de 2004 du fait d'un environnement financier
favorable et par la remontée du Cac 40 » (1(*)2)
A la fin du mois de mars 2005, les cotisations d'assurance vie
et de capitalisation s'élèvent à 33,3 milliards d'euros,
en progression de 12 depuis le début de l'année. Cette
évolution résulte d'une hausse de 25 des cotisations sur les
supports en unités de compte (8,5 milliards d'euros) et d'une
augmentation de 8 des cotisations sur les supports en euros (24,8 milliards
d'euros) (1(*)3). A ce
titre Gérard de La Martinière actuel président de la
fédération française des sociétés
d'assurances (FFSA) lors de son rapport annuel pour 2004 arguait que :
« l'assurance est le premier véhicule d'investissement en
actions des ménages »
Ainsi alors que le produit intérieur brut (PIB)
croît de 2,3, le chiffre d'affaire (CA) des assureurs français
progresse de 11,3. La branche personnes affiche une belle hausse de 14,
traduisant la bonne adaptation des produits à une forte demande de
protection financière. Mais les biens et responsabilité subissent
un net ralentissement avec une croissance de seulement 4 (1(*)4).
Cette très forte demande d'assurance, dont
témoigne l'évolution des cotisations recueillies, démontre
à quel point l'assurance est devenue un élément essentiel
de la « société de confiance » dans laquelle
nous vivons.
De plus, le bon niveau des cotisations témoigne du
souhait d'épargner des français, notamment dans la perspective de
leur retraite. C'est ainsi que 164 000 nouveaux plans d'épargnes
retraite populaire (PERP) ont été ouverts auprès des
sociétés d'assurances depuis le début de l'année
2005 (1(*)5).
Admettons que les bonnes performances réalisées
par les assurances de personnes en général et en particulier par
les assurances vie sont dues au retour imposant des contrats en unités
de compte, lequel retour a la vertu de mobiliser quatre fois moins de fonds
propres que les contrats en euros, ce qui accroît d'autant leur
rentabilité - outre le fait que c'est le client qui porte le risque.
C'est dans cette perspective, fort et confiant de ce que cette
donne représente réciproquement aux épargnants et aux
assureurs des avantages non négligeables, que Jean-Michel Fourgous
député UMP à l'Assemblée Nationale est auteur d'un
amendement déposé le 22 juin 2005 dans le cadre de la loi sur la
confiance dans l'économie (loi Breton) qui, si tout va bien - s'il
survit aux lectures de l'Assemblée, du Sénat et aux
décrets -, permettra à l'assuré de transformer son contrat
en euros en multisupports, sans aucune contrainte spécifique
d'investissement sur des fonds en actions et sans subir les assiduités
du fisc.
Le client bénéficiera pour ses nouveaux
versements d'une gestion et d'un rendement plus dynamiques. L'assureur, lui,
sera mieux rémunéré et verra ses contraintes de
solvabilité allégées.
Quant à l'argent, il aura peut-être un peu plus
tendance à se diriger vers les acteurs économiques qui en ont
besoin, les entreprises et leurs créateurs.
En revanche, les assurés tentés d'aller voir
ailleurs ne pourront pas faire une infidélité à leur
assureur : la transformation ne s'entend qu'à l'intérieur
d'un même établissement. Il n'est pas question de transferts.
C'est une très bonne nouvelle pour les assurés,
commente Claude Fath, président de la commission plénière
des assurances de personnes à la FFSA. Ainsi poursuit-il :
« des millions d'épargnants sont entrés dans les
fonds en euros d'assurance vie quand les taux étaient
élevés, et ils se retrouvent depuis, bloqués dans ces
fonds pour des raisons fiscales. Alors que l'Europe est en panne de croissance
et que les taux d'intérêts atteignent des planchers historiques,
les fonds en euros vont voir leurs rendements diminuer de 0,5 à 0,6 par
an. Offrir aux assurés la possibilité de mieux diversifier leur
capital, c'est leur permettre d'engranger des gains supérieurs à
long terme » (1(*)6).
Enfin cette transformation devrait être possible au
cours du dernier quadrimestre 2005, précise le député
Jean-Michel Fourgous, qui s'est engagé à veiller à ce que
l'esprit de la loi soit respecté dans les décrets d'application.
Cet engouement pour l'assurance vie en France est ressenti
partout ailleurs. L'assurance vie progresse plus fortement en Europe.
« L'assurance européenne a surmonté la plus grave
crise financière subie depuis la seconde guerre
mondiale », s'est réjoui Gérard de La
Martinière, actuel président du comité européen des
assurances (CEA), lors de la présentation des résultats obtenus
par le secteur sur le continent. Au vu des chiffres de collecte, la crise de
2001 et 2002 est en effet oubliée. Pour la première fois en
quatre ans, le marché de l'assurance vie a crû plus vite que le
secteur non vie. Les primes vie s'élèvent à 559 milliards
d'euros, contre 507 milliards d'euros en 2003, soit une hausse de 6,8. Selon le
Comité européen des assurances, le potentiel de croissance y est
considérable, du fait des besoins en matière de retraite et
d'assurance dépendance (1(*)7).
En même temps que le CEA présentait son
estimation de l'activité des assureurs européens, Swiss Re
dévoilait son étude (Sigma n°2 / 2005) sur l'assurance dans
le monde 2004. Le réassureur constate que le total des primes augmente
de 2,3, les affaires vie et non vie affichant des tendances opposées au
bénéfice des premières. La répartition
régionale du volume de primes a également changé. Du fait
de l'évolution des réglementations et des performances
économiques, l'Europe a gagné 1,89 point grâce à la
reprise en assurance vie, tandis que l'Amérique du nord et l'Asie ont
perdu respectivement 1,8 et 0,5, essentiellement en raison de la faible demande
en assurance vie aux Etats-Unis et au Japon selon l'étude (1(*)8).
Est-ce pour autant l'âge d'or de l'assurance vie en
France ?
La question mérite d'être posée car,
peut-être victime de son succès, elle a connu ces derniers temps
des orages. Sa fiscalité, jusqu'alors très avantageuse, a
été mise à mal tant pour le revenu de l'épargne que
pour la transmission des patrimoines. Elle a suscité des appétits
de la part de certains créanciers, notamment du fisc, encouragés
par certaines théories aussi hardies que peu orthodoxes, allant
jusqu'à dénier à l'assurance vie épargne le
caractère d'assurance. C'est là qu'est né le débat
sur la requalification des contrats d'assurance vie.
De ce fait, l'étude que nous lui consacrons n'est pas
la première. Bien dans le passé, d'autres études, analyses
et réflexions ont été déjà menées sur
la question et les enjeux qu'elle présente. La nôtre toute
récente ne vient aucunement remettre en cause les moins récentes,
mais vient alimenter la question par rapport aux décisions de la chambre
mixte de la Cour de Cassation qui paraissent conforter et offrir un nouveau
visage à l'assurance vie longtemps controversée quant à sa
nature juridique.
La cour de cassation, réunie en chambre mixte, s'est
prononcée sur la nature de certains contrats qualifiés au moment
de leur souscription de contrats d'assurance vie par quatre arrêts rendus
le 23 novembre 2004.
Cette qualification était critiquée par des
héritiers dans trois des quatre pourvois examinés, leur auteur
ayant souscrit de tels contrats au profit de tiers bénéficiaires.
Dans le quatrième pourvoi, la qualification de contrat de
capitalisation, et non d'assurance vie, retenue par la cour d'appel,
était critiquée par des établissements de crédit
bénéficiaires d'une garantie constituée par un contrat
souscrit par le gérant de la société auquel un prêt
avait été accordé.
La définition du contrat d'assurance vie reposant sur
la notion d'aléa, la question posée à la Cour de cassation
était donc de savoir si les contrats en cause étaient
affectés d'un aléa, tant au sens du Code civil que du Code des
assurances.
En réponse à la question, la Cour de cassation a
décidé que dès lors que les effets du contrat
dépendent de la durée de la vie humaine, un tel contrat,
qualifié de contrat d'assurance vie, comporte un aléa au sens des
articles 1964 du Code civil, L 310-1,1° et R321-1,20 du Code des
assurances.
Enfin, afin de s'assurer de la compatibilité des
dispositions contractuelles en cause avec le droit successoral, la Cour de
cassation a vérifié que lorsque la qualification d'assurance vie
avait été justement retenue par les juges du fond, le
caractère manifestement exagéré des primes versées
avait été examiné, au moment de leur versement, au regard
de l'âge et des situations patrimoniale et familiale du souscripteur
(1(*)9).
En revanche, la mission qui nous est confiée pour cette
tâche hardie n'est pas de faire une étude du contrat d'assurance
en général, moins encore de faire une étude exhaustive des
différents contrats d'assurance vie mais, plutôt de faire une
analyse type de contrat par type de contrat en tenant bien sûr compte de
ceux qui s'inscrivent dans la logique de ce travail pour prouver pourquoi d'un
point de vue juridique ils se désolidarisent des autres contrats
d'assurance. C'est également en adoptant cette démarche qu'il
convient de s'interroger pour savoir s'ils ne pourraient pas être
rapprochés d'autres contrats, tels le jeu et le pari, la donation, ou de
certains comptes d'épargnes.
La limitation s'avère dans ce sens très
nécessaire pour notre travail de peur de sombrer dans l'évasion
sans pour autant répondre à la question essentielle qui constitue
la matière de notre étude. Il semble opportun de préciser
que tous les contrats d'assurance sur la vie ne répondent pas aux
mêmes conditions qui tenteraient de les confondre aux contrats de
capitalisation ou à d'autres accords de volonté qui leur sont
proches. Dans ce sillage se trouvent les contrats d'assurance maladie, les
accidents corporels... qui ne courent aucun risque de mimétisme avec les
contrats dits de capitalisation.
De ce fait, pour en être certain, la prétention
nous vient à priori de dire que figurent dans cette fusion avec les
contrats de capitalisation, les contrats d'assurance en cas de
décès vie entière, les contrats d'assurance en cas de vie
avec contre-assurance, des assurances mixtes, les contrats d'assurance
emprunteur... pour ne citer que ceux là. Et c'est de ces contrats
particuliers que dépendra notre analyse afin de mieux les confronter
avec les opérations dites de capitalisation et d'autres accords de
volontés à peu près similaires.
Malgré les décisions de la chambre mixte en
faveur de l'assurance, une nouvelle réflexion s'impose sur la
qualification des contrats d'assurance vie pour bien déceler les
questions tranchées et celles laissées en suspense.
A l'instar de la banque, l'assurance connaît une
extraordinaire fortune économique, mais l'une et l'autre n'ont pas suivi
les mêmes chemins. Alors que les opérations bancaires ont
été toujours diverses, à l'origine l'activité
d'assurance est une. Les mots eux-mêmes reflètent cette
différence. "La banque tire son nom du comptoir sur lequel
s'effectuaient les opérations du banquier: c'est l'entreprise qui a
donné son nom aux actes divers du banquier. Au contraire l'assurance est
d'abord un contrat, et c'est le contrat qui a donné son nom à
l'entreprise de l'assureur"(2(*)0).
Avec le succès est venue la puissance
financière, qui à son tour a poussé les entreprises
d'assurances à rechercher de nouvelles activités. Elles se sont
emparées de tous les nouveaux risques que suscite l'évolution
technique et économique du monde; elles l'ont fait d'autant plus
facilement que les progrès merveilleux qui marquent notre civilisation
rendent plus insupportable l'incertitude du lendemain. Or nos craintes devant
l'avenir ne se limitent pas au coup du sort : nous nous soucions aussi de notre
vieillesse ou de l'avenir de nos proches. L'assurance avait une vocation
presque naturelle à occuper l'ensemble du marché de la
prévoyance.
Toutes ces nouvelles activités, on les a
appelées"assurances", sans se rendre compte du renversement qui
s'était opéré. A l'origine, c'est le contrat qui avait
donné son nom à l'entreprise. Maintenant, c'est l'entreprise qui
donne son nom à l'activité.
Pour autant, un nouveau débat sur la qualification des
contrats d'assurance de personnes pourrait sembler dépassé.
Pourtant le développement de nouvelles formes d'assurances vie relance
la polémique (2(*)1). De manière plus générale, la
question se pose de savoir quelle est la frontière entre l'assurance et
la banque. Ce que la pratique nomme la "bancassurance" traduit l'idée
que des liens existent entre ces deux professions. Ils sont sans aucun doute
financiers et économiques, et à ce titre débordent les
compétences des juristes. Faut-il en déduire que les
opérations effectuées par ces professions et que les services
qu'elles proposent reposent sur un fondement juridique identique? Une telle
conclusion est douteuse.
Savoir si tel "produit" peut être diffusé par les
assureurs ou par les financiers est un choix économique et politique. En
revanche, il est difficile de nier que, si les pouvoirs publics autorisent la
diffusion de certains contrats par deux catégories de professionnels,
des confusions soient à craindre pour les consommateurs. Le juriste
lui-même trompé par les apparences n'est pas à l'abri de
certaines erreurs. Une distinction juridique claire et précise semble
donc indispensable entre les opérations d'assurances "pures" et celles
appartenant au domaine bancaire. Et une pareille exigence ne doit pas
être comprise comme une interdiction faite à tel professionnel de
pratiquer une activité, en quelque sorte, périphérique par
rapport à la sienne propre. Il convient seulement de bannir toute
ambiguïté sur la nature juridique de l'opération. Cette
dernière préoccupation est générale en doctrine.
Chacun s'interroge sur la frontière existant entre les "produits"
d'assurance et les "produits" bancaires (2(*)2).
Ce sentiment de flou préjudiciable est fortement
ressenti lorsqu'une autre situation se rencontre : celle où deux
activités d'essence différente sont pratiquées par une
même profession. N'est-ce pas le cas en matière d'assurances?
Celle-ci ne gère t-elle pas des contrats de capitalisation dont la
nature est étrangère à celle des assurances les plus
anciennes et les plus classiques ?
Au-delà de cet exemple, certaines assurances-vie,
notamment certaines formes récentes, ne présentent-elles pas une
disparité profonde par rapport aux contrats d'assurances de dommage? Ne
poursuivent-elles pas un objectif autre ? Admettre par exemple qu'elles
permettent aux assurés de se constituer une épargne n'est pas le
résultat d'un pur débat théorique; les enjeux pratiques
sont considérables.
Nous ne péchons pas par excès de questions car
notre thème, figurant en bonne place dans l'actualité toute
récente et brûlante de l'assurance vie, nous l'exige pour bien
dégager notre problématique.
Ainsi a-t-on raison de continuer d'appeler "assurances vie"
tous les contrats de cette branche que proposent les compagnies d'assurances ?
Réciproquement tous les contrats que l'on dénomme ainsi
méritent-ils cette qualification ? Dans l'affirmative quels en sont leur
fondement et leur portée au regard des droits successoral, matrimonial
et fiscal ?
Pour répondre à cette question qui constitue la
toile de fond de notre travail, il faut opérer un retour au contrat
d'assurance vie lui-même pour l'analyser en fonction de l'aléa qui
le caractérise afin de lui reconnaître ou non sa vraie nature
juridique.
De ce fait, une nouvelle analyse de la qualification du
contrat d'assurance vie passe par l'étude de l'existence de
l'aléa en son sein. Celui-ci devrait permettre de vérifier si
tous les accords de volonté ayant reçu la qualification
d'assurance vie font partie de la même famille juridique.
La première partie de ce travail sera consacrée
à l'étude du débat sur la requalification du contrat
d'assurance vie (I) au travers de l'aléa et à la
démonstration de la parenté qu'il a avec les autres accords de
volonté qui lui sont proches. La seconde partie tranchera le
débat sur la requalification (II) suivant les nouvelles orientations de
la Cour de cassation sur la question, dictées par sa position issue des
arrêts de sa Chambre mixte du 23 novembre 2004.
PREMIERE PARTIE
Première partie I : La requalification
discutée des contrats d'assurance vie
Le débat sur la qualification des contrats d'assurance
vie remonte à plus de dix ans. Il porte sur l'étendue du droit
dérogatoire régissant l'assurance vie au regard du droit civil.
Les contrats d'assurance vie ont évolué au cours des trente
dernières années. Sous la poussée consumériste, ils
se sont transformés, incluant des formes et des catégories
nouvelles. Cette évolution, qui a constitué un progrès
considérable pour les assurés, a été paradoxalement
à l'origine du débat sur leur nature juridique au centre duquel
se trouvent la question de l'existence de l'aléa (I) et la
parenté (II) entre les assurances sur la vie et les autres accords de
volonté.
Sous partie I : La question de l'existence de
l'aléa en assurance vie
Les contrats d'assurance vie ne sont plus aujourd'hui
seulement des contrats de prévoyance, dont l'objet peut notamment
être pour le souscripteur de prémunir ses proches des risques que
leur ferait subir, sur le plan matériel, son éventuelle
disparition. Ces contrats sont désormais également des
instruments d'épargne permettant de constituer un complément de
retraite ou souscrits pour toutes autres fins. De ce fait, les contrats
d'assurance vie ne paraissent plus cantonnées dans leur seule mission de
prévoyance, elles obéissent aux exigences nouvelles
dictées par l'évolution du moment, ce qui semble ôter leur
vraie nature juridique empirique d'instruments de prévoyance. Face
à cette évolution se suit la question de l'existence
d'aléa dans ces nouvelles formes de contrats d'assurance vie, question
soulevée par la doctrine (paragraphe I) et par la jurisprudence
(paragraphe II).
Paragraphe I : les courants doctrinaux face à
l'aléa
Il n'est pas discuté que le contrat d'assurance vie est
un contrat aléatoire. L'existence d'un aléa se trouve au
fondement de tout contrat d'assurance, comme le précise l'article 1964
du Code civil qui après avoir posé que le "contrat
aléatoire est une convention réciproque dont les effets, quant
aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit pour l'une ou
plusieurs d'entre elles dépendent d'un événement
incertain", cite, parmi d'autres contrats aléatoires, le contrat
d'assurance. Depuis une dizaine d'années, est toutefois apparue une
controverse doctrinale relative à la définition de la notion
d'aléa dans le contrat d'assurance vie.
Schématiquement, deux courants doctrinaux sont
apparus.
Le premier conteste le caractère aléatoire du
contrat d'assurance vie (A) en méconnaissant dans ce genre d'accord
l'existence d'un aléa financier. Le second courant doctrinal reproche
à cette position de reposer sur une vision plus économique que
juridique et reconnaît l'existence de l'aléa dans le contrat
d'assurance vie (B) (2(*)3).
A / L'école de Grimaldi et l'inexistence de
l'aléa en assurance vie
Mené par le Professeur Grimaldi (2(*)4), Aulagnier (2(*)5), Guy Courtieu (2(*)6), Philippe Delmas
Saint-Hilaire (2(*)7), F.
Lucet (2(*)8) et
Lambert-Faivre (2(*)9), ce
courant doctrinal conteste la qualification de contrat d'assurance vie en
présence d'un contrat prévoyant que l'assureur versera à
son terme le montant des primes majoré des produits financiers et
minorés des frais de gestion, soit à l'assuré s'il est
encore en vie soit au bénéficiaire dans le cas contraire. Ainsi
le Professeur Grimadi estime que: " l'assuré sait qu'il
récupèrera le montant des primes payées et,
corrélativement, l'assureur sait qu'il versera le montant des primes
encaissées. Autrement dit, l'assuré est certain de
récupérer la valeur acquise de son épargne : toute cette
valeur, rien que cette valeur. Dans une telle opération, on ne voit plus
que l'assureur garantisse le risque tenant à la durée de la vie
humaine, ni même que se trouve l'aléa qui est de l'essence d'une
opération d'assurance ". Et Monsieur Grimaldi ajoute que "
l'incertitude relative à la personne entre les mains desquelles
s'exécutera le débiteur ne rend point le contrat
aléatoire, dès lors qu'elle est indifférente à
l'équilibre contractuel ".
Pour les détracteurs de l'assurance vie, le
contrat d'assurance n'apparaît pas comme un contrat aléatoire, au
motif qu'il ne présente pas d'aléa financier, au sens des
articles 1104 et 1964 du Code civil, ni pour l'assureur qui, dans un contrat de
ce type, versera une prestation dont le montant est déterminable
dès l'origine du contrat, ni pour le souscripteur du contrat, qui
bénéficiera de la même prestation en cas de vie ou de
décès. En conséquence, il ne s'agirait pas d'assurance,
mais de placement (3(*)0).
Certains ont poussé l'argument très loin,
expliquant que, dans le contrat d'assurance vie, l'aléa n'est pas
lié à la durée de la vie humaine, décès ou
survie, mais qu'il résulte de la somme jouée, c'est
à dire de la prime payée par le souscripteur (3(*)1). En d'autres termes, ce qui
intéresserait le souscripteur du contrat ne serait pas de se
prémunir contre les conséquences d'un événement par
nature aléatoire, mais de gagner lorsque cet événement se
produit. Or, en l'absence d'aléa, la qualification de contrat
d'assurance doit nécessairement être écartée,
l'aléa étant précisément l'élément
caractéristique du contrat d'assurance.
A y regarder de plus près, cependant, les contrats
d'"assurance-placement" ne sont pas des contrats aléatoires au sens du
Code civil.
Pour le montrer, il faut, au préalable identifier la
définition du contrat aléatoire retenue par celui-ci. Or on se
plaît à dénoncer la contradiction qui existerait, à
cet égard, entre l'article 1104, qui parle de chance de gain ou de perte
pour chacune des parties et l'article 1964, qui évoque des avantages et
pertes soit pour toutes les parties, soit pour une seule. En définitive,
les articles 1104 et 1964 du Code civil se complètent mais ne s'opposent
pas. Ainsi la lecture des travaux préparatoires relatifs à
l'article 1964 l'atteste au demeurant : les contrats aléatoires
"sont les produits de nos espérances et de nos craintes. On veut
tenter la fortune ou être rassuré contre ses
caprices"(3(*)2). En
conséquence, pour la définition de la notion de contrat
aléatoire, c'est l'article 1104 qui doit seul être
considéré (3(*)3). La note du Conseil supérieur du notariat du
30 juin 2003 (p. 8) le confirme et soutient que le "contrat n'est
aléatoire que s'il existe pour chaque partie un risque de gain ou de
perte". Elle en déduisait que "pour admettre le
caractère aléatoire d'un contrat, la condition nécessaire
est que de l'événement incertain dépende
l'équilibre économique du contrat". Elle faisait encore
état de ce que "l'incertitude tenant à la personne
bénéficiaire final du capital ne peut suffire à rendre
aléatoire le contrat, dans la mesure où elle n'a aucun effet sur
l'équilibre contractuel existant entre les parties. Elle ne modifie pas
la prestation économique de l'assureur".
A l'examen, il apparaît que les contrats
d'"assurance-placement" ne se fondent pas dans le moule du contrat
aléatoire forgé par le Code civil.
Ce courant doctrinal tient sa force de son chef de file M.
Grimaldi qui, dès 1994 a soutenu que les contrats de capitalisation
n'étant pas des contrats d'assurance sur la vie, faute d'existence d'un
aléa aux sens des articles 1104 et 1964 du Code civil, l'avantage civil
devait être abandonné, l'aléa étant le risque pour
les deux contractants d'un gain ou d'une perte. Les notaires (3(*)4) intéressés par
l'aspect civil, Aulagnier, Nicolas, Courtieu, Chapusat, Lucet ainsi que
Lambert-Faivre et Bonnet partagent cette opinion même s'ils apportent des
nuances non négligeables. Lambert-Faivre analyse, pour sa part,
considère "l'assurance-placement" comme "une opération sui
generis du droit des assurances"(3(*)5).
De plus, la garantie d'un risque est de l'essence du contrat
d'assurance. Parce que l'assurance est, d'abord et avant tout, une technique,
la technique de la solidarité par la mutualité, il est loisible
de considérer que la garantie fournie par le contrat d'assurance doit,
par, nature reposer sur la technique de l'assurance et partant sur la
mutualité sauf à assumer le paradoxe que constituerait un contrat
d'assurance...sans assurance. Or, la prestation servie par l'assureur dans le
cadre des contrats d'assurance-placement, ne comporte pas le moindre once de
mutualisation (3(*)6).
Elle ne correspond donc pas proprio sensu à une garantie
d'assurance.
En somme, la qualification de contrat d'assurance
apparaît foncièrement inadaptée aux contrats
d'assurance-placement. Enfin, un argument consiste à soutenir que la
définition que le Code civil donne du contrat aléatoire n'est pas
applicable à l'assurance vie, au motif que celle-ci était
illicite à l'époque où ont été
rédigés les articles 1104 et 1964 du Code civil.
Ceci étant, abordons la question avec ceux qui prennent
le contre pied de ce premier courant doctrinal.
B / L'école de Ghestin et l'existence de
l'aléa en assurance vie
Sous l'impulsion des Professeurs J. Ghestin et Billiau
(3(*)7), J. Bigot
(3(*)8), J. Kullmann
(3(*)9), L. Mayaux
(4(*)0) et V. Nicolas
(4(*)1) ont pris position
pour l'existence de l'aléa dans les contrats d'assurance vie dits
assurance-placement et, partant ont reconnu l'authenticité de ces
contrats d'assurance.
Ce second courant doctrinal reproche au premier de reposer sur
une vision plus économique que juridique de la notion d'aléa dans
les contrats d'assurance vie. Pour les Professeurs Billiau et Ghestin, "la
notion d'aléa doit (...) être comprise, en matière
d'assurance, comme s'appliquant uniquement à l'événement
choisi par les parties, sans qu'il soit nécessaire que soit jointe une
chance de gain ou un risque de perte pour l'une ou l'autre puisqu'elle n'est
pas de la nature de l'assurance". Ces auteurs considèrent que
l'aléa qui caractérise le contrat d'assurance "tient à
l'événement et seulement à l'événement :
est-il connu ou inconnu des parties au jour de la conclusion du contrat, ce
dont dépend d'ailleurs l'exécution de la prestation promise par
l'assureur à l'égard du souscripteur ou du
bénéficiaire. Dans l'assurance vie cet événement
est lié à la durée de la vie de l'assuré,
événement certain dans sa réalisation, mais incertain
quant à sa date".
La durée de la vie du cocontractant entraîne une
incertitude non seulement sur le moment du paiement et le quantum du capital
assuré mais, de surcroît, sur l'identité du
créancier. En tout état de cause, la durée de la vie
humaine a une incidence sur les effets du contrat, imprimant par
là-même à celui-ci un caractère aléatoire.
Dès lors que la vie de l'assuré représente un
élément du contrat, l'aléa est suffisant pour constituer
un contrat d'assurance vie, autrement dit, dès lors que la personne du
bénéficiaire et le moment du versement de la prestation
dépendent de la durée de la vie humaine, on est en
présence d'un contrat d'assurance sur la vie.
En effet, et même en présence des
mécanismes de la capitalisation destinés à fixer le
montant de l'obligation de l'assureur (rachat, ou sortie en capital-vie ou
capital-décès), le contrat conserve en principe un aléa
tenant à la durée de la vie humaine et non à des
considérations purement financières dans la mesure où, de
cette durée de vie de l'assuré dépend effectivement la
détermination du réel récipiendaire des sommes
versées par l'assureur. Le centre de gravité de l'aléa est
déplacé; dans les contrats d'assurance mixte, il n'est plus dans
la relation durée de vie de l'assuré et le montant de
l'obligation de l'assureur, mais dans le lien durée de vie de
l'assuré et la détermination du destinataire effectif de
l'obligation de l'assureur. Bien entendu, dans les contrats d'assurance
décès, la même analyse ne persisterait que si le
souscripteur assuré disposait de la faculté de rachat; en
revanche, dans le cas contraire, elle s'éclipserait, et on en
reviendrait alors, pour ce contrat d'assurance décès à
fonds perdus, à un aléa tenant simplement au lien durée de
vie de l'assuré et montant de l'obligation de l'assureur. De là,
il s'en suit que le contrat d'assurance sur la vie diffère bel et bien
de l'opération de capitalisation. S'il en est ainsi, c'est que
précisément la capitalisation se distingue de la véritable
prévoyance en ce qu'elle intervient dans une opération où
le souscripteur "transmet ce qu'il a", alors que, dans le second cas
de figure, il "transmet ce qu'il n'a pas" (4(*)2).
Pour tenter d'approcher de façon plus réaliste
la notion d'aléa dans l'assurance vie , il convient de rappeler que,
lorsque les rédacteurs du Code civil ont défini les contrats
aléatoires, ils visaient les contrats d'assurance de dommages, maritimes
notamment (4(*)3), ce qui
pouvait expliquer le rapprochement fait avec le pari, l'assurance vie
étant à l'époque inexistante. Mais l'assurance n'est pas
un pari ou un jeu, et retenir pour ce qui la concerne la définition du
contrat aléatoire au sens de l'article 1104 du Code civil, conduit
à méconnaître son aspect fondamental, sa causalité
même, qui n'est pas de chercher un gain, mais de se prémunir
contre les conséquences d'un événement par nature
aléatoire.
Le souscripteur d'un contrat d'assurance vie ne cherche pas
à engager avec l'assureur un pari, dont l'enjeu serait sa propre vie
: "je gagne si je décède"(4(*)4), mais cherche à se
prémunir lui-même ou à prémunir ses proches, contre
les conséquences de la survenue d'un événement
aléatoire quant à sa date de réalisation. A cet
égard, on ne peut prétendre que le résultat serait le
même pour le souscripteur du contrat en cas de vie ou en cas de
décès.
C'est à ce niveau que joue pleinement l'aléa
lié à la durée de la vie humaine. Tant que l'assuré
est en vie, personne ne peut dire comment se dénouera le contrat et qui
en sera bénéficiaire. En cas de survie, l'assuré
bénéficiera de la prestation promise par l'assureur, en cas de
décès, cette dernière ira au bénéficiaire
désigné. L'assureur de son côté n'engage pas non
plus un pari. Dans le cas contraire, il mettrait en péril la
mutualité de ses assurés et serait très vite freiné
par la CCAMIP (Commission de Contrôle des Assurances, Mutuelles et
Institutions de Prévoyance), son organisme de contrôle qui le
verrait d'un très mauvais oeil jouer avec les primes versées par
ses assurés. Son engagement doit être à tout moment couvert
par des actifs équivalents et il doit présenter une marge de
solvabilité suffisante afin de rester en conformité avec la
réglementation. Autant de parades pour défendre l'existence de
l'aléa dans les contrats d'assurance vie. Ainsi en assurance vie,
l'aléa suppose la réalisation d'un événement contre
les conséquences duquel le souscripteur s'assure et non un aléa
purement financier.
L'assurance vie repose sur une conception différente
de l'aléa qui consisterait dans le risque de taux
d'intérêt, lié à la stipulation d'une garantie de
rendement, le risque de rachat du contrat, le risque de résiliation
unilatérale, l'incertitude sur la personne du
bénéficiaire.
La définition de l'aléa donnée par ce
courant doctrinal est fondée d'abord, de façon incontestable, sur
l'élimination de l'article 1104 au profit de l'article 1964 du Code
civil. Elle repose également, semble t-il, sur la
préférence donnée au critère de la
dépendance de l'exécution des obligations de l'assureur à
la durée de la vie humaine par rapport à celui de l'existence
d'une chance de gain ou de perte.
C'est en vain que M. Grimaldi a fait état d'une
analogie du contrat d'assurance vie avec le contrat de dépôt
stipulant la remise à un tiers de la chose déposée en cas
décès du déposant (4(*)5). Plus précisément, lorsque l'assureur
exécute son engagement, il ne restitue pas les primes ni même un
équivalent. Parce qu'il est devenu propriétaire des primes, il
est alors tenu d'une obligation personnelle soit envers le souscripteur, si
celui-ci survit, soit envers le bénéficiaire
désigné par la technique de la stipulation pour autrui. Ce n'est
que lorsque le risque se réalise qu'il est constitué
personnellement débiteur envers une personne qui lui est
désormais connue.
En définitive, il faut retenir que si le contrat
d'assurance est un contrat aléatoire, en ce sens qu'il suppose un
événement de réalisation incertaine dans son existence ou
dans sa date d'arrivée, l'existence d'une chance de gain ou de perte ne
participe pas de sa nature. Il n'y a plus lieu alors de rechercher les
conséquences de l'événement incertain en termes de risque
d'appauvrissement ou d'enrichissement.
Le débat doctrinal clos, un regard rétrospectif
sur le cheminement de la jurisprudence sur la notion de l'aléa en
assurance vie mérite d'être jeté.
Paragraphe II Le débat jurisprudentiel autour de
l'aléa en assurance vie
L'évolution contemporaine des contrats d'assurance sur
la vie qui a permis leur développement actuel en donnant aux
assurés une sécurité nouvelle, notamment au regard des
risques de dépréciation monétaire, a conduit les assureurs
à faire appel à des techniques de gestion voisines des
opérations de capitalisation. Il en est résulté un
débat sur leur qualification juridique: devaient-ils être
requalifiés en contrats de capitalisation comme le soutenaient le
notariat et plusieurs auteurs au motif qu'en l'absence de risque de gain ou de
perte pour chacune des parties ils ne comporteraient plus l'aléa
caractéristique du contrat d'assurance ?
Il avait été soutenu (4(*)6) que la première
chambre civile de la Cour de cassation, le 18 juillet 2000, dans l'arrêt
Leroux, aurait tranché la question en faveur d'une
requalification des contrats d'assurance vie en contrats de capitalisation, ou,
tout au moins, que cet arrêt, déclaré ambigu, pourrait
être interprété en ce sens. En réalité cet
arrêt ne s'était nullement prononcé sur ce point (4(*)7), comme l'a
précisé le rapport annuel de la Cour de cassation. Source des
tumultes au sein de la jurisprudence, quant à la nature juridique des
contrats d'assurance vie, l'arrêt Leroux paraît mieux
être notre repère pour traiter du débat jurisprudentiel. De
ce fait, notre étude portera sur la position jurisprudentielle sur la
question avant l'arrêt Leroux (A) et de Leroux à
la requalification (B).
A / Des tergiversations jurisprudentielles à
l'arrêt Leroux
L'assurance vie sème le trouble dans le droit
matrimonial, à moins que ce ne soit l'inverse. En tout cas leurs
relations sont complexes, ainsi qu'en témoignent les hésitations
de la Cour de cassation dans l'affaire Pelletier (4(*)8), les controverses
nées de l'arrêt Praslicka (4(*)9), comme les discussions que
ne manquera pas de susciter l'arrêt Daignan du 10 juillet
1996.
La jurisprudence d'avant Leroux ne pose pas la
question de l'assurance vie en termes de l'existence de l'aléa, mais en
termes des liens et des menaces que l'institution d'assurance vie fait peser
sur les droits matrimonial et successoral en vertu de son caractère
dérogatoire.
Nous savons que, lorsque le contrat d'assurance vie se
dénoue par le décès de l'assuré, il déroge
à certaines règles d'ordre public du droit successoral. Ainsi, la
prestation versée par l'assureur est réputée n'avoir
jamais fait partie du patrimoine de l'assuré (C. assur., art. L 132-12),
en conséquence, les règles de la réserve ne lui sont pas
applicables (C. assur., art. L 132-13), elle ne peut être
appréhendée par les créanciers de l'assuré (C.
assur., art. L 132-14) et constitue un propre pour le conjoint
bénéficiaire commun en biens (C. assur., art. L 132-16). D'autre
part, compte tenu des règles qui régissent la stipulation pour
autrui, notamment le caractère personnel de la désignation
bénéficiaire (C. assur., art. L 132-9), le contrat d'assurance
vie ne peut pas être saisi par les créanciers du souscripteur, qui
ne peuvent exercer le droit de rachat pour le compte de ce dernier.
Comment peut-on prétendre concilier la cohésion
patrimoniale de la famille, notamment en termes de régimes matrimoniaux,
et l'indépendance du souscripteur d'un contrat d'assurance qui peut en
principe gérer seul le contrat, qu'il s'agisse de désigner un
bénéficiaire, de le révoquer tant du moins que ce dernier
n'a pas accepté le bénéfice de sa désignation, de
décider d'un éventuel rachat ?
Deux décisions, souvent présentées comme
contradictoires, ont déjà été rendues par la Cour
de cassation en cette matière, bien entendu Pelletier et
Praslicka. Les auteurs s'appuyant, tantôt sur l'un tantôt sur
l'autre des arrêts ont conduit à des analyses qui aboutissent
à des interprétations radicalement différentes.
Dans l'arrêt Pelletier, une décision
justement célèbre, l'Assemblée plénière de
la Cour de cassation avait jugé, contrairement à la
première chambre civile saisie auparavant, que lorsqu'un
époux avait souscrit seul un contrat d'assurance, en utilisant les
deniers communs, il pouvait ensuite seul décider de la gestion future du
contrat souscrit, demander par exemple une avance sur police équivalent
à un rachat partiel, remettant en cause la désignation
déjà réalisée du bénéficiaire.
Le droit des régimes matrimoniaux était ici mis sur la touche au
profit d'une reconnaissance de l'autonomie du droit des assurances.
L'arrêt paraissait annoncer que la spécificité du contrat
en cause entraînait l'application exclusive, quant à la
détermination des conséquences de la souscription du contrat, de
l'article L. 132-12 en même temps qu'étaient complètement
écartées les articles 224 et 1422 du Code civil relatifs aux
régimes matrimoniaux.
Les assureurs et les partisans de l'autonomie du contrat
d'assurance se satisfirent pleinement de la solution, mais leur approbation de
ce que semblait devoir annoncer la jurisprudence de la Cour de cassation fut
sérieusement remise en cause par le second arrêt rendu par cette
juridiction, l'arrêt Praslicka.
Dans cette seconde décision, la 1re chambre
civile de la Cour de cassation a considéré que la
souscription en cours de communauté d'un contrat d'assurance mixte par
un époux commun en biens ne privait pas la communauté de la
valeur du contrat au jour de la dissolution de cette dernière, lorsque
la communauté n'avait pas été dissoute par le
décès de l'époux souscripteur et que, par
conséquent, la dissolution et le partage de la communauté
intervenaient avant que le contrat d'assurance soit dénoué.
L'arrêt reconnaissait donc que, sur le plan patrimonial, la
communauté devait en quelque sorte être intéressée
aux conséquences de la souscription d'un contrat par un époux
agissant seul. S'il en résultait un appauvrissement significatif de la
communauté, celle-ci devait avoir droit à la valeur du contrat,
dès lors qu'il n'était pas dénoué, et l'on pouvait
inférer de cette décision que le dénouement d'un contrat
concomitant de la dissolution de la communauté rendrait une
récompense exigible.
Nombres d'auteurs se sont affrontés sur la question de
savoir comment on pouvait concilier les deux décisions et tous ou
presque sont restés attachés à l'idée qu'il fallait
défendre soit la primauté complète des règles de
l'assurance, soit, au contraire, la primauté des règles des
régimes matrimoniaux. Leurs conclusions sont, on peut s'en douter,
diamétralement opposées.
Pour les tenants (5(*)0) de la thèse Pelletier, la
souscription d'un contrat d'assurance permet d'échapper aux
règles liquidatives du régime matrimonial. Le contrat d'assurance
vie permettrait alors, d'utiliser les deniers communs au profit d'un tiers sans
possibilité d'opposition du conjoint et sans que cette utilisation
entraîne un règlement pécuniaire de compensation. La seule
concession faite par les tenants de cette thèse à ceux qui sont
partisans de la primauté des règles du régime matrimonial
concernait l'hypothèse où la prime payée aurait
été manifestement exagérée et serait alors de
nature à justifier une éventuelle requalification du contrat.
Pour les tenants de la thèse qu'on pourrait appeler
Praslicka, qui souhaitent voir reconnaître en ce domaine une
primauté totale des règles du régime matrimonial,
l'arrêt Pelletier serait en quelque sorte condamné par la
jurisprudence Praslicka et toute souscription d'un contrat d'assurance
devrait se soumettre aux règles du régime matrimonial. Les
règles de la gestion concurrente, qui ont remplacé celles qui
consacraient la primauté des prérogatives maritales en termes de
gestion des biens communs, priveraient l'un des époux de la
possibilité de soumettre une partie des capitaux dépendant de la
communauté à des règles de gestion exclusive via la
souscription d'un contrat d'assurance (5(*)1).
Jusqu'à ces arrêts la question de la
requalification des contrats d'assurances n'est toujours pas soulevée au
niveau de la Cour de cassation, mais qu'en a t-il été de
l'arrêt Leroux ?
B / De Leroux à la requalification
Au début était le contrat d'assurance vie... Pur
contrat de prévoyance à fort aléa, je meurs avant le
terme et les bénéficiaires touchent le capital ou je meurs
après le terme et toutes les primes auront été
versées en vain. Personne ne contestait qu'il soit régi
uniquement par le Code des assurances (article L. 132-12) et qu'il
échappe en conséquence tant aux règles du Code civil en
matière de droit des successions et de droit des régimes
matrimoniaux qu'aux impôts de mutation dus en cas de
décès.
Ce contrat d'assurance vie s'est depuis complexifié et
sophistiqué jusqu'à devenir, reconnaissons-le, un pur produit
financier dissimulé sous une "enveloppe assurance vie". Son
succès considérable a fait le reste. A ce stade l'on admet que
certains contrats d'assurance vie étaient dénaturés au
profit de simples opérations d'épargne. A cet égard, la
question de leur qualification fut posée devant les juges.
Si, au premier degré de juridiction, un certain nombre
de TGI adoptèrent la position défendue par les détracteurs
de l'assurance vie, il n'en alla pas de même au niveau des Cours d'appel,
qui refusèrent en grande majorité la requalification (5(*)2) des contrats,
préférant, lorsque abus il y avait, utiliser la sanction des
primes manifestement exagérées, beaucoup plus adaptée au
règlement des litiges en causes.
C'est dans ces conditions que fut rendu par la Cour de
cassation, en juillet 2000 le non moins fameux arrêt Leroux
(5(*)3) qui
annonçait une véritable tempête en introduisant la notion
de capitalisation au sein du débat déjà très
controversé de la qualification juridique des contrats d'assurance vie.
L'inquiétude régnait, tant l'avenir de l'assurance vie devenait
incertain eu égard au risque de disqualification qui planait sur le
contrat et par voie de conséquence à la menace de
déchéance de son statut successoral privilégié.
L'aléa planait sur l'efficacité du contrat d'assurance vie, alors
qu'on aurait préféré le voir s'insinuer dans la conclusion
du contrat d'assurance vie afin d'en stabiliser la qualification (5(*)4).
Rappelons rapidement que, dans cette affaire, la Cour d'appel
de Rouen avait requalifié un contrat d'assurance vie en contrat de
capitalisation. Assez curieusement, dans son pourvoi, le
bénéficiaire ne contestait pas la qualification retenue par la
cour, mais demandait l'application de l'article L. 132-12 du Code des
assurances au contrat ainsi requalifié. Dans son arrêt, la Cour de
Cassation se contentait de répondre que l'article L. 132-12 ne
s'applique pas aux contrats de capitalisation. Elle notait également,
clairement dans son rapport annuel d'une part que le pourvoi n'introduisait
lui-même aucune distinction quant à la qualification de
l'opération et d'autre part que l'article L. 132-12 du Code des
assurances visant le décès de l'assuré ne peut s'appliquer
lorsque l'assuré est vivant, et c'est le cas dans une opération
de capitalisation, il n'y a pas d'assuré.
En énonçant que certaines des règles de
l'assurance vie n'étaient pas applicables au contrat de capitalisation,
la Cour de cassation ne fait que confirmer sa jurisprudence (5(*)5), sans pour autant
contrôler la qualification retenue par les juges du fond. Cette position
avait été entérinée par l'arrêt
Piriou du 29 janvier 2002 (5(*)6).
Ces décisions laissaient entière la question de
la qualification de contrat de capitalisation. En effet, nombre de contrats
d'assurance sur la vie constituent des opérations d'épargne comme
les contrats de capitalisation. Ainsi, tout contrat d'assurance vie constituant
pour partie une opération d'épargne allait-il devenir un contrat
de capitalisation et subir les règles du rapport et de la
réduction ?
L'arrêt Leroux, fort banal au fond, même
si la Cour de cassation lui a donné une certaine publicité, fit
grand bruit chez les tenants de la requalification, qui y virent une prise de
position indirecte de la Haute Cour en faveur de leur thèse (5(*)7).
Or, jusqu'ici, la Cour ne s'est pas encore prononcée
sur la question de la requalification des contrats d'assurance. Dans l'affaire
Leroux, elle a rejeté un pourvoi qui ne lui posait pas la
question de la qualification, mais soutenait que les règles applicables
à l'assurance vie l'étaient également au contrat de
capitalisation, ce qui était manifestement inexact. Ce problème
ne lui a pas été posé par le pourvoi; elle n'y a pas
répondu. Soutenir que son silence valait approbation d'une thèse
qui n'a pas été soumise à sa censure revient à
méconnaître son office et les conditions de sa saisine.
En revanche, la Cour aurait pu, même si elle n'avait
été saisie du problème, l'évoquer par une
incidente. Elle aurait pu, par exemple, tout en posant le principe que les
articles L 132-12 et L132-13 du Code des assurances ne s'appliquent pas au
contrat de capitalisation, préciser que la qualification retenue par les
juges du fond n'avait pas été soumise à son
contrôle. Ce faisant, elle aurait marqué son désir de
réserver sa réponse pour une autre espèce où le
problème lui serait réellement posé. Mais alors, pourquoi
interpréter son silence comme valant approbation de la qualification
donnée par les juges du fond ? On pourrait tout aussi bien
l'interpréter en sens contraire comme emportant condamnation de leur
thèse. Mais c'est feindre d'oublier que le pourvoi est articulé
sur un certain nombre de moyens et que celui tiré d'une qualification
défectueuse du contrat n'avait pas été soulevé
devant la Cour.
Par ailleurs, la lecture du rapport du Conseiller rapporteur
et de l'avis de l'Avocat général, qui constituent en quelque
sorte les "travaux préparatoires" de l'arrêt révèle
que, si le problème de la qualification a bien été vu et
que les thèses des auteurs partisans d'une requalification ont
été rappelées, aucune position de principe n'a
été arrêtée. M. l'Avocat général
souligne notamment que "(le pourvoi) n'aborde pas le problème majeur :
celui de la qualification du contrat (véritable assurance vie ou contrat
de capitalisation ?) et ne pose en définitive qu'une question de moindre
intérêt : celle de savoir si les contrats de capitalisation
bénéficient, ou non, comme les contrats d'assurance vie, des
dispositions dérogatoires des articles L. 132-12 et L.132-13 du Code des
assurances".
Si l'on préfère, le "grand soir" de la
requalification n'était pas encore arrivé. Mais cela ne
signifiait pas qu'il ne puisse survenir dans l'avenir. Si tel était le
cas, l'arrêt Leroux apparaîtrait rétrospectivement
comme un facteur déclenchant, un prétexte à une
évolution plus radicale. Mais l'arrêt Leroux peut
être aussi prétexte à évolution jurisprudentielle.
Certains y verront un ballon d'essai lancé par la première
chambre civile pour tester les réactions de la doctrine (5(*)8).
Il était donc grand temps que la Haute Cour statue sur
la question de la nature juridique des contrats d'assurance vie. Avaient-ils
perdu leur âme ? Non ! quatre fois non, pour la Cour de cassation. Ils
étaient attendus de longues dates, ils ont répondu à
l'attente de tous ceux qui escomptaient une clarification de la nature
juridique des contrats d'assurance-placement, ils emporteront ou non la
conviction de ceux qui se pencheront sur leur motivation. Réunie en
chambre mixte, la Cour de cassation a rendu le 23 novembre 2004 quatre
arrêts de principe. Elle a ainsi tranché le débat sur la
qualification des contrats d'assurance vie et défini l'aléa en
assurance vie. Dans le même temps elle a pris position sur une autre
problématique importante, celle des primes manifestement
exagérées.
La difficulté de qualification au regard de
l'aléa ayant été étudiée, reste à
réfléchir sur les frontières de l'assurance vie avec
d'autres accords de volontés pouvant prêter à confusion.
Sous partie II : La question du rapprochement des
assurances vie d'autres
accords de
volontés
Bénéficiant d'un régime fiscal
très avantageux, l'assurance vie est à la fois un outil
d'épargne individuel et un instrument pour transmettre son patrimoine.
Par sa souplesse d'utilisation, elle permet de répondre à de
nombreux objectifs comme, par exemple, se constituer un capital,
préparer, sa retraite ou encore protéger ses proches en cas de
décès. L'originalité de l'assurance vie réside dans
le fait qu'elle n'est, à strictement parler, ni un placement financier,
ni une assurance sur la vie. Elle est, en fait les deux à la fois
(5(*)9). A ce sujet, sa
nature juridique est souvent objet à controverses doctrinales
l'assimilant parfois à une opération de capitalisation
(paragraphe I) et sa pratique l'assimile parfois à des opérations
voisines qui lui sont proches comme le jeu et le pari et la donation
(paragraphe II)
Paragraphe I : Les assurances vie et les opérations
de capitalisation
L'idée de procéder à un rapprochement
entre les assurances vie et l'épargne n'est pas récente. Elle a
notamment été envisagée dans différents ouvrages du
XXe siècle (6(*)0), mais n'a jamais été consacrée
par le législateur. Elle ne peut en général recevoir un
accueil très favorable auprès de la doctrine. La controverse qui
remonte à la notion de l'existence de l'aléa dans les contrats
d'assurance vie trouve son point de chute sur la confusion qui règne
entre certaines assurances vie et certains comptes d'épargne. Du coup,
comme pour paraphraser le Professeur Luc Mayaux, la question à se poser
est celle de savoir si l'assurance vie est-elle soluble dans la capitalisation
?
La réponse à cette question laisse place
à deux courants doctrinaux de toujours, dont le premier soutient
l'absence d'aléa dans certaines assurances vie et les assimile à
de simples opérations d'épargne (A). Le second prône
l'existence de l'aléa dans les contrats d'assurance vie et
démontre l'autonomie de l'assurance vie vis à vis des
opérations de capitalisation (B).
A/ La parenté entre certains comptes
d'épargnes et quelques assurances vie
L'étude consacrée à cette partie
nécessite qu'on se fasse d'abord une certaine idée sur les
contrats libellés en unités de compte et ceux libellés en
euros.
Dans les contrats libellés en unité de compte,
le souscripteur vers une certaine somme en euros (prime unique), ou effectue
périodiquement des versements soit programmés (primes
périodiques programmées), soit non programmés (contrats
à versements libres). Ces sommes sont converties en unités de
compte composées de valeurs mobilières choisies par
l'assuré. Ces unités de compte constituées de valeurs
mobilières ou d'actifs offrant une protection suffisante de
l'épargne investie expriment le capital garanti (6(*)1). Leur valeur est susceptible
de varier à la hausse comme à la baisse. A
l'échéance, l'assureur verse la contrevaleur en euros, des
unités de compte figurant au compte du souscripteur. Une garantie de
performance peut être apportée non par l'assureur mais par
l'organisme gestionnaire. Il es clair que dans ce type de contrat,
l'aléa financier est supporté par le preneur et non par
l'assureur.
Dans les contrats libellés en euros, à
versements libres ou à primes uniques ou périodiques
programmées, les primes et les capitaux sont exprimés en euros.
L'assureur ne verse pas à l'échéance une somme
fixée à l'avance dans le contrat, mais le montant de
l'épargne acquise grâce aux primes capitalisées. Il est
clair que dans ce type de contrat, l'assureur ne supporte pas d'aléa
financier, c'est à dire de risque de perte. C'est à ce type de
contrat que la qualification d'assurance a été parfois
déniée, faute d'aléa financier et parce que la
faculté de rachat dont dispose légalement le contractant
rapprocherait les sommes versées chez l'assureur d'un dépôt
bancaire.
Pour certains auteurs, les assurances d'épargne
seraient à rapprocher de la fiducie. Bon nombre de pseudo-assurances
sont en réalité des mécanismes fiduciaires et plus
précisément de fiducie gestion. L'assureur reçoit la
propriété des deniers, avec mission de les placer pour en
restituer le produit à l'échéance (6(*)2).
Selon l'analyse tendant à la requalification de ces
contrats d'assurance, le rapprochement de ces contrats avec les contrats
d'épargne résulterait de deux éléments communs:
leurs éléments constitutifs et leurs modes de gestion (6(*)3).
Dans les assurances en cas de décès vie
entière, les assurances en cas de vie avec contre assurance, et les
assurances mixtes, les sommes d'argent seraient versées en vue de leur
dépôt sur un compte au nom du souscripteur. Ces sommes pourraient
être assimilées à des dépôts de fonds, comme
dans les comptes d'épargne. Le versement des primes serait facultatif,
comme est l'épargne, facultative. Il n'y aurait pas de risque, c'est
à dire d'effet néfaste pour le destinataire des fonds, le risque
ne serait pas un événement redouté (le fait d'être
en vie à l'échéance); pour le versement des prestations,
ces assurances supposeraient la réalisation d'un
événement, non d'un risque. Enfin l'événement
provoquant la prestation de l'assureur serait unique et non
réitérable, et mettrait un terme au contrat. Les comptes
d'épargne présenteraient de nombreuses analogies avec ces
contrats d'assurance : ils sont conclu intuitu personae; la
banque est tenue de verser le solde lors du décès du titulaire du
compte. Le plan d'épargne ne dépend pas de la réalisation
d'un événement incertain, il est établi en fonction d'un
terme fixé de manière plus ou moins précise, comme dans
les assurances en cas de vie; de la même façon, lorsque
l'événement est la vie, la prestation de l'assureur ne
dépendrait pas d'un véritable événement. Ces
contrats auraient une double nature : contrats d'épargne et contrats de
protection contre un événement. Les parties ne chercheraient pas
à conclure un véritable contrat d'assurance, mais poursuivraient
un objectif; elles ne viseraient pas à contracter pour prémunir
l'une d'elles contre les effets néfastes d'un événement.
La cause serait identique à celles des contrats d'épargne. Le
banquier et l'assureur contracteraient une obligation de garde et de
restitution des fonds déposés. Enfin, comme dans les contrats
d'épargne, le souscripteur aurait un droit de retrait total ou partiel
(rachat) et ne subirait aucun risque de perte (6(*)4).
On a également souligné la parenté de
gestion entre les contrats d'épargne et les contrats d'assurance vie
considérés. Les assurances de dommages sont gérées
en répartition, les assurances vies considérées sont
gérées en capitalisation, comme les contrats d'épargne, et
il n'y aurait aucune mutualisation des risques. Par surcroît, alors que
dans les contrats d'épargne, la capitalisation est uniquement
financière, dans l'assurance vie, elle est à la fois
viagère - tenant compte de l'âge du souscripteur - et
financière. Cela étant, il est incontestable que dans les
contrats d'assurance vie considérés, l'élément
d'épargne peut être prédominant (6(*)5). Mais cette circonstance ne
permet pas à elle seule de considérer ces contrats comme de purs
contrats d'épargne bancaire. D'où il faut reconnaître
à l'assurance vie son autonomie vis à vis des opération s
de capitalisation.
B/ L'autonomie de l'assurance vie vis à vis des
opérations de capitalisation
Il est en effet certain, que certains contrats d'assurance vie
délivrés par des sociétés d'assurance vie et dont
l'exécution est liée à la durée de la vie humaine,
ne sont pas des contrats de capitalisation proprement dits, même s'ils
utilisent comme eux la technique de la capitalisation.
Les contrats de capitalisation proprement dits relèvent
de la branche 24 de l'article R. 321-1 du Code des assurances
énumérant des diverses branches d'assurance. La capitalisation y
est définie comme "toute opération d'appel à
l'épargne en vue de la capitalisation et comportant, en vue de
versements uniques ou périodiques, directs ou indirects, des engagements
déterminés quant à leur durée et à leur
montant". L'assureur vie émettant ces contrats s'engage, en
contrepartie des versements uniques ou périodiques du souscripteur,
à verser au souscripteur - ou à ses héritiers s'il
décédait prématurément - à la date convenue,
une somme convenue. L'exécution de la prestation de l'assureur n'est pas
liée à la durée de la vie du souscripteur. Il n'y a pas de
tête assurée. La jurisprudence de la Cour de cassation est
fixée en ce sens que ces opérations ne sont pas des
opérations d'assurance sur la vie. On ne saurait assimiler à un
contrat d'assurance le contrat de capitalisation qui a pour but la
constitution, au moyen des versements successifs, d'un capital
déterminé à l'avance et devant être remboursé
soit à une date fixée, soit par anticipation, par voie de tirage
au sort; l'aléa résultant du fait du tirage au sort n'expose
l'assuré qu' à un retard de règlement sans qu'il puisse en
fin de compte subir une perte pécuniaire (6(*)6). La Cour de cassation en
déduit très justement que les règles applicables à
l'assurance vie ne s'appliquent pas aux contrats de capitalisation (6(*)7).
On a observé que les contrats d'assurance vie dans
lesquels l'assureur s'engage à verser à l'échéance
le montant de l'épargne acquise ne sont pas des contrats de
capitalisation au motif que le capital dû à
l'échéance n'est pas déterminé à l'avance
puisque son montant varie en fonction de la durée du placement et la
performance de ceux réalisés par l'assureur. De plus, ce n'est
certainement pas le fait de désigner un bénéficiaire qui
transforme un contrat d'épargne en un contrat d'assurance. Dans les
contrats d'assurance, l'assureur prend des engagement
déterminés, dont l'exécution dépend de la
durée de la vie humaine au sens de la branche 20 de l'article R. 321-1
du Code des assurances, ce que ne fait pas une banque. L'analyse soutenue au
texte selon laquelle ce ne sont pas des contrats de capitalisation, a
été confirmée par la jurisprudence dominante.
En effet, le contrat d'assurance vie n'est pas un contrat
d'épargne faisant immédiatement entrer le capital assuré
dans le patrimoine du souscripteur dès lors que jusqu'au terme du
contrat, nul ne peut prévoir dans quel patrimoine (du souscripteur ou du
tiers bénéficiaire) ira le capital.
Le contrat d'une durée de 15 ans qui prévoit en
cas de vie ou de décès au terme du contrat, le paiement d'un
capital déterminé, et en cas d'invalidité en cours de
contrat, la perception d'une rente annuelle jusqu'au terme du contrat, est un
contrat d'assurance vie régi par les articles L. 132-1et suivants du
Code des assurances et n'est nullement une opération d'épargne
faisant rentrer le capital assuré dans le patrimoine du souscripteur
puisque, jusqu'au terme du contrat, nul ne peut prévoir si la garantie
décès aura ou non à être mise en oeuvre, ou si le
contrat parviendra à son terme, étant observé que ce
contrat prévoit comme bénéficiaire l'assuré
lui-même, ou en cas de décès , le
bénéficiaire déterminé. L'actif constitué ne
fait pas partie du patrimoine du souscripteur. L'obligation de l'assureur,
à défaut de l'option de rachat, ne naît que lors de la
réalisation du risque ou à l'échéance du contrat.
Ainsi l'assureur, n'est pas en cours de contrat, débiteur envers le
souscripteur ou dépositaire des sommes à son égard,
puisque jusqu'au terme du contrat, nul ne peut prévoir quel en sera le
bénéficiaire (6(*)8).
Le contrat d'assurance mixte vie décès est
dépendant de l'aléa de la durée de la vie tant du
souscripteur que du bénéficiaire, qui détermineront le
réel récipiendaire du capital et son montant, qui resteront
imprévisibles à l'intérieur du temps contractuel maximum
de huit ans au cas de survie du souscripteur à cette époque. La
circonstance que ce contrat ait été souscrit avec la
volonté avérée d'avantager un tiers
bénéficiaire constitue une qualité spécifique du
contrat d'assurance mixte qui est exclue des contrats de capitalisation, le
paiement en une prime unique n'est pas exclu de ce type de contrat. Il n'y a
pas lieu dans ces conditions de requalifier le contrat (6(*)9).
La circonstance que les textes du Code des assurances,
remaniés en 1992 (7(*)0) pour introduire la troisième directive
assurance vie (7(*)1),
regroupent désormais dans des articles communs les dispositions
concernant l'assurance vie et celles concernant la capitalisation est
inopérante : ce regroupement - malheureux - a été voulu
pour éviter de répéter dans des articles
séparés respectivement voués à l'assurance vie et
aux contrats de capitalisation certaines dispositions communes concernant
l'information et la protection du souscripteur : information
précontractuelle (7(*)2), contractuelle (7(*)3) ou post contractuelle (7(*)4); caractère facultatif
du paiement de la prime (7(*)5); faculté de rachat (7(*)6); participation aux
bénéfices techniques et financiers (7(*)7). Les autres dispositions,
où l'on trouve les expressions d'assurance, d'assuré, de
bénéficiaire, n'ont pas leur place dans les contrats de
capitalisation (7(*)8).
Reste à envisager les liens entre l'assurance vie et
les autres accords de volontés
Paragraphe II : Les assurances vie assimilables à
d'autres accords de volontés.
Concrètement, l'assurance vie est un contrat conclu
avec un assureur sur lequel le souscripteur verse des cotisations
appelées primes, lesquelles sont placées, à son
initiative, sur les produits sécurisés ou plus risqués.
Par son mode de fonctionnement, l'assurance vie associe ainsi deux types
d'opérations. Une opération d'épargne individuelle,
puisque le souscripteur place un capital dans l'espoir de le voir
fructifié; une opération d'assurance, plus
précisément de transmission, puisqu'en cas de décès
du souscripteur, les sommes présentes sur le contrat, sont
versées dans des conditions avantageuses, à une personne qu'il a
librement choisie. C'est dans cette association que réside
l'originalité de l'assurance vie. C'est cette même association qui
emporte la confusion entre elle et le jeu et pari (A). De là même
réside, la question de son utilité, car elle peut servir comme
une donation déguisée (B).
A / Assurance vie proche des contrats de jeu et pari. (7(*)9)
Les contrats de jeu et pari sont des contrats par lesquels
deux personnes soumettent au hasard la détermination du gagnant à
leur activité ludique (8(*)0). Cette seule définition est insuffisante
pour mettre en lumière l'intérêt de ces contrats. Les
critères qui les caractérisent doivent être
soulignés.
Tout d'abord, ces contrats sont aléatoires : il n'est
pas besoin d'insister. Les parties s'en remettent au hasard pour savoir
laquelle sera gagnante et laquelle sera perdante. Elles savent uniquement qu'un
événement est susceptible de se produire, qui aura pour effet
d'entraîner un déséquilibre économique important de
leur accord. Ce déséquilibre pourra être totale : l'un des
contractants ne recevra rien en contrepartie de ce qu'il aura donné. En
effet, dans le contrat de jeu, la prestation de l'une des parties est certaine,
au contraire de celle de l'autre. Elle est donc conditionnelle. De plus, les
joueurs concluent un accord grâce auquel il es possible qu'en fournissant
une faible prestation, l'un d'eux reçoive une contrepartie
considérable.
L'objectif d'un joueur n'est pas de se protéger contre
la réalisation d'un événement incertain; au contraire il
espère sa réalisation. En revanche, son partenaire, lui, forme le
souhait inverse : il désire que ce soit lui le gagnant parce que
l'événement ne se sera pas produit. La situation n'est pas celle
du contrat d'assurance de dommages ou de personnes non-vie, dans lequel les
deux contractants souhaitent que l'événement ne se produise
pas.
Les éléments qui viennent d'être
décrits se retrouvent de manière identique dans les assurances de
capital différé et les assurances de rente en cas de vie sans
contre-assurance, les assurances de survie et les assurances de natalité
et nuptialité. Dans celles-ci, l'assuré est tenu de payer au
moins deux primes (8(*)1),
il accomplit donc une prestation. En revanche, l'assureur ne devra celle-ci que
si l'événement envisagé s'est réalisé. Sa
prestation est conditionnelle.
Dans l'assurance de survie, le but de l'assuré est de
conclure une convention grâce à laquelle, moyennant un faible
sacrifice financier, il offre une certaine chance aux
bénéficiaires qu'il a désignés de recevoir une
prestation importante. L'assuré essaie d'accroître de
manière considérable une mise de départ plutôt
modeste. Il vise ainsi à enrichir autrui et poursuit donc un but
identique à celui d'un joueur. Cet aspect est fondamental. L'esprit qui
anime les contractants dans de tels accords n'est pas celui classique de
l'assuré et de l'assureur dans les assurances dommages. L'explication
d'un contrat au moyen d'éléments purement objectifs ne permet pas
toujours de comprendre ce qu'il est, et ce qui le différencie d'autres
accords de volonté.
Parfois, seule la volonté des parties, la recherche de
ce qu'elles souhaitaient voir se produire autorise à considérer
que l'on est en présence de tel type de convention. L'importance de la
cause de l'engagement réciproque des parties à un contrat
d'assurance a déjà été soulignée, elle doit
l'être à nouveau.
Dans les assurances de capital différé et les
assurances de rente en cas de vie sans contre assurance, les assurances de
survie et les assurances de natalité ou de nuptialité, les
parties ne cherchent pas à se protéger contre les
conséquences néfastes d'un événement. Elles ne
jouent sans doute pas non plus dans le sens le plus ludique du terme, mais
elles effectuent un pari.
Dans les assurances de capital différé et les
assurances de rente en cas de vie sans cotre-assurance, les assurances de
survie et les assurances natalité et nuptialité, deux attitudes
existent. Ou bien, l'assuré essaie de faire d'un événement
malheureux un moyen d'accroître sa situation financière ou celle
des bénéficiaires désignés dans le contrat
d'assurance. Ou bien, l'assuré souhaite que l'événement
envisagé au contrat se produise, l'assureur formant le voeu contraire.
Ainsi, l'assuré d'un contrat d'assurance en cas de survie
préfère, bien évidemment, être vivant au terme du
contrat. L'assureur, lui, n'a pas un intérêt pécuniaire
à ce qu'il en soit ainsi. On le constate donc, l'esprit d'un tel accord
est à l'opposé de celui des assurances dommages; en revanche, il
coïncide avec le contrat de jeu.
Tous les contrats d'assurance vie ne visent cependant pas
à réaliser un gain substantiel. Certains d'entre eux ont
également pour objectif de permettre la transmission d'une
épargne à un bénéficiaire hors succession ou
à ses héritiers. C'est pourtant, parfois, dans la
réalisation de cette mission noble que l'assurance vie faillit au profit
d'une donation déguisée.
B / Assurance vie au service de la donation
déguisée
La loi n'interdit pas lorsque vous avez le choix entre deux
solutions d'opter pour la moins coûteuse sur le plan fiscal. En revanche,
le fait de se soustraire ou tenter de se soustraire à l'impôt,
avec l'intention plus ou moins libérale de frauder, peut être
sévèrement sanctionné.
Si vous passez un contrat fictif dans le seul but
d'éluder l'impôt, cette opération constitue ce que l'on
appelle "abus de droit". L'abus de droit suppose une intention de dissimulation
et un véritable montage, apparemment régulier, de la part du
contribuable.
Sont ainsi visés : non seulement les actes à
caractère fictif, mais également les actes non fictifs
motivés uniquement par la volonté d'éviter en tout ou
partie le paiement de l'impôt. Entre autres ces actes, se trouvent les
assurances vie. La souscription de certains contrats d'assurances vie est
dictée par la volonté de faire une donation ou de gratifier une
personne de son choix en évitant de payer les droits de mutation. Le
fisc peut apporter la preuve qu'il s'agit en fait d'une donation indirecte qui
doit être soumise aux droits de donation. Dans certains cas,
l'administration fiscale est particulièrement vigilante, notamment
lorsque vous souscrivez un contrat:
· Sur la tête de votre fils, de votre épouse
ou de votre nièce qui est également bénéficiaire du
contrat en cas de vie à une date déterminée.
· Sur votre tête, au profit de votre fils, de votre
épouse ou de votre cousin qui bénéficiera du contrat si
vous vivez encore au terme du contrat.
· En adhésion conjointe, le plus souvent avec
votre épouse, qui bénéficiera directement ou indirectement
des sommes garanties par le contrat.
Les cas de requalification du contrat en donation indirecte
restent tout de même relativement rares. Rassurez-vous, vous ne risquez
rien si vous souscrivez un contrat temporaire, à un âge
raisonnable et cohérent avec la date d'échéance du
contrat.
Par contre, si vous souscrivez à 90 ans un contrat
d'une durée de 30 ans, il est évident que vous avez toutes les "
chances " de décéder avant l'échéance et l'assureur
sera obligé de payer le bénéficiaire. Dans ce cas,
l'absence d'aléa peut être invoquée par le fisc et le
contrat sera requalifié en donation indirecte. Le
bénéficiaire risque alors de devoir acquitter les droits de
donation.
En présence d'une assurance "mixte", dont le
bénéfice a été attribué à un tiers,
si l'on retient la règle énoncée par l'Assemblée
Plénière dans l'affaire Pelletier (8(*)2), règle selon
laquelle, en application de l'article L.132-12 du Code des assurances, la
créance sur la compagnie, née en raison du décès de
l'assuré a été acquise au seul profit des
bénéficiaires désignés en dernier lieu, en d'autres
termes, si l'on admet que cet article invalide l'article 1422 du Code civil qui
exige l'accord des conjoint pour les actes de disposition à titre
gratuit des biens de la communauté, le conflit d'intérêts
ne peut et ne doit se régler que par le système des
récompenses. L'attribution faite à un tiers est une donation
(8(*)3).
Effectuée avec des fonds communs, elle doit rester, en
définitive, à la charge du donateur qui doit récompense
à la communauté comme l'écrit Gérard Cornu. Ainsi
poursuit-il : "la donation fait apparaître l'appauvrissement de la
communauté qui en fournit l'objet en nature ou en argent. Pour le
donateur, le profit tient à donner sans s'appauvrir. Une
libéralité est, pour l'époux qui la fait, le type
même de la charge personnelle au sens de l'article 1437 du Code
civil"(8(*)4).
Par son arrêt du 1er juillet 1997, la cour
de cassation - pour la première fois, du moins à notre
connaissance - se prononce sur la condition de validité de l'avantage
conféré à un tiers en fonction de l'importance des primes.
Elle approuve les juges du fond de s'être fondés,
spécialement sur l'utilité de l'opération pour le
souscripteur, c'est poser la question de l'existence de l'opération
d'assurance. L'assurance vie qu'elle soit en cas de vie et/ou en cas de
décès, est une opération de prévoyance et/ou
d'épargne à long terme.
Il est évident que le contrat en cause ne
répondait à aucun de ces objectifs. Les juges ne pouvaient pas
manquer de souligner que "âgée de 84, la souscriptrice avait peu
de chances de percevoir la rente au terme du contrat qu'elle aurait atteint
à 92 ans ! Tout le monde n'est pas Jeanne Calment. La souscriptrice n'en
attendait ni une protection de quelque proche dans l'éventualité
d'un décès... prématuré, ni une valorisation de son
épargne capitalisée, ni le versement d'une rente viagère
au terme du contrat. Elle avait peut-être un intérêt
à vouloir avantager l'un de ses enfants, mais elle ne trouvait aucune
utilité qui fut propre à l'assurance vie"(8(*)5).
Pour que les dispositions dérogatoires au droit commun
des libéralités et des successions contenues dans le Code des
assurances soient applicables, encore faut-il que l'on soit en présence
d'une opération d'assurance vie. Le débat aurait pu être
porté sur ce terrain. Il est fort douteux que l'arrangement en cause
réponde aux critères du contrat aléatoire. Certes la date
du décès demeure aléatoire, mais on cherche en vain, quels
sont pour la contractante, les avantages ou les pertes qui pourraient en
dépendre. L'utilité doit être appréciée en
fonction des critères du contrat aléatoire. Le fait de passer par
l'intermédiaire d'un assureur pour faire une donation ou
legs ne les transforme pas ipso facto en opération d'assurance
vie.
Dans ce même ordre d'idées s'inscrit le Conseil
d'Etat : " en lui-même un contrat d'assurance vie n'a pas le
caractère d'une donation. L'administration de l'aide sociale, tout comme
son juge, peuvent toutefois requalifier en donation un tel contrat si, compte
tenu des circonstances dans lesquelles il a été souscrit, il
révèle, pour l'essentiel, une intention libérale du
souscripteur au profit du bénéficiaire.
L'intention libérale doit être regardée
comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard
à son espérance de vie et à l'importance des primes
versées par rapport à son patrimoine, s'y dépouille au
profit du bénéficiaire de manière à la fois
actuelle et non aléatoire en raison de la naissance d'un droit de
créance sur l'assureur.
Cette requalification ne peut avoir lieu qu'après que
le bénéficiaire ait donné son acceptation au contrat. La
circonstance que cette acceptation intervienne au moment du versement de la
prestation assurée après le décès du prescripteur
est sans incidence sur ce pouvoir de requalification (8(*)6). On retiendra que cet
arrêt du Conseil d'Etat n'est intervenu que quatre jours avant la prise
de position de la cour de cassation en faveur des contrats d'assurance vie.
Le débat autour de la requalification ayant
été étudié dans ses divers paramètres, de sa
genèse à nos jours, il nous incombe maintenant d'aborder la
question de la requalification suivant les nouvelles orientations issues des
arrêts de la chambre mixte de la Cour de cassation rendues le 23 novembre
2004.
DEUXIEME PARTIE
Le débat tranché sur la requalification
des contrats d'assurance vie
Par quatre arrêts rendus le 23 novembre 2004 par une
Chambre mixte, la Cour de cassation a mis un terme à un débat
récurrent intéressant le droit des assurances et, plus
spécialement le droit de l'assurance vie. On sait qu'en raison de la
diversification des produits d'assurance vie proposés par les compagnies
d'assurance, certains auteurs, ont fait valoir depuis une dizaine
d'années que le régime favorable attribué par le
législateur aux contrats d'assurance vie - tant du point de vue du droit
civil que fiscal - devrait être réservé aux formes
classiques de l'assurance vie de prévoyance et qu'il devrait être
au contraire inapplicable aux contrats d'assurance vie de facture plus
récente qui ont parfois avant tout pour objet de permettre au
souscripteur de constituer une épargne de longue durée et non de
s'assurer contre la survenance d'un risque. En d'autres termes, au delà
des qualifications adoptées par les parties, il faudrait procéder
à la requalification de certains contrats d'assurance vie en contrat de
capitalisation, qui, eux ne bénéficient pas de ce régime
favorable. Cette position, qui a été relayée par le
notariat ainsi que par les services fiscaux, a suscité un vif
débat doctrinal.
Ce débat a longtemps été soustrait,
à l'examen de la Cour de cassation. Les juridictions du fond se sont
ainsi partagées, au gré des espèces, entre les deux
approches dont il vient d'être fait état. L'unification de la
jurisprudence devrait désormais intervenir puisque le débat vient
d'être tranché par les arrêts rapportés. Qu'en sera
t-il de la doctrine ?
La Cour de cassation a donc mis fin à la controverse
ouverte depuis 1994 en écartant la requalification en contrat de
capitalisation des contrats d'assurance vie modernes, dits de "placements" en
ce sens que le capital constitué par les primes est géré
selon les techniques voisines de la capitalisation. Elle a jugé,
après une procédure exceptionnelle de consultation, d'une part,
des notaires et des assureurs, et, d'autre part, du ministre de l'Economie, des
Finances et de l'Industrie et du ministre de la Justice, que le "contrat
d'assurance dont les effets dépendent de la durée de la vie
humaine comporte un aléa au sens des articles 1964 du Code civil, et L.
301-1, 1° et R. 321-1, 20 du Code des assurances et constitue un contrat
d'assurance vie". Pour tenir compte toutefois des craintes
exprimées par le notariat quant aux atteintes à l'ordre public
familial elle a décidé, en même temps, de renforcer son
contrôle de la motivation sur l'appréciation du caractère
manifestement exagéré des primes versées, qui devra
s'apprécier au moment du versement au regard de l'âge ainsi que
des situations patrimoniale et familiale du souscripteur (8(*)7).
Certes, la Cour a tranché ce débat en faveur de
l'assurance vie, est-ce pour autant dire que qu'il est dorénavant clos
pour l'avenir ?
Répondre à cette question nous conduit à
réfléchir d'abord sur les fondements à l'appui desquels la
Cour a rendu sa décision (sous partie I), pour ensuite définir
les enjeux et la portée de celle-ci (sous partie II).
Sous partie I : Les fondements de la
requalification
Au soutien de sa sentence, et en prenant position pour les
assurances vie, la Cour régulatrice s'est appuyée sur les textes
du Code civil et du Code des assurances (paragraphe I) et a reconnu par eux le
caractère aléatoire (paragraphe II) du contrat d'assurance
vie.
Paragraphe I Les fondements légaux de la
requalification
La Cour de cassation énonce que: "le contrat
d'assurance dont les effets dépendent de la durée de la vie
humaine comporte un aléa au sens des articles 1964 du Code civil, L.
310-1, 1° et R. 321-1, 20 du Code des assurances et constitue un contrat
d'assurance sur la vie".
Ceci est l'argument qui a inspiré la Cour à
rendre exécutoire sa décision. Sa lecture nous conduit à
élucider la position de la Haute Cour au regard du Code civil (A) et de
celui des assurances (B).
A/ Le code Civil et la décision de la Cour de
cassation.
Les quatre décisions de la Chambre mixte frappent par
le choix des textes qui les fondent. Si l'on s'intéresse à
l'arrêt n° 03 - 13673, qui casse la seule des décisions
d'appel à avoir opté pour la requalification, celui-ci
frappe avant tout par son visa. «Vu les articles 1964 du Code civil,
L.310-1,1° et R.321-1,20 du Code des assurances »: tout est dit
ou presque. Derrière chacun de ces trois textes, ce sont trois prises de
positions, trois choix clairement assumés qui s'affichent.
La référence à l'article 1964 du Code
civil tout d'abord, c'est le choix d'un article du Code contre un autre et,
plus précisément, contre son « faux jumeau »
que constitue l'article 1104 (8(*)8).
Ainsi l'article 1964 du Code civil dispose :
« le contrat aléatoire est une convention
réciproque dont les effets, quant aux avantages et aux pertes, soit pour
toutes les parties, soit pour l'une ou plusieurs d'entre elles dépendent
d'un événement incertain ».
L'article 1104 par contre dispose dans son alinéa 2
que : « lorsque l'équivalent consiste dans la chance
de gain ou de perte pour chacune des parties, d'après un
événement incertain, le contrat est
aléatoire ».
Face à ce duel, la Cour rejette la conception de
l'aléa imposant une chance de gain et de perte pour chacune des parties
et, au moins pour le contrat d'assurance, se prononce sur le critère de
l'événement. Dans un tel contrat, il y a aléa dès
lors que les effets du contrat dépendent d'un événement
incertain dans sa réalisation ou dans sa durée. L'attendu
décisoire qui suit immédiatement le visa des textes est, à
cet égard, sans ambiguïté. Le contrat d'assurance
« dont les effets dépendent de la durée de la vie
humaine comporte un aléa au sens des textes susvisés et constitue
un contrat d'assurance sur la vie ». A un mot près, la
formule est la reproduction de l'article L. 310-1,1° du Code des
assurances. Mais ce mot près, celui d'« effets »
substitué à « exécution », est
emprunté à l'article 1964 du Code civil, ce qui est une
manière de faire la synthèse entre les deux Codes. Elle pourrait
être comprise ainsi : en vertu du Code des assurances, l'aléa
requis du contrat d'assurance est l'aléa-événement
visé à l'article 1964 du Code civil, à l'exclusion de
l'aléa financier de l'article 1104 (8(*)9).
Comment pourrait-il en aller autrement s'agissant d'un contrat
qui tend à protéger de l'incertain et non à
spéculer sur celui-ci ? Que ce soit en assurance non vie ou en
assurance vie, le but visé est la couverture d'un risque et ce but est
atteint de suite, dès la prise d'effet du contrat. Le souscripteur sait
à l'avance ce qu'il perd (une cotisation) et ce qu'il gagne en
contrepartie : une protection, née de l'obligation de couverture
à la charge de l'assureur qui naît immédiatement. A la
limite, le contrat n'est pas aléatoire car l'équivalent, au sens
de l'article 1104, ne consiste pas dans une chance de gain ou de perte mais
dans la certitude d'une garantie, dans une sécurité
immédiatement acquise.
En revanche, il doit comporter un aléa,
c'est-à-dire garantir contre un événement incertain ou une
durée incertaine. Faute de quoi, il tendrait à sécuriser
ce qui est déjà sûr, contrairement à sa
finalité.
Tel est le sens de la formule retenue par la Chambre mixte qui
évoque l'aléa sans faire référence aux contrats
aléatoires.
A cet égard, elle révèle, derrière
une préférence pour tel article plutôt que pour tel autre,
une vraie compréhension de ce qu'est l'essence du contrat d'assurance
vie et, derrière de tout contrat d'assurance. Cette compréhension
s'étend à cette variété de contrat d'assurance vie
que constitue l'assurance mixte où deux risques sont couverts, de
manière alternative, sans qu'ils se neutralisent mutuellement.
L'arrêt n° 01-13592 le confirme, approuvant en cela les juges du
fond qui avaient relevé qu'au moment de la conclusion du contrat, le
souscripteur ignorait qui, de lui ou des bénéficiaires en cas de
décès recevrait le capital.
En somme, dans sa prise de décision, en faveur de
l'assurance vie bien sûr, la Chambre mixte a préféré
l'article 1964 à l'article 1104 du Code civil justifiant l'exigence pour
les assurances vie, de l'existence d'un aléa-événement non
d'un aléa financier. Pour rendre sa décision exécutoire et
donner de l'autorité à celle-ci, la Cour de cassation
s'était appuyée sur deux autres dispositions du code des
assurances dont voici la teneur.
B/ Le Code des assurances et la décision de la Cour
de cassation
La référence à l'article L.310-1,1°
du Code des assurances traduit pour sa part le choix d'un Code contre un autre,
du Code des assurances contre le Code civil, non pas contre ses dispositions
relatives à l'aléa - nous avons vu qu'une conciliation
était possible - mais contre celles relatives aux droits des
héritiers réservataires. Les grands absents de l'arrêt
n° 03- 13673 sont les articles 913 et 922 du Code civil qui étaient
invoqués dans un autre arrêt (n° 01-13592) par les partisans
de la thèse de la « requalification ». Mais comment
pouvaient-ils le faire à bon escient dès lors que la question de
la qualification est première et celle de ses conséquences sur la
réserve seconde ? Sauf à opter pour une qualification
purement finaliste mise au service d'une défense sourcilleuse de l'ordre
public successoral, le droit de la famille n'est pas ici en cause. Si le
contrat considéré est bien un contrat d'assurance vie, les sommes
dues par l'assureur n'ont jamais fait partie du patrimoine du souscripteur et
n'ont donc pas à être réunies fictivement aux biens
présents au jour du décès pour le calcul de la
réserve. Si celle-ci doit être protégée c'est pour
le montant des primes versées (qui, pour leur part, ont bien fait
l'objet d'une donation indirecte) et, selon l'article L. 132-13 du Code des
assurances, pour les seules primes manifestement exagérées. C'est
seulement en ce qu'il introduit cette restriction que l'article déroge
au code civil. En posant le principe que l'excès manifeste
s'apprécie au moment du versement des sommes par le souscripteur,
l'arrêt n° 01-13592 confirme, pour sa part, l'autonomie de ce texte
par rapport aux règles gouvernant le droit des successions. Il ne s'agit
pas de déterminer si, au jour du décès, une quotité
a été dépassée, mais si, au moment de son paiement,
dépense est excessive au regard, comme le précise la Cour,
« de l'âge ainsi que des situations patrimoniale et familiale
du souscripteur ».
Il en résulte que les contrats menacés de
requalification, qui répondent à l'alinéa 1 de l'article
L. 310-1,1° , sont bien des contrats d'assurance sur la vie. Le fait
qu'ils présentent le particularisme que les garanties "vie" et
"décès" soient toutes les deux du montant de la provision
mathématique du contrat au jour de son dénouement est
indifférent. L'essentiel est que - ce qui n'est contesté par
personne - la date de ce dénouement et donc de l'exécution des
engagements de l'assureur dépende de la durée de la vie
humaine.
La référence à l'article R. 321-1, 20 du
Code des assurances, où figure la nomenclature des branches d'assurance
pour l'octroi de l'agrément administratif, et plus spécialement
à sa branche 20 ("vie-décès") pourrait paraître plus
surprenante dès lors que le texte ne fait que reprendre la formule
figurant à l'article L. 310-1,1°. Pourtant, elle nous paraît
encore plus fondamentale en ce qu'elle marque un choix très net pour le
droit communautaire contre le droit national. Derrière l'article R.
321-1, d'un niveau apparemment peu élevé dans la
hiérarchie des normes, se profile en effet la nomenclature communautaire
des branches d'activités figurant dans les différentes directives
"vie" et en dernier lieu à l'article 2 de la Directive n° 2002/83
du 5 novembre 2002.
Or, cette Directive, outre qu'elle distingue nettement les
assurances sur la vie (art.2-1, a) et les opérations de capitalisation
(art.2-2, b), range parmi les premières l'assurance en cas de vie,
l'assurance en cas de décès, l'assurance mixte et l'assurance vie
avec contre assurance, sans distinguer selon le mode de calcul des prestations
dues au titre des garanties vie ou décès. Au regard du droit
communautaire, les contrats litigieux paraissent bien être des contrats
d'assurance. Or, dans le système actuel du "passeport unique", ou
l'agrément est délivré par le pays d'origine et valable
pour tous les Etats de l'union, chaque Etat est lié par les
qualifications de ce droit. En effet, si les autorités françaises
ne respectaient pas et agréaient les entreprises françaises au
titre de la branche 24 (opérations de capitalisation) pour les contrats
requalifiés et non au titre de la branche 20 (vie-décès),
elles seraient contraintes de délivrer un nouvel agrément au
titre de la branche 20 pour les contrats diffusés à
l'étranger dans des Etats ne pratiquant pas la requalification. Ce
faisant, elles seraient en infraction avec la règle qui veut que chaque
catégorie de contrat soit redevable d'un agrément unique. De leur
côté, les entreprises étrangères distribuant des
contrats d'assurance en France en libre prestation de service ou en
liberté d'établissement aurait besoin d'un seul agrément
délivré par les autorités de leur pays d'origine, au moins
si celui-ci ne pratique pas la requalification, ce qui introduirait des
distorsions de concurrence au détriment des entreprises
françaises.
La solution, déjà mise en oeuvre en d'autres
occasions, serait pour les assureurs français de se domicilier dans un
Etat ne pratiquant pas la requalification et de distribuer en libre prestation
de service ou en liberté d'établissement en France, se
soustrayant du même coup aux autorités de contrôle
françaises. Mais, cette "tentation de Dublin" (ou d'ailleurs) est-elle
bien raisonnable ? Le danger a en tout cas été perçu par
M. le premier avocat général de Gouttes qui, dans son avis, y a
vu un argument supplémentaire contre la requalification. A
l'évidence, la préoccupation, tout à fait légitime
d'éviter d'exposer la France à une procédure de manquement
n'a pas été étrangère à la décision
de la Cour de ne pas requalifier, comme a pu l'être celle d'éviter
les problèmes qu'auraient suscités les contrats en cours. Comment
expliquer à leurs millions de souscripteurs que, contrairement, à
ce qu'on leur avait dit, ces contrats n'étaient pas de l'assurance ? Et
surtout, comment éviter des actions en responsabilité pour
manquement à leur devoir de conseil contre tous ceux (assureurs,
intermédiaires, associations souscriptrices, notaires) qui ont
participé à leur distribution ? Les articles susmentionnés
ont triomphé de toutes ces questions en évoquant par la suite
l'élément substantiel qui a emporté la solution de la Cour
: l'aléa.
Paragraphe II La solution jurisprudentielle
Réunie en Chambre mixte, ce qui donne une
solennité incontestable à ses quatre décisions, la Cour a
reconnu que les contrats d'assurance vie reposaient sur un aléa
indiscutable au sens des articles 1964 du Code civil et L. 310-1,1° et R.
321-1, 20 du Code des assurances. C'est donc bien des produits d'assurance
relevant d'un régime spécial réglementé par le Code
des assurances et non des produits d'épargne. La durée de la vie
c'est l'aléa, le souscripteur ignore s'il percevra à terme le
capital qu'il se constitue ou si celui-ci sera versé au
bénéficiaire qu'il a désigné. De son
côté, l'assureur, bien qu'il sache qu'il n'a presque aucune chance
de conserver les fonds comme dans un contrat d'assurance décès
classique, ignore combien de temps il bénéficiera des fonds
placés sur le contrat. Le contrat présente donc pour lui un
aléa incontestable. Mais, qu'est-ce que l'aléa et pourquoi est-il
toujours exigé dans un contrat d'assurance ?
La réponse à cette question nous donne à
définir l'aléa (A) pour ensuite lui reconnaître sa place
dans les contrats d'assurance vie (B).
A/ Définition de l'aléa
La cour de cassation a pris position par la Chambre mixte pour
clore le débat sur l'existence ou non de l'aléa dans certains
contrats d'assurance vie en précisant que : "le contrat d'assurance
dont les effets dépendent de la durée de la vie humaine comporte
un aléa et constitue un contrat d'assurance sur la vie".
Ceci dit, dès lors que la vie de l'assuré
représente un élément du contrat, l'aléa est
suffisant pour constituer un contrat d'assurance vie. Ce qui élimine
dorénavant des tentatives de requalification des contrats d'assurance
vie en contrats de capitalisation faute d'aléa. La Cour de cassation a
voulu nettement fonder sa distinction sur la notion d'aléa, celui-ci
étant constitué par la durée de la vie humaine. Il se
déduit de cette hypothèse que le contrat qui intègre la
durée de la vie dans son économie constitue une assurance vie; en
revanche, le contrat d'épargne dans lequel la durée de la vie du
bénéficiaire ne joue aucun rôle représentera un
contrat de capitalisation.
Mais, qu'est-ce que l'aléa ?
Le terme aléa qui dans la langue latine
désignait le jeu de dés recouvre un élément du
hasard , d'incertitude, qui introduit dans l'économie de
l'opération, une chance de gain ou de perte pour les
intéressés et qui est de l'essence de certains contrats (9(*)0). Le Code civil consacre aux
contrats aléatoires deux dispositions qui apparemment ne se recoupent
pas complètement. D'après l'article 1104 du Code civil, le
contrat est aléatoire lorsque l'équivalent consiste dans
la chance de gain ou de perte pour chacune des parties, d'après un
événement incertain, le contrat est aléatoire. En
revanche, aux termes de l'article 1964 du Code civil, le contrat
aléatoire est une convention réciproque dont les effets, quant
aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit pour l'une ou
plusieurs d'entre elles dépendent d'un événement
incertain. Si certains éléments sont communs à ces
dispositions (une chance de gain ou un risque de perte,
généré par un événement incertain), une
différence importante les sépare: dans l'article 1104, la chance
de gain ou le risque de perte doit être réciproque, c'est à
dire pour les deux parties; alors que dans l'article 1964, du même Code,
cette chance ou ce risque peut n'être que pour une seule des parties.
De multiples explications ont été
proposées de cette divergence. Pour les uns, elle ne serait
qu'apparente; pour les autres, elle résulterait d'une erreur de
rédaction, mais alors laquelle faire prévaloir ? (9(*)1). Selon une troisième
explication (9(*)2), il
faudrait distinguer la phase de conclusion et la phase d'exécution du
contrat; chacun de ces deux textes viserait une phase différente. Au
sens de l'article 1104, au stade de la conclusion du contrat, chacune des deux
parties ignorerait qui sera gagnant, qui sera perdant. Elles seraient à
égalité dans l'incertitude. Au contraire, l'article 1964 se
situerait au stade de l'exécution du contrat: au terme du contrat les
parties ne seraient plus à égalité l'une serait gagnante
tandis que l'autre serait perdante. Il se pourrait également que les
deux textes ne concernent pas la même notion. L'article 1104 distingue
les contrats commutatifs et les contrats aléatoires. L'article 1964,
lui, ne viserait pas à distinguer contrat commutatif et contrat
aléatoire, mais à définir ce dernier. C'est la raison pour
laquelle, la solution retenue par la Cour de cassation est fondée
d'abord, de façon incontestable, sur l'élimination de l'article
1104 au profit de l'article 1964 du Code civil. Elle repose également,
semble t-il, sur la préférence donnée au critère de
la dépendance de l'exécution des obligations de l'assureur
à la durée de la vie humaine par rapport à celui de
l'existence d'une chance de gain ou de risque de perte. L'article 1964,
s'attacherait au résultat et aux effets du contrat. Les effets du
contrat quant, aux avantages et aux pertes, dépendent d'un
événement incertain. Mais peu importe que cet avantage ou cette
perte soit pour une seule partie, soit pour les deux.
Il nous semble que ce qui caractérise le contrat
aléatoire, c'est l'aléa, c'est à dire
l'événement incertain. Cet événement incertain
engendre deux conséquences distinctes. D'une part il rend
l'exécution de l'une des parties incertaine, l'une au moins des
prestations dépend dans son existence ou son étendue de cet
événement incertain. D'autre part, c'est cette incertitude sur
l'existence, le montant ou la date de l'exécution de la prestation qui
est susceptible de générer une chance de gain ou un risque de
perte soit pour l'une, soit pour l'autre partie, on ne sait pas laquelle avant
l'exécution du contrat.
Ainsi compris, l'aléa paraît un
élément à la fois nécessaire et suffisant pour
caractériser le contrat aléatoire, car il est susceptible
d'affecter l'existence, la date, ou le montant de la prestation
caractéristique de l'organisme prestataire. Ceci étant, il nous
revient de démontrer l'existence et la place de l'aléa dans les
contrats d'assurance vie.
B/ L'aléa dans le contrat d'assurance vie
Pour la plupart des auteurs, l'aléa est un
élément nécessaire du contrat d'assurance,
résultant de l'article 1964 du Code civil. "L'aléa est de
l'essence même du contrat d'assurance. Il représente la nature
objective fondamentale"(9(*)3). Toutefois pour certains, il n'est pas certain que
le contrat d'assurance soit aléatoire au sens de l'article 1964 du Code
civil; en revanche, l'événement assuré devrait
l'être (9(*)4). Mais
là n'est pas le centre de notre intérêt.
Il est rappelé par mémoire qu'à
l'époque du Code civil, seule existait pratiquement en France,
l'assurance maritime, ce qui explique que le Code civil ne s'occupe pas de
l'assurance, laissant ce soin aux lois commerciales; par ailleurs, l'assurance
sur la vie n'était pas encore autorisée, jugée illicite et
immorale (9(*)5). C'est
donc sans état d'âme que le Code civil a classé le contrat
d'assurance parmi les véritables contrats aléatoires, à
côté du jeu, du pari, de la rente viagère et du prêt
à la grosse aventure. Ce classement convenait parfaitement aux
assurances de dommages tant maritimes que terrestres: on ne sait si et quand
l'événement prévu au contrat surviendra et s'il surviendra
pendant la durée du contrat ou après sa cessation.
La même observation peut être faite pour les
assurances de personnes autres que vie (maladie et accident) dont le
caractère aléatoire est indéniable. Il en est de
même des assurances temporaires-décès où
l'événement prévu au contrat n'est pris en compte que s'il
intervient pendant la durée du contrat.
Les difficultés sont apparues avec l'assurance
décès vie entière et l'assurance mixte. Dans l'assurance
décès vie entière, la survenance de
l'événement prévu au contrat (le décès de
l'assuré pendant la durée du contrat) est certaine. En revanche
les primes étant viagères, une incertitude pèse sur le
nombre de primes qu'encaissera l'assureur, c'est à dire sur
l'étendue de la prestation du preneur. Il existe donc un aléa
viager. Il en est de même lorsque la prestation de l'assureur est
viagère. Restent les assurances dites mixtes. Elles peuvent faire
l'objet d'une prime unique: il n'y a donc pas dans ce cas d'aléa du
côté de l'obligation du preneur, exécutée en une
seule fois et en un trait de temps. Y en-a-t-il un du côté de la
prestation de l'assureur ? On en a douté au motif que l'exécution
de l'assureur serait certaine, que l'assuré décède avant
le terme fixé, ou soit en vie à ce terme.
Ce serait oublier que l'assurance mixte est en
réalité composée de deux assurances distinctes (une
assurance en cas de vie, une assurance en cas de décès)
juxtaposées dans le même contrat, où les obligations de
l'assureur sont alternatives, c'est à dire exclusives l'une de l'autre;
où pour chacune des assurances considérées, l'aléa
liée à la vie humaine subsiste : c'est lors de la conclusion du
contrat, où il faut se situer pour apprécier l'existence de
l'aléa pour la validité du contrat (9(*)6), personne ne sait laquelle
des deux branches de l'alternative jouera. Cette analyse n'est pas nouvelle.
Elle a été dégagée par la Cour de cassation
dès 1888 (9(*)7).
Dans les assurances vie, la conception traditionnelle selon
laquelle l'assureur serait perdant en cas de sinistre et gagnant en l'absence
de sinistre limiterait l'assurance vie aux assurances temporaires, alors que
l'existence de l'assurance décès vie entière où le
risque de décès pendant la durée du contrat est certain ,
n'a jamais été sérieusement contestée. "Ce qui
réunit les assurances sur la vie, qu'elles soient de type
prévoyance ou de type épargne, c'est l'incertitude sur la date de
l'événement dont dépend l'exécution des engagements
de l'assureur. Peu importe que cet événement soit
générateur de gains ou de risque de pertes, l'essentiel est qu'il
soit lié à la durée de la vie humaine..."(9(*)8).
En définitive, le contrat d'assurance est bien un
contrat aléatoire en ce sens que dans tous les cas de figure,
l'exécution de la prestation de l'assureur est liée à un
événement incertain, soit dans sa survenance, soit dans son
étendue, soit dans sa date de survenance. En revanche, il est permis de
douter qu'il soit pertinent de rechercher si cet événement
génère un risque de perte ou une chance de gain pour l'une ou
l'autre partie. Si l'on veut absolument intégrer cet
élément dans les caractères généraux du
contrat d'assurance, on constatera que dans certaines assurances vie,
l'assureur n'est pas exposé à un risque de perte
financière, ce risque étant supporté par le preneur, mais
que cette circonstance, à elle seule, ne priverait pas le contrat de son
caractère aléatoire, conformément à l'article 1964
du Code civil, dès lors que ce risque financier existe pour une seule
des parties, l'assuré en l'occurrence (9(*)9).
Ainsi la Chambre mixte, dans sa quête de l'aléa,
apporte deux précisions essentielles. Tout d'abord, elle
caractérise l'objet de l'aléa : la durée de la vie
humaine. De plus, la Chambre mixte précise que les contrats litigieux
d'assurance vie mixte comporte un aléa tenant à la durée
de la vie du souscripteur dont doit dépendre le réel
bénéficiaire. Elle souligne également que
"l'exécution des engagements de faire fructifier l'épargne du
souscripeur par une méthode commune aux opérations de
capitalisation et à celles des assurances" n'y change rien et
"dépend de la durée de la vie humaine". Ensuite la Chambre mixte
s'attache à démontrer le rôle effectif de l'aléa
dans lesdits contrats. "De la durée de vie du souscripteur-assuré
(siège de l'aléa) dépend l'exécution des contrats
et notamment la détermination du réel
bénéficiaire"(1(*)00). Les fondements de la décision de la Cour
venant d'être évoqués, passons aux enjeux qui ont
dicté la Cour à se prononcer dans ce sens et à la
portée que nous réserve cette révolution
jurisprudentielle.
Sous partie II Les enjeux et la portée de la
requalification des contrats
d'assurance vie
L'intérêt principal des quatre arrêts de la
Chambre mixte de la Cour de cassation du 23 novembre 2004, rendus sur les
conclusions conformes du premier avocat général, est d'avoir
écarté la thèse de la requalification des contrats
d'assurance vie en jugeant en termes de principe, que "le contrat
d'assurance dont les effets dépendent de la durée de la vie
humaine comporte un aléa et constitue un contrat d'assurance sur la
vie".
La question posée était d'autant plus
importante que les critiques formulées avaient pour objet et auraient eu
pour effet, non pas la requalification de quelques conventions
particulièrement sophistiquées, mais l'ensemble des contrats
modernes auxquels est dû pour l'essentiel le développement de
l'assurance vie (1(*)01). Ces enjeux ont conduit le Premier
président de la Cour de cassation, par ordonnance du 29 mars 2004,
à renvoyer les pourvois devant une chambre mixte, une ordonnance du 18
octobre 2004 précisant qu'elle sera composée des première
et deuxième chambres civiles et de la chambre commerciale. Le
caractère exceptionnel de l'affaire s'est manifesté plus
nettement encore par un recours de conception nouvelle à des avis
extérieurs aux parties.
Dans un entretien publié par le journal Les Echos du
29 avril 2004 (p.2), après avoir rappelé le recours à un
amicus curioe utilisé à deux reprises déjà
par la Cour de cassation, notamment dans l'affaire dite des mères
porteuses en 1995, le Premier président de la Cour de cassation a
exprimé le souhait « à l'image de ce qui existe
déjà dans la procédure américaine devant la Cour
suprême » d'étendre la méthode lors du litige portant
sur l'assurance vie. Plus précisément, il ne s'agirait plus de
consulter un « sage », mais de «recevoir l'avis, avant la
décision, de différents groupes d'intérêt qui, tout
en étant étrangers au litige, pourrait avoir un
intérêt direct à la solution juridique qui sera
dégagée par la Cour ».
C'est ainsi qu'il faut dire un mot de la solennité
avec laquelle la décision de la Cour a été rendue. Prise
en Chambre mixte sur conclusions conformes du premier avocat
général, après que le Premier président de la Haute
cour ait initié une procédure de consultation, et ainsi recueilli
les avis du Conseil supérieur du Notariat, de la
Fédération Française des Sociétés
d'Assurance, de la Chancellerie et du ministre des finances, la décision
de la Cour de cassation a été commentée par cette
dernière - fait assez rare -, dans un communiqué de presse.
Les arrêts ainsi rendus et diffusés peuvent donc
être réellement considérés comme fixant la
jurisprudence de la Cour de cassation en la matière. Autant dire que par
eux l'assurance vie a été confortée (paragraphe I) et quel
visage présente t-elle après ce réconfort ? (paragraphe
II)
Paragraphe I : L'assurance vie confortée par la Cour
de cassation
Non, l'assurance vie n'est pas un produit financier comme les
autres. Oui, son régime échappe au droit des successions.
Par quatre arrêts concomitants, les juges viennent de
trancher la bataille juridique qui opposait depuis plus de dix ans les notaires
aux assureurs. Voilà de quoi rassurer pour plusieurs années les
quelque 22 millions d'assurés adeptes de ces contrats. La chambre mixte
a tué la notion de "pure" contrat de capitalisation, qui d'ailleurs
n'avait jamais été définie clairement, ou, plus
exactement, elle a fait disparaître son ombre portée sur la
qualification d'assurance vie. En d'autres termes, elle refuse de lier
mécaniquement le constat d'un acte de pure capitalisation et la
disqualification du contrat d'assurance vie.
La sentence de la Cour de cassation met les choses au clair.
Mais il faut reconnaître que si les juges s'étaient laissés
aller à pencher vers l'argumentaire des notaires, les
conséquences économiques auraient été
catastrophiques pour les assureurs. D'où elle a tenu compte tout
à la fois des enjeux économiques et fiscaux (A) et des enjeux
matrimoniaux et successoraux (B).
A/ Enjeux économiques et fiscaux des contrats en
cours
Les décisions de la Cour de cassation sont, en effet,
riches de virtualités (1(*)02). La méthode ayant présidé
à leur élaboration est particulièrement digne
d'intérêt. A l'invitation de Monsieur le premier Président
Canivet, les principales instances intéressées par les
décisions à venir (Ministère de l'Economie et de la
Justice, Fédération française des sociétés
d'assurances, Conseil supérieur du Notariat) ont adressé des
notes qui ont été soumises au débat contradictoire.
L'objet visé était certainement d'éclairer la Haute
juridiction sur les enjeux juridiques, mais aussi sociaux et économiques
de la question qui lui était soumise. Même si le
procédé, en raison de sa lourdeur, ne peut à
l'évidence être généralisé, il doit
être approuvé. On a trop reproché aux juges de statuer
enfermés dans "leur tour d'ivoire" (selon l'expression de Luc
Mayaux) en ignorant superbement la portée, y compris financière,
de leur jurisprudence pour ne pas louer ce souci d'ouverture.
Quant à l'autorité morale de la décision,
liée à sa qualité intrinsèque et aux conditions
dans lesquelles elle a été prise, elle se trouve
renforcée. En l'espèce, nul ne pourra prétendre que les
arrêts ont été rendus par mégarde, dans l'ignorance
des enjeux posés par le problème de la qualification des contrats
d'assurance vie et qu'ils ne font pas jurisprudence.
Si l'on passe de la méthode au fond, et sans forcer
outrageusement l'interprétation, les arrêts de la Chambre mixte
sont tout aussi modernes. D'abord en ce que la dimension économique du
problème n'a pas été ignorée. Même si cela
relève du "non dit", il est difficile d'imaginer que la Cour n'a pas
été sensible à l'importance des sommes en jeu et au
rôle clef joué par l'assurance vie dans l'économie
nationale, notamment dans le financement de la dette de l'Etat. Les
données fournies par la Fédération française des
sociétés d'assurances sont à cet égard
éclairantes. Les assureurs vie représentent le tiers des porteurs
de titres de l'Etat, possèdent l'équivalent de 62% du volume
total des marchés obligataires français et 10% de la
capitalisation boursière de la Place de Paris.
Que se serait-il passé si les souscripteurs, apprenant
que leurs contrats n'étaient plus de l'assurance vie et craignant,
à tort ou à raison, de perdre des avantages fiscaux de celles-ci
après ses avantages civils, avaient procédé à des
rachats massifs ou arrêté leurs versements ? Nul ne le saura
jamais. Mais les effets de type systémique ne pouvaient être
exclus, aggravant la crise actuelle des marchés financiers (1(*)03). La protection de l'ordre
public successoral était-elle à ce prix alors que le Code des
assurances lui-même permet, par le recours à la notion de primes
manifestement exagérée, de régler les injustices les plus
criantes ? La réponse à cette question paraîtra ici
anticipée, car elle fera partie de notre étude dans les lignes
qui suivront.
Des enjeux économiques, des assureurs et assurés
mis en jeu, se trouvaient également en parallèles, les enjeux
fiscaux des contrats en cours.
Sur le plan fiscal, en revanche, la décision de la Cour
de cassation nous paraît dépourvue de conséquences directes
dans la mesure où le Code général des impôts
définit les cas et les modalités de taxation des sommes
versées par un assureur au décès de l'assuré sans
aucune référence au droit civil ou au droit des assurances. Le
principe de l'interprétation stricte des textes fiscaux conduit à
rendre sans incidence la distinction entre contrat d'assurance et contrat de
capitalisation.
Qu'à cela ne tienne, la fiscalité de l'assurance
vie mérite d'être évoquée. Malgré plusieurs
réformes qui ont réduit ses avantages, l'assurance vie continue
de bénéficier d'un régime fiscal très favorable
tant en matière d'impôt sur le revenu que de droits de
succession.
Quant à l'imposition sur le revenu ou sur les sommes
perçues, il faut avant tout préciser que le capital, en tant que
tel, n'est jamais taxé, seuls les produits acquis sont soumis à
l'impôt.
L'imposition sur les sommes perçues varie en fonction
de la date de souscription du contrat et de sa durée. A ce sujet, la
date charnière est le 26 septembre 1997.
Pour les contrats souscrits avant cette date :
§ Contrats souscrits avant le 1er janvier
1983 : les capitaux versés par l'assureur vie ne sont pas imposables.
§ Contrats souscrits après le 1er
janvier 1983 : les sommes reçues ne sont pas imposables lorsque la
durée dépasse six ans.
§ Contrats souscrits après le 1er
janvier 1990 : les sommes reçues ne sont pas imposables lorsque la
durée dépasse huit ans.
Pour les contrats souscrits depuis le 26 septembre 1997, les
versements effectués sur des contrats existants (sauf ceux souscrits
avant le 1er janvier 1983) sont imposés suivant la
durée du contrat en tenant compte des dates de retraits ou de rachats
effectués sur le contrat.
Pour le retrait du contrat après huit ans, les
intérêts perçus à compter du 1er janvier
1998 sont imposables, soit par réintégration dans les revenus
imposables, soit par prélèvement libératoire au taux de
7,5%. L'imposition compte sur les intérêts acquis dépassant
le seuil de 4 600 euros pour une personne seule et 9 200 euros pour un couple.
Pour le retrait du contrat avant huit ans, les
intérêts sont soit intégrés dans le revenu, soit
soumis à un prélèvement libératoire :
§ de 35% en cas de retrait avant quatre ans;
§ de 15% en cas de retrait entre quatre et huit ans.
Certaines situations de force majeure (licenciement, mise
à la retraite anticipée, invalidité...) permettent le
retrait du contrat sans imposition même lorsqu'il n'a pas atteint la
durée de huit ans.
En ce qui concerne les droits de succession, en l'absence de
bénéficiaire, désigné, les capitaux d'une assurance
en cas de décès entrent dans la succession. Ils sont alors soumis
le cas échéant, aux droits de successions selon le droit commun.
Lorsque le bénéficiaire a été
désigné, ils sont exonérés de droits de succession.
Toutefois, depuis le 13 octobre 1998, les cotisations payées
après le soixante-dixième anniversaire de l'assuré donnent
lieu au règlement de droits de succession par le
bénéficiaire pour les sommes versées supérieures
à 30 500 euros. Les intérêts capitalisés ne sont pas
imposables au sens de l'article 757 B du Code général des
impôts. Par contre, lorsque les sommes reçues par le
bénéficiaire ont pour origine des primes versées avant les
70 ans de l'assuré, elles sont exonérées de droits de
succession à hauteur de 152 500 euros. Au delà, les sommes sont
taxées au taux forfaitaire de 20% quels que soient le montant et le lien
de parenté existant entre l'assuré et le
bénéficiaire du contrat conformément à l'article
990 du Code général des impôts (1(*)04).
Des innovations en ce domaine. Dorénavant, les
contrats d'assurance vie, les bons de capitalisation et produits de placement
à revenu fixe souscrits en dehors de France dans d'autres pays
européens bénéficient de l'option pour le
prélèvement libératoire depuis la loi du 30
décembre 2004 dite "loi de finances rectificative pour 2004". De plus,
les abattements spécifiques entre partenaires pacsés peuvent
s'ajouter aux dispositions avantageuses de l'assurance vie, dès lors que
c'est l'article 757 B du Code général des impôts qui est en
cause. Cet abattement est de 57 000 euros, soumis à un taux de 40% pour
la fraction n'excédant pas 15 000 euros et à un taux de 50% pour
le surplus. Voici autant d'avantages qui allaient voler en éclats si la
Cour avait opté pour la solution contraire. Ceci étant, il est
grand temps d'évoquer la question des primes manifestement
exagérées qui aura été au centre des
préoccupations de la décision de Cour.
B/ Enjeux matrimoniaux et successoraux : la question des
primes manifestement exagérées
En matière d'assurance vie, les querelles de famille
finissent souvent par des querelles doctrinales. Que les disputes soient
matrimoniales comme dans le trop célèbre arrêt
Praslicka, ou successorales comme dans le récent arrêt
Leroux, les passions sortent du prétoire pour atteindre la
communauté juridique (1(*)05). Aujourd'hui ces querelles portent sur les primes
manifestement exagérées.
En effet, bien souvent, les litiges viennent
d'héritiers qui s'estiment lésés par un contrat
d'assurance vie souscrit par leur(s) parent(s) au profit d'un tiers. Pour
défendre la thèse de leurs clients et avoir prise sur ce
patrimoine, les notaires s'appuyaient sur les techniques de gestion de ces
contrats aujourd'hui empruntées aux opérations de capitalisation.
Et pourtant, la question semble réglée par l'article L. 132-13 al
2 du Code des assurances, atténuant ainsi son caractère
dérogatoire vis à vis du droit civil.
Dans sa note du 30 juin 2003 (p.1), le
Président du Conseil supérieur du notariat, a fait valoir que :
"l'assurance vie a parfois pour résultat de déshériter les
proches du souscripteur en contrariété avec le respect de l'ordre
public successoral, notamment la réserve héréditaire ,
générant selon lui un contentieux abondant et croissant. Il
renchérit en ces termes : tant en matière successorale que de
liquidation de communauté, le recours à la notion de primes
manifestement exagérées est périlleux et sources
d'incertitudes". Ces observations ont été prises en compte par la
FFSA, le ministère des Finances de l'Economie et de l'Industrie et ont
influencé la décision de la Chambre mixte de la Cour de
cassation.
Il pouvait être déduit de la jurisprudence
antérieure que, la Cour de cassation abandonnait au pouvoir souverain
des juges du fond l'appréciation du caractère manifestement
exagéré des primes eu égard aux facultés du
souscripteur (1(*)06).
Cela ne signifiait toutefois pas qu'elle écartait tout contrôle
quant aux critères retenus par les juges du fond pour opérer
leurs déductions. L'arrêt de la première chambre civile
rendu le 1er juillet 1997 le montrait. De lui, nous retenons quatre
enseignements :
La première chambre civile de la Cour de cassation
affirmait à nouveau le pouvoir souverain des juges du fond pour
l'appréciation du caractère manifestement exagéré
des primes. Il n'existait pas de seuil légal de l'excès, ce qui
laissait aux juges du fond une importante marge de manoeuvre.
Le montant du rapport ou de la réduction était
également laissé à la sagesse des juges du fond. Ils
pouvaient ainsi prononcer le rapport ou la réduction pour la
totalité des primes payées ou seulement pour une fraction.
Le critère légal n'était pas d'ordre
exclusivement économique puisque la Cour de cassation autorisait
expressément les juridictions inférieures à se
référer à l'utilité de l'opération pour le
souscripteur et à l'âge de celui-ci.
Enfin le rapport ou la réduction des primes excessives
n'était pas subordonné à la démonstration de
l'intention frauduleuse du souscripteur (1(*)07). L'article L. 132-13 du Code des assurances se
distinguait ainsi de l'action paulienne prévue à l'article 1167
du Code civil qui suppose la preuve de l'existence d'une fraude.
La chambre mixte n'a pas entendu, semble t-il, modifier de
façon très importante ce contrôle de
proportionnalité dont la souplesse permet une application à
chaque cas particulier, c'est à dire une adaptation du fait au droit.
Elle a voulu toutefois, répondre aux attentes du notariat, qu'elle a
tenues comme partiellement justifiées sur ce point, en améliorant
la sécurité juridique par un renforcement de son contrôle
de la motivation des arrêts se prononçant sur le caractère
manifestement exagéré des primes versées.
Il n'est plus question dans ces arrêts du pouvoir
d'appréciation souverain des juges du fond. La Cour de cassation entend
maintenant contrôler, sur le fondement du manque de base légale,
la qualification des primes manifestement exagérées.
En d'autres termes, on peut dire que la Cour vient de combler
une lacune en posant en principe dans ses attendus que : "le
caractère exagéré ou non d'une prime s'apprécie au
moment du versement, au regard de l'âge ainsi que des situations
patrimoniale et familiale du souscripteur". Il a été par
ailleurs précisé, dans le communiqué accompagnant ces
arrêts, que "afin de s'assurer de la compatibilité des
dispositions contractuelles en cause avec le droit successoral, la Cour de
cassation a vérifié que lorsque la qualification d'assurance vie
avait été justement retenue par les juges du fond, le
caractère manifestement exagéré des primes versées
avait été examiné, au moment de leur versement, au regard
de l'âge et des situations patrimoniale et familiale du
souscripteur". Les précisions ainsi apportées confortent
sans nul doute les praticiens en définissant les critères
à la lumière desquels les juridictions devront contrôler
les primes manifestement exagérées. Il appartiendra donc aux
assureurs de contrôler les souscriptions afin d'éviter des remises
en causes qui, si elles doivent prendre en compte la situation des
souscripteurs au moment du versement des primes, interviendront
néanmoins après leur décès.
Finalement, les praticiens de l'assurance ne peuvent
être là, encore, que satisfaits de la position prise par la Cour.
Ils estiment en effet depuis longtemps que le Code des assurances
prévoit des solutions d'une grande partie des difficultés
juridiques qu'ils peuvent rencontrer dans leur activité. Mais la Cour
laisse aux assureurs une grande responsabilité, puisqu'il leur
appartient de déterminer, au cas par cas, et quand la question se pose,
dans quelle mesure une prime est ou non exagérée, ceci sous le
contrôle du juge.
La question des primes manifestement exagérées
qui demeure aujourd'hui au centre du débat au détriment de celle
d'aléa, provisoirement close; venant d'être étudiée,
reste à réaliser la portée de la décision de la
Cour dans le droit positif.
Paragraphe II Le nouvel environnement de l'assurance
vie
Invitée cette fois sans ambages à se prononcer
sur la nature juridique des conventions discutées, la Cour de cassation
a donc affirmé la compatibilité de l'assurance et du placement.
La constitution d'une chambre mixte, conjuguée à
l'enchaînement des arrêts rendus par celle-ci, attestent,
l'autorité attendue des principes énoncés. Est-ce à
dire que le débat est désormais clos ? Nous ne le pensons pas.
Mieux, abstraction faite des enjeux de la solution et des formes
procédurales, la dispute nous semble s'imposer sur certains points, du
moins pour les auteurs détracteurs de l'assurance vie (A), du
côté de la jurisprudence les solutions post-requalification
semblent jusqu'ici colinéaires (B).
A/ La doctrine et l'après requalification.
La qualification donnée aux assurances placements par
la Chambre mixte ne semble pas faire l'unanimité au niveau de la
doctrine. S'il en va à merveille chez les pro assureurs, il en va
autrement chez les pro notaires. Ainsi pour les illustres auteurs comme Michel
Grimaldi (1(*)08) et
Alain Benabent (1(*)09),
posée en termes généraux, conceptuels, la question est
celle de la qualification des contrats d'assurance placement: dans ces nouveaux
contrats, retrouve-t-on l'aléa qui est de l'essence du contrat
d'assurance ? Posée en termes particuliers, pratiques, la question est
celle de leur régime juridique sous l'angle successoral : ces nouveaux
contrats relèvent-ils des articles L. 132-12 et L. 132-13 du Code des
assurances ?
La Cour de cassation à laquelle la question
était posée en termes généraux, et en termes
généraux seulement, décide que les contrats litigieux
constituent des contrats d'assurance sur la vie, et relèvent comme tels
des articles L. 132-12 et L. 132-13 du Code des assurances. Au soutien de sa
solution, la Cour de cassation énonce que : le contrat d'assurance dont
les effets dépendent de la durée de la vie humaine comporte un
aléa et constitue un contrat d'assurance sur la vie.
Cette motivation est quelque peu ambiguë. En
déclarant comme il l'a annoncé, l'arrêt laisse à
penser qu'il ne définit l'aléa que dans le seul contrat
d'assurance : tout autre contrat ne serait donc pas aléatoire du fait
que ses effets dépendent de la durée de la vie humaine estime
Grimaldi. Ainsi poursuit-il, la Cour se borne à répondre que le
risque économique n'est pas une condition de la qualification de contrat
aléatoire... On aurait aimé qu'elle s'en expliquât
d'avantage. Ensuite, parce qu'il est permis de douter de la pertinence d'une
analyse qui revient à considérer comme aléatoire tout
contrat qui se dénoue par la mort de l'une des parties, ou encore tout
contrat dans lequel la mort de l'une des parties emporte pour - comment en
serait-il autrement ? - un changement de partenaire. Tout contrat conclu pour
l'avenir avec un mortel est-il désormais un contrat aléatoire ?
rétorque Bénabent. Pareille analyse, qui revient à
considérer comme aléatoire tout contrat à terme
passé avec un mortel valait bien quelques explications
complémentaires... Pour toutes ces raisons, il est permis de
déplorer l'indigence de la motivation d'arrêts d'une si grande
portée. D'aucuns répliqueront que la Cour est chargée de
"dire le droit", et que là s'arrête sa mission. Mais on ne voit
pas que dire le droit interdise de l'expliquer, là où il est
controversé. L'impératif de lisibilité et
d'accessibilité du droit, qui est à la fois une exigence
constitutionnelle et un condition du rayonnement du droit français,
l'est aussi pour la jurisprudence de la Cour de cassation.
Il est clair que, sous l'angle du droit successoral, cette
jurisprudence démantèle l'ordre juridique et porte un coup
à l'exigence d'égalité. Nul, en effet, ne peut
sérieusement contester que l'assurance vie dans sa forme moderne, soit
un placement : on place son argent en assurance vie, comme on le place dans la
pierre, en bourse ou ailleurs. Et l'on sait que la bonne gestion des assureurs
et une politique fiscale de faveur ont rendu le placement en assurance vie
particulièrement attractif. Dès lors, mettre hors la loi
successorale des actifs qui représentent une part si substantielle des
patrimoines des ménages, c'est sacrifier la cohérence du
système juridique et semer le germe de la discrimination entre les
citoyens (1(*)10).
Là-dessus, on loue le courageux arrêt de la Cour
d'arbitrage de Belgique, du 26 mai 1999, qui, insensible aux menaces d'on ne
sait trop quel séisme économico-financier, a censuré comme
contraire aux exigences constitutionnelles de non discrimination et de
cohérence législative, une disposition de la loi du 25 juin 1992
sur le contrat d'assurance terrestre qui, sous l'angle du régime
matrimonial qualifiait de bien propre le bénéfice du contrat
perçu par le souscripteur en cours de régime, alors même
que les primes aurait été payées par la communauté,
sauf la récompense due à celle-ci en cas seulement de primes
manifestement exagérées.
Rien de tout cela ne vaut chez nous... réclame
Grimaldi. Le Code civil consacre solennellement, au titre Des
successions , et dans un article de facture récente issu de la loi
du 3 décembre 2001, le principe de la réserve
héréditaire (art. 721); mais la réserve est sans prise,
nous dit la Cour de cassation - Code des assurances en mains - sur les immenses
capitaux placés en assurance vie.
Le tempérament des primes manifestement
exagérées n'est pas de nature à atténuer ces
critiques. L'exagération prise dans un sens quantitatif ne saurait
s'apprécier du point de vue des intérêts du souscripteur :
à la différence d'une dépense de consommation (tel le
paiement d'une prime qui est à fonds perdus, dans le cas d'une assurance
vie classique), un placement sûr (tel le paiement d'une prime dans le cas
d'une assurance vie moderne) ne saurait être excessif pour son auteur...
L'exagération s'apprécie du point de vue des
intérêts des héritiers : elle suppose que trop d'argent ait
été, par le canal de l'assurance vie mis hors d'atteinte du
rapport ou de la réduction. Autrement dit, l'assurance vie permet de
rompre l'égalité, que sanctionne le rapport, ou d'éluder
la réserve, que sanctionne la réduction, pourvu que ce soit avec
modération. L'appréciation de l'exagération au jour du
versement ne paraît pas non plus rassurant. Moyennant quoi, si le
souscripteur, riche au moment où il a souscrit, meurt ruiné, les
enfants ne pourront invoquer ni rapport ni atteinte à leur
réserve.
Soyons clair, insiste Grimadi : il ne s'agit pas ici de
dénoncer le risque d'un arbitraire judiciaire, mais de déplorer
l'intrusion d'une sorte de principe de proportionnalité dans un domaine,
celui du règlement successoral, où il n'a pas sa place. Là
où les conflits naissent et s'apaisent rarement, il n'est pas bon que
les droits de chacun dépendent de la mise en oeuvre d'une notion aussi
imprécise - comme le dit la Cour d'arbitrage de Belgique dans son
arrêt du 26 mai 1999 - que celles des primes manifestement
exagérées eu égard aux facultés du souscripteur.
Enfin, ce qui vient d'être jugé sur le terrain
successoral a-t-il quelque portée sur le terrain des régimes
matrimoniaux ? Les arrêts rendus en chambre mixte remettent-ils en cause
la célèbre jurisprudence Praslicka, suivant laquelle si
un contrat d'assurance vie souscrit par un époux commun en biens au
moyen des deniers communs est en cours lors de la dissolution du régime,
sa valeur de rachat figure à l'actif de la communauté ?
Critiquée sur le fondement de l'article L. 132-16 du Code des
assurances, la jurisprudence Praslicka semble conserver toute sa
valeur. Car il ne suffit pas de remettre à un assureur des deniers
communs pour que, par l'effet d'une étrange alchimie, les deniers qu'il
vous rend soient les propres, ainsi conclut Grimaldi.
Qu'en est-il de la jurisprudence d'après
requalification ?
B/ La jurisprudence et l'après requalification.
Les arrêts rendus par la Chambre mixte de la Cour de
cassation en date du 23 novembre 2004 mériteraient l'appellation
d'arrêts de principe. Il s'agit des premiers arrêts rendus par la
Cour de cassation sur cette question débattue depuis plus d'une dizaine
d'années, tant sur le plan doctrinal que judiciaire.
Dans ces arrêts, la Cour donne une définition de
l'aléa en assurance vie: "le contrat d'assurance dont les effets
dépendent de la durée de la vie humaine comporte un aléa
... et constitue un contrat d'assurance sur la vie". La Cour de cassation
affirme ainsi son rôle normatif sur le contrôle de la notion
d'aléa, essence même du contrat d'assurance. Elle précise
par ailleurs, la règle des primes manifestement exagérées
eu égard aux facultés du souscripteur, c'est donc pour la
première fois que la Cour précise à quel moment il faut se
placer pour apprécier le caractère manifestement
exagéré des primes versées exerçant ainsi un
contrôle de la notion de primes manifestement exagérées.
Ainsi, le Rapport annuel de la Cour de cassation pour 2004, précise que
c'est dès la souscription du contrat qu'il a été
décidé par la Cour d'apprécier l'existence de
l'aléa et non au dénouement du contrat comme l'a fait le Conseil
d'Etat dans une décision rendue le 19 novembre 2004 où il a
requalifié un contrat d'assurance vie en donation.
Il est ensuite précisé par le Rapport annuel que
ces décisions, en mettant en relief des critères précis
permettant la qualification des contrats soumis à l'appréciation
des juges du fond, devraient mettre fin aux hésitations des
juridictions, aux tergiversations des différents professionnels
concernés et guider les solutions à venir si tant est qu'un
contentieux subsiste quant à l'application des solutions
données.
Nous savons que les arrêts de la Chambre ont posé
un principe nouveau au regard de l'aléa et des primes
exagérées en matière d'assurance vie. Ce principe sert
aujourd'hui de canevas aux arrêts qui ont déjà suivi et qui
suivront. Le danger est évidemment qu'en pratique, il sera plus
difficile pour la Cour de revenir en arrière ou en tout cas de le faire
rapidement. Mais est-ce un inconvénient pour qui est soucieux d'une
certaine stabilité de la règle jurisprudentielle ? On peut penser
que non et que, sauf en présence d'une erreur manifeste qui doit
être rapidement corrigée, de tels changements sont
préjudiciables au prestige de la juridiction.
Ainsi depuis novembre 2004, nombre d'arrêts s'inscrivant
dans la logique de la décision de la Chambre mixte, on été
rendus, les uns sur l'aléa les autres sur les primes manifestement
exagérées. Il s'agit respectivement de Cass. 2e civ.
17 mars 2005 (1(*)11) et
de Cass. 2e civ. 12 mai 2005 (1(*)12). Ces deux arrêts reprennent à
l'appui et à leur motivation les visas posés par la Chambre mixte
pour écarter la requalification en contrat de capitalisation des
contrats d'assurance vie. Le contrat d'assurance dont les effets
dépendent de la durée de la vie humaine, comporte un
aléa...et constitue un contrat d'assurance vie. Nous avons
également, Cass. 1re civ. 8 mars 2005 au sujet du
bénéfice par un époux d'un contrat souscrit par son
conjoint alimenté par les deniers communs. Cet arrêt confirme la
position antérieure de la cour de cassation en énonçant
que : "le contrat d'assurance vie souscrit par un époux commun en biens
au profit de son conjoint est un bien propre à ce dernier au
décès du souscripteur, sans pour autant que récompense
soit due à la communauté", ce qui nous rappelle l'arrêt
Pelletier. Ensuite il y a eu deux décisions respectivement le
17 et 24 février 2005 au sujet des primes manifestement
exagérées. Pour justifier de ses nouvelles orientations issues de
la décision de novembre 2004, pour les deux arrêts
précités la Cour a fait preuve d'un contrôle rigoureux du
caractère excessif des primes et en même temps a
contrôlé la base légale, ils ont été tous
cassés et annulés, renvoyant les parties devant d'autres Cours
d'appel.
En somme ces arrêts susmentionnés constituent une
application aux affaires en cause de la jurisprudence de la Cour de cassation
telle que fixée par les arrêts du 23 novembre 2004
précités.
CONCLUSION
La cour de cassation a mis fin à la controverse ouverte
depuis 1994 en écartant la requalification en contrat de capitalisation
des contrats d'assurance vie modernes, dits de placement en ce sens que le
capital constitué par les primes est géré selon des
techniques voisines de la capitalisation. Elle a jugé, après une
procédure de consultation, d'une part, des notaires et des assureurs,
et, d'autre part, du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie et
du ministre de la Justice, que : le contrat d'assurance dont les effets
dépendent de la durée de la vie humaine comporte un aléa
au sens des articles 1964 du Code civil et L. 310-1,1° et R. 321-1, 20 du
Code des assurances et constitue un contrat d'assurance vie. Pour tenir
compte des craintes exprimées par le notariat quant aux atteintes
à l'ordre public familial elle a décidé, en même
temps, de renforcer son contrôle de la motivation sur
l'appréciation du caractère manifestement exagéré
des primes versées, qui devra s'apprécier au moment du versement,
au regard de l'âge ainsi que des situations patrimoniale et familiale du
souscripteur. Cette controverse à laquelle la Cour à mis fin - si
l'on ose le dire ainsi - a eu pour origine le succès de l'institution
d'assurance vie.
Celle-ci est, en quelque sorte, victime de son propre
succès. Le fait qu'elle ait les faveurs des particuliers, comme en
témoigne les chiffres que l'on a cités, attire sur elle toutes
les convoitises. A l'évidence, cet effet de masse n'est pas
étranger à l'intérêt qu'elle suscite et aux
critiques dont elle est l'objet. Quand les sommes versées à titre
de primes étaient globalement modestes, les conséquences
négatives étaient sur le contenu de la communauté ou de la
succession, qui individuellement pouvaient être aussi importantes
qu'à l'heure actuelle ; étaient mise sur le compte de la
spécificité de l'institution et du mécanisme de la
stipulation pour autrui sur lequel elle reposait. Aujourd'hui ces atteintes
apparaissent insupportables à certains, alors que le mécanisme
utilisé est toujours le même et n'est pas employé de
manière plus frauduleuse. Mais avec sa généralisation, le
procédé apparaîtra comme un truc ou une combine autorisant
tous les excès, alors que le recours à la notion de primes
manifestement exagérées permet de corriger les injustices les
plus graves, qui sont aussi les plus rares, tant il est vrai que
statistiquement l'assurance vie tend plus à protéger la veuve et
l'orphelin qu'à troubler la paix des familles.
On y apprend encore que la souscription de contrats
d'assurance vie s'apparente de plus en plus à une opération de
placement fonctionnant sur le principe de capitalisation, ce qui est confondre
un mode de gestion du contrat (la capitalisation) qui est commun à
toutes les assurances de personnes et s'applique à certaines assurances
de dommages, et un contrat particulier (la capitalisation) qui est distinct de
l'assurance vie tout en étant géré selon la même
technique. On y apprend enfin, qu'au regard de l'ordre public successoral, le
capital de ces assurances-épargne est un élément d'actif
provenant économiquement du patrimoine du souscripteur et qui doit
figurer dans la masse successorale.
En réalité, on a l'impression que les contrats
de prévoyance, qui se caractérisent par le versement des primes
modestes et l'existence, pour l'assureur, d'un risque en capital lié au
décès de l'assuré constituent les seuls véritables
contrats d'assurance vie, où - nous rassure-t-on - le capital
versé provient bien de l'assureur. Autrement dit, hors de ces contrats
qui ne coûtent pas chers et peuvent rapporter gros, il n'y a pas
d'assurance. Ce faisant, les auteurs de ces propositions s'enferment dans une
vision passéiste de l'assurance vie, où celle-ci n'arrive pas
à se détacher du contrat de jeu.
Doit-on remplacer le beau mot d'assurance par celui
plus mercantile de capitalisation ? Est-il nécessaire, en
faisant fi de toute considération technique, d'aligner le régime
de l'assurance vie sur celui des contrats d'épargne, au motif qui n'est
pas toujours désintéressé, que l'assurance vie draine
aujourd'hui une grande partie de l'épargne ? Prenons donc garde (pour
paraphraser le doyen Carbonnier) à ne pas légiférer pour
des cas pathologiques ou - pire - à ne pas construire une oeuvre
jurisprudentielle autour de l'idée que ces cas seraient majoritaires !
Autrement dit, cessons d'avoir une vue boulevardière de l'assurance vie,
comme le soutient le Professeur Luc Mayaux, où le souscripteur,
présumé rusé sinon méchant, serait seulement
soucieux de tromper le fisc ou de gratifier sa maîtresse ! Et, s'il
souhaite avantager au-delà de la quotité disponible l'un de ses
enfants, handicapé par exemple, pourquoi le lui refuser au nom d'une
conception impérialiste de la réserve ? La souplesse de
l'assurance vie doit lui permettre d'oeuvrer à l'avant-garde du droit de
la famille. Il serait regrettable de l'obliger, pour des raisons purement
dogmatiques, à rentrer dans le rang.
L'enseignement principal des arrêts de la Chambre mixte
est peut être là, dans cette manière de vivifier le Code
civil par l'apport d'un droit spécial, de faire évoluer ses
catégories juridiques et ses mécanismes fondamentaux au
même rythme que l'économie de la société. A quoi bon
se référer à la conception de l'aléa
prévalant dans le code de 1804 pour un contrat d'assurance vie qui,
à cette date, était considéré comme illicite ?
Pourquoi vouloir à tout prix, y compris par une requalification
hasardeuse, l'application des règles sur la réserve, quand une
loi spéciale combinée à un mécanisme
éprouvé que la stipulation pour autrui permet d'y déroger
? Si nous voulons donner à notre vieux Code civil, grignoté d'en
haut par le droit communautaire et d'en bas par les droits spéciaux, une
chance de survie, ce n'est sûrement pas en restant arc-bouté sur
son passé. Une interprétation décrispée de ses
textes est de loin préférable. Il faut savoir gré à
la Chambre mixte de l'avoir pleinement compris (1(*)13).
Il est sans doute aujourd'hui parfaitement vain et inutile de
polémiquer sur la notion d'aléa dans le contrat d'assurance vie
(1(*)14) estiment
certains auteurs pro assureurs. Mais à ce stade, reconnaissons le, toute
prise de position attise la réflexion, sans même débattre
de la portée jurisprudentielle des décisions rendues par la
chambre mixte, de l'opinion contraire.
Dans ce débat, chacun sait que, plus que des
considérations juridiques, ce sont des considérations
économiques qui ont emporté la décision (1(*)15). Il ne fallait pas qu'une
requalification des contrats litigieux pût provoquer une remise en cause,
non seulement pour l'avenir mais aussi pour le passé du régime
fiscal auquel ils doivent leur succès et auquel, du même coup, le
déficit budgétaire doit pour partie être comblé. Ces
considérations n'apparaissent pourtant dans aucun des arrêts de la
Chambre mixte. Sans doute, ne le pouvaient-elles pas, puisque, dans notre
tradition juridique, différente de celle des pays de common
Law, le juge est la bouche de la loi, et non l'artisan d'une politique
économique. Mais est-il sain que, par suite de la
nécessité d'une motivation strictement juridique, la
définition du contrat aléatoire dépende du déficit
budgétaire de l'Etat, et que les héritiers ne puissent se
plaindre d'une atteinte à leur réserve dès lors que leur
auteur y a puisé pour contribuer, indirectement et sans doute
inconsciemment , à combler ce déficit ? La question des primes
manifestement exagérées est aussi loin de faire
l'unanimité car aucun seuil de l'excès n'est défini, et,
une fois l'excès défini doit-on réduire ou rapporter la
totalité des primes ou simplement la fraction excessive ? Là, on
aurait peine à soutenir que la question se réduit à la
simple discussion d'un quantum, sans égard au fait, que par
delà l'apparence, c'est bien la notion même de la
libéralité qui s'ouvre de nouveau à l'analyse.
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* (1) V. Nicolas, Essai
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* (2) J. Bigot, in
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* (4) B. Beignier, Droit du
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* (7) V. Nicolas,
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* (8) M. Belmont et T.
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* (9) L'Argus de l'assurance,
n° 6938, 15 juillet 2005. P.26
Voir aussi R. David et C. Jauffret-Spinosi, Les
grands systèmes de droit contemporains, Précis Dalloz,
10e éd., 1990, n°435, p. 381 : « La
chari'a, pénétrée de formalisme, demande que la lettre de
la loi, plutôt que son esprit, soit respectée. Bien des
règles de droit musulman peuvent par suite être privées
d'effet, pourvu seulement qu'elles ne soient pas directement violées
(...). Les contrats aléatoires, en particulier le contrat d'assurance
sont interdits ; mais le péché n'est commis que par celui
qui perçoit la prime : on peut donc s'assurer auprès d'une
compagnie d'assurances étrangère ou auprès d'un non
musulman ».
* (10) M. Belmont et T.
Deschanels, Assurance vie et transmission de patrimoine :
Pièges, astuces et fiscalité, Dalloz, éd. l'Argus de
l'Assurance 2001. P.19.
* (11) Rapport du conseil des
impôts: Une présentation contestable de l'assurance vie,
La lettre de l'assurance n°80, 22 juin 1998 et Données
clés 1999, FFSA..
* (12) L'Argus de
l'assurance, n° 6935, 24 juin 2005. P.8.
* (13) FFSA infos,
Assurer / n° 49 - 11 mai 2005.
* (14) L'Argus de
l'assurance, n° 6936, 1er juillet 2005. P.35.
* (15) FFSA infos,
Assurer / n° 49 - 11 mai 2005.
* (16) L'Argus de
l'assurance, n° 6936, 1er juillet 2005. P.9
Voir aussi Legifrance, le site
assemblée-nationale.fr et Assurer / n°53 - 6 juillet 2005 FFSA
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* (17) L'Argus de
l'assurance, n° 6936, 1er juillet 2005. P.39.
* (18)
www.cea.assur.org et
www.swissre.com
* (19)
http://www.courdecassation.fr/agenda/agenda_new/communiqué(3).htm
Voir aussi : R.G.D.A. 1/2005, L.G.D.J. 2005, pp.110
et ss.
* (20) J. Héron, in
Préface,V. Nicolas, Essai d'une nouvelle analyse du contrat
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* (21) M. Grimaldi,
« Réflexions sur l'assurance vie et le droit patrimonial
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35841, pp. 737 et s.
* (22) J. Bigot,
J.C.P. 1992, I, n° 3622.
J. Bigot, « Clair-obscur sur l'assurance vie. De
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* (23) J.
Bigot (sous la dir.de) Traité du droit des assurances, Tome III
, op. cit., n°174 et s.
* (24) M. Grimaldi,
Réflexions sur l'assurance vie et le droit patrimonial de la
famille: Défrenois 1994, art, 35841.Voir
L'assurance vie et le droit des successions: Defrenois 2001,
art.37276, spéc. N°8.
* (25) J. Aulagnier,
L'assurance vie est-elle un contrat d'assurance ? : Droit et
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* (26) G. Courtieu, De
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* (27) Ph. Delmas
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* (28) F. Lucet, La
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* (29) Y. Lambert-Faivre,
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* (30) F. Bertout, Les
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* (34) 96e
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* (35) Y. Lambert-Faivre,
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* (36) G. Courtieu,
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* (37) J. Ghestin et M.
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* (38) J.
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* (39) J. Kullmann,
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* (40) L. Mayaux,
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* (41) V. Nicolas, Op. Cit.,
n° 731 et s.
* (42) Ph. Delmas
Saint-Hilaire, Assurance vie et chambre mixte: aléa jacta est !
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* (43) J. Ghestin et M.
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* (44) F. Bertout, Les
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JurisClasseur, janvier-février 2005, p. 39.
* (45) M. Grimaldi, Op.cit,
note (24), n° 10, p. 11 et 12.
* (46) M. Giray,
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* (47) Rapport Cour de
cassation pour l'année 2000, p. 404.
* (48) Cass. Ass.
plén., 12 déc. 1986: D, 1987, jurispr. p. 269, note J.
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* (49) Cass.1re
civ., 31 mars 1992: Resp.civ.et assur. 1992, comm. 246, RGAT, 1993, p. 136,
note. Aubert
* (50) J. Bigot, JCP1993,
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* (51) J-G. Raffray, De
l'arrêt Pelletier à l'arrêt Praslicka: tentative de
conciliation, Resp. civ. et assur., éd. du Juris-Classeur, octobre
1997, pp. 9-10
* (52) Arrêts
requalifiant les contrats: CA Rouen, 1997.- CA Rennes, 1999,
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* (53) Cass. 1re
civ., 18 juillet 2000, Bull. civ., I, n° 213.
* (54) Ph. Delmas
Saint-Hilaire, Assurance vie et chambre mixte: aléa jacta est !
Rev. Jur. Pers&Famille, n°2, fév. 2005, p. 25
* (55) Cass. 1re
civ., 29 déc. 1937, RGAT, 1938, 249.
* (56) Cass. 1re
civ., 29 janvier 2002, Bull. civ. I, n°29.
* (57) F. Bertout, Les
arrêts de la Cour de cassation de novembre 2004 sur la qualification des
contrats d'assurance, Op. cit, p37
* (58) L. Mayaux,
L'assurance vie est-elle soluble dans la capitalisation ?, RGDA 2000, p.767
* (59) E. Giraud, Assurance
vie le guide pratique, éd. Sept. 2004, p.
* (60) Ph. Baillot, L'assurance
en cas de vie au bénéfice d'un tiers, RGAT, 1990, n° 2, pp.
291 et s. spéc. P. 291.
* (61) Article L. 131-1 C.
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* (62) J.
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* (63) V. Nicolas, Op. cit,
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* (64) V. Nicolas, Op. cit,
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* (65) J. Bigot,
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* (66) Cass. Civ., 29
déc. 1937, RGAT, 1938.248, note M.Picard.
* (67) Arrêt
Leroux précité.
* (68) Grenoble, 7 nov.
1995, JCP, 1996, II, 22.595, note Bigot.
* (69) Paris, 13 avril,
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* (70) Loi du 16 juillet
1992.
* (71) Directive 92/96 du
10 novembre 1992, RGAT, 1993. 180.
* (72) Art. L. 132-5-1 C.
ass.
* (73) Art. L. 132-5 et
art. R. 132-4 C. ass.
* (74) Art. L. 132-22 C.
ass.
* (75) Art. L. 132-20 C.
ass.
* (76) Art. L.
132-21.
* (77) Art. L. 331-3.
* (78) J. Bigot, (sous la
dir.) Traité droit des assurances. n° 183, pp. 128
et 129.
* (79) V. Nicolas. Op. cit.
n° 748 et s. pp. 321 et 322.
* (80) A. Benabent, Droit
civil: les contrats spéciaux, Ed. Domat-Montchrestien, 1993,
n° 954 et s., pp. 496 et s.
* (81) Art. L. 132-23 C. ass.
* (82) Cass. Ass.
plén., 12 déc 1986, D. 1987, jurisp. P. 269, note
J.Ghestin.
* (83) Courtieu
G. "Assurance vie et communauté conjugale:le droit
à recompense des primes ". Resp.civ.et ass. Ed.du JurisClasseur.
Hors-serie. Déc. 1998. pp 343.
* (84) G. Cornu, Les
régimes matrimoniaux, PUF,1992, p.580.
* (85) Courtieu
G. "De l'utilité de la souscription d'une assurance
vie ". Resp.civ.et ass. Ed.du JurisClasseur. Octobre. 1997. p. 8.
* (86) C.E, Section du
contentieux, n°254797, 19 novembre 2004.
* (87) J. Ghestin, La cour
de cassation s'est prononcée contre la requalification des contrats
d'assurance vie en contrats de capitalisation, La semaine juridique
Edition Générale n° 6, 9 février 2005. p. 253.
* (88) L. Mayaux, note sous
C. cass. (Ch. mixte) 23 novembre 2004, RGDA, L.G.D.J. 2005, n°1, pp.110
à 123
* (89) L. Mayaux, note
sous C. cass. Ibidem.
* (90) G. Cornu,
Vocabulaire juridique, V° "aléa"
* (91) J. Bigot, Op. Cit.
n° 97, p. 62.
* (92) V. Nicolas, Op. Cit.,
n°s 75 et s.
* (93) Y. Lambert-Faivre,
Argus, 11 janvier 2002.
* (94) H. Groutel, Le
contrat d'assurance, Dalloz, p.5.
* (95) Cf. Evolution
historique, Introduction
* (96) Cass. 1re
civ., 8 juillet 1994, RGAT, 1994, 1089, note Kullmann.
* (97) Cass. Civ., 6
fév. 1888, D. 1888, I. 193.
* (98) L. Mayaux, Op.
cit.
* (99) J. Bigot, Op. cit.,
99 et s.
* (100) Ph. Delmas
Saint-Hilaire, Op. cit.
* (101) J. Ghestin, Op. cit
* (102) L. Mayaux, note
sous Ch. mixte
* (103) L. Mayaux,
Ibidem.
* (104) E. Giraud,
Assurance vie le guide pratique, Prat éd. Mars 2005, pp 113
à 133.
* (105) L. Mayaux, Op. cit
* (106) Cass. 1re
civ., 11 mars 1997: Bull.civ., 1997, I. n° 94
* (107) Cass. 1re
civ., 1er juillet 1997 et 26 juin 2001.
* (108) M. Grimaldi,
Successions et libéralités: qualification et régime
juridique des assurances vie placements, RTD civ. avril / juin, Dalloz
2005, n°2, pp 434 et s.
* (109) A. Bénabent,
Qualification et classification des contrats, Revue des contrats
2005/2, pp 297 et s.
* (110) M. Grimaldi, Op.
Cit (note 108)
* (111) Argus, supplemen au
n° 6931 du 27 mai 2005, p.7.
* (112) Argus, supplemen au
n° 6935 du 24 juin 2005, p.6.
* (113) L. Mayaux, note sous
Ch. mixte 23 nov. 2004.
* (114) M. Leroy,
Brèves considérations sur les arrêts de la Chambre
mixte du 23 nov. 2004, Rev. Lamy dr. civ. janvier 2005, p. 37 - P.
Grosjean, Les nouvelles frontières de l'assurance vie: JCP N
2005, 1003. p. 24.
* (115) M. Grimaldi, Op, cit.
RTD. Civ n ° 2, 2005
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