Le processus de la décentralisation fait son chemin.
Sans avoir la prétention d'avoir cerné tous les contours du
sujet, l'étude du thème : « Problématique du
transfert de compétences aux communes : stratégies des acteurs et
perspectives » a permis de comprendre les stratégies
développées par les acteurs, d'identifier de manière
générale les obstacles majeurs à ce transfert et de
proposer quelques pistes de solutions possibles.
Les stratégies développées
diffèrent d'un acteur à un autre en raison de ses
possibilités et de l'étendue de marge de manoeuvre dont il
dispose.
L'Etat a fait l'option d'un transfert immédiat et
d'autres transferts différés qualifiés de progressif du
fait de la faible capacité communale à gérer certaines
compétences qui sont dévolues aux communes par les lois de
décentralisation.
Les communes ont plutôt cherché à
contourner le non transfert en sollicitant l'appui des partenaires au
développement, puis se sont organisées à travers
l'Association Nationale des Communes du Bénin (ANCB) pour mieux se faire
entendre. Leurs stratégies ont donc consisté à la
mobilisation des ressources dans le cadre de l'appui financier à la
décentralisation des bailleurs comme la DANIDA et la coopération
décentralisée avec les communes étrangères.
La stratégie de l'ANCB faite de négociation
avec l'Etat dans laquelle elle a soumis au gouvernement un mémorandum
sur le transfert des compétences n'a pas porté ses fruits.
Compte tenu de tout ce qui précède, cette
étude a constaté que les différentes stratégies
développées par les acteurs n'ont pas permis le transfert des
compétences des ministères sectoriels.
Les obstacles majeurs identifiés par la
présente étude sont de plusieurs ordres. De manière
succincte, la faible capacité locale et les pesanteurs politiques au
niveau des communes et de l'Etat représentent des obstacles de premier
rang.
Au niveau de l'Etat, la faible implication des
ministères sectoriels dans la décentralisation, la
réticence des cadres de l'administration centrale, l'insuffisance des
ressources et le retard de la déconcentration sur ce
dernier sont des handicaps de taille pour le transfert des
compétences.
Enfin, au niveau de l'intermédiaire
privilégié des communes auprès de l'Etat c'est-à-
dire l'ANCB, sa faible capacité de lobbying ne lui a pas permis de
satisfaire les préoccupations de ses membres dont le statut fait d'elle
une association particulière.
Ainsi, point n'est besoin de rappeler que la
décentralisation sans transfert de compétences et de ressources
n'a pas de raison d'être. Elle est fonction de la volonté
politique ferme de l'Etat et d'un engagement soutenu de la part des
collectivités locales.
Dans le contexte actuel où un ministère de
décentralisation est initié par le Président de la
République, on peut affirmer sans se tromper que les solutions
préconisées à travers cette étude portent en elles
de bonnes perspectives pour le transfert de compétences.
A l'issue de cette étude, des perspectives nouvelles
s'annoncent surtout en cette fin du premier quinquennat de l'ère de la
décentralisation. Dans ce cadre, nous formulons des propositions qui,
nous l'espérons pourraient permettre l'amorce du transfert des
compétences en question dans la présente étude. Les
solutions que nous proposons viennent s'ajouter à celles que nous avons
identifiées sur le terrain. Elles sont inspirées des propositions
faites au cours des divers fora organisés pour évaluer le
processus de décentralisation au Bénin. Elles s'adressent au
gouvernement béninois d'une part et d'autre part aux communes et
à l'ANCB. Ce sont des actions qui peuvent être mises en oeuvre
à cours et moyen terme compte tenu de la place primordiale qu'occupe le
transfert des compétences et des ressources dans la réussite de
la décentralisation.
Perspectives pour un transfert de compétences et de
ressources effectif au Bénin
Nous suggérons à l'intention du gouvernement
d'améliorer du cadre juridique actuel de la décentralisation en
prenant des textes modificatifs et complémentaires. Une loi aussi
explicite soit-elle ne peut aller dans tous les détails. Il faut donc
que le gouvernement prenne des décrets d'application de toutes les lois
de décentralisation afin de rendre plus opérationnel certains
articles dont l'application est sujette à des polémiques. Par
exemple, l'article 104 de la loi 97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation
des communes au Bénin transfère tous les marchés qui sont
sur le territoire à la commune. Mais, les marchés
gérés par la SOGEMA ne sont pas encore transférés
à la commune de Cotonou. Une telle démarche précisera
enfin dans quelle proportion la commune de Cotonou peut s'impliquer dans la
gestion desdits marchés.
De plus, nous proposons au gouvernement de définir les
modalités du transfert intégral des compétences et des
ressources et arrêter un chronogramme subséquent. A cet effet, il
convient de rappeler que si la loi précise les modalités
d'exercice des compétences communales, ce n'est pas encore le cas pour
ce qui est des modalités de transfert.
De même, il faut définir une politique nationale
de décentralisation. C'est la politique qui vient en premier lieu. Elle
doit fixer les objectifs, définir les stratégies et les moyens
à utiliser. Ce ne sera qu'après cela que les lois et
décrets peuvent jouer concrètement leur rôle,
c'est-à-dire servir d'instrument permettant de réaliser les
objectifs et stratégies. En outre, l'Etat doit définir une
politique et stratégie de financement de l'administration
décentralisée et déconcentrée. A ce propos, il faut
tenir compte de la situation financière du Bénin où les
recettes de l'Etat sont à dominance fiscale. Par ailleurs, nous
suggérons au gouvernement la préparation et l'organisation d'une
table ronde des partenaires techniques et financiers appuyant la réforme
de l'Administration Territoriale. Cela peut permettre de faire le bilan de
leurs contributions afin de redonner un sens nouveau à l'accompagnement
du processus de la réforme pour un développement
équilibré des communes du Bénin. Enfin, nous proposons au
gouvernement :
ü renforcer le volet déconcentration de la
réforme de l'administration territoriale ;
ü instruire les ministères aux fins de renforcer les
directions départementales en ressources humaines, matérielles et
financières pour assister efficacement les communes ;
ü faire aboutir le dossier relatif à la fonction
publique territoriale ;
ü appuyer les communes dans le renforcement de leurs
ressources en vue d'une gestion axée sur la performance et la
qualité des services ;
ü évaluer le montant des crédits annuels
dégagés pour les compétences sectorielles
transférées aux communes et les envoyer aux communes ;
ü le respect du principe de subsidiarité qui exige
que les ministères n'exercent plus les compétences que les
communes peuvent mieux gérer au niveau local ;
ü impliquer les communes béninoises dans la
politique de gratuité de l'enseignement maternelle et primaire pour plus
d'efficacité.
A l'intention des communes, nous suggérons un effort
personnel pour maîtriser davantage les différents textes qui
régissent la décentralisation. Les autorités locales
doivent comprendre que la décentralisation exige d'eux une
compétence particulière en matière d'interprétation
des lois de décentralisation à leur juste valeur. Aussi, ces
autorités doivent comprendre qu'il est nécessaire pour eux de
compter d'abord sur les ressources endogènes de la commune en vue d'un
développement durable. Nos propositions à l'égard des
communes
ont également pour nom : l'utilisation transparente
des ressources financières des communes et la nécessité de
rendre compte aux citoyens de la commune et la Création d'un cadre
favorable de participation pour l'ensemble des acteurs.
A l'intention de l'ANCB : nous suggérons
ü Le développement et le renforcement d'une
capacité intrinsèque de négociation et de lobbying en ce
qui concerne la prise en compte des préoccupations essentielles des
communes dans la prise des grandes orientations et décisions de l'Etat
;
ü L'organisation de rencontres périodiques afin de
permettre à chaque commune d'exprimer ses préoccupations.