Les anomalies des nouvelles introductions en bourse: Cas du nouveau marché français( Télécharger le fichier original )par Najed BEN HADJ AL IHEC Tunis - Mastere Monnaie et Finance 2005 |
B) La finance comportementale et le phénomène de la sous réaction et de sur réaction :Un cadre plus général qui décrit les biais de jugements des investisseurs sur la valeur de l'entreprise est celui de la finance comportementale. La théorie financière suppose généralement l'efficience informationnelle des marchés financiers, autrement dit que les marchés financiers anticipent rationnellement les événements susceptibles d'affecter les cours boursiers et qu'ils ne se laissent pas abuser par des opérations de maquillage sans aucun effet réel sur les bénéfices de l'entreprise. Cependant plusieurs anomalies demeurent inexpliquées, notamment la réaction incorrecte à l'information et particulièrement à l'annonce des résultats et les taux de rendements anormaux observés à long terme tel est le cas des IPOs. La finance comportementale propose deux phénomènes opposés mais liés au comportement de l'investisseur, la sur réaction (De Bondt et Thaler (1985, 1987)) et la sous réaction (Bernard et Thomas (1989), Jegadeesh et Titman (1993)) des investisseurs à l'information. La sous réaction signifie que l'information est sous-estimée, c'est-à-dire que les investisseurs réagissent mais avec une intensité insuffisante par rapport à l'évènement, entraînant un ajustement progressif dans les périodes qui suivent. La sur réaction à l'information implique un revirement des rentabilités des titres à long terme suite à l'annonce d'un événement de la firme telle que les résultats, ou la distribution de dividendes. Pour les tenants de la finance comportementale, l'explication des rentabilités des titres est d'ordre psychologique et reposerait sur la rationalité limitée de l'investisseur sous biais psychologiques en accord avec les travaux de Kahneman et Tversky (1973, 1974). En effet, Les paradigmes de la finance comportementale reposent sur les hypothèses, souvent vérifiées dans des expériences, que les individus commettent des erreurs systématiques dans la façon dont ils perçoivent et traitent les informations. Il n'est dès lors pas absurde, de considérer que ce sont les écarts entre le comportement réel des agents et le comportement rationnel idéalisé dans l'hypothèse d'efficience des marchés financiers qui provoqueraient des anomalies. L'interprétation des performances des titres demeure un débat entre les tenants de l'approche comportementale et les tenants du couple rentabilité/risque c'est-à-dire ceux de l'approche classique de l'efficience des marchés financiers. Parmi les modèles comportementaux qui essaient de réconcilier les phénomènes de la sur réaction et sous réaction, on peut citer le modèle de Daniel, Hirshleifer et Subrahmanyam (1999) (DHS), Barberis, Shleifer et Vishny (1998) (BSV) et Hong et Stein (1999) (HS). Chaque modèle s'adapte à la corrélation sérielle positive à court terme et négative à long terme des cours en supposant des hypothèses différentes sur la nature des biais comportementaux et/ou de l'hétérogénéité des investisseurs. Pour le cas du modèle DHS il suppose deux types d'investisseurs : les informés et les non informés : Les non informés ne sont pas sujet de biais psychologiques dans leurs jugements, mais les cours des actions sont déterminés par les informés sujets de 2 biais : La sur confiance qui leur amène à croire en la précision de l'information privée qu'ils détiennent sur la valeur « réelle » de l'action, et l'attribution personnelle biaisée (« biased self attribution ») qui leur amène à négliger les signaux ou l'information publique et surtout si elle est en contradiction avec l'information qu'ils détiennent. La sur réaction à l'information privée1(*) et la sous réaction à l'information publique2(*), entraînent l'existence d'un trend à court terme dans les taux de rendements. Mais à long terme un renversement de cette tendance lorsque éventuellement l'information publique devient très importante qu'elle ne pourrait pas être négligée et arrivera par conséquent à atténuer les biais dans le comportement des investisseurs informés. Dans le modèle DHS la réaction des cours dans la période d'annonce est incomplète à cause de la sur confiance des investisseurs informés dans leurs prévisions de la valeur de l'action. Ce modèle DHS, prévoit en conclusion pour certains évènements des taux de rendements à la suite de la période d'annonce de même signe que ceux de la période d'annonce (exp. La distribution des dividende et le rachat d'actions), contrairement au cas de l'IPO ou le rendement initial, celui de la période d'annonce, est très positif reflétant la sous-évaluation à court terme et à long terme des taux de rendements négatifs. Le modèle BSV est destiné à capter les deux biais de jugement des investisseurs, celui de la sous représentativité (Kahneman et Tversky (1982)3(*)), où les investisseurs donnent plus de poids aux données les plus récentes, et le conservatisme (Edwards (1968)) ou le retard d'ajustement des modèles face aux nouvelles observations. Ce modèle suppose que les bénéfices suivent une marche au hasard et les investisseurs considèrent l'existence de deux régimes de bénéfices : Dans le premier régime, les investisseurs supposent que la valeur des bénéfices tend à s'inverser dans le futur, et lorsque les investisseurs en décident, les cours des actions sous réagissent aux variations des bénéfices car les investisseurs croyaient que ce changement n'est que temporaire. Mais si les prévisions ainsi formées ne son pas confirmés il y aura un retard d'ajustement des cours aux premiers bénéfices réalisés. L'existence de ce régime est motivée par les évidences empiriques de l'existence d'un momentum de court terme des taux de rendements (Jegadeesh et Titman (1993) 4(*)) et du retard d'ajustement des cours à l'annonce des bénéfices (Ball et Brown (1968), Bernard et Thomas (1990)). Dans le deuxième régime, en cas d'un changement de même signe dans les niveaux des bénéfices, les investisseurs considèrent que ce changement va s'étendre dans le futur. Si ce régime tient la route, les investisseurs vont incorrectement reproduire cette tendance ou ce trend et les cours sur réagissent. Ce régime prévoit un renversement des taux de rendements à long terme et plus particulièrement l'existence d'un trend de rendements pré-évènement (exp. L'annonce des résultats) ce qui constitue une preuve de la sur réaction des investisseurs et qui sera corrigée par les taux de rendements post-événement.
BSV justifient la sous réaction initiale et la sur réaction ultérieure par les biais d'ancrage et de l'heuristique de représentativité de l'investisseur. L'effet d'ancrage se manifeste dans les estimations numériques lorsque l'individu a déjà effectué une première estimation et n'arrive pas à l'ajuster aux nouvelles données (Tversky et Kahneman, 1974). En effet, les jugements humains ne sont plus envisagés comme la résultante d'un traitement rationnel et impartial de l'information dans l'approche des inférences. Au contraire, les attributions et les prédictions font l'objet de biais et d'erreurs systématiques. Les biais dans le jugement humain décrits dans la littérature psychologique sont considérés comme des biais cognitifs1(*). Sous le biais d'heuristique de représentativité, les investisseurs accordent plus d'importance aux informations récentes qu'aux informations structurelles. Ces jugements heuristiques de représentativité expliqueraient la sur réaction des cours boursiers aux nouvelles, et le mécanisme d'ancrage expliquerait la sous réaction des cours boursiers aux nouvelles récentes du fait que les investisseurs ne révisent pas suffisamment leurs croyances. HS, quant à eux, soulignent l'hétérogénéité des investisseurs qui observent l'information privée sous des angles différents à des périodes distinctes. Ils supposent deux hypothèses principales : Premièrement, l'information publique spécifique est distribuée graduellement. Deuxièmement, les investisseurs n'anticipent pas rationnellement à l'information disponible. En effet, ils considèrent deux types d'investisseurs selon leur rationalité limitée : les « newswatchers » et les « momentum traders ». Les « newswatchers » sont des investisseurs informés. Les « momentum traders », les moins informés, ont un caractère de suiveur des « newswatchers ». Ils créent donc une sur réaction initiale puis une sur réaction finale à long terme. Ainsi, pour HS les phénomènes de la sur réaction s'expliquent par l'incorporation graduelle de l'information dans les cours boursiers due aux hétérogénéités des investisseurs rationnellement limités. De même, leur modèle implique que l'effet de continuité des rentabilités sur le court terme ou l'effet « momentum » est plus évident chez les titres à couverture faible en terme de nombre des analystes financiers suivant le titre. Ces modèles diffèrent dans leurs hypothèses du comportement de l'investisseur et/ou de leur hétérogénéité mais tous prédisent une sous réaction à l'information publique récente et une sur réaction aux informations historiques. Mais, il est à noter, d'une part, l'existence d'une difficulté de réconciliation des résultats des études empiriques et des modèles comportementaux théoriques, et d'autre part, l'absence des facteurs explicatifs des phénomènes de la sous réaction et sur réaction (Fama, 1998). Pour le cadre des nouvelles introductions en bourse, Fama (1998) classe les taux de rendements de long terme observés à la suite de l'IPO en tant qu'un résultat de la sur réaction des investisseurs. En effet, les entreprises qui avaient une augmentation dans leurs bénéfices avant la date d'IPO auront des niveaux de cours élevés à cette date si le marché n'a pas pu assimiler que cette croissance tend à s'inverser dans le futur. Si le marché ne reconnaît sa faute d'évaluation de l'IPO qu'avec un certain retard, la sur réaction à la croissance passée des bénéfices ne sera corrigée que très lentement sur les années qui suivent. * 1 Car les investisseurs informés qui font, par hypothèse, varier le cours de l'action, détiennent l'information privée. * 2 Car à cause de la surconfiance des investisseurs informés, qui par hypothèse font la valeur de l'action et en absence d'une information privée, l'information publique est négligée même si elle est d'importance qu'elle pourrait réévaluer l'action et il y aura une sous-réaction à l'information (publique). * 3 D'après Christophe Morel (2001). * 4 Les actions qui ont un taux de rendement élevé sur les années récentes tendent à avoir aussi des taux de rendements élevés sur les 3 à 6 mois qui viennent Jegadeesh et Titman (1993, 2001). * 1 Les biais cognitifs sont dus aux capacités limitées des individus à prendre en compte et à traiter toutes les informations potentiellement disponibles. Ils impliquent des erreurs systématiques, si bien que les jugements s'écartent systématiquement des normes et standards acceptés. |
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