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Le contentieux de la propriété intellectuelle: cas de la marque de produits ou de services

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par Nadine Josiane BAKAM TITGOUM
Université de Dschang (Cameroun) - Diplome d'Etudes Approfondies 2008
  

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 A  défaut d'âme, les objets ont des marques », Yann de l'Ecotais (« La seccotine est irremplaçable », éd. Plon 1998)

Dans les économies actuelles post-industrielles, la richesse naît de l'innovation et du marketing. La clientèle autant que l'entreprise recherchent, l'une les moyens d'opérer des choix raisonnés dans une offre de plus en plus complexes, l'autre les moyens d'un positionnement avantageux dans un marché âprement compétitif et global.

A l'origine (en France), les artisans revêtaient de leurs sceaux ou d'un signe particulier les produits issus de leur fabrication. Au Moyen Age, cette habitude se généralisa notamment au sein de gildes qui regroupaient les artisans et les marchands d'une même famille de produits. Par la suite, ces associations essayèrent de contrôler leur production et leur commerce par le biais de « privilèges » royaux qui réservaient à leurs seuls membres l'usage de leurs marques.

Les Révolutionnaires abolirent ces privilèges et proclamèrent la liberté du commerce et de l'industrie. Toutefois, pour éviter des actes de concurrence sauvage, ils durent placer les marques sous un régime uniforme de dépôt et de protection.

Au constat, les textes législatifs de cette époque-là ne prévoyaient pas de marques de service. Cette notion est intervenue au plan international1(*) avant de se généraliser par des textes nationaux2(*). Cependant la majorité de la doctrine considère qu'elle existait déjà auparavant sinon en droit du moins en fait, de nombreuses entreprises prestataires de services tels hôtellerie, assurances, transports, etc. ayant pris l'habitude d'utiliser des signes distinctifs pour désigner leurs services3(*).

Ainsi, la marque est un signe qui sert à distinguer les produits ou services de son titulaire de ceux que proposent ses concurrents. Elle est en principe facultative mais peut exceptionnellement être déclarée obligatoire. Il en existe de diverses sortes : des marques individuelles et des marques collectives ; des marques de produits et des marques de services ; des marques de distribution et des marques « premier choix », aussi bien que des marques de prestige ; des marques appliquées à un seul produit et des marques qui recouvrent une variété de produits ou qui s'ajoutent à la marque individualisant un produit dans une gamme4(*).

Si le bien fondé du droit sur la marque n'est pas contesté, sa nature juridique a suscité des remous doctrinaux identiques à ceux concernant d'autres droits de propriété intellectuelle. Des théories ont été développées qui cherchent à déterminer la nature juridique de ce droit, certaines en fonction de son objet5(*), d'autres au regard de sa fonction6(*), d'autres encore en tenant compte de son contenu7(*). Les partisans de ce dernier aspect qualifient volontiers le droit des marques de « droit de propriété ». Pour sa part, le législateur qui adopte la terminologie « propriété industrielle » semble avoir tranché la question même si, faut-il l'avouer, cette propriété se rapproche de celle de l'art 544 du Code civil8(*) autant qu'elle s'en démarque9(*). De ce fait, certains auteurs ont pu soutenir qu'il s'agissait d'une catégorie de droits de propriété « sui generis ». Cependant, le caractère immatériel du bien ne change pas la qualification de la nature du droit ; il est par conséquent logique que le régime de ce droit soit influencé par cette particularité10(*).

La marque doit être distinguée d'autres notions voisines qui, pouvant être classées dans la rubrique commune de propriété intellectuelle, s'en éloignent considérablement.

Ainsi en est-il des droits de propriété littéraire et artistique qui, à la différence de ceux portant sur les marques (et droits de propriété industrielle en général), ne nécessitent pour leur naissance aucune formalité administrative. L'auteur de toute oeuvre originale de l'esprit jouit sur cette oeuvre du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporel, exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d'ordre moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial11(*). A l'évidence, la personnalité de l'auteur de l'oeuvre domine le régime juridique applicable. Ceci dit, une marque peut intégrer une création graphique ou verbale. Si le créateur est un tiers, la validité d'une telle marque sera conditionnée par le transfert des droits du créateur au profit du déposant. Ledit transfert doit être réalisé par écrit conformément à l'article 36 de l'annexe VII précité.

La marque s'écarte également du brevet d'invention. En effet, si celle-là est un droit d'occupation, celui-ci est un droit de créativité technique subordonné à la condition de nouveauté dont doit bénéficier l'invention. Qui plus est, alors que la validité du brevet s'estompe sous l'écoulement du temps, celles de la marque se consolide avec son ancienneté, son renouvellement périodique étant possible.

Enfin, la marque se distingue des autres signes distinctifs en ce qu'elle n'identifie ni une entreprise (fonction dévolue au nom commercial) ni un lieu de production ou de fabrication (rôle de l'origine géographique) mais des produits ou des services.

En somme, la marque est une notion autonome.

L'efficacité de toute marque se vérifie par sa capacité à attirer et à fidéliser une clientèle. En fonction de certains critères, il est possible de l'évaluer. Il s'agit de l'image qu'elle véhicule, sa notoriété, son pouvoir d'évocation et d'attraction, sa réputation, son pouvoir d'identification, etc. C'est dire que les marques ne s'équivalent pas. Il est des marques de valeur économique substantiellement considérable12(*) qui, à cet effet, requièrent une protection juridique dérogatoire du droit commun des marques13(*). Mais la valeur des investissements effectués par l'entreprise ne saurait justifier une quelconque discrimination des régimes de protection, ces investissements étant fonction de la surface financière de ces structures et les économies africaines étant généralement constituées de PME.

L'importance économique de la marque n'est guère à démontrer. Si l'on ne s'en tient qu'aux formalités effectuées auprès de l'OAPI, l'on peut observer que le volume moyen annuel des dépôts de marques se chiffre autour de 1.300 marques. Cet engouement pour les marques14(*) est trahi par un revers significatif : Il s'agit de la contrefaçon qui connaît ces dernières années un développement constant et qui, loin d'avoir le caractère artisanal et pittoresque qu'on lui prête souvent, est devenue une véritable contre industrie.

Ces données économiques appellent par conséquent à une réglementation appropriée. Animés d'un tel souci, certains pays africains15(*) se sont mis ensemble pour élaborer et adopter une réglementation sous forme de traité international suivi d'annexes et qui, par le même truchement, créait une Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (ci-après OAPI)16(*) dotée de pouvoirs étendus indispensables à l'accomplissement de sa mission dont la première est la centralisation des procédures administratives découlant d'un régime uniforme de protection de la propriété industrielle. L'accord de Bangui du 02 mars 1977, entré en vigueur le 8 février 1982, a été actualisé pour s'arrimer aux conventions internationales signées par les Etats membres et reconnues par l'Organisation. Sa dernière révision en date est entrée en vigueur le 28 février 2002. Son annexe III est consacrée aux marques de produits ou de services.

Cette réglementation résulte d'un double choix opéré par le législateur OAPI à l'exemple de ses homologues sous d'autres cieux : D'une part entre le rattachement du droit des marques au droit de la concurrence ou au droit de la propriété industrielle, et d'autre part, entre le système déclaratif et le système attributif du droit à la marque.

D'abord, le droit des marques pourrait être rattaché au droit de la concurrence (concurrence déloyale) et donc indirectement au droit de la consommation17(*). Ce rattachement n'est pas sans fondement : Notamment, un individu pourrait acquérir une marque antérieure dans le seul but de l'opposer à son concurrent en vue de l'éliminer. De plus, le titulaire d'une marque pourrait exercer ses droits pour porter illicitement atteinte à la libre concurrence et aux droits des consommateurs. Enfin, par un détournement de la finalité de la marque, il est imaginable d'utiliser comme marque un signe détachable du produit en ce qu'il est recherché pour lui-même par la clientèle ; ce qui constitue une entrave injustifiée notamment à la liberté du commerce et de l'industrie car l'auteur de tels agissements jouirait, de fait, d'un avantage qui lui aurait été refusé sur le terrain plus approprié de la création artistique, le signe étant par hypothèse dépourvu d'originalité. Malgré la pertinence de ces hypothèses, le législateur OAPI rattache le droit des marques davantage au droit de la propriété intellectuelle. Sans ignorer son aspect concurrentiel, ce rattachement a le mérite d'appréhender la matière en entier.

Ensuite, en matière de marques, l'on distingue généralement le système déclaratif du système attributif. Sous le règne du système déclaratif, le droit sur la marque naît de l'usucapion, c'est-à-dire de l'usage de celle-ci dans le commerce par le premier utilisateur. Par conséquent, le dépôt et l'enregistrement n'ont qu'une valeur de reconnaissance du droit déjà né. Quant au système attributif, il est celui qui confère le droit sur la marque par un acte formel et administratif provoqué par le déposant. Le premier système prête le flanc à critique. En effet, il accuse le fâcheux inconvénient de conduire non seulement à la difficulté de rapporter la preuve du premier usage mais également à une insécurité juridique pour le propriétaire de la marque qui ne saura jamais si la marque lui appartient vraiment, ou si son droit est primé par un autre, antérieur, appartenant à un tiers. C'est donc à juste titre que le législateur a porté son choix sur le système attributif qui, lui, présente plus de sécurité en éliminant tout contentieux relatif a la titularité de la marque. Mais cet aménagement législatif n'évacue pas complètement les possibilités de contestations relatives aux marques de produits ou de service.

A la vérité, la marque est à l'origine de multiples contestations. Lors de sa phase de gestation, peuvent être soulevées tantôt son invalidité intrinsèque, tantôt son indisponibilité. Son exploitation paisible peut être mise à mal par des difficultés surgissant entre le propriétaire de la marque et son cocontractant ou même des délits tels la contrefaçon et la concurrence déloyale perpétrés par des tiers.

Pour développer le contentieux des marques dans l'espace OAPI, nous avons procédé par une approche scientifique orientée vers l'étude des textes et de la jurisprudence locale. Toutefois, nous nous sommes permis des excursions ponctuelles dans les systèmes juridiques étrangers en fonction des besoins et à titre de droit comparé.

De tout ce qui précède, l'on observe que des litiges sont susceptibles de voir jour d'une part lors de l'acquisition du droit sur la marque (première partie), et d'autre part lors de l'exploitation de ladite marque (deuxième partie).

L'acquisition du droit sur la marque peut logiquement soulever deux principales questions : Qui peut être titulaire d'une marque ? Quelles sont les marques susceptibles d'être valablement enregistrées ? Si la première préoccupation a depuis longtemps déjà trouvé solution, la seconde est à l'origine de divers contentieux.

Aux termes de l'article 5 al. 1er de l'annexe III de l'accord de Bangui, la marque appartient au premier déposant. L'on aurait pu s'attendre à ce qu'il lui soit exigé la qualité de commerçant puisque la marque qui a une fonction essentiellement commerciale, est un élément constitutif du fonds de commerce. Faisant fi de ces données, le législateur est libéral, qui permet même à un non-commerçant de déposer une marque individuelle à son nom personnel. Cette règle dite de «  l'indépendance de la marque », le législateur OHADA lui-même en aurait, semble-t-il, tenu compte étant donné qu'il se garde de réglementer dans son Acte uniforme portant droit des sûretés, le nantissement à titre principal des marques et des droits de propriété industrielle en général, subordonnant la validité et l'opposabilité d'un nantissement à titre accessoire à la rédaction d'une clause spéciale et aux règles de publicité prévues par les dispositions relatives à la propriété intellectuelles18(*). La règle de l'indépendance des marques a cependant un contrepoids car le déposant est obligé d'exploiter la marque sinon une action en déchéance pour inexploitation pourrait être intentée contre lui par un tiers intéressé par la marque.

Par ailleurs, la marque peut être enregistrée et acquise en co-propriété. Sauf clause contraire entre les co-propriétaires, ceux-ci doivent alors l'exploiter en indivision selon les règles de droit commun.

Mais pour être enregistrée, la marque doit réussir à l'examen des autorités de l'OAPI qui s'assurent qu`elle ne contient aucun vice de validité et, par des mesures de publicité suffisantes, qu'elle ne porte pas atteinte aux droits antérieurs d'un autre déposant.

En effet, l'enregistrement de la marque suppose qu'elle soit exempte de tout vice ; ce qui contribue à l'efficacité du titre car si grâce à certaines manoeuvres , la marque dépourvue de validité ou frappée d'indisponibilité parvenait à se dérober aux contestations relevant de la compétence de l'Organisation, notamment à cause des délais courts qui jouent en sa faveur (chapitre1), ce n'est que difficilement qu'elle échappera aux actions qui peuvent être portées devant les juridictions civiles (chapitre2).

chapitre i: LES HYPOTHESES DE CONTESTATION RELEVANT DE LA COMPETENCE DE L'O.A.P.I

Le droit sur la marque découlant non de l'usage mais d'un titre délivré par l'Organisation, il est tout à fait logique qu'un examen s'impose en vue de s'assurer que les conditions posées à sa naissance par le législateur sont remplies. Cet examen porte sur la forme et sur le fond.

Les conditions de recevabilité en tout état de cause, concernent le demandeur, l'objet de la demande, le dossier de demande, le paiement des taxes exigées.

L'examen proprement dit qui s'applique aux conditions de validité du droit a l'avantage de crédibiliser les titres et de désengorger les prétoires. Il peut être préalable ou différé c'est-à-dire situé avant ou après l'enregistrement du titre.

Il peut être préalable dans sa « phase directoriale ». En principe, une fois déposée, la marque fait l'objet d'un examen relevant de la compétence du Directeur Général. Si ledit examen s'avère probant, la marque est enregistrée. Il est par la suite délivré au titulaire de l'enregistrement un certificat contenant les renseignements de l'art 16 de l'annexe, c'est-à-dire le numéro d'ordre de la marque ; la date de dépôt de la demande d'enregistrement ; la date de l'enregistrement ainsi que la date de priorité si celle-ci est revendiquée ; le nom commercial ou les nom et prénom du titulaire de la marque ainsi que son adresse ; une reproduction de la marque, l'indication des classes de produits ou de services sur lesquels porte l'enregistrement. Publication est faite au bulletin officiel de la propriété industrielle et les données du certificat d'enregistrement sont insérées au Registre spécial des marques.

Mais parfois, soit la procédure s'achèvera précocement en raison de l'invalidité de la marque (section I), soit elle gagnera en proportion du fait d'une éventuelle opposition des tiers (section II).

SECTION I : LA REMISE EN CAUSE DE LA VALIDITE DE LA MARQUE

L'invalidité de la marque est prononcée d'office par le Directeur Général de l'Organisation. L'on note une constance des indices de cette invalidité (§1) dont les sanctions connaissent un double niveau (§2)

§1 : LA CONSTANCE DES INDICES D'INVALIDITE DE LA MARQUE

Il est d'une constance établie qu'aucune marque ne saurait jouir du sceau de l'enregistrement si elle n'est distinctive (A) et licite (B) ou, si elle souffre d'un argument tiré de sa déceptivité (C).

A-L'ABSENCE DE DISTINCTIVITE

La distinctivité est l'un des caractères d'une marque valide. Ce caractère s'entend de la capacité du signe à identifier un objet afin de permettre au public de le reconnaître19(*). C'est dire que le caractère distinctif de la marque ne résulte pas du signe pris en lui-même mais de sa perception par le public.

De plus, la distinctivité d'une marque est fonction du jour et du lieu du dépôt. S'agissant du jour du dépôt, une jurisprudence française affirme « qu'un terme ne peut perdre son caractère original sous prétexte que le public a pris l'habitude de désigner le produit en utilisant la marque (...) car il serait en effet injuste que le succès d'une marque ait pour effet d'en faire perdre la propriété à son titulaire »20(*). Cette tendance jurisprudentielle a été critiquée par certains auteurs21(*) qui estiment que le fait qu'une dénomination soit en quelque sorte « nouvelle » au moment de son dépôt ne la rend pas pour autant « distinctive » au sens du droit des marques car bien qu'objectivement nouveau, ce terme peut en réalité, dès son dépôt, être nécessaire et usuelle.

En effet, le développement de nouvelles technologies et de nouvelles industries (exemple : l'informatique) d'une part, et les comportements nouveaux voire les modifications de modes de vie liés à l'apparition de nouveaux produits ou à l'évolution des moeurs d'autre part, sont des phénomènes qui sont à l'origine de mots nouveaux. Le caractère distinctif des signes et plus particulièrement des dénominations doit donc être apprécié dans un « contexte linguistique global » afin de vérifier s'ils ne participent pas de l'enrichissement du langage suite à l'apparition de nouveaux produits et de nouveaux services.

S'agissant du lieu, la marque étant territoriale (espace OAPI), sa protection doit être analysée au regard du territoire où la protection est réclamée. Ainsi, une marque jugée générique aux Etats-Unis par exemple, ne devrait pas, en principe, faire obstacle à sa validité dans l'espace OAPI, mais compte tenu du commerce international, il est difficile de maintenir dans ledit espace la protection d'une marque devenue générique dans son pays d'origine, cette attitude étant de nature à créer artificiellement une barrière à l'importation de produits marqués licitement du terme générique22(*).

A notre sens, bien que la protection de la marque soit territoriale et bien que l'appréciation de sa validité le soit conséquemment, les autorités de l'OAPI doivent avoir une vue globale dans l'examen des marques à elles soumises, au risque, sinon, d'enfermer le droit des marques OAPI dans un « paradis juridique » dangereux pour la compétitivité des entreprises locales dans l'économie mondiale.

C'est sans doute animé de ce souci que le législateur OAPI stipule à l'article 3a) de l'accord de Bangui qu'une marque ne peut être valablement enregistrée si « elle est dépourvue de caractère distinctif notamment du fait qu'elle est constituée de signes ou d'indications constituant la désignation nécessaire ou générique du produit ou la composition du produit ».

Ainsi, ne constitue pas une marque valable le signe ou la désignation nécessaire ou générique du produit (1) ou la composition du produit (2). Cependant, relevons pour le critiquer que cette disposition ne mentionne que les produits, ignorant par le fait même les services.

1-Les désignations23(*) nécessaires ou génériques de produits

Est nécessaire tout signe dont on a besoin pour nommer le produit (ou le service) désigné par la marque, dès lors qu'il n'en existe pas d'autre pour désigner d'une manière aussi précise ou aussi concise le produit en question.

Tel serait le cas d'une marque désignant un produit breveté, lorsque l'inventeur du produit breveté n'a diffusé son invention que sous sa marque et que le brevet qui a donné son nom au produit est tombé dans le domaine public. L'inconvénient serait que le titulaire du brevet expiré se prévale de ce que son produit est le « véritable produit » et exige que ses concurrents associent toujours leurs marques au produit lors de sa commercialisation.

Quant au caractère « générique », il concerne tout signe ou terme désignant non pas un produit ou un service précis mais « la catégorie, l'espèce ou le genre auxquels ils appartiennent »24(*) ou un produit sans que le consommateur lui attribue une origine particulière. Un tel signe ou terme pourrait indifféremment s'appliquer au produit marqué autant qu'à ceux des concurrents. Ainsi des termes tels « Le meilleur », « Parfait », « Excellent », « Bon », etc. appliqués à un produit seraient génériques parce qu'étant d'usage libre à tous les commerçants et industriels.

Un problème qui se pose très souvent est celui de la diversité des langues. En effet, des termes génériques ou descriptifs dans une langue étrangère peuvent néanmoins constituer une marque valide. Pour cela, il suffirait que pour une majorité du public ces termes apparaissent comme des dénominations de fantaisie. Cette position jurisprudentielle et doctrinale acquise en droit positif français, appliquée à l'espace OAPI, pourrait cependant poser problème. Comme on le sait, l'Organisation rassemble en son sein des Etats africains pour la plupart francophones mais également lusophones (Guinée Bissau) et Anglophones (une partie du Cameroun). Par conséquent, en appliquant la théorie de la validité comme marque des termes génériques dans une langue étrangère pour peu que la signification qu'ils peuvent avoir n'est pas perçue par la majorité du public, l'on arriverait à valider des marques constituées de termes génériques en portugais ou en anglais ; ce qui serait conflictuel dans les Etats où ces langues sont parlées. C'est dire que les autorités de l'OAPI devraient à ce propos se montrer plus vigilantes. Loin de constituer un inconvénient, cette diversité de langues pourrait être considérée comme un atout dans la mesure où sa prise en compte contribuera à plus de rigueur, toutes choses qui favorisent la crédibilité et l'efficacité des enregistrements effectués auprès de l'OAPI.

En dehors de cet obstacle propre au contexte de l'OAPI , l'on pourrait aisément imaginer qu'un terme générique ou descriptif dans un dialecte parlé dans cet espace puisse constituer une marque valide car pourvue d'originalité et de fantaisie.

Sous un autre aspect, la Commission Supérieure des Recours auprès de l'OAPI considère généralement comme distinctif des marques constituées de néologismes dans la mesure où, bien que comportant un terme générique, la marque résulte d'une combinaison originale dudit terme et de terme(s) inventé(s). Ainsi a-t-elle considéré comme distinctive la marque « VIVALAIT Vignette » n°43355 au motif « qu'il convient de relever que la marque « VIVALAIT » n°43355 formant un tout, est composée non seulement de l'élément distinctif « VIVA », mais aussi d'autres éléments tels que le support matériel, les couleurs choisies, les écritures figurant sur la vignette»25(*). Nous constatons donc que la Commission supérieure des recours procède par une analyse synthétique des marques  pour apprécier leur caractère distinctif. Cette approche aboutit à une relative souplesse en vertu de laquelle des termes évocateurs sont déclarés valides en tant que marques. Ces marques cependant sont dites « faibles » car comprenant à la fois des termes arbitraires et des termes non distinctifs, ce qui affaiblit considérablement leur protection. En effet, « si on en reconnaît la validité, on ne peut pas pour autant priver les concurrents de l'usage de termes très courants : dès lors la protection conférée par la marque se limitera souvent à la possibilité d'empêcher une reproduction à l'identique, et son titulaire devra tolérer la coexistence de marques proches de la sienne »26(*).

2- Les signes constituant la composition du produit

Ne peut être valablement enregistrée une marque constituée de termes indiquant la composition du produit. Il s'agit de termes qui désignent les éléments intervenant dans la fabrication ou la production du produit concerné. Ce pourrait être des préparations pharmaceutiques, des boissons et autres produits composés d'éléments chimiques.

Mais, l'on se demande pourquoi le législateur OAPI n'a mentionné que « la composition du produit » au lieu d'employer un terme générique tel que le caractère descriptif de la marque. Une stipulation aussi générale a l'avantage de cerner tous les aspects de la question : la marque descriptive est celle qui exprime la qualité essentielle d'un produit (l'espèce, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production).

Egalement, l'article 3a) de l'annexe ne prévoit que les produits ignorant les services. Si « la composition » s'applique mieux aux produits qu'aux services, l'on comprend moins pourquoi s'agissant des autres caractères (nécessaires et génériques) le législateur n'a pas prévu les services.

Nous en déduisons la relativisation du caractère distinctif des marques de service, une exonération législative pure et simple étant absurde. D'ailleurs, d'après PEROT-MOREL « la marque de service a, en effet, vocation presque naturelle à être plus ou moins descriptive »27(*). Selon cet auteur, ceci tient en premier lieu à ce qu'à la différence des marques de produits, la marque de service est dépourvue de support concret ; dès lors, dans la plupart des cas, elle doit renseigner en elle-même sur la nature et la qualité de l'activité qu'elle distingue. Cette tendance de la marque de service tient à ce qu'elle est souvent confondue avec le nom commercial dont le caractère descriptif est beaucoup plus largement admis.

Dans tous les cas, l'exigence du caractère distinctif des marques de produits ou de services a pour intérêt d'éviter qu'une personne ne s'approprie un signe ou un terme qui est le nom du produit ou du genre auquel il appartient et qui est donc nécessaire ou habituel pour le désigner voire familier. Elle a aussi pour intérêt d'empêcher que ne soient monopolisés des termes dont les concurrents ont eux-mêmes besoin pour décrire leurs produits ou services à la clientèle.

A côté de l'absence de distinctivité de la marque, son illicéité est un autre indice d'invalidité dont elle pourrait être frappée.

B-L'ILLICEITE DE LA MARQUE

Les alinéas c) et e) de l'article 3 de l'annexe interdisent respectivement les signes contraires à certaines valeurs nationales (2) et les signes portant atteinte aux insignes officiels d'un Etat ou d'une organisation internationale intergouvernementale (1).

1-Les signes interdits par des textes internationaux

Ces textes internationaux sont la Convention d'Union de Paris et les accords instituant l'OMC. En fait, l'article 3(e) reprend à son compte les interdictions prévues par ces différents textes.

L'article 6 ter de la Convention de Paris prohibe l'emploi à titre de marques de certains signes officiels ainsi que leur imitation comme marques ou élément de marques, des armoiries, des drapeaux et autres emblèmes d'Etat des pays de l'Union, ainsi que des signes et poinçons officiels de contrôle et de garantie adoptés par ces Etats. Sur la base de ces dispositions, « a été refusé à l'enregistrement un signe comprenant des bandes horizontales et parallèles de couleurs différentes constituant la reproduction du drapeau du Burkina Faso »28(*).

La même règle s'étend aux emblèmes, sigles, dénominations et autres signes des organisations internationales dont les Etats de l'Union font partie29(*), lorsqu'une convention internationale ne les réserve pas déjà30(*).

Encore faut-il qu'il s'agisse bien d'un signe officiel31(*) car c'est ce caractère qui lui confère une protection d'ordre public.

2- Les signes contraires à l'ordre public, aux bonnes moeurs ou aux lois

Le législateur OAPI a rassemblé dans le même alinéa c) de l'article 3, les marques illicites parce que contraires à l'ordre public ou aux bonnes moeurs et celle dont l'usage est interdit par une loi.

Sont contraires à l'ordre public et aux bonnes moeurs les marques dont la publication ou l'utilisation seraient particulièrement choquantes, qu'il s'agisse de slogans subversifs ou d'incitation à la violence, à la haine raciale ou ethnique, ou à l'usage de stupéfiants, ou encore de signes obscènes.

Mais s'agissant des bonnes moeurs et de l'ordre public, l'appréciation de ce qui est acceptable en dehors de dispositions explicites, est sujette à discussion et évolutive. Par exemple, la jurisprudence a considéré non contraire à l'ordre public français, la marque «Opium » pour un parfum « car la littérature abondante a familiarisé le public avec l'acception figurée de ce mot, qui signifie l'éloignement des difficultés réelles et l'évasion vers le rêve »32(*).

S'agissant des signes interdits par un texte précis de l'Etat membre, leur appréciation est plus facile.

Quoi qu'il en soit, l'illicéité s'apprécie par rapport au signe lui-même et à la spécialité. C'est dire plus précisément que la validité de la marque est indépendante de celle du produit désigné. Il serait donc injustifié de refuser l'enregistrement ou de prononcer la nullité d'une marque déposée pour désigner des produits dont la vente ou la fabrication est interdite ou règlementée par les lois de l'Etat partie.

Une certaine doctrine a fait le rapprochement entre l'illicéité de la marque et sa déceptivité. D'après ces auteurs, la prohibition du caractère déceptif de la marque ne serait qu'une application particulière de la prohibition générale de tout agissement frauduleux, contraire par définition à l'ordre public33(*).

Mais, le professeur ROUBIER s'est opposé à ces analyses en soutenant que la marque déceptive n'est pas contraire à la morale puisque « ... la marque scandaleuse cause un trouble moral, la marque déceptive un dommage pécuniaire »34(*).

Il nous semble que la prohibition des marques contraires à l'ordre public et aux bonnes moeurs et la prohibition des marques déceptives poursuivent un but similaire sans pour autant faire double emploi.

C- LE CARACTERE DECEPTIF DE LA MARQUE

Cette condition négative de la validité de la marque a été prévue dans le but de faire respecter une certaine moralité dans les relations commerciales. En effet, la marque déceptive encore dite marque trompeuse est celle qui est propre à « induire en erreur le public ».

Cette formulation, qui est par ailleurs celle adoptée par l'article 3(d) de l'annexe, a amené certains auteurs35(*) à trouver une parenté entre la marque déceptive et le dol, « manoeuvre frauduleuse ayant pour objet de tromper l'une des parties à un acte juridique en vue d'obtenir son consentement »36(*). Ce rapprochement, qui emporte notre adhésion, est pour le moins frappant : Pour le professeur PLANIOL37(*), « le dol consiste essentiellement à tromper l'intelligence ; le fruit du dol est une décision due à l'erreur (...) ». Le mécanisme qui amène le contactant victime d'un dol à conclure une convention est le même que celui qui motive le consommateur trompé par une marque déceptive à acheter le produit ou le service revêtu de la marque trompeuse. Ce rapprochement aboutit à la conclusion selon laquelle la marque déceptive ne serait qu'un des nombreux exemples de dol dans la conclusion des contrats.

Mais à supposer que la déceptivité de la marque soit un dol, alors il s'agirait d'un dol spécial, le support de la tromperie ne pouvant être qu'une marque et la tromperie elle-même étant appréciée non seulement à la phase précontractuelle mais aussi sur la base de la fonction essentielle d'identification des produits et services dont est chargée toute marque.

Aussi, l'article 3(d) dénie-t-il une quelconque validité à toute marque « susceptible d'induire en erreur le public ou les milieux commerciaux notamment sur l'origine géographique, la nature ou les caractéristiques du produit ou du service considérés ». La liste des objets de la tromperie ne nous semble qu'indicative (le législateur emploie l'adverbe « notamment ») (2), le public devant être protégé contre les risques de confusion de tous genres (1).

1-L'efficacité de la protection du public contre les risques de confusion

Pour que le public soit efficacement protégé, il faudrait le cibler d'une part, et d'autre part l'exigence légale d'un risque de confusion exclut tout amalgame, source d'incertitude juridique.

a-La détermination du public susceptible d'être induit en erreur

C'est lors de l'examen de la validité de la marque que les autorités de l'Organisation mettent en exergue sa déceptivité. Un tel vice conduit aussitôt au rejet de la demande d'enregistrement. Il est donc impropre de parler de « victime de la marque déceptive »38(*), celle-ci ne pouvant logiquement être exploitée. Il est par conséquent préférable de parler du public susceptible d'être induit en erreur, le dommage n'étant que potentiel.

Il est vrai que le législateur associe à ce public les milieux commerciaux, mais une prise en compte prépondérante de ces derniers conduirait à une souplesse coupable de la part des autorités de l'Organisation dans leur appréciation de la déceptivité de la marque. En effet, les milieux commerciaux sont en principe constitués de spécialistes dotés d'une certaine compétence de discernement. Il s'agit d'une clientèle avertie d'acheteurs professionnels (commerçants, industriels voire agriculteurs et artisans) contrairement au consommateur. La protection prioritaire de ce dernier conduirait automatiquement à celle des milieux commerciaux.

L'OMPI définit le consommateur comme « une personne qui, pour ses besoins ou son agrémentation personnel, achète ou loue des produits ou services proposés par des entreprises privées ou publiques ». L'Acte uniforme OHADA sur le droit commercial général quant à lui, propose une définition négative du consommateur. Est considéré comme tel aux termes de l'article 203(1°) de ce texte, « toute personne qui agit à des fins qui n'entent pas dans le cadre de son activité professionnelle».

Il ne suffit pas de définir ce qu'on entend par consommateur, encore faut-il déterminer quel type de consommateur l'on entend protéger.

A l'évidence, le risque d'être induit en erreur par une marque dépend de chaque individu, car « la sensibilité aux marques est une variante psychologique individuelle »39(*). Certains consommateurs sont facilement captés par la marque déceptive alors que d'autres prennent un peu de recul avant toute décision d'achat. Même dans ce dernier cas, tout dépendra de la personnalité de l'acheteur et du produit dont l'achat est envisagé. Un consommateur réfléchira, certainement plus avant d'acquérir une voiture qu'il ne réfléchit, par exemple, avant d'acheter des produits de consommation courante. Mais, est-ce à dire que l'appréciation du caractère déceptif de la marque sera fonction de la valeur du produit ou du service ? Certainement pas ; le but étant de protéger tous les consommateurs indépendamment du produit ou du service.

Compte tenu de ces facteurs, l'on considère classiquement que le public visé par la loi est constitué d'acheteurs d'attention moyenne. Il s'agit de consommateurs d'un niveau moyen d'intelligence, mal informés et peu en mesure d'apprécier la portée des indications qu'on leur fournit40(*).

Cette notion cadre est celle adoptée par les autorités de l'OAPI. Son évaluation par ces dernières requiert une démarche similaire à celle adoptée par les grandes entreprises pour sélectionner une nouvelle marque : Evaluer les consommateurs, l'attitude et les intentions d'achat du consommateur moyen dans un souci de protection contrairement au but de séduction dont sont motivées ces entreprises.

A cet effet, les autorités de l'OAPI (direction générale et commission supérieure des recours) ont consacré le concept de « consommateur d'attention moyenne de l'espace OAPI ». C'est ainsi que dans sa décision n°036/CSR/OAPI du 26 mars 2004 sur le recours en annulation de la décision n°0076/OAPI/DG/SCAJ du 20 juin 2003 portant radiation de l'enregistrement de la marque WESTFIELD Vignette n°4134741(*), la Commission Supérieure des Recours déclare que la disposition législative relative à la déceptivité de la marque « requiert une interprétation et une application qui tiennent compte du niveau intellectuel et de discernement du consommateur ordinaire qualifié de « moyen » de l'espace OAPI »42(*).

La Commission tient compte d'une part du niveau intellectuel du consommateur d'attention moyenne de l'espace OAPI et d'autre part du niveau de discernement de ce dernier.

Il lui est demandé des connaissances ordinaires, eu égard à son environnement socio-économique. C'est dire que ce consommateur est distinct de celui d'Asie, d'Amérique, ou d'Europe. Serait-ce à dire qu'il a un niveau intellectuel et de discernement faible ? Tout laisse à le croire, la Commission supérieure des recours considérant « que les références à des jurisprudences des zones de développement et de scolarisation plus accentuées ne saurait être décisives en raison de leur relativité par rapport à l'impératif sus ressorti ».

Même si cette argumentation a été critiquée43(*), toute interprétation péjorative exclue, nous pensons qu'elle est cependant doublement fondée. A la vérité, le droit des marques est essentiellement territorial et sa « contextualisation » n'est que le corollaire de ce caractère. De plus, la protection du consommateur étant un impératif, tout moyen ne serait-il pas bon pour la consolider ? D'ailleurs, rigueur et crédibilité vont de paire et leur importance rejaillit lors de l'évaluation du risque de confusion entre les différentes marques en présence.

b-Le critère du risque de confusion dans l'esprit du public

Le risque de confusion est l'un des critères qui permettent de déterminer si une marque est ou n'est pas déceptive. D'une part, cette notion est déduite des termes « susceptible de... » employés par le législateur. Nul besoin donc que ce risque de confusion soit fort, une simple probabilité conduisant à invalider la marque. Ici encore, se manifeste le caractère primordial de la protection du consommateur.

D'autre part, l'article 7 al 2 pose clairement que le titulaire d'un droit exclusif sur une marque peut empêcher les tiers de faire usage de signes identiques ou similaires pour des produits ou services similaires à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée au cas où un tel usage entraînerait un risque de confusion.

Devant l'OAPI, le risque de confusion sera donc déterminé soit à l'occasion de l'examen du signe déposé à l'enregistrement soit à la suite d'une opposition formulée par le titulaire d'une marque contre l'enregistrement d'une autre marque susceptible de créer une confusion avec la sienne. C'est principalement à l'occasion de tels litiges que le risque de confusion est soulevé.

Dans une espèce qui a donnée lieu à la décision n°035/CSR/OAPI du 26 mars 2004, la Commission motive : « Considérant que les marques des deux titulaires sont susceptibles de créer une confusion dans l'esprit du public ; qu'en outre, il apparaît que le « S » de la marque de la SATPAC et le logo de la SITRACEL sont susceptibles d'induire en erreur sur l'origine des produits »44(*).

En dehors de l'origine du produit ou du service, le public peut être induit en erreur sur bien d'autres éléments.

2-L'objet de la tromperie

La tromperie peut porter sur l'origine géographique, sur la nature ou sur les caractéristiques du produit ou du service.

Le législateur OAPI ayant clairement relevé l'origine c'est-à-dire la provenance géographique, seules sont concernées les marques de produits car on ne voit pas comment on pourrait parler de provenance géographique d'un service.

Pour la jurisprudence française, les marques qui suggèrent une origine non conforme à la réalité sont déceptives à moins que l'origine ainsi évoquée ne soit résolument fantaisiste. Lorsque la marque suggère faussement un lieu réputé pour les produits concernés, elle est jugée trompeuse étant donné qu'elle risque d'être déterminante lors de la décision d'achat du consommateur.

Ainsi, et à titre d'exemple, pourrait être considérée comme trompeuse sur l'origine du produit, la dénomination « Djombé » pour des bananes produites ailleurs, la réputation de la banane de cette contrée du Cameroun étant établie.

S'agissant de la nature du produit ou service, elle correspond à la composition du produit.

La composition est l'ensemble des ingrédients qui font le produit. Il peut s'agir d'une simple formule chimique45(*). Lorsqu'une marque de produit est formée à l'aide d'un mot susceptible de désigner un ingrédient, il faut impérativement que le produit comporte cet ingrédient sinon, la marque est déceptive.

Nous constatons donc que la condition du caractère distinctif exclut tout signe ou terme pouvant indiquer la composition du produit mais admet exceptionnellement les marques évocatrices. Toutefois, pour que ces dernières échappent à la déceptivité, il faut absolument que le produit comporte l'ingrédient évoqué.

En ce qui concerne les caractéristiques du produit ou du service, elles correspondent aux propriétés et à la qualité du produit ou service.

La propriété est la vertu particulière d'une chose. De fait, certaines marques sont trompeuses en ce qu'elles prêtent aux produits et services qu'elles désignent de fausses vertus. Le caractère déceptif à cause de la propriété suggérée par la marque peut s'appliquer tant aux services qu'aux produits mais dans la pratique seuls sont considérés ces derniers. Une marque libellée « Source x » appliquée à une bière serait trompeuse quant à la composition du produit et conséquemment ses vertus car le terme « source » fait penser à une eau minérale avec tout ce que cela comporte comme propriétés thérapeutiques et pureté exceptionnelle. Un exemple de marque déceptive sur les propriétés du produit indépendamment de sa composition serait, d'après nous, le cas d'une marque libellée « @ phone » pour des téléphones portables ne comportant pas de fonction Internet46(*).

Enfin, la qualité du produit ou du service peut être l'objet d'une tromperie notamment lorsque la marque évoque un certain contrôle ou une garantie dont bénéficie le produit ou le service. C'est le cas lorsque la marque comporte illicitement des signes ou des termes à caractères officiels (nom du pays, emblèmes de l'Etat...) ou qui font croire au public que les produits et services ont été certifiés par des organismes professionnels locaux, nationaux ou internationaux.

Relevons que l'appréciation de la tromperie sur la qualité du service pose quelques difficultés à cause du caractère immatériel du service qui ne permet pas aux autorités compétentes de se faire une idée bien précise de ce dont il s'agit. De ce point de vue donc, il est fort possible qu'une telle marque échappe aux sanctions prévues.

§2 : LE DOUBLE FOND DES SANCTIONS RELATIVES AUX IRREGULARITES SUITE A L'EXAMEN PAR L'ORGANISATION

Les sanctions varient selon l'importance de l'irrégularité. Il est des cas où elle peut être régularisée (A) mais d'autres où la demande est purement et simplement rejetée (B).

A-LES DEFAUTS SUSCEPTIBLES DE REGULARISATION

Ces défauts sont ceux relatifs aux conditions de forme de la demande d'enregistrement et à l'exigence du paiement des taxes.

Lorsque suite à l'examen de la demande l'Organisation relève des irrégularités, elle les notifie au déposant ou à son mandataire qui doit régulariser les pièces dans le délai de trois (3) mois à compter de la notification. Ce délai peut être augmenté de trente jours en cas de nécessité justifiée sur requête du demandeur ou de son mandataire47(*). Ces irrégularités ont trait au défaut de demande, au pouvoir de son mandataire48(*), à la reproduction de la marque ou, soit à l'absence, soit à une mauvaise énumération ou classification des produits ou services. S'agissant de ce dernier point, le déposant peut par exemple indiquer une classe ne correspondant pas aux produits ou services énumérés. D'un autre côté, il peut arriver que le futur titulaire de la marque ne dépose celle-ci que dans une seule classe pour un produit ou service qui relève effectivement de plusieurs classes.

En outre, l'Organisation invite le déposant ou son mandataire à fournir le document de priorité si cette fourniture fait défaut, lorsque le concerné se prévaut de la priorité d'un dépôt antérieur.

Enfin, le dépôt ne pouvant être recevable que si la demande est accompagnée d'une pièce justificative du paiement de la taxe de dépôt, l'intéressé sera invité à procéder au paiement de cette taxe en cas de défaut. Seulement, ici, les textes ne prévoient aucun délai de paiement.

Si ces irrégularités matérielles donnent lieu à régularisation, celles concernant les conditions de fond, elles, aboutissent au rejet de la demande.

B-LE REJET DE LA DEMANDE D'ENREGISTREMENT

Au cas où les pièces régularisées ne sont pas fournies dans le délai imparti, la demande d'enregistrement de la marque est rejetée. Pour les taxes exigibles, l'insuffisance de paiement équivaut au défaut de paiement.

S'agissant des conditions posées par l'article 3 de l'annexe III, l'article 14 al 2 de la même annexe ne vise expressément que les signes contraires à l'ordre public et aux bonnes moeurs ainsi qu'à ceux exclus par l'article 6 ter de la Convention d'Union de Paris (art. 3 alinéas c et e). Cette énumération restrictive des conditions de fond pouvant conduire au rejet de la demande, a priori, laisse croire que l'absence de caractère distinctif et le caractère déceptif de la marque ne peuvent donner lieu au rejet ; pour le moins ce rejet ne serait pas d'ordre public mais relèverait de la souveraineté des autorités compétentes, alors seuls juges de l'opportunité du rejet. Est-ce à dire qu'une régularisation dans ces cas précis soit possible ? Tout laisse à le penser.

En effet, l'article14 alinéa6 prévoyant qu'« aucun dépôt ne peut être rejeté en vertu des alinéas 2, 4, et 5 du présent article sans donner d'abord au déposant ou à son mandataire la possibilité de corriger ladite demande (...) », nous pensons que s'il y a possibilité de « correction » pour des situations où le rejet est expressément d'ordre public à plus forte raison celles absentes de l'énumération par les textes.

En tout état de cause, le rejet est prononcé par le directeur général de l'Organisation49(*). Toutefois, sa décision peut donner lieu à un recours en annulation devant la Commission supérieure des recours qui statue en premier et dernier ressort50(*).

Les décisions de rejet résultent parfois des oppositions formulées par les tiers.

SECTION II- L'OPPOSITIION DEVANT l'OAPI

L'enregistrement de la marque est suivi de l'ouverture d'une période dans l'intervalle de laquelle le public est admis à marquer son opposition au titre ou sa contestation de la validité du droit (§1). La procédure se déroule devant le directeur général de l'Organisation et peut se prolonger devant la Commission supérieure des recours qui mettra définitivement fin aux « hostilités » (§2).

§1- L'ADMISSIBILITE DE L'OPPOSITION

Pour que l'opposition puisse être considérée comme valablement formée, des conditions de forme (A) et de fond (B) doivent être remplies.

A-LA RECEVABILITE DE L'AVIS D'OPPOSITION

La recevabilité de l'avis d'opposition invite à déterminer qui peut valablement faire opposition et quelles sont les formalités que doit accomplir ce dernier.

1-L'opposant

L'article 18(1) pose comme principe que « tout intéressé peut faire opposition à l'enregistrement d'une marque ». De toute évidence, cette procédure épousant les allures d'une instance en justice, l'opposant doit avoir capacité, qualité et intérêt pour l'engager.

Précisément, peuvent être considérés comme intéressés :

- L'Etat, les organismes officiels d'Etat et les organisations internationales intergouvernementales pour la défense de leurs symboles et poinçons officiels de contrôle et de garantie ;

- le procureur de la République agissant contre les signes dont l'usage en tant que marque serait contraire à l'ordre public et aux bonnes moeurs ;

- le titulaire d'un droit enregistré antérieur.

D'une façon générale, tout concurrent dans le secteur économique et social concerné peut être considéré comme « intéressé » dans la mesure où un nouveau signe de ralliement entre en scène, qui va causer une redistribution de la clientèle. Il est par conséquent normal qu'il neutralise la menace s'il l'estime irrégulier. Mais il ne peut efficacement agir qu'en accomplissant les formalités indiquées.

2-Les formalités à accomplir

Il s'agit de l'avis d'opposition, des taxes règlementaires, de l'exposé des motifs et du respect des délais d'opposition.

L'avis d'opposition est une déclaration dénonçant au directeur général l'irrégularité de l'enregistrement de la marque querellée.

La taxe réglementaire qui est destinée à compenser les frais de procédure, permet également de garantir le sérieux de l'opposition, l'opposant devant peser les avantages escomptés et les frais encourus.

L'avis d'opposition est nécessairement accompagné d'un exposé complet des motifs d'opposition.

Enfin, le respect des délais est impératif. L'avis d'opposition doit intervenir dans les six mois de la publication de l'enregistrement querellé au bulletin officiel de l'Organisation si bien que passé ce délai, l'enregistrement est acquis et sa validité ne pourra plus être remise en cause que devant les juridictions civiles.

A ce titre, se pose la question de la mise en oeuvre de la procédure de restauration. Aux termes d'un règlement particulier, un déposant victime de circonstances indépendantes de sa volonté et empêché de respecter les délais d'une procédure l'exposant à la perte d'un droit ou d'un avantage, peut demander à être relevé de l'obstacle et à être établi dans l'état antérieur.

La question est de savoir si la « restitutio in integrum » est applicable à l'avis d'opposition.

La réponse négative paraît devoir être retenue, la « restitutio in integrum » présentant un caractère exceptionnel, qui suppose que la perte de l'avantage est irrémédiable, faute de solution de rechange. Tel n'est pas le cas en l'occurrence. L'opposant dans cette situation peut saisir le tribunal pour une annulation. En effet, la foi due au titre et la sécurité des transactions commerciales militent en faveur de la limitation stricte de la période d'incertitude de l'enregistrement.

En sus de la recevabilité, les autres conditions de forme ont trait à la procédure proprement dite. A l'image d'une instance juridictionnelle ordinaire, elle doit respecter les droits de la défense et le principe du contradictoire. Le titulaire de l'enregistrement querellé est invité à défendre son droit contesté dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'avis d'opposition. Si au bout de ce délai, il ne réagit pas positivement, il sera réputé avoir retiré sa demande d'enregistrement et cet enregistrement sera radié. Mais l'article 18 al. 5 disposant que l'Organisation ne radie l'enregistrement que dans la mesure où l'opposition est fondée, nous pensons que si l'enregistrement est radié finalement, c'est moins en raison du défaut de réponse du déposant dans les délais que du bien fondé de l'opposition.

Le principe du contradictoire, lui, se matérialise par des débats écrits et oraux. Toutefois, la primauté est à l'écrit. A l'appui de l'exposé des motifs et de la réplique, peuvent être produits diverses pièces : affidavits, statistiques, modèles des marques. En général, une séance d'explications orales est ouverte et annoncée d'avance aux personnes dont les dossiers figurent au rôle afin que soit respectée l'exigence de l'article18 alinéa 3.

B-LE NUMERUS CLAUSUS DES MOTIFS D'OPPOSITION

Les motifs pouvant fonder une opposition devant l'OAPI sont limitativement énumérés par le législateur car une assiette trop large de ces derniers pourrait servir à retarder inutilement la procédure d'enregistrement de la marque. Ici encore ressurgit la recherche du sérieux de la procédure.

Comme tel, l'opposition ne peut avoir pour fondement qu'une violation des dispositions des articles 2 ou 3 de la présente annexe ou d'un droit enregistré antérieurement appartenant à l'opposant.

D'une part, ceci revient à dire qu'opposition peut être formée soit contre tout signe ne pouvant constituer une marque car insusceptible de distinguer les produits et services d'une entreprise51(*) soit contre une marque dès lors qu'elle est dépourvue de caractère distinctif ou est illicite ou encore déceptive.

D'autre part, un intéressé ne peut s'opposer à l'enregistrement d'une marque qu'en se prévalant d'un droit enregistré antérieurement. Ce fondement soulève la question de la disponibilité du signe constituant la marque. Ainsi, il ne suffit pas que l'opposant ait un droit antérieur sur le signe, encore faut-il que ce droit soit enregistré (à l'OAPI).

Par ailleurs, la Commission supérieure des recours a réitéré le principe posé par l'article 18(1) de l'annexe en ces termes : « ...pour l'appréciation de la validité des marques, elle [OAPI] ne prend en compte que les droits antérieurs enregistrés »52(*).

Les droits antérieurs enregistrés concernent les marques, nom commercial, origine géographique et dessins et modèles.

La marque enregistrée en cours de validité est naturellement le siège d'un droit exclusif sur le signe. En raison du principe de la spécialité de la marque, le droit a pour assiette les produits ou services figurant au dépôt. Mais la protection embrasse en outre les produits ou services similaires. Sont considérés comme tels, les produits ou services susceptibles de s'adresser à la même clientèle.

En plus de la marque, d'autres signes distinctifs peuvent aussi servir de fondements à une opposition. Ainsi en va-t-il du nom commercial dûment enregistré. Il s'agit de la « dénomination sous laquelle est connu et exploité un établissement commercial, industriel, artisanal ou agricole »53(*). Egalement,sont concernées les indications géographiques, indications servant à identifier un produit comme étant originaire du territoire, ou de la région ou localité de ce territoire dans les cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique.

Les motifs liés à l'antériorité d'un droit sur un signe distinctif peuvent aussi être rattachés à la déceptivité de la marque querellée dans la mesure où elle est de nature à induire le public en erreur quant à l'origine des produits ou services.

Enfin, les dessins et modèles constituent des antériorités au titre du droit d'auteur et au titre de la propriété industrielle. Mais c'est à ce dernier titre qu'ils peuvent servir de motifs à une opposition. En fait, l'enregistrement d'une marque constituée de signes protégés en tant que dessins et modèles empièterait sur les droits exclusifs du créateur de ces oeuvres.

En somme, les autres droits antérieurs non enregistrés ne peuvent donner lieu qu'à une action en nullité devant les juridictions de droit commun, plus outillés pour départager les parties.

Une question qui se pose ici est celle relative à l'attitude que doit tenir le directeur général de l'Organisation. Est-il habilité à invoquer d'autres moyens que ceux invoqués par les parties ? Autrement dit, est-il ou non lié par les moyens des parties ? L'examen est-il global et ouvert ou bien fermé et limité à ces moyens ?

Si l'examen préalable est global, c'est parce que la marque doit être contrôlée par l'administration sous tous ses aspects. L'examen différé (c'est-à-dire l'opposition), lui, se situe dans un contexte différent où il est fait appel aux critiques du public, des consommateurs, des concurrents et des titulaires de droits, acteurs de la vie économique et sociale mieux placés pour déterminer leurs intérêts que l'Organisation. Ils savent quels seraient les inconvénients d'une nouvelle marque sur le marché. C'est dire que leurs seuls griefs méritent d'être appréciés.

Suivant cette logique, le directeur général est lié par les moyens des parties. Il doit en être ainsi d'autant plus que sa position est délicate : Auteur de l'enregistrement querellé, il ne saurait être le premier à le remettre en question.

Cependant, il faut dire que les moyens tirés de la contrariété à l'ordre public peuvent être soulevés d'office par le directeur général.

A l'issue de l'instance d'opposition, le directeur général rend sa décision. Il va sans dire qu'elle doit être écrite et motivée. Cette dernière exigence déduite de l'article18 (4) qui prévoit la possibilité d'un recours devant la commission supérieure des recours, contribue à faciliter le travail de ce collège.

Comme mentionné plus haut, la décision du directeur général porte sur toute l'opposition et rien que l'opposition formulée. Deux figures sont alors possibles : soit il déclare l'opposition fondée et l'enregistrement est radié54(*), soit il rejette l'opposition et l'enregistrement est confirmé ; en cas d'atteinte supposée à un droit antérieur enregistré, spécialement en cas d'opposition entre deux marques, il peut conclure à la coexistence entre les deux marques en présence. Dans cette dernière hypothèse, les parties sont renvoyées « dos à dos »55(*).

§2 : LA POSSIBILITE D'UN DOUBLE EXAMEN DES CONTESTATIONS PORTEES DEVANT L'OAPI

Certes, ce serait un abus de langage si l'on parlait de l'application du principe du « double degré de juridiction » au sein de l'OAPI. Il ne s'agit ni de juridictions au sens commun du terme, ni de jugements ou d'arrêts. Mais le mécanisme est le même cependant : une contestation est examinée et tranchée par une autorité (fût-elle administrative), puis éventuellement par une autre sur recours de l'une des parties.

Seulement, l'article 15 de l'annexe III affirme que la commission supérieure des recours « juge en premier et dernier ressort » les demandes à elle soumises. Ceci ne saurait étonner. En effet, l'opposition a un caractère gracieux puisqu'il est demandé au directeur général de revenir sur sa décision. De plus, celle-ci est essentiellement administrative. Par contre, la décision rendue par la commission supérieure des recours est seule susceptible d'être qualifiée de « juridictionnelle » étant donné qu'elle est rendue par un collège de magistrats de carrière (trois au total) suivant la procédure habituelle des juridictions classiques. Parce que ses décisions ne peuvent être réexaminées par un organe de l'Organisation, le législateur considère que la commission « juge » en premier et dernier ressort. Cependant, pour ne pas heurter les susceptibilités, il préfère parler simplement de « décision »

De façon générale, la commission connaît des recours en annulation formés contre les décisions de rejet du directeur général et des recours en annulation formés contre les décisions concernant l'opposition56(*).

Le dossier de recours devant la commission supérieure des recours comprend une demande en annulation de la décision attaquée, un mémoire ampliatif comprenant un exposé complet des motifs présentés à l'appui de la demande et le justificatif du paiement de la taxe de recours. L'absence de fourniture de chacun de ces éléments peut donner lieu à des exceptions soulevées par la partie adverse.

Pour le reste, la procédure respecte les droits de la défense avec son corollaire la charge de la preuve mais également le principe du contradictoire. Prise à la majorité des voix, la décision de la commission doit être motivée et notifiée aux intéressés. Elle confirme ou annule la décision attaquée. Enfin, celle-ci tranche définitivement le litige et est publiée au Bulletin officiel de la propriété industrielle si elle prononce la radiation de l'enregistrement. Dans le cas contraire, l'Organisation restaure les droits à ce titre et publie ladite restauration.

A l'analyse, l'enregistrement de la marque en tant que titre majeur parmi les signes distinctifs, appelait à des garanties de rigueur permettant de le crédibiliser tout en désengorgeant les prétoires. Toutefois, sur ce dernier point, nous pouvons dire qu'il demeure des contestations laissées à la connaissance des juridictions civiles soit parce que les délais pour agir devant l'OAPI ont expirés soit du fait de leur nature même.

chapitre ii: LES HYPOTHESES DE CONTESTATION RELEVANT DE LA COMPETENCE DE LA JURIDICTION CIVILE

Les contestations soumises à la connaissance des juridictions civiles se traduisent par des actions ne relevant plus/pas de la compétence des autorités de l'OAPI en raison soit de la forclusion des intéressés soit de la nature même du litige qui exige l'intervention du juge de droit commun par hypothèse plus outillé pour rendre une bonne justice.

Ces actions ont comme fondement, pour les uns, la protection des intérêts des titulaires de marques même non enregistrées qui seraient victimes d'un enregistrement frauduleux de la part des tiers. Il s'agit là d'une indisponibilité que nous qualifierons de « large » puisqu'elle intègre, au-delà des marques enregistrées, même des marques d'usage. Pour les autres, le but est d'empêcher des troubles dans l'exercice de la liberté du commerce et de l'industrie en ce sens que le titulaire d'une marque ne souffrant d'aucun vice intrinsèque ou extrinsèque, peut être déchu de son monopole pour non exploitation notamment.

Ceci revient à dire qu'il y a des actions qui visent à faire juger la marque comme étant invalide ou illégitime (section I) et d'autres dont le requérant demande au juge de prononcer la déchéance du titulaire de ses droits (section II).

SECTION I: LES CONTESTATIONS RELATIVES A LA VALIDITE ET LA LEGITIMITE DE LA MARQUE

L'action en nullité et l'action en revendication de propriété sont les moyens appropriés pour de telles contestations. La première a une assiette de motifs qui englobe celle de la seconde mais elles présentent, chacune, des spécificités.

L'action en nullité est en principe imprescriptible. Mais dans certains cas limitativement énumérés comme en cas d'atteinte à une marque notoire, elle se prescrit de cinq ans. Lorsqu'elle vise à faire prononcer la nullité absolue de la marque, elle peut être intentée par le ministère public, par toute personne ou syndicat professionnel intéressé. Mais seule la victime peut demander la nullité de l'enregistrement lorsque celle-ci est relative. A cet égard, elle rejoint l'action en revendication.

L'action en revendication de propriété ne peut être intentée que par le propriétaire de la marque d'usage. Sa prescription et la procédure sont celles de droit commun et obéissent aux dispositions du Code de procédure civile et commerciale de l'Etat partie.

Ces deux actions se rejoignent dans leur but étant donné qu'une fois la nullité de la marque querellée prononcée, le requérant (s'il s'agit d'une nullité relative) se voit reconnaître implicitement la propriété de la marque d'usage (qu'il ferait bien de faire enregistrer).

Les contestations mettant en jeu la validité intrinsèque de la marque ne peuvent exclusivement être soulevées que dans le cadre d'une action en nullité (§1) alors que celles relatives à un dépôt frauduleux peuvent l'être également par voie d'action en revendication de propriété (§2).

Les causes d'invalidité57(*) étant identique à celles développées s'agissant de l'opposition, nous ne nous y attarderons plus. Il en est de même des motifs d'indisponibilité tirés d'un droit antérieur enregistré développés dans la même section. Aussi, ne s'agira-t-il ici que de l'indisponibilité pour cause de droits antérieurs non enregistrés.

§1 : LES CAUSES D'INDISPONIBILITE DU SIGNE

Pour pouvoir être utilisé en tant que marque, et bien qu'enregistré, le signe doit être disponible c'est-à-dire qu'il ne doit pas porter atteinte à des droits antérieurs, enregistrés ou non. A cet effet, l'action en nullité joue le rôle d'un filtre permanent des marques invalides ou illégitimes.

Les droits antérieurs concernés ici sont les droits d'auteur (A) et les droits de la personnalité des tiers (B). Ces droits qui sont du point de vue de leur nature juridique hiérarchiquement supérieurs au droit des marques appellent à une certaine pondération, ceci afin de garantir un minimum de sécurité juridique aux personnes qui déposent des marques.

En effet, les droits d'auteur et de la personnalité sont innombrables et ne font pas tous l'objet de publicité. Pour le déposant, il n'existe aucune assurance sur leur disponibilité. La doctrine et la jurisprudence sont d'accord pour admettre qu'un droit de ce type ne doit constituer une véritable antériorité conduisant à l'indisponibilité d'un signe ou d'un terme que si le déposant ne pouvait pas légitimement ignorer son existence.

A- LES DROITS D'AUTEUR

La protection juridique d'une marque n'est pas subordonnée à son originalité. Mais bien souvent, il arrive que le futur propriétaire de la marque choisisse, pour les besoins de la cause, une oeuvre de l'esprit soit que celle-ci préexiste, soit qu'elle soit commandée spécialement pour cet usage. Dans un cas comme dans l'autre, il faut l'accord de l'auteur de l'oeuvre. Ce dernier jouit sur son oeuvre de droits opposables erga omnes que l'oeuvre soit protégée par le seul droit d'auteur ou bien qu'elle ait fait l'objet d'un dépôt en tant que dessin ou modèle nouveau. Le signe s'en trouve indisponible quels que soient les produits ou services désigné, le droit d'auteur autant que le droit sur les dessins et modèles portant sur la création et n'étant pas soumis au principe de la spécialité (applicable au seuls droits sur les signes distinctifs).

Les types d'oeuvres utilisables comme marques sont très nombreux et peuvent concerner un dessin, une photo, un portrait, une oeuvre d'architecture, un modèle de conditionnement original, un slogan, un nom de personnage de fiction, un fragment de poème ou de chanson une phrase musicale, etc.

Le titre original d'une création littéraire et artistique bénéficie aussi de la protection du droit d'auteur. De plus, sous certaines conditions, il peut être protégé par le dépôt en tant que marque pour désigner le produit ou service dont relève l'objet intitulé, ou même l'action en concurrence déloyale , en cas de reprise du titre dans des conditions propres à créer un risque de confusion.

Quel que soit le type d'oeuvre, son indisponibilité ne peut être levée que par autorisation de son auteur. Ceci mérite d'être nuancé. En effet, d'après la doctrine suivie en cela par la jurisprudence, la propriété incorporelle dans une oeuvre étant indépendante de son support matériel, lorsqu'un logo, par exemple, a été créé dans le cadre d'un contrat de service, il faut qu'il y ait une convention spéciale quant à la cession des droits d'exploitation pour que le commanditaire puisse le déposer comme marque. En l'absence de dispositions écrites, les honoraires correspondent, en principe, à un droit de création et non de reproduction. Autrement dit, l'annonceur ne peut valablement déposer comme marque ce signe que s'il dispose d'une preuve du contrat de service conférant droit de création et d'un document écrit constatant l'autorisation de reproduction par l'auteur de l'oeuvre. Ce double verrou permet de protéger efficacement l'auteur d'une oeuvre de l'esprit. Mais à notre sens, si les clauses du contrat de service sont claires et ne font l'ombre d'aucun doute sur l'utilisation à venir de l'oeuvre comme marque, la rédaction d'un contrat de cession des droits d'exploitation, sans forcément être superflue, ne sera du moins pas une formalité indispensable. A cet effet, une clause insérée simplement dans le contrat de service nous semble suffisante pour révéler la présence d'esprit de chacune des parties. En droit camerounais cependant, la loi n°2000/011 du 19 décembre 2000 relative au droit d'auteur et aux droits voisins précise en faveur de l'auteur d'une oeuvre de l'esprit que sa rémunération doit être proportionnelle aux recettes d'exploitation et qu'est réputé nulle la clause par laquelle l'auteur s'engage à ne pas créer d'oeuvre.58(*)

Au-delà, l'auteur d'une oeuvre protégée par le droit d'auteur et enregistrée comme marque conserve son droit moral qui lui permet de dénoncer les atteintes apportées à l'intégrité de son oeuvre59(*).

S'il juge ces mesures trop contraignantes pour lui, rien n'empêche à l'annonceur d'utiliser une oeuvre tombée dans le domaine public, sauf à se heurter, le cas échéant, au droit au respect de l'oeuvre, élément du droit moral qui a un caractère perpétuel60(*).

B- LES ATTRIBUTS DE LA PERSONNALITE

Le choix du signe ne doit pas porter atteinte aux droits de la personnalité d'autrui, entre autres les droits sur le nom patronymique, sur le pseudonyme ou sur l'image d'une personne. D'après certains auteurs61(*), l'on pourrait très bien y ajouter d'autres attributs tels un titre nobiliaire (qui est autonome par rapport au patronyme), des armoiries, une devise. En revanche, le prénom ne constituera une antériorité que de façon exceptionnelle si le prénommé lui a donné une célébrité et qu'une confusion semble possible62(*).

La jurisprudence est restrictive sur ce point et n'admet que rarement que le choix de la marque constitue une atteinte au droit de la personnalité. Il s'agit très souvent des hypothèses où le choix du signe n'est pas fortuit et peut créer un risque de confusion préjudiciable pour le titulaire du nom.

Le titulaire du droit de la personnalité peut interdire son usage comme marque ou l'autoriser. Cette règle n'est guère discutable tant que le personnage est vivant. Mais l'on pourrait se demander si, une fois décédé, les attributs de sa personnalité peuvent librement constituer des marques valides. Une réponse affirmative à ce questionnement serait de nature à créer des conflits dès lors que les descendants de ce personnage sont en droit de revendiquer l'indisponibilité du signe à titre de marque au motif que le droit à l'image en tant que droit de la personnalité est perpétuel.

Nous pensons que la durée du droit de la personnalité s'agissant des personnages historiques devrait connaître une limitation semblable à celle des droits des artistes. Nous tirons argument de ce que par leur notoriété et leurs actions, de nombreux personnages historiques appartiennent, en quelque sorte, au patrimoine de l'humanité et ne sauraient par conséquent, être appropriés par leurs seuls descendants.

Quoiqu'il en soit, seuls les membres de la famille peuvent agir en usurpation de leur nom mais pas les tiers (les cessionnaires du droit d'exploiter le nom par exemple) qui disposent d'autres types de recours à cet effet. Même accordée, l'autorisation au moyen de cession ou de concession de l'usage de leur nom à titre de marque à un tiers ne porte nullement sur les droits de la personnalité mais seulement sur le droit d'usage commercial du patronyme à titre de signe distinctif. Ceci est le corollaire du caractère dualiste des droits sur le nom et sur l'image.

Encore faut-il que cette autorisation n'ait pas un caractère frauduleux comme c'est le cas par exemple lorsqu'une entreprise se fait céder ou concéder un nom par un homonyme pour parasiter la réputation d'un concurrent ou d'une célébrité63(*). La fraude doit alors entraîner la nullité du dépôt effectué par le cessionnaire.

§2 : LES CAUSES TRADUISANT UNE IDEE DE FRAUDE

S'il est incontestable que la propriété de la marque appartient à celui qui, le premier, en a effectué le dépôt, cette règle cesse de produire effet lorsque ce dépôt a un caractère frauduleux. Il y a fraude si « une marque a été déposée par une personne qui, au moment du dépôt, avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance du fait qu'une autre personne avait la priorité de l'usage de cette marque ».

Le texte de l'article 5 alinéa 3 de l'annexe III de l'accord donne la possibilité à la victime d'un dépôt frauduleux de revendiquer auprès de l'Organisation, la propriété de la marque à condition qu'elle effectue le dépôt de ladite marque dans les six mois qui suivent la publication de l'enregistrement du premier dépôt. Or, bien souvent, elle n'aura connaissance de ce dépôt que longtemps après, et ne pourra plus exercer cette action auprès de l'OAPI en raison de la brièveté du délai. Il ne lui restera alors que l'action en revendication de propriété64(*) devant les juridictions civiles.

Sur la base de la fraude, le requérant a à son profit soit l'action en revendication soit l'action en annulation. Celle-ci est fondée sur le principe « fraus omnia corrumpit », « principe supérieur de moralisation du droit »65(*), qui, faisant exception au principe du système attributif du droit, permet d'en éradiquer l'une des faiblesses majeures. Relevons tout de même que l'action en revendication présente l'avantage de subroger le revendiquant dans le dépôt et de lui permettre de profiter de sa date et des renouvellements éventuellement opérés par l'usurpateur alors que l'action en annulation, lorsqu'elle aboutit, fait courir au requérant le risque d'être primé par des tiers jouissant d'un droit antérieur.

Même si l'annexe III ne le stipule pas expressément, les deux actions ci-dessus énumérées peuvent être intentées en cas de fraude aux droits d'un tiers (A) ou en cas de violation d'une obligation légale ou conventionnelle66(*) (B).

A-LA FRAUDE AUX DROITS D'UN TIERS

Qu'elle soit notoire (2) ou quelconque (1), la marque non enregistrée est protégée contre la fraude.

1-S'agissant d'une marque quelconque non enregistrée

Imaginons qu'un commerçant astucieux exerçant dans l'import-export, dépose à l'OAPI une marque non encore enregistrée mais appartenant à un potentiel concurrent situé à l'étranger. Ou bien que la marque ainsi déposée frauduleusement soit en réalité exploitée par un concurrent qui n'avait pas ou s'apprêtait à la faire enregistrer. Le dépôt des marques n'est pas la chose la mieux partagée parmi les opérateurs économiques notamment locaux. Certains par ignorance ou par négligence, d'autres en raison de la taille de la structure envisagée, exploitent souvent leurs marques sans en avoir préalablement effectué le dépôt. Un commerçant habile pourrait devancer ces usagers dans le but de leur opposer l'antériorité de l'enregistrement (frauduleux) et ainsi leur nuire voire les évincer du marché.

Les mobiles sont divers, certains plus insoupçonnés que d'autres. D'où la difficulté de la preuve car dans ce cas la charge de celle-ci incombe à celui qui allègue la mauvaise foi du déposant. Parce qu'il n'existe pas de rapport contractuel entre les parties, aucune présomption de connaissance de l'usage de la marque ne joue contre le déposant. Comme dans toutes les situations de fraude, l'élément intentionnel est difficile à établir et dépendra donc de l'adresse du demandeur.

Cependant, le cas le plus courant est celui de l'industriel ou du commerçant qui dépose à son nom la marque d'usage de son concurrent en connaissance de cause. «En utilisant la loi pour frustrer l'usager alors qu'il pouvait sans inconvénient choisir une autre marque, on peut soutenir qu'il commet un abus de droit en se servant de la loi de façon à nuire à autrui »67(*). En réalité, il s'agit d'un véritable détournement de la loi en ceci que la finalité du droit est diluée, la marque cessant d'être exclusivement un signe distinctif pour devenir un moyen de « barrage » uniquement destiné à rendre le signe indisponible aux tiers qui ont un intérêt à l'utiliser.

L'on peut toutefois déplorer le fait que le législateur OAPI n'ait pas prévu l'action en revendication de la propriété des marques d'usage devant les juridictions civiles comme il l'a fait pour l'action en nullité. Serait-ce à dire qu'il ne reconnaît que cette action s'agissant des marques ? En effet, étant donné que l'action en revendication suppose l'existence d'un droit de propriété, et la propriété de la marque étant conditionnée par son dépôt auprès de l'Organisation, l'action en revendication est en principe inconcevable. Nous en déduisons que le législateur suggère l'action en nullité de la marque en cas de dépôt frauduleux. Cette préférence pour l'action en nullité se vérifie davantage en ce qui concerne les marques notoires.

2-S'agissant des marques notoires même non enregistrées

Aux termes de l'article 6 de l'annexe III, « le titulaire d'une marque notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle68(*) et l'article 16 alinéas 2 et 3 de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce peut réclamer l'annulation auprès des tribunaux des effets sur le territoire national de l'un des Etats membres du dépôt d'une marque susceptible de créer un risque de confusion avec la sienne ». De toute évidence, cet article vise à sanctionner l'usurpation de la marque notoirement connue dans un territoire autre que celui dans lequel elle est protégée par un dépôt. Il fait exception non seulement au principe de la territorialité mais aussi à la règle selon laquelle la propriété de la marque s'acquiert par le dépôt de celle-ci.

Cette exception qui permet une protection plus efficace de la marque notoire peut se justifier par le fait que la notoriété même de la marque en a assuré une large publicité, rôle visé par l'enregistrement.

Il faut dire que la marque notoire a une forte propension à être usurpée à cause de son pouvoir attractif69(*). Cependant ni l'accord de Bangui ni les conventions internationales ne donnent une définition de la notoriété ou simplement des critères de la notoriété, laissant cette tâche aux autorités compétentes de chaque pays.

De nombreux auteurs70(*) se sont attelés à dépouiller la notion de son voile mais tous s'accordent à reconnaître qu'il s'agit d'un exercice peu aisé en raison du caractère de fait que revêt ce phénomène. Quoiqu'il en soit, l'on remarque que la notoriété apporte en général à la marque une valeur difficilement estimable mais certaine.

Pour sa part, la jurisprudence française définit fréquemment la marque notoire comme « une marque connue d'une très large fraction du public et qui exerce un pouvoir d'attraction propre indépendant des produits ou services qu'elle désigne... »71(*)

Les facteurs favorisant la notoriété sont multiples et découlent souvent de l'ancienneté, de l'ampleur de sa clientèle et de l'importance des efforts commerciaux et publicitaires de la marque. Sur ce dernier aspect, les technologies de l'information et de la communication aidant, il est facile pour un opérateur économique situé à un point déterminé du globe, de mener une campagne publicitaire à l'échelle mondiale et tellement intense qu'elle rend la marque familière au public quand bien même la marque ne serait pas encore diffusée dans le commerce ou ne s'adresserait qu'à un public limité.

Point étonnant donc que des tiers veuillent profiter de cette notoriété. De toutes les façons, le choix du signe qui constitue la marque notoire a un « caractère fondamentalement frauduleux »72(*). La marque étant notoire, sa reprise dans la spécialité voire au-delà, est frauduleux et parasitaire. Il est clair qu'elle ne peut être déposée de bonne foi, la notoriété supposant que le déposant connaisse l'existence de la marque et des droits antérieurs de son titulaire. En ce sens, la prescription prévue par l'article 6 in fine (« cinq ans à compter de la date du dépôt, lorsque celui-ci est effectué de bonne foi ») est, pour le moins, théorique.

Par contre, pour étendue qu'elle soit, la protection de la marque notoire basée sur l'article 6 de l'annexe III ne bouscule en rien le principe de spécialité, l'action en nullité ne pouvant être mise en oeuvre que lorsque la marque frauduleusement enregistrée concerne « des produits identiques ou similaires »73(*). Est-ce à dire que la marque notoirement connue peut être librement déposée pour des produits ou services différents ? Pas dans tous les cas. Il est permis au titulaire de la marque notoire d'agir en justice sur la base de la responsabilité civile en demandant réparation du préjudice enduré (exemple : diminution de la valeur économique de la marque).

La faute est un peu plus évidente en cas de violation d'une obligation légale ou conventionnelle.

B- LA VIOLATION D'UNE OBLIGATION LEGALE OU CONVENTIONNELLE

Les relations d'affaires doivent être menées de bonne foi par chacune des parties. Malheureusement, il arrive que le représentant ou l'agent d'un opérateur économique exerçant à l'étranger dépose à son profit la marque de ce dernier (non enregistrée jusque-là). C'est en vue d'interdire une telle indélicatesse que l'article 6 septies de la Convention de Paris, introduit lors de la Conférence de révision de Lisbonne en 1958, énonce : « Si l'agent ou le représentant de celui qui est titulaire d'une marque dans l'un des pays de l'Union demande, sans autorisation de ce titulaire, l'enregistrement de cette marque en son propre nom, dans un ou plusieurs de ces pays, le titulaire aura le droit de s'opposer à l'enregistrement demandé ou de réclamer la radiation ou, si la loi du pays le permet, le transfert à son profit dudit enregistrement, à moins que cet agent ou représentant ne justifie de ses agissements ».

La mauvaise foi ou l'intention frauduleuse réside dans la connaissance de l'usage antérieur du signe par autrui. Peut-être le fraudeur voudrait-il empêcher son cocontractant d'obtenir un droit ou d'exploiter son entreprise ou ses produits ou voudrait-il parasiter son succès ? Il s'agit généralement d'un dépôt effectué par un employé ou par un mandataire chargé par l'entreprise de déposer ou de gérer ses marques. Peuvent aussi être concernés, le concessionnaire74(*), l'agent, l'agent de publicité, le fournisseur, le sous-traitant ou l'importateur entre autres.

Les pays de l'OAPI ayant adhéré à la Convention de Paris, tout intéressé pourrait, à notre sens, invoquer devant les tribunaux cette disposition pour obtenir sinon transfert à son profit de l'enregistrement querellé, du moins annulation de ses effets sur le territoire national du juge saisi. Il devra pour cela prouver la fraude et son propre droit ou usage antérieur. A cet effet, l'usage peut être prouvé par des écrits, imprimés ou documents (papiers, audiovisuels, supports magnétiques tels que DVD, CD...) contemporains des faits d'usage qu'il tend à établir75(*). La preuve de la fraude pourra quant à elle être rapportée par des écrits et des faits mettant en évidence la relation contractuelle ayant existée entre les parties.

Dans tous les cas, lorsque la fraude est avérée (à l'égard d'une marque quelconque, d'une marque notoire ou dans une relation contractuelle), le tribunal déclare nul et non avenu l'enregistrement attaqué. Une fois que cette décision est devenue définitive, elle est communiquée à l'Organisation. La nullité est publiée dans les formes prescrites et rétroagit au jour de l'enregistrement.

En somme, l'annulation de l'enregistrement est une situation de perte du droit sur la marque autant que l'est la déchéance.

SECTION II: L'EFFICACITE DE L'ACTION EN DECHEANCE

Les hypothèses de perte du droit sur la marque sont diverses. La perte peut être volontaire ou involontaire, expresse ou tacite. Il peut s'agir soit d'un abandon du titre qui se traduirait par une renonciation, un non renouvellement, ou la tolérance, soit de la cession forcée du droit à travers une expropriation76(*) ou une vente sur saisie, soit de l'annulation de l'enregistrement comme développé plus haut, soit enfin, de la déchéance du titre.

La déchéance est une mesure sévère qui sanctionne le défaut d'exploitation d'une marque enregistrée. Le législateur OAPI lui préfère le terme « radiation ». A la différence du Code de propriété intellectuelle français qui prévoit en plus une déchéance de la marque devenue déceptive et une déchéance de la marque devenue générique, l'annexe III de l'accord de Bangui, elle, s'en tient à l'absence d'exploitation comme seul motif pouvant donner lieu à la radiation de l'enregistrement. Son article 23 alinéa 1er dispose à cet effet qu' « A la demande de tout intéressé, le tribunal peut ordonner la radiation de toute marque enregistrée qui, pendant une durée ininterrompue de cinq ans précédant l'action, n'a pas été utilisée sur le territoire national de l'un des Etats membres pour autant que son titulaire ne justifie pas d'excuses légitimes (...) ». C'est dire que la radiation n'est pas de plein droit mais doit être demandée en justice et sa prononciation relève de la souveraine appréciation du juge. C'est dire aussi que la déchéance (§2) est la résultante d'un faisceau de conditions (§ 1).

§1 : LES CONDITIONS POSEES PAR L'ARTICLE 23 DE L'ANNEXE III

Il ressort de l'article 23 que la radiation ne peut être ordonnée qu'au bout d'un certain délai de non exploitation (A), lorsque l'absence d'usage de la marque (B) n'est justifiée par aucune excuse légitime (C).

A- LE DELAI DE NON EXPLOITATION

La déchéance est subordonnée à un défaut d'exploitation « pendant une durée ininterrompue de 5 ans précédant l'action ». Cette disposition est heureuse à plusieurs égards : Elle évacue les difficultés tenant au calcul du délai, précisément celles relatives à son point de départ. En effet, une stipulation semblable à celle retenue en droit français par exemple77(*), aurait suscité un problème de détermination du point de départ selon que l'exploitation n'a jamais été entamée dans les 5 ans de l'enregistrement ou que l'exploitation ait été commencée puis abandonnée, pendant plus de 5 années ininterrompues.

Dans l'espace OAPI donc, l'exercice est facile et consiste simplement à remonter les 5 dernières années précédant l'action. L'on prend en compte non pas le point de départ mais le point d'arrivée matérialisé par la date du jour de la requête ou de la demande reconventionnelle.

Cependant, l'article 23 reste muet relativement à la manoeuvre consistant pour le titulaire d'une marque laissée « en jachère » qui, anticipant une action en déchéance prochaine, commence ou recommence une exploitation dans le seul but de mettre un obstacle à cette action. Nous estimons qu'il serait approprié de prévoir une « période suspecte » précédant l'action durant laquelle aucune exploitation de la part du titulaire de la marque ne pourra faire obstacle à la radiation de l'enregistrement.

B- L'ABSENCE D'USAGE DE LA MARQUE

Même si le texte ne précise pas que l'usage doit être sérieux, tout laisse penser qu'un usage équivoque (usage à titre de nom commercial, dénomination sociale ou enseigne) ou une exploitation artificielle, sporadique, sans véritable consistance commerciale, dans le seul souci d'échapper à la déchéance, équivaut à un défaut d'usage. Les paramètres qui entrent en jeu sont la nature et le lieu de l'usage (1), la question de l'usage de la marque sous une forme modifiée (2) et celle de l'exploitation partielle (3).

1- Nature et lieu de l'usage

L'usage consiste en une exploitation de la marque, qui peut être directe c'est-à-dire faite par le propriétaire lui-même, ou indirecte, à travers une autre personne sous réserve du contrôle par le titulaire. Cette personne peut être une filiale ou même un licencié. Mais pour échapper à la radiation de la marque, ce dernier doit effectivement exploiter la marque pour les produits ou services désignés.

La marque doit être utilisée dans le commerce comme telle, c'est-à-dire pour désigner les produits ou services. Son exploitation peut se vérifier par son apposition sur les produits, par sa reproduction dans des documents publicitaires ou des catalogues en vue de la vente des produits ou services désignés dans l'enregistrement. Les actes purement préparatoires tels la commande d'étiquettes ou d'emballages marqués ne suffit pas. L'acte d'usage considéré doit être un acte commercial dirigé vers la clientèle. Ainsi, une publicité destinée à tester le produit sans mise sur le marché ou de simples essais cliniques ne constituent pas une exploitation susceptible de faire obstacle à la déchéance, pas plus que le dépôt ou le renouvellement de la marque ou l'action en contrefaçon ou encore la conclusion d'un contrat de franchise.

L'exploitation doit avoir lieu sur le territoire couvert par l'OAPI. Ceci est la traduction du principe de territorialité. L'annonceur devra-t-il utiliser la marque forcément sur l'ensemble de l'espace considéré ou pourra-t-il à sa guise l'exploiter sur l'un quelconque des territoires nationaux, cette exploitation valant pour l'ensemble ?

Il semble que le législateur opte pour la première proposition car il envisage la situation où la marque ne serait pas « utilisée  sur le territoire national de l'un des Etats membres ». De ce fait, le propriétaire d'une marque qui voudrait échapper à la déchéance de ses droits doit faire usage de la marque sur l'ensemble du territoire que recouvre l'Organisation sinon il sera déchu des ses droits sur le territoire où la marque demeure non exploitée. Dans cette logique, l'on risque d'aboutir à plusieurs enregistrements pour une même marque au compte de plusieurs titulaires exploitant celle-ci dans des territoires différents. Une démarche contraire serait propre à sacrifier les règles de concurrence. Toutefois, il n'est pas certain que chaque titulaire exerce son activité dans ses limites territoriales originelles, toute activité étant appelée à s'agrandir ; d'où le risque de confusion si les mêmes marques venaient à se rencontrer sur un même marché. Dans un pareil cas, l'un des concurrents pourrait-il délibérément modifier sa marque ?

2- L'usage sous une forme modifiée

Le législateur OAPI ne s'est pas prononcé sur le point de savoir si une marque exploitée sous une forme différente de celle sous laquelle elle a été enregistrée peut donner lieu à sa radiation pour inexploitation.

La solution peut être tirée de la Convention de Paris à laquelle ont adhéré les Etats membres de l'OAPI et dont l'article 5-c-2 dispose : « L'emploi d'une marque de fabrique ou de commerce, par le propriétaire, sous une forme qui diffère, par des éléments n'altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée dans l'un des pays de l'Union, n'entraîne pas l'invalidation de l'enregistrement et ne diminuera pas la protection accordée à la marque ». C'est dire que malgré une différence minime entre le signe enregistré et celui qui est exploité, on ne doit pas considérer que cette marque n'est pas exploitée dans la mesure du moins où cette différence ne change pas véritablement la marque.

La solution est différente dans l'hypothèse où une personne a enregistré deux marques distinctes mais proches par la forme et n'en exploite qu'une seule. L'une des marques constitue, en pareil cas, une marque « de défense », destinée à empêcher les concurrents de gêner l'exploitation du signe exploité.

La Cour de cassation, dans une espèce mettant en présence deux marques enregistrées par un même titulaire, a déclaré que «l'exploitation d'une marque enregistrée, analogue à une autre marque enregistrée, ne vaut pas exploitation de cette dernière et l'article 5-C-2 de la Convention d'Union de Paris ne trouve application que si une seule est en cause »78(*).

3- Exploitation partielle de la marque

L'article 23 alinéa1 in fine dispose que « la radiation peut être appliquée à tout ou partie des produits ou services pour lesquels ladite marque a été enregistrée ». La radiation partielle suppose, d'une part, que l'usage ait porté sur une partie des produits ou services désignés et pas pour les autres. D'autre part, le juge ne peut prononcer la déchéance que dans la mesure de la demande du requérant ; il ne peut aller au-delà de cette demande. En d'autres mots, la déchéance partielle est limitée aux produits et services non exploités et, dans cette limite, aux produits et services visés par le demandeur.

Une autre question qui attire notre attention est celle de savoir si l'exploitation de produits similaires à ceux désignés dans l'enregistrement peut faire échapper de la déchéance pour ces derniers (produits désignés). Cette préoccupation n'a pas fait l'objet de dispositions particulières dans l'annexe III de l'accord de Bangui. Mais, la Cour de cassation s'y est prononcée par la négative dans un arrêt79(*) dont les faits étaient les suivants : la marque était enregistrée pour désigner du lait frais, sec ou condensé mais exploitée par un concessionnaire seulement pour les fromages frais basses calories non désignés au dépôt. La Cour de céans a jugé que c'est à bon droit qu'une cour d'appel prononce la déchéance, dès lors qu'elle constate l'absence d'exploitation pour les produits énumérés au dépôt, sans avoir à se préoccuper d'une éventuelle similitude des produits. En effet, si la protection du droit du titulaire de la marque s'étend aux produits ou services similaires80(*), l'objet de ce droit est strictement soumis au principe de la spécialité c'est-à-dire aux produits ou services que le déposant a choisi de désigner dans son dépôt.

Ce principe demeure applicable même à l'égard des marques notoires. Autrement dit, malgré sa notoriété, la marque n'est protégée que pour les produits et services désignés au dépôt. Par conséquent, si une marque notoire est exploitée pour certains seulement des produits ou services désignés au dépôt, la déchéance devra être prononcée pour les autres produits ou services inexploités81(*). Mais cela n'empêche pas que le titulaire d'une marque célèbre agisse en responsabilité civile ou en concurrence déloyale contre des tiers qui, se camoufleraient sous son sillage pour profiter injustement de cette notoriété.

C- L'ABSENCE D'EXCUSES LEGITIMES AU DEFAUT D'EXPLOITATION

L'article 23 alinéa1 prévoit que le titulaire de la marque n'encourt radiation de son enregistrement que s'il ne justifie d'aucune excuse légitime. Il s'agit de tout obstacle extérieur l'ayant empêché d'exploiter sa marque. Cette impossibilité doit être sérieuse mais pas forcément absolue comme la force majeure.

Les hypothèses sont légions. Il peut s'agir d'un contentieux communautaire opposant le titulaire de la marque à l'administration qui par exemple s'opposerait pour une raison ou pour une autre à l'exploitation envisagée. Les recours formés par le titulaire de la marque, en pareil cas, manifeste bien sa volonté de l'exploiter. Les obstacles peuvent être de fait82(*) ou de droit, par exemple une interdiction d'exploiter, l'attente d'une autorisation administrative indispensable pour le commerce en question (visa, autorisation de mise sur le marché, agrément, etc.) ou un procès en contrefaçon dirigé contre le titulaire de la marque ou un contentieux sur la propriété de la marque aussi longtemps que l'action est en cours83(*).

Ces obstacles ont un effet interruptif. Du moment où l'article 23 alinéa 1 exige une période ininterrompue de non exploitation, un nouveau délai de 5 ans doit commencer « à zéro » à compter de la date à laquelle a pris fin la cause de l'excuse légitime. C'est dire qu'il doit s'écouler entre cette dernière date et celle du début de l'action un minimum de 5 années de non exploitation. Autrement, cela pourrait constituer pour le titulaire de la marque un moyen de défense lui permettant d'échapper à la déchéance.

§2: LA DECHEANCE PROPREMENT DITE

L'article 23 stipule que la radiation d'une marque enregistrée mais non utilisée par son titulaire, peut être ordonnée par le tribunal à la requête de « tout intéressé ». Autrement dit, le demandeur doit avoir un intérêt à obtenir la radiation de ladite marque. Il peut s'agir d'un concurrent qui possède une marque voisine, qui craint une action en contrefaçon ou qui souhaiterait exploiter la marque seul ou l'exploiter pour les produits ou services inexploités par son titulaire. L'activité menée par le demandeur n'est pas nécessairement identique ou similaire à celle du titulaire de la marque. D'ailleurs, il est possible qu'il n'ait pas encore entamé son activité, l'action en étant un préalable. Qui plus est, il peut s'agir du titulaire d'une dénomination sociale ou d'un nom commercial identique ou similaire, dans le même secteur d'activité, qui veut mettre fin à un risque de confusion. Parfois, enfin, le défendeur à une action en contrefaçon répliquera par une demande reconventionnelle en déchéance.

Parce que la preuve du non usage serait difficile voire impossible pour le demandeur, l'article 23 alinéa 2 en a renversé le fardeau. Ceci paraît justifié dans la mesure où seul le titulaire de la marque est apte à démontrer l'exploitation dont elle a fait l'objet. L'exploitation étant un fait, cette preuve peut être administrée par tous les moyens (factures, catalogues, contrats, témoignages, etc.). Le propriétaire doit établir non seulement l'existence mais également la consistance et la date des actes d'exploitation afin d'asseoir la religion du juge.

Lorsque la décision ordonnant la radiation est devenue définitive, elle est communiquée à l'Organisation qui l'inscrit au registre spécial des marques. La radiation est ensuite publiée suivant les exigences en vigueur. Elle a un effet absolu en ceci qu'elle est opposable à tous et invocable par tous.

L'efficacité de la radiation se mesure à l'aune de son effet rétroactif. L'enregistrement de la marque est, en effet, considéré comme n'ayant jamais existé. Dès lors, le défendeur à une action en contrefaçon pourra échapper, purement et simplement, à la condamnation, s'il réussit à faire prononcer la radiation par voie reconventionnelle.

CONLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

A l'analyse, l'acquisition du droit exclusif sur la marque est l'aboutissement de procédures à caractère administratif voire juridictionnel selon que la procédure a été normale ou qu'elle a impliqué des intérêts opposés à ceux du déposant. L'enregistrement de la marque est conditionné par la validité et la disponibilité du signe ou terme choisi pour désigner le produit ou service considéré. Le contrôle du respect de ces impératifs est effectué soit d'office ou à la demande par les autorités de l'OAPI, soit par les juridictions saisies par tout intéressé.

Toutefois, il nous semble que l'établissement de délais impartis aux autorités de l'Organisation pour se prononcer sur les demandes des particuliers en rajouterait certainement à la célérité souhaitée.

En somme, une fois revêtue du sceau de l'enregistrement et consolidée par d'éventuelles décisions juridictionnelles favorables, la marque est apte à être exploitée comme telle. Mais il n'est pas sûr que cette exploitation soit paisible dans tous les cas. Elle pourra toujours être contestée.

Une fois l'enregistrement accompli, le titulaire de la marque a sur celle-ci un droit de propriété ayant vocation à la perpétuité, sous réserve qu'il procède aux formalités de renouvellement et exploite la marque. La propriété de la marque n'est pas oisive.

Ce droit de propriété incorporel consiste en une exclusivité d'exploitation opposable à tous, mais limitée au cadre de la spécialité et au territoire de l'OAPI. Le contenu des prérogatives du propriétaire de la marque n'est pas défini par le législateur mais il est possible de le déduire des actes que ne peuvent impunément poser les tiers. A cet égard, et en principe, seul le propriétaire de la marque a le droit de l'exploiter pour les produits ou services désignés au dépôt et d'offrir en vente, vendre et importer les produits revêtus de sa marque. Mieux, lui seul a la prérogative de reproduire le signe, d'apposer ou utiliser sa marque pour ces produits ou services.

Ce monopole d'exploitation de la marque suppose que le propriétaire soit en mesure d'empêcher les tiers agissant sans son accord de faire usage au cours d'opérations commerciales de signes identiques ou similaires pour des produits ou services similaires à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée. Par exception, l'article 7 de l'annexe permet certains emplois à titre de signe distinctif par les tiers du signe qui constitue la marque déposée. Il s'agit entre autres de cas fondés sur la préservation d'un droit acquis notamment lorsque le tiers est le premier à avoir utilisé le signe pour distinguer son entreprise ou ne l'a utilisé que parce que, du fait de son non renouvellement, la marque avait temporairement perdu la protection de la loi. Il s'agit aussi des cas dans lesquels un tiers de bonne foi fait usage des attributs de son identité ou enfin des hypothèses où l'usage de la marque s'avère indispensable pour qu'une entreprise indique à sa clientèle la destination de ses propres produits ou services84(*).

Lorsqu'on envisage le contentieux de l'exploitation de la marque, l'idée qui transparaît avec une certaine évidence est celle de sa contrefaçon. Il est vrai qu'aujourd'hui plus qu'avant, ce délit focalise les attentions en raison des atteintes portées aux droits des concurrents, des consommateurs, et par identité de raisons, au droit de la propriété industrielle.

Mais, la contrefaçon n'est que l'une des nombreuses facettes du contentieux de l'exploitation des marques. Si on garde à l'esprit que la marque peut être exploitée par son propriétaire ou par un cocontractant, on comprend dès lors, que des litiges puissent avoir lieu entre ces derniers voire entre le propriétaire et les tiers. Aussi, nous semble-t-il intéressant d'étudier d'une part les difficultés tenant à une relation contractuelle relative à la marque (chapitre I) et d'autre part, les actes délictuels qui entravent son exploitation paisible (chapitre II).

chapitre i: LE DEROULEMENT DU CONTENTIEUX DANS LE CADRE CONTRACTUEL

Le droit exclusif du propriétaire d'une marque peut faire l'objet de diverses sortes de contrats d'exploitation. Ces contrats qui consistent soit en des cessions soit en des concessions, peuvent porter sur tout ou partie du dépôt. Leur nature est incertaine et ils présentent une singularité sans doute liée au caractère incorporel du bien. Néanmoins, pour combler les lacunes de ce statut spécial, il est traditionnel d'assimiler, par analogie, le contrat de cession à un contrat de vente puisqu'il opère transfert de propriété, et le contrat de concession à un contrat de louage dans la mesure où celui-là confère un droit de jouissance au licencié.

A côté de ces deux types de contrats, la marque peut également faire l'objet d'une mise en gage ou même d'une convention de non-opposition85(*).

Ajoutés à l'apparente contradiction entre le droit de la propriété industrielle et les principes du droit de la concurrence, ces actes qui ressemblent curieusement à des contrats d'adhésion ou à des ententes86(*), sont parfois des portes ouvertes aux perturbations du marché. Cet antagonisme appelle, en tant que de besoin, à un contrôle des pouvoirs publics. Cependant, allant à contre-courant de cette logique, la réforme de l'accord de Bangui du 28 février 2002 semble avoir plutôt fragilisé ce contrôle (section I). De plus, la spécificité des contrats portant sur les marques de produits ou de services implique que des méthodes appropriées de résolution des différends d'exécution soient envisagées (section II).

SECTION I: UN CERTAIN AFFAIBLISSEMENT DU CONTROLE DES CONTRATS RELATIFS AUX MARQUES

Jusqu'à l'entrée en vigueur de l'actuel accord de Bangui, les dispositions relatives aux marques de produits ou de services prévoyaient, en matière contractuelle, des sujétions pour les parties visant, semble-t-il, à protéger l'ordre public économique. Sans chambouler de fond en comble ce dispositif, la réforme de 2002 opère, à tout le moins, un « petit séisme »87(*) non négligeable. Peut-être marque-t-elle un ère de modernité ? Mais l'argument socio-économique qui tient le mieux est celui de la libéralisation des économies des Etats membres, chacun se livrant à une opération de charme à l'endroit des investisseurs étrangers88(*).

Toujours est-il que certains acquis ont été maintenus (§1) mais d'autres, malheureusement, supprimés (§ 2).

§1: LA SURVIVANCE DE LA FORMALISATION DES CONTRATS D'EXPLOITATION DES MARQUES DE PRODUITS OU DE SERVICES

Le formalisme stricto sensu des contrats sur les marques est, en réalité, le corollaire de la nature même du bien considéré. Son caractère incorporel nécessite des formalités de validité et d'opposabilité semblables à celles requises en matière foncière (A). Par extension, la prévision de clauses nulles témoigne aussi de cette formalisation (B).

A- L'EXIGENCE D'ECRIT ET DE PUBLICITE DU CONTRAT

Les actes comportant soit transmission de propriété, soit concession de droit d'exploitation ou cession de ce droit, soit gage ou main levée de gage, relativement à une marque, sont soumis à un formalisme « ad validitatem » et « ad probationem ».

En effet, l'article 26 alinéa 2 dispose que ces actes doivent, sous peine de nullité, être constatés par écrit. Cette nullité est absolue et peut donc être invoquée par un tiers, pour autant qu'il y ait un intérêt.

En plus, l'opposabilité de ces actes est subordonnée à leur inscription au registre spécial des marques tenu à l'Organisation. La règle s'inspire du système de la publicité foncière. L'inscription est opérée à la demande de l'une quelconque des parties à l'acte. En l'absence d'inscription, l'acte est valable entre les parties mais reste inopposable aux tiers et à l'administration.

Cette formalité est importante à plus d'un titre. D'une part, le cessionnaire ne pourra, en principe, procéder au renouvellement de l'enregistrement en cas de défaut de publication de l'acte opérant transfert de propriété de la marque dans la mesure où, le renouvellement étant demandé par le propriétaire de la marque, seul ce dernier est considéré comme tel vis-à-vis de l'administration. Toutefois, certains auteurs soutiennent que ce renouvellement devrait être validé en raison de sa valeur conservatoire et de la validité « inter partes » de l'acte de transfert de propriété qui fait du cessionnaire de la marque le véritable propriétaire de ce bien89(*).

D'autre part, en cas de double cession de la marque, c'est la date d'inscription au registre spécial des marques qui permettra de départager les deux cessionnaires successifs : le premier qui aura inscrit ses droits sera préféré, sauf s'il était de mauvaise foi au moment de la cession.

S'agissant du nantissement des marques, le droit des marques exige qu'il soit inscrit au registre spécial des marques. Conséquemment, la question peut se poser de savoir si cette mesure de publicité se substitue ou vient en addition à celle du Registre du commerce et du crédit mobilier. A notre avis, il s'agirait d'une substitution en cas de nantissement de la marque indépendamment du fonds de commerce et d'une addition au cas où ce nantissement est accessoire à celui du fonds.

L'exigence d'un écrit et la publicité requise visent à assurer aux cocontractants et aux tiers une certaine sécurité juridique. Par contre, il semble que c'est plutôt le besoin d'établir un ordre public contractuel en la matière qui a été à l'origine de l'interdiction de certaines clauses.

B- LA PREVISION DE CLAUSES NULLES

Les contrats portant sur les marques, et surtout les contrats de licence, épousent très souvent les caractéristiques des contrats d'adhésion en ce que le concessionnaire, notamment, se trouve en position de faiblesse vis-à-vis du concédant qui pourrait unilatéralement fixer des conditions contractuelles déséquilibrées90(*). C'est donc dans un élan de protection de la partie faible, mais aussi de promotion des règles de concurrence et de libre circulation des biens, que le législateur pose le principe de nullité de clauses arbitraires (1) qui exonère tout de même d'autres clauses bien fondées (2).

1- Le principe de nullité des clauses arbitraires

Aux clauses arbitraires correspondent les clauses imposées par le concédant et qui affectent directement ou indirectement le marché. Il s'agit de toute clause imposant au concessionnaire de la licence, sur le plan industriel et commercial, des limitations ne résultant pas des droits conférés par l'enregistrement de la marque ou non nécessaires pour le maintien de ces droits91(*).

C'est le cas d'une clause qui obligerait le concessionnaire à payer des redevances pour une marque non utilisée ou à payer une grande proportion des redevances avant de commencer à utiliser une marque. Une telle clause recèle un déséquilibre financier qui, à terme, sera répercuté sur le consommateur. Si la redevance n'est pas contestée en son principe, son montant doit cependant être raisonnable ; un montant surélevé ou un échéancier trop contraignant sont de nature à avoir des effets inflationnistes.

C'est aussi le cas d'une clause dont l'effet est d'empêcher l'exportation de produits fabriqués sous une marque vers certains Etats membres, ou qui autorise une telle exportation moyennant des redevances supplémentaires ou qui limite les possibilités concurrentielles du concessionnaire de licence sur les marchés de ces Etats. Cette clause entrave la libre circulation des produits en établissant un cloisonnement du marché, préjudiciable au consommateur. Ce principe qui est absolu s'agissant de la cession de marque, admet une modération relativement à la concession. Ainsi, certains contrats de concession prévoient de telles délimitations territoriales du marché pour favoriser l'efficacité du réseau de distribution, à cet égard, bénéfique pour les utilisateurs.

En outre, est en principe nulle, la clause qui oblige le concessionnaire à importer des matières premières, des biens intermédiaires et des équipements fournis par le concédant de la licence. Le législateur vise par ce moyen à diversifier les sources d'approvisionnement du concessionnaire qui doit librement pouvoir apprécier le rapport qualité/prix avant de choisir tel ou tel fournisseur.

Mais, l'interdiction de ces clauses ne s'applique que dans la mesure où elles ne sont justifiées par aucune raison objective. C'est dire qu'exceptionnellement, elles sont parfois admises.

2- L'exonération de certaines clauses justifiées

Même si elles peuvent paraître a priori anticoncurrentielles, certaines clauses sont admises parce que, soit elles résultent des droits conférés par l'enregistrement, soit elles sont nécessaires pour le maintien de ces droits.

A cet égard, les restrictions concernant la mesure, l'étendue ou la durée d'usage de la marque ou la qualité des produits ou services pour lesquels la marque peut être utilisée, ne sont pas interdites. La licence peut être concédée à titre gratuit ou onéreux, pour une période déterminée ou indéterminée92(*), à titre exclusif ou non et pour un territoire délimité ou non. Elle peut porter sur l'ensemble des produits ou services désignés ou ne concerner que certains d'entre eux.

S'agissant de la préservation de la qualité des produits ou services désignés, elle est un argument qui justifie que des restrictions soient tolérées. Ainsi, la clause d'exclusivité d'approvisionnement permet au concédant d'obliger le concessionnaire à ne s'approvisionner qu'auprès de lui93(*) ou d'un fournisseur agréé, lorsqu'il n'est pas possible, en raison de la nature des produits qui font l'objet de la licence d'appliquer des spécifications objectives de qualité94(*). Cependant, cette clause doit être justifiée par la nécessité et par l'impossibilité d'atteindre autrement ces objectifs.

Enfin, l'obligation imposée au concessionnaire de la licence de s'abstenir de tous actes susceptibles de porter atteinte à la validité de l'enregistrement de la marque, n'est pas incluse dans les clauses nulles. Cette obligation relève de la nature du contrat qui confère droit de jouissance au licencié mais lui impose d'exploiter la marque de bonne foi95(*).

Les dispositions de l'annexe III de l'accord de Bangui du 2 mars 1977 étaient plus explicites sur la question des clauses nulles. Contrairement à l'actuel annexe III, elle subordonnait la validité des contrats comportant des clauses restrictives de la concurrence à un contrôle et à l'approbation préalables de l'autorité nationale compétente. La réforme de 2002 a aboli ce droit de regard de l'administration et conséquemment affaiblit l'endiguement de ces contrats.

§2 : LA DISPARITION CRITIQUABLE DU CONTROLE ADMINISTRATIF PREALABLE DE CERTAINS CONTRATS SUR LES MARQUES

Du temps de l'accord de Bangui du 2 mars 1977, devait être soumis dans les douze mois à compter de leur conclusion, au contrôle et à l'approbation préalables de l'autorité nationale compétente avant l'inscription au registre spécial de l'Organisation, les contrats relatifs aux marques de produits ou de services, s'ils comportaient des paiements à l'étranger ou s'ils étaient consentis ou obtenus par des personnes physiques ou morales étrangères ou installées hors du territoire national de l'un des Etats membres. L'objectif était de permettre aux administrations parafiscales de maîtriser les flux de capitaux entre les économies nationales des Etats membres et l'extérieur. Ce contrôle administratif consistait à vérifier que les contrats concernés ne contenaient pas des clauses imposant au cessionnaire ou au concessionnaire de licence des limitations n'ayant rien à voir avec les droits conférés par l'enregistrement de la marque ou non nécessaires pour le maintien de ces droits. Dans tous les cas, la promotion des règles de concurrence sous-tendait cette réglementation.

Mais, l'évolution du contexte socio-économique des Etats membres nécessitait une nouvelle réglementation qui y soit ancrée. Il s'agit d'une part, de la libéralisation économique traduite par le retrait de l'Etat et, d'autre part, de l'appel aux investisseurs par la mise en place d'une législation empreinte d'efficacité via la célérité dans les procédures administratives et la sécurité juridique.

Désormais, le contentieux des contrats portant sur les marques de produits ou de services se veut affranchi de l'omniprésence administrative. Ceci passe par la responsabilité des contractants qui doivent faire montre de diligence (A). L'on se demande si les règles du droit de la concurrence ne seraient pas sacrifiées (B).

A- LA RESPONSABILISATION DES PARTIES A L'ACTE

Les parties à un contrat de cession ou de concession notamment, doivent être diligentes en ce sens que la constatation des clauses nulles susvisées est, dorénavant, faite par le tribunal, à la requête de toute partie intéressée. Autrement dit, le tribunal ne peut constater d'office l'existence de telles clauses. Parce qu'elles sont les premières affectées par le déséquilibre financier du contrat, les parties sont mieux placées pour dénoncer l'existence de clauses nulles. En poursuivant leurs intérêts égoïstes, elles contribuent au maintien des règles du marché concurrentiel et donc à l'intérêt général.

Il va sans dire qu'en plus des exigences de consentement, la libre négociation de ces contrats aboutira à l'élaboration de clauses propres à la cession (1) ou à la concession de licence (2) relative à une marque ; mais le juge des contrats pourra intervenir à la requête de l'une des parties.

1- La négociation du contrat de cession de marque

Les parties à un contrat de cession de marque négocient librement les clauses de leur contrat. Mises à part certaines hypothèses particulières96(*), leurs obligations relèvent du droit commun des contrats et de la vente. Le cessionnaire a pour obligation essentielle de payer le prix, qui peut être forfaitaire ou proportionnel. Quant au cédant, il assume les obligations que le Code civil met à la charge du vendeur97(*).

Le cédant doit une obligation de délivrance98(*) qui doit l'amener à remettre le certificat d'enregistrement au cessionnaire et à lui apporter son concours pour inscrire le transfert au registre spécial des marques. Le cédant doit aussi une obligation de garantie, qui se dédouble en une garantie d'éviction et une garantie des vices cachés99(*).

La garantie d'éviction porte, d'une part, sur le fait personnel du cédant : il doit s'abstenir de troubler en fait ou en droit le cessionnaire dans la jouissance du droit sur la marque. Notamment, le cédant ne devra pas continuer à exploiter la marque ou en adopter une autre qui l'imite ou la parasite. Toute clause contraire est nulle100(*) et dénonçable au juge par la partie intéressée. D'autre part, le cédant doit la garantie d'éviction du fait des tiers ; il ne garantit alors que les troubles de droit101(*). Le cédant peut valablement stipuler une clause limitative de sa garantie (sous réserve de sa bonne foi), mais cette clause ne le libère pas de l'obligation de restituer le prix de cession si le cessionnaire est évincé par un tiers102(*).

Enfin, le cédant doit encore garantir les vices cachés de la chose. En matière de marque, c'est essentiellement de la nullité totale ou partielle de la marque dont il s'agit (vices juridiques). Après la vente, on s'aperçoit que le signe est atteint de nullité, parce qu'il porte atteinte à un droit enregistré antérieur, ou même qu'il est non distinctif ou illicite. Savoir si le vice était caché est délicat : l'inscription de la marque antérieure ou sa célébrité peuvent faire qualifier le vice d'apparent. Néanmoins, le cessionnaire doit agir vite à compter de la date où il découvre le vice dont son droit est atteint, puisque son action est soumis à la condition de bref délai posée à l'article 1648 du Code civil mais non qualifiée par la loi103(*). Selon que la marque est totalement anéantie ou non, il a le choix entre l'action rédhibitoire et l'action estimatoire. En théorie, les clauses limitant cette garantie sont valables104(*), mais elles sont privées d'efficacité si le vendeur est un professionnel ou s'il est de mauvaise foi.

Lorsque la marque est frappée de nullité, cette nullité rétroagit. Du même coup, la cession se trouve elle-même privée rétroactivement d'objet et même de cause et doit être annulée. Pareillement, la nullité de la marque rejaillit sur le contrat de licence.

2- La négociation du contrat de licence

La licence de marque peut être l'objet unique du contrat ou en constituer un élément essentiel ou secondaire. Ainsi le contrat de franchise comporte trois éléments essentiels : la licence d'une marque, la communication d'un savoir-faire et une assistance commerciale ou technique. Il est aussi possible que des clauses concernant une marque soient insérées dans un contrat portant sur la concession d'un brevet ou la communication d'un savoir-faire. Quoiqu'il en soit, en principe, la licence est consentie « intuitu personae ». A titre de droit comparé, la Cour de justice des communautés européennes estime que le cédant a le droit de choisir librement les concessionnaires « dont les qualifications professionnelles sont une condition pour établir et préserver la réputation du réseau »105(*). Par conséquent, sauf stipulation différente, le licencié doit exploiter lui-même la marque concédée106(*) et ne peut pas, sans l'accord du concédant, donner de sous licence ou transférer sa licence à des tiers.

Les parties peuvent prévoir une clause d'exclusivité à la charge de l'une ou de l'autre d'entre elles. Lorsqu'elle est à la charge du concédant, celui-ci s'oblige alors à ne pas concéder d'autres licences de la marque en question pour les mêmes produits ou services et le même territoire. En contre partie, le licencié exclusif a une obligation particulièrement impérative d'exploiter la marque. A défaut, le concédant pourra demander la résiliation du contrat afin de sauvegarder son droit. Lorsque l'exclusivité est à la charge du licencié, cela crée un lien de dépendance en vertu de laquelle le concédant a, à son égard, une obligation d'information précontractuelle rigoureuse.

Les clauses peuvent être multiples, mais dans l'ensemble, d'une part, le concédant supporte l'obligation de garantir la jouissance paisible de la marque par le licencié ; d'autre part, ce dernier a l'obligation de payer le prix qui doit être déterminé ou déterminable, forfaitaire ou périodique, fixe ou proportionnel au chiffre d'affaires. En outre, il doit exploiter la marque. L'inobservation de cette obligation constitue une faute lourde en ce qu'elle fait courir au titulaire de la marque le risque d'être déchu de son droit.

A l'observation, la réforme de 2002 augmente de façon non négligeable le champ du consensualisme en matière de contrats portant sur la marque. Elle institue un régime uniforme de ces contrats sur lesquels le droit de regard de l'administration est retiré quel que soit le type et les parties envisagés. En tout état de cause, la validité du contrat n'est plus subordonnée au visa a priori de l'administration mais il incombe aux parties de dénoncer les clauses nulles dont la constatation est du seul ressort du juge des contrats. Cependant, la suppression de ce contrôle n'est pas très heureuse en ce qui concerne les règles de la concurrence.

B- L'IMPACT SUR LA PRESERVATION DES REGLES DE LA CONCURRENCE

Traditionnellement, le droit de la concurrence regarde d'un oeil méfiant les droits de propriété industrielle car, à travers l'exploitation de ces droits, peuvent se dissimuler des pratiques anticoncurrentielles notamment des pratiques contractuelles qui s'apparentent dangereusement à des ententes et accords anticoncurrentiels, à des abus de position dominante ou qui initient le refus de vendre. De fait, les contrats relatifs aux marques sont quelques fois susceptibles d'empêcher un concurrent d'avoir accès au marché (cas du distributeur non agréé) ou alors de faire obstacle à une concurrence éventuelle ( exclusivité d'approvisionnement), à l'innovation en matière de produits ou à la diminution des prix, etc.

Il se pose donc la nécessité d'une réglementation appropriée en la matière. La suppression des dispositions relatives au contrôle administratif préalable à l'enregistrement au Registre spécial des marques ne réconforte certainement pas cette préoccupation. Mais, il se trouve que les législations relatives à la concurrence s'appliquent en général, soit à un marché intérieur national soit à un marché commun. Le législateur OAPI ne visant pas, prioritairement, une intégration économique, sans doute s'est-il ravisé en supprimant le contrôle administratif d'antan. Pourtant, ce contrôle était effectué non par une autorité de l'OAPI mais par les autorités compétentes des Etats membres.

Toujours est-il que le transfert de compétence au juge civil pour la constatation des clauses nulles, qui plus est, à la requête de l'une des parties, n'est pas, à notre sens, la solution adéquate puisque d'une part, l'intervention du juge est postérieure à l'enregistrement du contrat et les perturbations redoutées pourraient déjà avoir été réalisées. D'autre part, cette intervention n'est qu'éventuelle car subordonnée à la requête de la partie intéressée. Cette dernière pourrait soit perdre de vue cette nullité soit s'accommoder de la clause nulle...

Il aurait été souhaitable de mettre en place des règles de concurrence propres à la matière107(*) puisque autrement les parties bénéficieraient d'excuses puisées dans le monopole conféré par le droit de la propriété industrielle. Néanmoins, l'on peut pallier à cette lacune en appliquant les textes existants. Dans cette mesure, les lois nationales108(*) sont indiquées lorsque la pratique incriminée affecte uniquement le marché national d'un Etat membre et les textes des différentes communautés régionales, quant à eux, entrent en jeu lorsque le marché commun considéré en est menacé109(*). L'organe national de la concurrence ou celui de la communauté, selon les cas, est appelé à constater l'existence de pratiques anticoncurrentielles dans les contrats relatifs aux marques.

Il faut reconnaître cependant que ce contrôle administratif souhaité ne saurait remplacer la compétence du juge des contrats relativement à la résolution des différends suscités par le contrat lors de son exécution voire de son extinction.

SECTION II : LA RESOLUTION DES DIFFERENDS LIES A L'EXECUTION DU CONTRAT

A l'occasion de l'exécution des contrats d'exploitation des marques, des difficultés sont susceptibles de faire surface. Il importe alors qu'elles soient portées par les parties devant le juge civil. L'obstacle majeur a trait à la spécificité du contrat (§1). De ce fait, nous pensons que l'institution d'un centre d'arbitrage auprès de l'OAPI serait d'utilité (§2).

§1: LA SPECIFICITE DES OBSTACLES A L'EXECUTION DU CONTRAT

L'exécution normale d'un contrat portant sur les marques de produits ou de services peut être obstruée par certains facteurs dépendants ou non de la volonté des parties. D'une part, en ce qui concerne la concession de marque, son caractère successif peut engendrer des obstacles particuliers à sa survie (A). D'autre part, la cession de marque, quant à elle, regorge de risques d'ambiguïté relative notamment à la détermination de l'intention des parties et de la nature même du contrat (B).

A- L'IMPACT DE L'EXECUTION SUCCESSIVE DE LA CONCESSION DE MARQUE

La concession d'une licence permet à la personne morale ou physique à laquelle elle est faite, d'exploiter la marque dans la mesure, l'étendue et pendant la durée accordées par le concédant. Autrement dit, cette exploitation s'inscrit, en principe, dans un temps relativement long pendant lequel il peuvent se poser des questions de responsabilité du fait des produits défectueux (1) et au terme duquel la responsabilité contractuelle des parties à la concession pourrait marquer la fin de la vie contractuelle (2).

1- La responsabilité du fait des produits défectueux

En cas de défectuosité des produits sur lesquels porte la concession de licence, est-ce contre le concédant ou bien contre le concessionnaire que doit être engagée l'action en responsabilité ? A notre sens il faudrait considérer la situation selon qu'il s'agit d'une concession conférant droit de production et de commercialisation ou d'une concession de distribution simplement.

Si le concessionnaire fabrique et commercialise lui-même les produits concernés, il nous semble qu'il soit le seul responsable de la défectuosité desdits produits110(*).

Par contre, s'il n'en est que le distributeur, il y a des équivoques à lever. En effet, l'opposabilité du contrat de licence étant subordonnée à son inscription au Registre spécial des marques, le licencié pourrait s'abriter sous l'absence d'inscription pour décliner sa responsabilité. Mais, nous pensons que, comme en cas d'absence d'immatriculation au Registre du commerce et du crédit mobilier, les conséquences du défaut d'inscription du contrat de licence devrait suivre le même raisonnement : les concessionnaires ne peuvent « invoquer leur défaut d'inscription au registre pour se soustraire aux responsabilités et aux obligations inhérentes à cette qualité »111(*). Dans ce prolongement, le distributeur est solidairement responsable, avec le fabriquant de la défectuosité des produits exploités sous licence112(*).

Par ailleurs, à titre de droit comparé, une directive européenne sur la responsabilité du fait des produits défectueux retient comme responsable non seulement le fabriquant du produit mais aussi celui dont la marque figure sur celui-ci. Les produits fabriqués par un tiers sous licence sont donc susceptibles d'entraîner la responsabilité civile du propriétaire de la marque s'ils se révèlent défectueux.

Cette solution est d'autant plus fondée que, dans le cadre de la franchise notamment, certaines clauses obligent le franchisé à ne vendre les marchandises que dans un local aménagé, décoré et achalandé selon les instructions du franchiseur. Cette standardisation de la méthode de vente a un « effet succursaliste »113(*) sur le réseau de franchise. Par conséquent, les clients peuvent être trompés sur la qualité juridique exacte du commerçant avec qui ils contractent. Afin d'éviter toute confusion pour la clientèle, la Commission Européenne, par exemple, exige que le franchisé indique sa qualité de commerçant indépendant114(*).

Dans tous les cas, une exploitation tumultueuse de la marque n'est pas de nature à prolonger la vie contractuelle.

2- La complexité de la fin de la vie contractuelle

Normalement, le contrat de licence prend fin à l'arrivée du terme stipulé d'accord partie. Mais, même dans cette hypothèse, l'on se demande si le concessionnaire qui remplirait encore les conditions de sélection ne devrait pas avoir droit à un renouvellement de son contrat. La jurisprudence décide, à ce propos, que si le propriétaire de la marque a eu tort de ne pas renouveler le contrat parce que le distributeur satisfaisait toujours aux critères de sélection, il doit être condamné à verser à celui-ci des dommages intérêts et non à poursuivre les relations contractuelles115(*).

En général, l'extinction du contrat trouve ses origines dans diverses causes. D'une part, la nullité de la marque est une cause extracontractuelle qui rejaillit sur le contrat. Tout se passe alors comme s'il s'agissait d'une résiliation. D'autre part, le contrat est résilié suite à une faute contractuelle de l'une des parties. Ces fautes sont variées dans leur nombre : notamment, lorsque le licencié s'abstient d'exploiter la marque, il en résulte une faute lourde puisque le défaut d'exploitation peut aboutir à la déchéance du titulaire de la marque. Constitue également une faute du concessionnaire, le fait de céder à un tiers la licence ou d'accorder, sans l'accord du cédant, des sous-licences. Ceci tient du fait que la concession de licence est accordée intuitu personae. Il semble que ce soit sur cette même base qu'est condamné le distributeur sélectionné qui écoule les produits du fournisseur non pas auprès des consommateurs mais auprès des distributeurs non agréés. Cette attitude est de nature à favoriser l'expansion du marché parallèle ou marché gris, préjudiciable au concédant et à l'ensemble du réseau. La résiliation du contrat est marquée par le versement de dommages intérêts en cas de préjudice et par l'éviction du concessionnaire du réseau s'il en existe.

Toutefois, lorsque la concession comporte une exclusivité d'approvisionnement, l'on reconnaît que, le concédant qui veut mettre un terme au contrat doit observer un délai de préavis pour annoncer sa décision de non renouvellement. En effet, l'exclusivité d'approvisionnement place le concessionnaire dans un lien de dépendance qui implique qu'il faille lui accorder un délai raisonnable afin de lui permettre de prendre ses dispositions.

Même lorsque les mesures de liquidation induites par la résiliation de la concession auraient été effectuées, certaines stipulations du contrat peuvent exister, qui font peser sur le concessionnaire des obligations post-contractuelles. Il s'agit des clauses qui interdisent à ce dernier d'ouvrir à l'expiration du contrat un magasin similaire dans une zone où il serait susceptible d'entrer en concurrence avec le concédant voire les autres membres du réseau s'il en existe. Ces clauses dites de non concurrence sont, en principe, prévues dans des contrats de partenariat qui, en plus de la licence d'une marque, comportent aussi la communication au concessionnaire d'un savoir-faire116(*) et de l'assistance commerciale ou technique du concédant. Cette stipulation vise donc à préserver l'actif du concédant. Néanmoins, elle doit avoir une portée raisonnable117(*).

Il revient au juge d'apprécier cette portée et de lever tout risque d'ambiguïté comme en matière de cession de marque.

B- LES RISQUES D'AMBIGUITE DE LA CESSION DE MARQUE

L'ambiguïté tient parfois à la détermination de la volonté des parties (1) et au caractère commercial ou non de la cession de marque (2).

1- L'interprétation de l'intention des parties sur les modalités de la cession

La marque peut être cédée soit de façon automatique, soit avec le fonds de commerce dont elle constitue l'un des éléments que l'acheteur devrait acquérir, en application de la règle « accessorium sequitur principale ». Autrement dit, la marque devrait suivre le fonds.

Mais, contrairement à ce raisonnement, le législateur OHADA se refuse de lier indissolublement la marque au fonds de commerce. Corroborant la doctrine française118(*), il soutient la cession libre de marque119(*). Rien n'empêche donc que les parties distraient, par convention, la marque du fonds cédé. A cet effet, l'article 116 alinéa 2 de l'Acte uniforme portant droit commercial général stipule qu'en plus du fonds commercial, la cession peut aussi porter sur d'autres éléments du fonds de commerce, « à condition de les préciser expressément dans l'acte de cession ». Ainsi, le juge déduira du silence des parties, la cession exclusive du fonds commercial. Qu'en sera-t-il si l'acte de cession décrit les éléments du fonds sans mentionner la marque en cause ? A notre sens, dans une telle situation, et suivant l'esprit et la lettre de l'article 116, le juge devra conclure que les parties n'entendaient pas inclure la marque dans le fonds cédé.

Cette indépendance de la marque amène à réfléchir sur le caractère commercial ou civil de l'acte de cession.

2- La détermination de la commercialité de l'acte de cession de marque

La cession de marque est-elle un acte de commerce ? L'intérêt de cette interrogation tient à ce qu'une réponse affirmative a pour corollaire la reconnaissance aux parties de certains privilèges et sujétions. Un acte de commerce est un acte ou fait juridiques soumis aux règles du droit commercial, en raison de sa nature, de sa forme, ou en raison de la qualité de commerçant de son auteur120(*). Il est possible de déterminer si la cession de marque est civile ou commerciale au regard du premier et du troisième critère.

Suivant le critère de la nature de l'acte, il est difficile d'imaginer qu'une personne ait pour activité l'achat de marques de produits ou de services pour revendre. Une activité pareille dénaturerait la finalité même du droit dont la substance est la distinction de produits et services. Il s'agirait donc, en fait, d'un « détournement de la loi » que peut vaincre la règle « fraus omnia corrumpit ».

Suivant le critère de l'accessoire, on peut l'envisager tant d'un point de vue objectif que subjectif. Dans un cas comme dans l'autre, l'idée d'indépendance qui jalonne le droit des marques penche plutôt pour le caractère non commercial de la cession de marque. En effet, la marque se veut indépendante par rapport aux produits ou services qu'elle désigne et à la qualité du déposant. Egalement, la cession de la marque se veut libre de celle du fonds de commerce. Plus encore, la législation relative aux marques se veut indépendante de celle relative au droit commercial.

C'est dire que la cession de marque est par nature un acte civil auquel peut accessoirement s'appliquer les règles du droit commercial si elle est confondue à la cession du fonds de commerce ou si elle est passée par au moins un commerçant, les attributs de la commercialité devant être retenus à l'égard de celui-ci.

Sous le règne du Code de commerce121(*), la détermination du caractère commercial d'un acte avait pour avantage entre autres de permettre aux parties de stipuler des clauses compromissoires ; ce qui était impossible en matière civile notamment en droit interne. Désormais, il n'y a plus lieu de faire ces distinctions car le législateur OHADA a uniformisé les règles relatives à l'arbitrage en stipulant à l'article 1er de l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage que les disposions de ce texte s'appliquent à « tout arbitrage ».

C'est un privilège dont l'OAPI devrait, à notre sens, en tirer leçons.

§2 : POUR L'INSTITUTION D'UN CENTRE D'ARBITRAGE AUPRES DE L'OAPI

Considéré par certains auteurs comme un privilège122(*), l'arbitrage est l'un des modes de règlement de différends préférés des opérateurs économiques. Opportunément, le droit de la propriété industrielle en général, et celui des marques en particulier, offre un terrain propice de déploiement à cet instrument. En effet, les différends relatifs aux contrats d'exploitation de marques relèvent du domaine des droits sur lesquels on peut transiger. Les parties devraient pouvoir recourir à l'arbitrage du moment où elles auraient stipulé une clause compromissoire ou conclu un compromis.

Il nous semble alors, que la mise en place d'un centre d'arbitrage auprès de l'OAPI serait d'un apport indéniable (A) compte tenu de nombreux facteurs tant sociologiques que juridiques (B).

A- LES MOTIVATIONS

Les arguments qui fondent notre proposition sont d'ordre socio-économiques et juridiques. D'abord, l'observation de la configuration des économies des Etats membres aboutit au constat désolant selon lequel les Etats africains deviennent de plus en plus des comptoirs au service des opérateurs étrangers. Cette dépendance123(*) se traduit par le fait que, généralement, les concessions de marques mettent en rapport des entreprises nationales et des entreprises étrangères dans des secteurs aussi variés que l'automobile, l'électronique, etc. L'arbitrage offre la possibilité de remédier, en cas de litige lié au contrat, à la divergence inévitable de cultures juridiques des parties en cause.

Sur le plan juridique, les entreprises mettant un point d'honneur à la préservation de leur image de marque, le caractère confidentiel de la procédure arbitrale garantit les parties contre toute publicité inopportune. Toutefois, au cours de certains règlements, si la concession implique la communication d'un savoir-faire, la confidentialité requise le sera, en réalité, moins à l'égard de la partie adverse qu'à l'égard du public puisque concédant et concessionnaire auront partagé la même « intimité commerciale ». L'autre avantage de l'arbitrage est, à cet effet, de rechercher la sauvegarde de la relation commerciale entre les parties. En outre, l'arbitrage épouse parfaitement les exigences de rapidité souhaitées par les milieux commerciaux. Il coïncide aussi avec la technicité de la matière puisque, experts, les arbitres allient allègrement le raisonnement analogique et des solutions rendues nécessaires par la vie des affaires.

Ces avantages non exhaustifs qui vont tous dans le sens de la sécurité juridique et de l'expansion économique, plaident en faveur de l'institution d'un centre d'arbitrage auprès de l'Organisation. Ceci ouvrirait des perspectives nouvelles à la dynamique de l'OAPI.

B- LES PERSPECTIVES

La crédibilité déjà engrangée par l'OAPI, au regard du volume annuel des enregistrements effectués, est un atout à mettre à son actif et qui aurait pour effet d'assurer l'engouement des entreprises à porter devant son centre d'arbitrage leurs litiges si jamais ce centre voyait le jour. De plus, l'onction de ses Etats membres contribuera certainement à garantir l'exécution des sentences issues dudit centre d'arbitrage.

Il s'agira d'un arbitrage institutionnel placé sous l'égide de l'OAPI qui n'aura alors qu'un rôle limité en matière d'administration, laissant aux parties le choix et la conduite de la procédure d'arbitrage124(*). L'OAPI s'emploiera également à la mise à disposition d'arbitres ayant des connaissances spécialisées en matière de propriété intellectuelle. L'Acte uniforme OHADA relatif au droit de l'arbitrage sera appliqué par le centre d'arbitrage ainsi mis sur pied125(*). Mais, dans cette hypothèse, il s'agira moins d'une inféodation que d'une coopération juridique entre les systèmes OAPI et OHADA dont la coexistence se veut harmonieuse.

L'ancrage de la réglementation OAPI au contexte de libéralisation en cours dans les Etats membres a sous tendu la réforme de 2002 marquée, en matière de marques de produits ou de services, par la reconnaissance aux parties d'une large marge de manoeuvre dans la formation de leurs contrats dont on peut craindre le non respect spontané des règles de la concurrence.

L'affaiblissement du poids de l'administration renforce en contrepartie l'importance du juge civil dans la pratique des contrats d'exploitation des marques.

Dans cet élan de promotion du développement économique, l'arbitrage est une opportunité subsidiaire au règlement judiciaire des différends qui, par ailleurs, rejoint la mission de centralisation de la protection de la propriété industrielle assignée à l'OAPI par ses fondateurs. Cependant, l'arbitrage dispose d'un champ d'application restreint puisque seul le juge étatique a compétence pour connaître des infractions pénalement réprimées.

chapitre ii : LE DEROULEMENT DU CONTENTIEUX DANS LE CADRE DELICTUEL

L'efficacité du monopole conféré au titulaire de la marque par l'enregistrement est tributaire de la protection contre les actes d'exploitation illicite. Parmi les atteintes susceptibles d'être portées contre les droits du propriétaire de marque, la contrefaçon occupe une place d'honneur. Toutefois, une étude de ces atteintes qui écarterait la concurrence déloyale et autres cas de responsabilité civile nous paraît inachevée.

La défense de la marque suppose que certains actes soient interdits en dehors de l'accord du propriétaire (section I) et qu'il soit mis à sa disposition des moyens de poursuivre en justice leurs auteurs (section II).

SECTION II: L'INCRIMINATION DES ATTEINTES AUX DROITS CONFERES PAR LES MARQUES

Les violations du monopole sur la marque concernent au premier chef la contrefaçon. Lato sensu, elle recouvre toutes les atteintes illégitimes au droit exclusif du titulaire d'une marque. Parmi les actes constitutifs de contrefaçon, certains peuvent être considérés comme principaux (§1) et d'autres secondaires (§2).

§1 : LES ACTES PRINCIPAUX DE CONTREFAçON DE MARQUE

Les actes principaux de contrefaçon sont ceux de premier rang qui déclenchent l'incrimination. Ils sont principaux en ce qu'ils ne nécessitent la réalisation préalable d'aucune infraction mais, au contraire contribuent à en commettre. Aussi, recense-t-on les actes de contrefaçon sur le signe qui constitue la marque (A) et ceux portant sur le produit ou service désigné au dépôt (B).

A-LES ACTES DE CONTREFAÇON SUR LE SIGNE

La contrefaçon du signe se fait par reproduction (1) ou par imitation (2) de la marque contrefaisante.

1-La reproduction

Stricto sensu, la contrefaçon consiste en la reproduction de la marque126(*). Elle est constituée lorsqu'il y a reproduction à l'identique ou au quasi-identique. La marque contrefaisante est soit une copie servile c'est-à-dire sans aucune différence perceptible, soit une copie quasi-servile, lorsque les différences sont insignifiantes. La reproduction est constitutive de contrefaçon, même si aucun usage ou aucune commercialisation ne s'en suit.

L'existence ou l'absence d'un risque de confusion est indifférente ; de même que la bonne foi du contrefacteur est difficile à envisager.

L'appréciation de la contrefaçon par reproduction se fait de façon analytique. On dissèque la marque protégée pour déterminer ses éléments essentiels et pour voir si le signe argué de contrefaçon reproduit ou non ces éléments caractéristiques. C'est aux juges du fonds qu'il revient d'apprécier souverainement, compte tenu des conditions d'exploitation de la marque, si l'élément reproduit constitue bien un élément essentiel caractéristique et distinctif en lui-même. Mais, il y a contrefaçon si, reproduite dans son ensemble, une marque complexe constitue un tout indivisible c'est-à-dire lorsque c'est l'ensemble qui est distinctif et non ses éléments pris séparément127(*).

Quant aux modes de reproduction, ils sont très variés. Dès lors que la marque est reproduite pour être utilisée dans la même spécialité, il y aura contrefaçon à la reproduire sur des étiquettes ou sur une forme tridimensionnelle, dans des documents publicitaires, des emballages, des catalogues ou des papiers d'affaires, sur une enseigne, dans un dépôt à titre de marque, comme nom commercial, etc. La mauvaise foi de l'imitateur est exigée puisque l'article 37 parle d'imitation « frauduleuse ».

Le tiers ne peut valablement abriter l'usurpation de la marque derrière l'emploi de termes neutres128(*) dont il accompagnerait l'utilisation de la marque d'autrui. En ajoutant de tels termes, le contrefacteur, d'une part, fait l'aveu de ce qu'il connaît l'existence du droit privatif, d'autre part accentue le rattachement de ses propres produits ou services à ceux de son concurrent.

Ce risque de confusion ainsi créé, est pareillement un élément essentiel à l'imitation d'une marque protégée.

2- L'imitation du signe

L'article 37 alinéa 1c) de l'annexe sanctionne la contrefaçon par imitation. L'imitation d'une marque et l'usage de la marque imitée pour des produits ou services identiques ou même similaires est une contrefaçon, s'il en résulte un danger de confusion dans l'esprit du public. La mauvaise foi de l'imitateur est exigée puisque l'article 37 parle d'imitation « frauduleuse ».

L'imitation s'apprécie comme toute contrefaçon, par les ressemblances d'ensemble et non par les différences. Le juge camerounais précise d'ailleurs que le délit existe même lorsque les éléments reproduits sont encadrés dans des dessins ou accessoires différents129(*). Il convient donc avant tout, de définir quelles sont les caractéristiques essentielles de la marque du demandeur qui lui donnent son caractère distinctif, puis de confronter ces caractéristiques à l'objet prétendument imitant ; mais on s'attache à l'impression d'ensemble que reçoit le client d'attention moyenne qui n'a pas les deux marques simultanément sous les yeux130(*). Suivant cette logique, il serait difficile à ce dernier de faire la différence entre les marques « Signal 2 » et « Spécial 2 ». C'est dire que, contrairement à la contrefaçon stricto sensu, l'appréciation est, en matière d'imitation, davantage synthétique que analytique131(*).

Les modes d'imitation sont divers. L'imitation peut jouer non seulement sur une ressemblance sonore ou visuelle, mais aussi sur une ressemblance intellectuelle notamment à travers des associations d'idées propres à semer la confusion dans l'esprit du client. L'association peut même s'opérer par contraste ou par opposition : on parle d'imitation par contraste132(*).

L'imitation peut aussi consister à traduire une marque d'une langue à une autre. Elle résulte alors de la traduction des termes qui composent la marque pour autant qu'une large fraction du public en comprenne la signification dans la langue étrangère.

Une question se pose de savoir si le prétendu contrefacteur peut s'exonérer en invoquant une intention parodique à l'égard de la marque imitée. Il faut dire que, très souvent, l'intention humoristique cache mal une volonté de parasitisme, ou même de dénigrement133(*). Dans ce dernier cas, il n'y a pas lieu de s'arrêter au caractère éventuellement non commercial ou non concurrent de l'utilisation, car le discrédit jeté sur l'entreprise, ses services ou ses produits, à travers la marque, porte atteinte à son activité économique et à son patrimoine incorporel134(*). Mais, la contrefaçon par imitation ne sera retenue que si la marque caricaturée est apposée sur des produits identiques ou similaires. Autrement, l'action en justice ne sera possible que sur le fondement de la responsabilité civile ou en s'appuyant sur l'article 6 de l'annexe III de l'accord de Bangui.

En tout état de cause le risque de confusion est un critère majeur qui joue lorsque la contrefaçon tend à tromper la clientèle aussi bien sur la marque elle-même que sur l'origine des produits.

B-LES ACTES DE CONTREFACON SUR LE PRODUIT

Certains actes de contrefaçon s'opèrent davantage sur les produits que sur le signe constituant la marque. Du côté de la clientèle, il s'agit de fraudes au sens du droit de la consommation. La contrefaçon est alors constituée par apposition de la marque sur des produits autres que ceux de son titulaire (1) ou par substitution de produits (2).

1- L'apposition (ou remplissage)

L'apposition de la marque vise l'hypothèse où la marque, mieux, la reproduction de cette marque est authentique mais où un tiers l'appose sur des produits sans y être autorisé. Le contrefacteur utilise des étiquettes, des emballages, des conditionnements, du matériel de vente authentique pour des produits correspondant à la spécialité mais ne provenant pas du titulaire de la marque.

L'intention frauduleuse est une fois de plus exigée par la loi.

S'il n'y a pas usage du reconditionnement à titre de marque, il n'y a pas contrefaçon. Par exemple, un particulier qui remplit, pour son propre usage, une bouteille de vin marquée avec du vin de palme ne commet pas une contrefaçon ; il en va de même s'il demande à un commerçant de remplir le conditionnement qu'il fournit lui-même. Si le conditionnement est utilisé en dehors de la spécialité, par exemple, par un pompiste qui remplit d'essence la bouteille de vin qu'il vend à l'automobiliste en panne, la contrefaçon est exclue. Toutefois, si les produits sur lesquels est apposée la marque sont similaires à ceux désignés au dépôt, l'apposition constitue une contrefaçon dans la mesure où existe un risque de confusion dans l'esprit du public. Enfin, si les produits sont authentiques mais n'ont pas été marqués par le titulaire de la marque, un tiers qui y appose la marque sans autorisation commet une contrefaçon.

L'apposition recouvre aussi l'hypothèse de la réapposition de marque. Notamment, il peut arriver qu'un commerçant peu scrupuleux réappose la marque sur un produit réparé ou modifié pour faire croire que le produit est neuf et provient du titulaire de la marque, ou la présente comme un conditionnement authentique. Cette réapposition est une contrefaçon en même temps qu'une tromperie sur l'origine du produit. Il y a contrefaçon car la fonction de la marque, qui est de garantir l'origine du produit, a été faussée. Egalement, il arrive que, pour des raisons de commercialisation, un distributeur soit amené à reconditionner des produits authentiques. Il semble alors, qu'il y ait atteinte à la marque si les produits ont subi une altération au cours de l'opération de reconditionnement135(*).

Indépendamment de toute altération, le délit de substitution obéit à un mécanisme différent mais tendant au même effet de tromperie.

2- La substitution de produits ou de services

En l'absence d'apposition ou de remplissage, par exemple, lorsqu'un commerçant auquel un client a demandé du vin d'une certaine marque, lui en remet un autre, mais dans un emballage sans marque, il ne s'agit pas d'une contrefaçon par apposition, mais du délit de substitution de produits ou de services qui est sanctionné par l'article 37 al. 2a) de l'annexe III. Pour une partie de la doctrine, on se trouve ici davantage dans le domaine des fraudes et dans celui de la concurrence déloyale que de la contrefaçon stricto sensu. Pourtant c'est bien à travers la marque qu'est réalisée la tromperie, qui porte atteinte ainsi à la propriété du titulaire de cette marque. Le fait de livrer sciemment un produit ou service autre que celui qui a été demandé sous une autre marque enregistrée est un délit pénal. Si l'action est intentée par le titulaire de la marque, il se fondera sur l'article 37 al. 2a) de l'annexe ; du côté du client, il y a fraude par tromperie ou tentative de tromperie sur l'origine des marchandises.

Contrairement à la contrefaçon par reproduction, par imitation, ou par apposition de la marque contrefaisante qui peut connaître un prolongement dans des actes distincts et consécutifs, la substitution de produits ou de services n'en est pas susceptible. Dans la mesure où ils supposent, en principe, la réalisation préalable d'autres atteintes, ces actes peuvent être considérés comme secondaires.

§2- LES ACTES SECONDAIRES DE CONTREFAçON DE MARQUE

Les actes secondaires de contrefaçon de marque concernent l'usage, la vente ou la mise en vente et le recel de produits contrefaits. Au constat, l'usage illicite peut être subséquent à d'autres actes de contrefaçon autant qu'il peut se réaliser indépendamment de toute reproduction (A). La vente et le recel de produits contrefaisants, par contre, supposent forcément l'accomplissement des actes de reproduction, d'imitation ou d'apposition (B).

A-L'USAGE ILLICITE DE MARQUE

La contrefaçon est conçue de façon analytique. Chaque acte d'usurpation ou d'exploitation non autorisée de la marque dans la spécialité constitue un acte de contrefaçon distinct. Il y a contrefaçon à reproduire la marque aussi bien qu'à utiliser la marque reproduite dans le commerce, que l'utilisateur soit lui-même l'auteur de la reproduction ou pas. Malgré le silence du législateur OAPI, il semble que l'intention de nuire au titulaire de la marque soit requise. La participation à la commercialisation de produits contrefaisants est une forme de contrefaçon. D'une part, reproduction et imitation peuvent ne pas être poursuivies, par exemple, si elles ont été réalisées dans un pays étranger, ou pour toute autre raison, l'usage illicite136(*) permettra cependant de mettre un terme au dommage subi par l'exploitant légal de la marque. Cet acte frauduleux se situe entre la fabrication et la vente du produit. Par exemple, l'usage illicite sera constitué par l'exposition du produit même s'il n'y a pas vente. D'autre part, du fait de procéder à un référencement de produits contrefaits, le référenceur joue un rôle d'intermédiation entre le fournisseur et le distributeur137(*).

Mais, l'on peut envisager des usages illicites de marque bien qu'ils ne reposent pas sur une reproduction, imitation, ou apposition préalables ; soit l'usage n'a pas de support matériel, soit il en a mais la marque est apposée par son titulaire et, dans ce cas, l'utilisation qui en est faite est contraire aux intérêts légitimes de ce dernier. Il peut s'agir, par exemple, de la pratique des marques d'appel, consistant à faire de la publicité sur une marque, tout en ne disposant pas des stocks suffisants de produits portant cette marque, afin de vendre ou de promouvoir des produits concurrents plus ou moins substituables, à une clientèle attirée par la marque. En outre, l'usage est illicite lorsque le produit marqué a subi des transformations substantielles, qui ne permettent plus de justifier le maintien de la marque, car la garantie de l'identité d'origine n'est plus assurée, le consommateur étant induit en erreur par la présence de la marque sur un produit dont le titulaire de la marque n'est plus responsable du processus entier de production.

Cette conception extensive de l'usage illite de marque permet d'appréhender davantage les actes de commercialisation illicite de produits et marques contrefaisants.

B- LES AUTRES ACTES DE COMMERCIALISATION DE PRODUITS CONTREFAITS

Ces actes concernent la vente ou mise en vente et le recel de produits contrefaits.

La vente ou mise en vente de produits contrefaits peut être le fait d'un commerçant, mais aussi d'un particulier. Il importe peu que les objets vendus soient destinés à l'exportation même vers un pays où la marque n'est pas protégée. Dans certains pays, les objets admis au registre douanier de transit temporaire peuvent tomber sous le coup de la loi sur la protection des marques. La mise en vente ne concerne pas exclusivement l'offre au public mais aussi le stockage des produits destinés à la vente.

Le délit de mise en vente n'est constitué qu'en présence de mauvaise foi, cependant la faute civile reste toujours constituée.

L'incrimination des atteintes aux droits de l'exploitant de la marque ne trouve son efficacité, voire sa raison d'être, qu'à travers la possibilité ouverte à la victime de la contrefaçon d'agir en justice.

SECTION II : LA POSSIBILITE D'AGIR EN JUSTICE

De toute évidence, l'action en contrefaçon est celle qui doit être déployée par les victimes de la contrefaçon. Son efficacité est indéniable (§1). Cependant, parce qu'il lui est attaché des conditions restrictives fondées notamment sur le principe de la spécialité, d'autres actions civiles peuvent être entreprises à titre complémentaire (§2).

§1- L'EFFICACITE DE L'ACTION EN CONTREFACON

L'efficacité de l'action en contrefaçon se vérifie à l'aune de la délimitation du cadre de la poursuite (A) et à travers le caractère expéditif de la répression de la contrefaçon de marque (B)

A-LA DELIMITATION DU CADRE DE LA POURSUITE

La recevabilité de la demande est subordonnée à la condition de la compétence de la juridiction saisie (1), à la qualité des parties (2) et, le juge ne pourra asseoir sa conviction qu'au terme de l'instance (3).

1- La juridiction compétente

La compétence se vérifie à un double niveau, c'est-à-dire au plan territorial et au plan matériel.

Territorialement, le tribunal compétent est celui retenu en droit commun à savoir celui du lieu de la commission du délit ou celui du domicile du défendeur. S'il s'agit d'un commerçant, son domicile correspond au lieu de son inscription au RCCM. En cas de transfert d'établissement non enregistré, le tribunal de l'ancien siège social reste compétent. S'agissant du lieu du délit, le demandeur peut être confronté à un problème de choix du tribunal compétent lorsque les multiples actes successifs de contrefaçon ont été commis dans des lieux différents. Il importe d'exclure, dans le contexte de l'OAPI, la compétence du tribunal du lieu de dépôt car le siège de l'Organisation étant situé à Yaoundé au Cameroun, la reconnaissance d'une telle compétence reviendrait à admettre la compétence exclusive des juridictions qui s'y trouvent ; ce qui nous paraît absurde.

Matériellement, l'action en contrefaçon peut être intentée par la voie civile ou la voie correctionnelle138(*). Dans le premier cas, le tribunal civil est compétent et juge comme en matière sommaire. Au Cameroun, par exemple, le tribunal de grande instance ou le tribunal de première instance sera compétent en fonction du montant de la demande139(*). Dans le second cas, le juge pénal saisi pourra connaître des exceptions relatives à la propriété de la marque soulevée par le défendeur140(*). Si le tribunal correctionnel est saisi, la juridiction civile devra surseoir à statuer en vertu de la maxime d'après laquelle le criminel tient le civil en état.

Encore faut-il que le demandeur ait qualité pour agir et qu'il attraie le véritable contrefacteur en justice.

2- Quant aux parties à l'instance

En principe, l'action en contrefaçon est engagée par le titulaire de la marque contrefaite, mais d'autres personnes peuvent également avoir un intérêt à l'intenter. D'un point de vue théorique, c'est le parquet qui devrait prendre l'initiative de l'action. Le délit n'étant pas un délit privé, les poursuites pénales n'exigent donc pas une plainte de la part de la victime141(*).

Subsidiairement, des personnes autres que le titulaire de la marque peuvent avoir le droit d'agir en contrefaçon. C'est le cas du bénéficiaire d'un droit exclusif d'exploitation dont le contrat ne comporte aucune stipulation contraire. Toutefois, il doit préalablement mettre le titulaire de la marque en demeure d'agir ; ce n'est qu'à défaut qu'il le peut lui-même. C'est aussi le cas du cessionnaire qui peut agir, à condition d'avoir procédé aux formalités de publicité de la cession. Il est possible qu'il agisse même au sujet de faits antérieurs à la cession, puisque le cédant lui a transféré tous ses droits. Mais, en cas de cession partielle, il ne pourra agir que dans la limite de ce contrat. En outre, l'intervention est ouverte à un syndicat professionnel ou une organisation de consommateurs ou toute autre personne justifiant d'un intérêt à intervenir, soit aux côtés du demandeur, soit à ceux du défendeur.

L'action doit être intentée contre le défendeur indiqué. A l'évidence, il s'agit de l'auteur du délit. Ce délit doit être consommé car en la matière, la tentative n'est punissable que si la loi le prévoit expressément. Or, l'annexe III de l'accord n'y fait pas allusion.

Lorsque l'infraction s'est réalisée à travers une personne morale, on peut se heurter au principe de l'irresponsabilité pénale des personnes morales. Dans cette hypothèse, ce sont les responsables fautifs qui pourront faire l'objet de poursuites personnelles, dans la mesure où on peut leur reprocher une faute. En cas de redressement judiciaire ou de liquidation de biens, l'action sera dirigée en ce qui concerne l'existence de la contrefaçon, contre le syndic.

La recevabilité de la demande étant admise, s'ouvre alors l'instance proprement dite.

3- L'instance

La recherche de la preuve occupe une place de choix dans l'action en contrefaçon. Mais celle-ci peut être handicapée par certains obstacles.

a- L'établissement de l'existence de la contrefaçon

La contrefaçon est un fait illicite dont la preuve se rapporte par tous moyens. En plus des modes habituels que sont notamment le constat d'huissier, le témoignage et l'enquête de marché, la saisie-contrefaçon est un mode particulièrement adapté à l'action en contrefaçon.

En effet, la saisie-contrefaçon peut être demandée par le propriétaire de la marque ou le titulaire d'un droit exclusif d'usage142(*). Il convient de présenter une requête au président du tribunal civil, dans le ressort duquel les opérations doivent être effectuées, y compris à la frontière.

Il autorise par ordonnance rendue non contradictoirement pour éviter que la saisie ne soit inefficace. Cette ordonnance en précise les modalités et les conditions. Il nous semble que le juge ne saurait refuser la saisie lorsqu'elle est descriptive mais il détient un pouvoir d'appréciation en cas de saisie réelle. La saisie est effectuée par un huissier ou un officier public ou ministériel y compris les douaniers avec l'assistance d'un expert. Il doit être remis au saisi préalablement aux opérations, copies de la requête, de l'ordonnance et, le cas échéant, l'acte constatant le dépôt de la consignation. La saisie-contrefaçon peut être effectuée dans tous les lieux143(*) et toutes les mains où peuvent se trouver des éléments de preuve de la contrefaçon144(*).

La saisie-contrefaçon est généralement descriptive mais peut s'accompagner du prélèvement d'échantillons. Elle peut aussi être réelle c'est-à-dire emporter la saisie des produits ou services argués de contrefaçon par le saisissant. Malgré les termes de l'article 48, la saisie ne peut être que descriptive si elle concerne des services. La saisie réelle des produits critiqués a un caractère préventif puisqu'elle tend à prévenir la réalisation ou l'aggravation du dommage.

Mais en raison du préjudice que peut causer la saisie réelle au défendeur, le juge a la faculté de la subordonner à la constitution de garanties de la part du requérant, destinées à assurer l'indemnisation du défendeur pour le cas où l'action au fond serait jugée infondée. Il n'est cependant admis aucune confusion entre ce cautionnement et la caution judicatum solvi qu'est tenu de fournir le demandeur étranger en vertu de l'article 73 du Code de procédure civile et commerciale. Cette précision a été faite par le juge camerounais dans une espèce opposant une société étrangère à une autre, nationale, celle-ci accusée de contrefaçon145(*).

Aux termes de l'article 49, à défaut par le demandeur de s'être pourvu, soit par la voie civile, soit par la voie correctionnelle, dans le délai de dix jours ouvrables, la description ou la saisie est nulle de plein droit sans préjudice des dommages intérêts qui peuvent être réclamés, s'il y a lieu146(*).

D'où la prudence et la loyauté dont doit faire preuve le requérant car la défense n'est pas dépourvue de moyens.

b- Les obstacles à l'action en contrefaçon

Le défendeur dispose pour sa défense, de moyens divers relevant du droit commun de la procédure civile ou pénale et ceux propres au droit des marques. Entre autres, il peut démontrer que les actes critiqués ne constituent pas des contrefaçons, soit parce qu'il n'existe en réalité aucun risque de confusion, soit parce qu'il utilise le signe en déhors de la spécialité. Le défendeur peut également invoquer la nullité de la marque ou même l'antériorité de son exploitation.

S'il est vrai que l'action en contrefaçon obéit au civil comme au pénal à la prescription triennale, le contrefacteur ne peut, par contre, s'abriter derrière l'absence de réaction du défendeur. L'ancienneté et la continuité du délit n'enlèvent en rien son caractère répréhensible et par conséquent, l'application des sanctions prévues.

B-LE CARACTERE EXPEDITIF DE LA REPRESSION DE LA CONTREFAÇON DE MARQUE

Ce caractère tient à la fois à la variété des sanctions prévues (1) et à l'originalité des pouvoirs du législateur OAPI en matière répressive (2).

1- Les sanctions de la contrefaçon de marque

Elles sont civiles ou pénales.

Les sanctions civiles ont pour fondement la responsabilité civile prévue par l'article 1382 du Code civil. Le juge peut prononcer des injonctions en vue de faire cesser les troubles pour l'avenir. En revanche, il n'interdira pas la confection des produits ou la fourniture des services, en elles-mêmes, c'est-à-dire en déhors de toute utilisation de la marque d'autrui.

Les dommages intérêts sont octroyés au propriétaire de la marque en raison du préjudice subi du fait des atteintes à son droit de propriété et au trouble commercial perpétrés par le contrefacteur. L'évaluation de ce préjudice se fait suivant le critère de la perte subie ou celui du manque à gagner. Les tribunaux préfèrent cette dernière méthode qui correspond au bénéfice qu'aurait réalisé le propriétaire de la marque si la contrefaçon n'avait pas eu lieu.

Les sanctions pénales, quant à elles, concernent principalement les amendes et les emprisonnements. Dans l'ensemble, on note que les peines d'emprisonnements des anciens articles 37 et 38 ont été réduites alors que les amendes, elles, ont été significativement augmentées. Il semble que le législateur préfère frapper à l'endroit où la douleur sera la plus ressentie c'est-à-dire la bourse du contrefacteur. Serait-ce la dépénalisation de la contrefaçon ?

Des peines additionnelles sont également prévues et concernent l'affichage du jugement dans des lieux déterminés, son insertion partielle ou intégrale dans un journal d'annonce légale, l'interdiction de participer à des élections des chambres de commerce et de l'industrie et des chambres d'agriculture ne pouvant excéder dix ans, la confiscation des produits et les instruments ayant servi à commettre le délit, la remise au propriétaire de la marque contrefaite des produits contrefaisants et la destruction de ces produits.

Le pouvoir répressif du législateur est, à ce titre, original.

2- L'originalité du pouvoir répressif du législateur OAPI

Contrairement au législateur OHADA qui incrimine certains faits mais se garde de prévoir des sanctions pénales, le législateur OAPI donne les quantum des peines applicables directement dans les ordres juridiques nationaux. Or, il est traditionnellement reconnu que le domaine des libertés individuelles appartient au pouvoir législatif national. L'OAPI aurait-elle outrepassé les pouvoirs généralement consentis à toute organisation de coopération juridique ?

Si l'on considère l'accord de Bangui dans son ensemble, l'on relève qu'il est constitué d'un traité auquel sont incorporées des annexes. Ainsi en ratifiant ce traité, les autorités nationales, souverainement, consentent à l'applicabilité de ses dispositions principales ainsi que celles de ses annexes. C'est donc par voie de ratification que ces dispositions rentrent dans l'ordonnancement juridique interne des Etats membres.

Quoiqu'il en soit, cette option a le mérite de garantir une application uniforme des dispositions conventionnelles. Elle assure en amont cette unification tandis qu'une autre option consiste à mettre sur pied une juridiction supranationale à laquelle l'on assigne la fonction, en aval, d'assurer l'interprétation et l'application communes du traité et autres textes subséquents. Mais, jusque-là les questions pénales sont, en général, exclues du champ de compétence de cette juridiction147(*).

Cette originalité, en somme incontestable, ne saurait faire perdre de vue l'insuffisance de l'action en contrefaçon qui peut être comblée par d'autres actions.

§2- LE ROLE COMPLEMENTAIRE D'AUTRES ACTIONS CIVILES

Pour que la protection de la marque soit complète, l'action en contrefaçon doit être complétée par d'autres actions civiles visant la sanction de certains actes qui, sans être des contrefaçons, ne sont pas moins critiquables eu égard aux atteintes portées aux droits du propriétaire de la marque. Il s'agit de l'action en concurrence déloyale et de l'action en responsabilité civile.

La concurrence déloyale se manifeste par divers procédés. Ainsi, la vente de produits marqués en violation d'un réseau de distribution sélective licite qui, par ailleurs, prive le consommateur des services qui sont le complément naturel des produits de luxe ou de haute technicité, objet de la distribution sélective, peut être considérée comme une concurrence déloyale. En effet, le revendeur hors réseau désorganise l'entreprise concurrente et crée une confusion avec son réseau. Toutefois, pour la Cour de cassation, la concurrence déloyale réside moins dans le fait de vendre les produits du réseau que dans le refus de justifier leur provenance148(*).

De même, constitue une concurrence déloyale, l'utilisation de la marque d'autrui dans une publicité comparative en ce sens qu'elle conduit au dénigrement de cette marque.

En outre, parce que l'action en contrefaçon est conditionnée par la propriété de la marque, l'action en concurrence déloyale permet à l'exploitant d'une marque d'usage de défendre celle-ci contre sa reproduction par les tiers, au propriétaire d'une marque notoire de faire sanctionner les agissements parasitaires consistant à tirer parti de la notoriété du signe pour se placer sous son sillage afin de faire vendre des produits différents.

Cependant, la concurrence déloyale suppose la substituabilité des produits ou services et l'exercice de l'activité dans un même marché. A défaut de l'existence, de ces rapports de concurrence entre les parties, seule ne pourra être intentée que l'action en responsabilité civile. Par conséquent, le propriétaire d'une marque notoire qui entend protéger celle-ci contre les agissements parasitaires consistant à tirer parti de la notoriété du signe pour se placer sous son sillage afin de faire vendre des produits différents, doit intenter non l'action en contrefaçon qui est subordonnée au principe de la spécialité mais l'action en responsabilité en vertu de la théorie de l'abus de droit et du fondement juridique offert par l'article 1382 du Code civil.

Un droit ne peut être considéré comme acquis si la loi n'aménage sa protection. Cette affirmation se vérifie mieux en matière de marque de produits ou de services dont l'exploitation ne saurait cohabiter avec des actes de contrefaçon et autres actes contraires aux intérêts légitimes du propriétaire. D'où la mise en place d'un arsenal juridique pour le moins appréciable mais qui pourrait être amélioré. Il nous semble qu'une coopération judiciaire entre les Etats membres, favorisée par les technologies de l'information et de la communication, contribuerait à redynamiser le système de protection des marques.

Le contentieux de la propriété industrielle, et plus précisément celui des marques de produits ou de services dans l'espace OAPI, s'articule autour de deux axes majeurs que sont l'acquisition du titre et son exploitation.

Accéder à la propriété de la marque suppose que l'on ait procédé aux formalités requises par l'annexe III de l'accord de Bangui qui, par ailleurs, prévoit une procédure d'opposition pouvant faire échec à cette tentative d'enregistrement si des droits enregistrés antérieurement par des tiers sont menacés par cette initiative. Aussi, la marque doit-elle être exempte de vices intrinsèques ou extrinsèques car même après son enregistrement, des actions civiles fondées soit sur l'ordre public soit sur des droits privés, sont possibles à son encontre, cette fois devant les tribunaux civils.

Si l'acquisition du titre est marquée essentiellement par la centralisation des procédures au sein de l'OAPI, son exploitation peut donner lieu à des différends tant d'ordre contractuel que d'ordre délictuel. D'une part, la nature incorporelle du bien influe profondément sur la formation et l'exécution du contrat qu'il soit translatif ou non translatif de propriété. A cet égard, sans contester le bien fondé du tribunal civil, il faut dire que l'instauration d'une dynamique arbitrale au sein de l'Organisation ne serait pas mal venue pour le règlement des différends nés ou à naître des contrats portant sur la marque dès lors que les parties ont stipulé une convention y relative et que le droit considéré fait partie de ceux sur lesquels on peut transiger.

D'autre part, il est difficile voire impossible au propriétaire de la marque de l'exploiter convenablement lorsque des tiers se prêtent à des activités contraires à ses droits. Ces dernières concernent la concurrence déloyale et plus particulièrement la contrefaçon de la marque que s'attèlent à réprimer tant le législateur que les autorités nationales.

En effet, largement décriée pour ses conséquences néfastes tant pour les consommateurs149(*) à qui sont vendus des produits médiocres sous l'apparence de produits de qualité, que pour les industriels qui enregistrent des pertes économiques notamment par avilissement de leurs marques, la contrefaçon prospère du fait de la porosité des systèmes nationaux de surveillance. De plus, l'administration fiscale et parafiscale enregistre une perte énorme dans la mesure où les produits contrefaits sont commercialisés par des réseaux souterrains. Or, suivant les mesures aux frontières prescrites par l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, la douane y joue un rôle stratégique et occupe, en conséquence, une place de choix dans la lutte contre ce fléau. L'efficacité de cette lutte est toutefois tributaire d'une législation adaptée qui donne suffisamment de pouvoir à la douane et facilite une double coopération interne avec d'autres autorités compétentes telles la police et la justice et externe entre les différents services nationaux des douanes.

De plus, ce défit ne peut être relevé que si les risques encourus par les contrefacteurs contrebalancent significativement les bénéfices indûment acquis. Conscient de cela, le législateur a pris le parti d'augmenter le montant des sanctions pécuniaires sans faire disparaître, bien sûr, les peines d'emprisonnements.

En somme, s'il est vrai que la marque est facultative, elle est cependant nécessaire pour le ralliement de la clientèle. Son enregistrement n'est certes pas obligatoire, mais une marque non enregistrée jouit d'un statut juridique précaire car dotée d'une protection résiduelle.

Parallèlement au développement économique, la préservation des marques de produits ou de services et de la propriété industrielle en général, est une culture à promouvoir et à perpétuer.

A- BIBLIOGRAPHIE

1- Ouvrages généraux

- CHAVANNE (A) et BURST (J-J), Le droit de la propriété industrielle, Paris, Dalloz, 2e édition, 1980.

- MATHELY (P), Le droit français des signes distinctifs, Paris, Librairie du journal des notaires et des avocats, 1984.

-NGUEBOU (J), Le droit commercial général dans l'acte uniforme OHADA, collection droit uniforme, PUA, 1998.

-ROUBIER (P), Droit de la propriété industrielle, Paris, Recueil, Sirey, 1952.

2- Ouvrages spécifiques

- BERTRAND (A), La propriété intellectuelle, livre II, marques et brevets, dessins et modèles, Delmas, Paris, 1995.

- GAST (O), Les procédures européennes du droit de la concurrence et de la franchise, Jupiter, 1989.

- GIUDICELLI-DELAGE, droit pénal des affaires, Mémentos Dalloz, 2e édition, 1994.

- MARTEAU-ROUJOU DE BOUBEE (J), Les marques déceptives, collection du CEIPI, Litec, 1993.

- POLLAUD-DULIAN (F), Droit de la propriété industrielle, Paris, Montchrestien, 1999.

- RENUCCI (J-F), Droit pénal économique, MASON/ARMAND COLLIN, 1995.

- VIGIER (C), Le dépôt et l'enregistrement des marques selon la loi du 31 décembre 1964, collection du CEIPI, Litec, 1980.

3- Thèses et mémoires

- JOSE ROBERTO GUSMAO, L'acquisition du droit sur la marque au Brésil, thèse de doctorat soutenue devant la Faculté de droit, de sciences politiques et de gestion de Strasbourg, 1990.

- KUATE TAMEGHE (S), Le concessionnaire de marque automobile, mémoire de maîtrise, UDS/ FSJP, 1997.

- MONTHE (P F), La cession des brevets, mémoire de maîtrise, UDS/FSJP, 1997.

- NJEUFACK TEMGOUA (R), La protection de la concurrence dans la CEMAC, thèse de doctorat, FSJP/UDS, 2005.

- TANGOUE Y TCHOUTEZO (E), La contrefaçon en matière de marque, mémoire de maîtrise, UDS/FSJP, 1997.

4- Articles

- GUYENOT, « Droit des marques de fabrique et droit de la concurrence » in Etudes de droit commercial, litec, Paris, 1968.

- PEROT-MOREL (M. A.), « Les marques de service » in Revue trimestrielle de droit commercial et de droit économique, 1970, pp.28s.

- VIDA (A), Garantie du vendeur et propriété industrielle : « les vices juridiques » dans la vente internationale de marchandises » in Revue trimestrielle de droit commercial et de droit économique, édition Sirey, 1994.

5- Colloques, conférences et séminaires

- Institut de recherche en propriété intellectuelle HENRI-DESBOIS, colloque sur le thème « L'arbitrage et la propriété intellectuelle », Paris 26 janvier1994, édition Litec, Paris, 1994.

- Centre PAUL ROUBIER, journées d'études consacrées à « la propriété industrielle et le secret », Faculté de droit de Lyon, 4 avril 1995, collection du CEIPI, Litec, 1996.

- CNCPI, colloque sur la propriété industrielle dans le marché unique européen, brevet et marque communautaires, Paris 29 mai 1991, collection du CEIPI, Litec, 1993.

- Chambre de commerce, des mines, de l'industrie et de l'artisanat en coopération avec le GERDIIC, séminaire sur le thème « Les entreprises camerounaises face à la concurrence », Bafoussam 1er mars 2007..

6- Législations

a) Textes nationaux

- Code civil camerounais

- Code pénal camerounais

- Code de procédure civile et commerciale camerounais

- Loi n°90/031 du 10 août 1990 régissant l'activité commerciale au Cameroun

b) Textes communautaires, internationaux et étrangers

- Acte uniforme portant droit commercial général

- Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage

- Acte uniforme relatif aux procédures collectives d'apurement du passif

- Accord de Bangui du 02 mars 1977 portant création d'une Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle révisé le 28 février 2002.

- Arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins d'enregistrement des marques du 15 juin 1957 tel que modifié le 28 septembre 1979.

- Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce.

- Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle du 20 mars 1883 telle que révisée à Stockholm le 14 juillet 1967.

- Code de propriété intellectuelle français.

-Règlement n°1/99/UEAC-CM-639 du 25 juin 1999 portant réglementation des pratiques commerciales anticoncurrentielles.

7- Recueils de jurisprudence

- Recueil des décisions de la Commission supérieure des recours auprès de l'OAPI, session de 2000 à 2002.

- Recueil des décisions de la Commission supérieure des recours auprès de l'OAPI, session de 2003 à 2005.

8- Sites Internet

- www.oapi.wipo.net

- www.wipo.int

- www.inpi.fr

- www.ekaniconseils.net

TABLE DES MATIERES

DEDICACE.......................................................................................i

REMERCIEMENTS....................................................................................ii

LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS....................................................iii

SOMMAIRE.............................................................................................iv

RESUME...................................................................................................v

ABSTRACT..............................................................................................vi

INTRODUCTION GENERALE 6

PREMIERE PARTIE: LE CONTENTIEUX DE L'ACQUISITION DU DROIT SUR LA MARQUE 13

CHAPITRE I: LES HYPOTHESES DE CONTESTATION RELEVANT DE LA COMPETENCE DE L'O.A.P.I 15

SECTION I : LA REMISE EN CAUSE DE LA VALIDITE DE LA MARQUE 15

§1 : La constance des indices d'invalidite de la marque 16

A-L'absence de distinctivite 16

1-Les désignations nécessaires ou génériques de produits 17

2- Les signes constituant la composition du produit 20

B-L'illiceite de la marque 21

1-Les signes interdits par des textes internationaux 21

2- Les signes contraires à l'ordre public, aux bonnes moeurs ou aux lois 21

C- Le caractere deceptif de la marque 23

1-L'efficacité de la protection du public contre les risques de confusion 24

a-La détermination du public susceptible d'être induit en erreur 24

b-Le critère du risque de confusion dans l'esprit du public 26

2-L'objet de la tromperie 27

§2 : Le double fond des sanctions relatives aux irregularites suite a l'examen par l'organisation 29

A-les defauts susceptibles de regularisation 29

B-le rejet de la demande d'enregistrement 30

SECTION II- L'OPPOSITIION DEVANT l'OAPI 31

§1- L'admissibilite de l'opposition 31

A-La recevabilite de l'avis d'opposition 31

1-L'opposant 31

2-Les formalités à accomplir 32

B-LE NUMERUS CLAUSUS DES MOTIFS D'OPPOSITION 33

§2 : La possibilite d'un double examen des contestations portees devant l'oapi 36

CHAPITREII: LES HYPOTHESES DE CONTESTATION RELEVANT DE LA COMPETENCE DE LA JURIDICTION CIVILE 38

SECTION I: LES CONTESTATIONS RELATIVES A LA VALIDITE ET LA LEGITIMITE DE LA MARQUE 39

§1 : Les causes d'indisponibilite du signe 40

A- Les droits d'auteur 40

B- Les attributs de la personnalité 42

§2 : Les causes traduisant une idee de fraude 43

A-La fraude aux droits d'un tiers 44

1-S'agissant d'une marque quelconque non enregistrée 44

2-S'agissant des marques notoires même non enregistrées 45

B- la violation d'une obligation légale ou conventionnelle 47

SECTION II: L'EFFICACITE DE L'ACTION EN DECHEANCE 49

§1 : Les conditions posees par l'article 23 de l'annexe III 50

A- Le delai de non exploitation 50

B- L'absence d'usage de la marque 51

1- Nature et lieu de l'usage 51

2- L'usage sous une forme modifiée 52

3- Exploitation partielle de la marque 53

C- L'absence d'excuses légitimes au défaut d'exploitation 54

§2: La déchéance proprement dite 55

DEUXIEME PARTIE: LE CONTENTIEUX DE L'EXPLOITATION DE LA MARQUE 57

CHAPITRE I: LE DEROULEMENT DU CONTENTIEUX DANS LE CADRE CONTRACTUEL 60

SECTION I: UN CERTAIN AFFAIBLISSEMENT DU CONTROLE DES CONTRATS RELATIFS AUX MARQUES 61

§1: La survivance de la formalisation des contrats d'exploitation des marques de produits ou de services 61

A- L'exigence d'écrit et de publicité du contrat 61

B- La prévision de clauses nulles 63

1- Le principe de nullité des clauses arbitraires 63

2- L'exonération de certaines clauses justifiées 64

§1 : La disparition critiquable du contrôle administratif préalable de certains contrats sur les marques 65

A- La responsabilisation des parties à l'acte 66

1- La négociation du contrat de cession de marque 67

2- La négociation du contrat de licence 68

B- L'impact sur la préservation des règles de la concurrence 69

SECTION II : LA RESOLUTION DES DIFFERENDS LIES A L'EXECUTION DU CONTRAT 71

§1: La spécificité des obstacles a l'exécution du contrat 71

A- L'impact de l'exécution successive de la concession de marque 71

1- La responsabilité du fait des produits défectueux 72

2- La complexité de la fin de la vie contractuelle 73

B- Les risques d'ambiguité de la cession de marque 74

1- L'interprétation de l'intention des parties sur les modalités de la cession 75

2- La détermination de la commercialité de l'acte de cession de marque 75

§2 : Pour l'institution d'un centre d'arbitrage auprès de l'Oapi 76

A- Les motivations 77

B- Les perspectives 78

CHAPITRE II : LE DEROULEMENT DU CONTENTIEUX DANS LE CADRE DELICTUEL 80

SECTION II: L'INCRIMINATION DES ATTEINTES AUX DROITS CONFERES PAR LES MARQUES 80

§1 : Les actes principaux de contrefaçon de marque 81

A-Les actes de contrefaçon sur le signe 81

1-La reproduction 81

2- L'imitation du signe 82

B-les actes de contrefacon sur le produit 84

1- L'apposition (ou remplissage) 84

2- La substitution de produits ou de services 85

§2- Les actes secondaires de contrefaçon de marque 85

A-L'usage illicité de marque 86

B- Les autres actes de commercialisation de produits contrefaits 87

SECTION II : LA POSSIBILITE D'AGIR EN JUSTICE 87

§1- L'efficacité de l'action en contrefacon 88

A-La délimitation du cadre de la poursuite 88

1- La juridiction compétente 88

2- Quant aux parties à l'instance 89

3- L'instance 90

a- L'établissement de l'existence de la contrefaçon 90

b- Les obstacles à l'action en contrefaçon 91

B-Le caractère expéditif de la répression de la contrefaçon de marque 92

1- Les sanctions de la contrefaçon de marque 92

2- L'originalité du pouvoir répressif du législateur OAPI 93

§2- Le rôle complementaire d'autres actions civiles 94

CONCLUSION GENERALE 96

BIBLIOGRAPHIE 100

ANNEXES 103

table des matieres 104

* 1 Aux termes de la Convention d'Union de Paris dans sa rédaction résultant de l'Acte de Lisbonne de 1958, « les pays de l'Union s'engagent à protéger les marques de services. Ils ne sont pas tenus de prévoir l'enregistrement de ces marques ». L'Arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques a été révisé lors de la Conférence de révision de Nice en 1957, de manière à prévoir l'enregistrement des marques de services.

* 2 Par exemple, les Etats-Unis d'Amérique accueillirent la marque de service dans le Lanham Act du 5 juillet 1946 ; la France, elle, par la loi du 31 décembre 1964.

* 3 Certains auteurs considèrent que, bien avant sa consécration législative, la marque de service avait une existence juridique « puisque sa protection était assurée par l'action en concurrence déloyale », ce qui rendait sa situation comparable à celle des marques non déposées ; cf. Mme PEROT-MOREL, Les marques de services, Rev. Trim. Dr. Com., 1970, p. 281 et s. et p. 613 et s.

* 4 Ces marques génériques encore appelées « house mark » en droit anglais et américain, sont souvent utilisées par de grosses multinationales qui travaillent sur une très grande variété de produits. Par exemple, la marque Nestlé sert à désigner une série de produits qui sont à leur tour désignés par des marques propres telles que Nescafé, Alta Rica, Nesquik, Cailler, et beaucoup d'autres.

* 5 Théorie de la personnalité du droit, théorie des droits intellectuels de Picard (Picard Edmond, Le droit pur, Bruxelles Paris, 1899, p121) et la théorie du droit sur les biens immatériels de J. KOHLER.

* 6 Théorie des droits de clientèle de Paul ROUBIER (Droits intellectuels ou de clientèle, Paris, Librairie du recueil Sirey, 1935, 54p) et la théorie des droits de monopole de FRANCESCHELLI.

* 7 Théorie de la propriété « tout court » (cf. Paul MATHELY, Le droit des signes distinctifs, Librairie du Journal des notaires et des avocats, Paris, 1984, p282 ; également A. CHAVANNE et J-J BURST, Droit de la propriété industrielle, Paris, Dalloz, 2e éd. 1980, p418) et théorie de la propriété immatérielle du professeur Alois TROLLER.

* 8 Art 544 C.c. : « La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue (...) »

* 9 La propriété des marques est sérieusement relativisée par les principes de la territorialité, de la spécialité et par les conséquences découlant du non-usage (cf. José Roberto GUMAO, L'acquisition du droit sur la marque au Brésil, Paris, Litec, 1990, pp. 34-38

* 10 « Chaque catégorie de biens comporte une forme d'appropriation à elle particulière (...).Il n'y a pas une propriété ; il y a des propriétés, parce que l'intérêt de la société est que l'appropriation des biens comporte des statuts en harmonie avec les buts poursuivis, lesquels varient beaucoup ; le droit de propriété est un des plus souples et des plus nuancés qui figurent dans les différentes catégories juridiques ; sa plasticité est infinie », JOSSERAND, « Cours élémentaire de droit civil », 1929, T.1 p. 839,n°1517

* 11 Art. 4 al.1 de l'annexe VII de l'accord de Bangui.

* 12 Marlboro, Coca-cola, Budweiser, Pepsi-cola, Nescafe, Kellogg's, Winston, Pampers, Camel, Campbell

* 13 Exemple : la protection des marques notoires échappe au principe de la territorialité et, d'un point de vue jurisprudentiel, au principe de la spécialité, principes pourtant fondamentaux en droit des marques.

* 14 D'après le plan comptable OHADA, les marques sont des immobilisations incorporelles rangées dans la classe2 (n°214)

* 15 Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Congo, Côte d'Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée Equatoriale, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad et Togo.

* 16 Siège, Yaoundé au Cameroun

* 17 Parce que le droit des marques (et les droits de propriété industrielle en général) pose des restrictions aux principe de libre circulation et, par identité de raisons, de libre concurrence, le législateur Européen est animé d'un souci de conciliation de ces droits a priori conflictuels.

* 18 Art. 77 de l'acte uniforme portant droit des sûretés.

* 19 MATHELY (Paul), Le droit français des signes distinctifs, Paris, Librairie du journal des notaires et des avocats, 1984, p. 11.

* 20 TGI Strasbourg 18 mai 1983, PIBD 1983 III 277. Règle confirmée par la Cour de cassation en 1993 dans l'affaire « Pédalo » (Com. 6 avril 1993 RDPI 1993 n°49, p.50)

* 21 BERTARND (André), La propriété intellectuelle, livre II, Marques et brevets, dessins et modèles, Delmas, Paris, 1995, p. 329.

* 22 Ce serait une limitation malheureuse de l'étendue du marché potentiel pouvant être desservi par les produits ou services considérés, les barrières non tarifaires étant un argument majeur au profit des Etats appelés à supprimer dès 2008 les barrières tarifaires.

* 23 Le terme « désignation » utilisé par le législateur pourrait faire croire que la loi ne vise que les marques dénominatives. Mais comme le remarque fort à propos Claudette VIGIER (Le dépôt et l'enregistrement des marques selon la loi du 31 décembre 1964, Litec, Paris, 1980, p98), « Nous ne pensons pas que ce texte puisse limiter la prohibition des marques descriptives à la seule catégorie des marques dénominatives. Il est vrai que les marques figuratives et « les marques à 3 dimensions » peuvent être descriptives tout comme les marques dénominatives (...) exemple : la forme d'un citron donnée à un emballage pour désigner des extraits et jus de citron »

* 24 MATHELY (P), op. cit. p. 92.

* 25 Décision n°45/CSR/OAPI du 1er avril 2005 sur le recours en annulation de la décision n°0096/OAPI/DG/DPG/SSD/SCAJ du 24 juin 2004 portant radiation de l'enregistrement de la marque « VIVALAIT vignette » n°43355

* 26 LAMY, droit commercial, 1992, n°1993. Dans la même sens voir décision n° 055/CSR/OAPI du 28 octobre 2005 sur le recours en annulation de la décision n°0110/OAPI/DGA/SCAJ du 24 juin 2004 portant radiation de l'enregistrement de la marque «ECLAT TOTAL » n°46471 : en l'espèce la société Chanel avait formé opposition à l'enregistrement de la marque « ECLAT TOTAL » pour atteinte à ses droits antérieurs sur la marque déposée « ECLAT ORIGINEL ». Pour faire échec à l'annulation dudit enregistrement, la requérante soutient et la Commission approuve « que la société Chanel ne saurait prétendre avoir un droit de propriété exclusif sur le terme ECLAT qui est largement utilisé par d'autres marques (...) »

* 27 PEROT-MOREL (M-A), Les marques de service, Revue Trimestrielle de Droit Commercial, 1970, p.817.

* 28 Décision dir. INPI, 30 janvier 1987, PIBD 1987 III 122

* 29 Exemple : ONU, UNESCO, OMPI, OIT, FAO, INTERPOL...

* 30 C'est le cas, par exemple, pour la Croix Rouge : Convention de Genève du 6 juillet 1906 ou 24 juillet 1913 ; ou les anneaux olympiques.

* 31 Paris, 4 janvier 1980, annales, 1980, p369 (à propos du Coq gaulois qui n'est pas un signe officiel)

* 32 Paris, 7 mai 1979, « opium », PIBD, 1980, n°256 III. 87 ; Annales, 1979, p306, obs. A. CHAVANNE

* 33 VIGIER (C), Le dépôt et l'enregistrement des marques selon la loi du 31 décembre 1964, Collection du CEIPI, Litec droit, 1980, p121. Dans le même sens PLAISANT (R) note sous Paris, 27 novembre 1980, JCP 82 II 19804, affaire Virecourt

* 34 ROUBIER (P), Le droit de propriété industrielle, t.1, 1952, p. 559.S

* 35 MARTEAU-ROUJOU DE BOUBEE (I), Les marques déceptives, collection du CEIPI, Litec droit, 1993, p3

* 36 Définition du Lexique des termes juridiques, Dalloz, Paris, 13e édition, 2001

* 37 PLANIOL, « Dol civil et dol criminel » in La revue critique de législation et de jurisprudence, 1893, pp545 et s.

* 38 MARTEAU-ROUJOU DE BOUBEE (I), op. cit. pp. 69 et s.

* 39 KAPFERER (J.N) et LAURENT (G), La sensibilité du consommateur aux marques, LSA, février 1984, p. 104

* 40 R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, t.1, p. 820 ; voir également J. CALAIS-AULOY, Droit de la consommation, Précis Dalloz, 1980, p. 214, notamment, « C'est le consommateur moyen, beaucoup plus faible et crédule que le bon père de famille »

* 41 Recueil des décisions de la Commission supérieure des recours auprès de l'OAPI, session 2003-2005, p. 26

* 42 En l'espèce, la marque « WEST vignette » a été déposée à l'OAPI le 8 octobre 1990 au nom de la société REEMTSMA CIGARETTEN FABRIKEN Gmbh pour les produits de la classe 34. Par la suite, la marque « WESTFIELD » a été déposée à l'OAPI le 29 juillet 1999 au nom de la société BOND STREET TOBACCO COMPANY LTD pour la classe 32. La société REEMTSMA a formé opposition à cet enregistrement et par décision du 20 juin 2003, le DG de l'OAPI a fait droit à cette demande en radiant la marque « WESTFIELD vignette » n°41347.

* 43 Critique recueilli sur le site www.ekaniconseils.net

* 44 Affaire marques « Sita »+ logo (SITRACEL) contre « Sita vignette » (SAPTAC), Recueil des décisions de la Commission supérieure des recours précité, p. 26.

* 45 La tromperie sur la composition du produit peut également s'appliquer aux publications lorsque par exemple une marque indique faussement les sujets traités dans les articles de ces revues. Ainsi, la marque « Management » est déceptive pour des publications ne traitant pas de publicité et d'affaires (Trib. Adm. Paris, 9 mars 1976, PIBD 1976 III 236.

* 46 Dans ce cas, la dénomination trompe non pas sur la composition, car il importe peu de savoir exactement quel élément devrait être présent pour assurer la fonction mais simplement sur les propriétés de l'appareil ; Isabelle MARTEAU-ROUJOU, op. cit. p. 106

* 47 art 14 de l'annexe III

* 48 Si la constitution d'un mandataire qualifié c'est-à-dire agréé par l'OAPI est facultative pour les personnes domiciliées sur le territoire de l'Organisation, elle est, en revanche, obligatoire pour celles qui ne sont établies ni représentées sur ce territoire.

* 49 Exemple : décision n°03/0366/OAPI/DG/DPG/SSD du 30 octobre 2003 portant rejet de la demande d'enregistrement de la marque «ASPERGIC » au nom de la société SANOFI-SYNTHELABO pour défaut du pouvoir du mandataire et défaut de fourniture du document de priorité. De même, décision n°03/0334/OAPI/DG/DPG/SSD du 7 octobre 2003 portant rejet de la demande de la marque « Gordon's Spark » au nom de la société Guinness United Distillers & Vinters Amsterdam BV pour défaut de reproduction de la marque dont l'enregistrement est sollicité.

* 50 Art. 18 du règlement portant organisation et fonctionnement de la commission supérieure des recours.

* 51 Art. 2 de l'annexe III.

* 52 Décision n°52/CSR/OAPI du 1er avril 2005, marques « JAGUAR » (société MANUFACTURE DES MONTRES JAGUAR SA.) et «JAGUAR et Devise » (société JAGUAR CARS LIMITED)

* 53 Art. 1er de l'annexe V de l'accord de Bangui.

* 54 Exemple, décision n°0125/OAPI/DG/SCAJ du 3 juin2005 portant radiation de la marque « COWBEL » n°48055, inédite.

* 55 Cas de la décision n°0014/OAPI/DG/SCAJ du 18 février2004 concluant à la paisible coexistence des marques « vignette polygones »(société The Chase Manhattan Bank) et « AMITY BANK CAMEROON SA +logo » (M. TASHA LOWEH Lawrence)

* 56 Art.33 (3) de l'accord de Bangui.

* 57 Absence de distinctivité, illicéité et déceptivité de la marque.

* 58 Voir Isidore Léopold MIENDJIEM, "Le Père Noël des créateurs et des diffuseurs des oeuvres de l'esprit au Cameroun: La loi n°2000/011 du 19 décembre 2000 relative au droit d'auteur et aux droits voisins" in Revue générale de droit, 2002, pp. 527-582.

* 59 Art 8 al 1) iii) de l'annexe VII relative à la propriété littéraire et artistique, « indépendamment de ses droits patrimoniaux et même après la cession desdits droits, l'auteur d'une oeuvre a le droit de s'opposer à toute déformation, mutilation ou autre modification de son oeuvre ou à toute atteinte à la même oeuvre (...) »

* 60 Art 22 in fine de l'annexe VII sur la propriété littéraire et artistique

* 61 J. FOYER, Actualité Légis, Dalloz, 1991, p. 61

* 62 Cass. Com. 26 avril 1988, Annales 1988 p. 163.

* 63 Affaire « Alfred Rothschild », Paris, 18 janvier 1994, Annales 1994 p.122.

* 64 En réalité, c'est un abus de langage puisque la propriété de la marque n'est acquise que par dépôt de celle-ci.

* 65 A.CHAVANNE, Fraude et dépôt attributif de droit en matière de marque en droit français, in mélange en l'honneur de David Bastian, Librairies Techniques, Paris, 1974, vol. 2, p. 7.

* 66 Nous nous sommes inspiré de l'article 712-6 du Code de propriété intellectuelle français aux termes duquel « si un enregistrement a été demandé, soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice (...) »

* 67 A. CHAVANNE, op. Cit. , p. 11.

* 68 Cet article dispose « Les pays de l'Union s'engagent soit d'office, si la législation du pays le permet, soit à la requête de l'intéressé, à refuser ou à invalider l'enregistrement et à interdire l'usage d'une marque que l'autorité compétente du pays de l'enregistrement estimera y être notoirement connue comme étant déjà la marque d'une personne admise à bénéficier de la présente Convention et utilisée pour des produits identiques ou similaires (...) »

* 69 Par exemple, le public associe immédiatement « Michelin » à des pneumatiques, « Dior » ou « Channel » à des parfums et vêtements de luxe, « Nescafé » à du café lyophilisé...

* 70 Cf. PEROT-MOREL, L'extension de la protection des marques notoires, in RTDC, 1966, p. 14 ; CHAVANNE (A) et BURST (J-J), Le droit de la propriété industrielle, Paris, Dalloz, 2e édition, 1980, p. 409 ; MATHELY (P), note sous Com. 27 mai 1987, Annales 1987, n°1, pp 3-11.

* 71 Paris, 17 janvier 1996, « Concorde » PIBD 1996, n°607. III. 155.

* 72 POLLAUD-DULIAN (F), Droit de la propriété industrielle, Paris, Montchrestien, 1999, p. 576.

* 73 Art. 6 bis de la convention de Paris.

* 74 Dans une espèce portée devant la Commission supérieure des recours, les établissements SMOAS, distributeur en Mauritanie des produits de la société RENUKA Group Ltd avaient frauduleusement déposé à leur nom la marque «  THE D'OR LABEL » n°49050, marque d'usage appartenant à la société RENUKA.

* 75 Art. 5 al. 5 de l'annexe.

* 76 Par exemple, la nationalisation de l'entreprise opère indirectement transfert à l'Etat des marques appartenant à l'entreprise naturalisée à travers le patrimoine de cette dernière. Cf. R. SARRAUTE et P. TAGER, «  Hier et aujourd'hui : les effets en France des nationalisations étrangères, JDI, Clunet, 1952, pp 1148 et s.

* 77 L'article L. 714-5 al 1er du CPI prévoit simplement qu'encourt la déchéance le propriétaire qui n'a pas fait usage de sa marque « pendant une période ininterrompue de 5 ans »

* 78 Ass. Plénière, 16 juillet 1992, « Au lotus », Bull. civ. N°10, p. 21, PIBD, 1992, n°534 III 659 ; JCPE, 1992.II.355, obs. J-J Burst.

* 79 Cass. Com. 24 octobre 1984, «Silhouette», Annales, 1984, p.219, obs. Y. REBOUL

* 80 Art. 7 al. 2 de l'annexe III de l'accord.

* 81 Cass. Com. 4 juin 1991, «Coca Cola », Bull. civ. IV n°210; PIBD 1991, n°510. III. 646.

* 82 Exemple, impossibilité ou grande difficulté de se procurer les matières premières ou de conditionner les produits.

* 83 Exemple : interdiction d'exploiter, attente d'une autorisation administrative indispensable pour le commerce en question (visa, autorisation de mise sur le marché agrément, etc.), procès en contrefaçon dirigé contre le titulaire de la marque, contentieux sur la propriété de la marque aussi longtemps que l'action est en cours.

* 84 Il en va ainsi du réparateur qui indique les produits de quelles marques il répare ou entretient, et du producteur de pièces détachées, d'accessoires ou « consommables », susceptibles de s'adapter ou de fonctionner sur des produits de marque.

* 85 Encore dits accords de coexistence (ou de délimitation), c'est un contrat (ou clause de contrat) par lequel les titulaires de deux marques proches ou identiques conviennent de délimiter le rayon d'action respectif de chacun, afin de ne pas se gêner mutuellement et de ne pas engager d'actions en contrefaçon l'un contre l'autre. Forme de transaction semblable à celle prévue aux articles 2044s du Code civil.

* 86 Au sens du droit de la concurrence.

* 87 POUGOUE (P-G), Le petit séisme du 14 août 1992, Rev. Jur. Afr. 1994, p. 28.

* 88 Objectif hautement avoué dans le préambule du traité OHADA dont sont signataires la plupart des Etats membres de l'OAPI.

* 89 POLLAUD-DULIAN (F), op. cit. p.624.

* 90 Cf. KUATE TAMEGHE (S), Le concessionnaire de marque automobile au Cameroun, mémoire de maîtrise, UDS/FSJP, 1997, p. 5

* 91 Art. 30 al. 1 annexe III de l'accord

* 92 Mais ne peut être supérieure à la durée de l'enregistrement ; art. 29 al. 1 annexe III de l'accord.

* 93 Cas du franchiseur qui fabrique et marque des produits de prêt-à-porter qu'il distribue dans le cadre d'un réseau de plusieurs franchisés.

* 94 L'on désigne ainsi des indications données par le concédant pour permettre au concessionnaire de s'approvisionner en produits de qualité équivalente.

* 95 Comparer à l'art 1728 du Code civil sur le bail, qui impose au preneur « d'user de la chose en bon père de famille »

* 96 La cession peut aussi prendre la forme d'un apport en société, soit de la marque isolée, soit comme élément du fonds de commerce, lorsqu'il s'agit d'un apport en pleine propriété. S'il s'agit d'un apport en jouissance, la situation s'apparente davantage à une licence. (cf. Y. REINHARD, « L'apport en société des droits de propriété industrielle », in mélanges CHAVANNE, 1990, p. 297 et p. 305)

* 97 Art 1603 du Code civil.

* 98 Articles 1604 et 1615 du Code civil.

* 99 Art 1625 du Code civil.

* 100 Art 1628 du Code civil.

* 101 Par exemple, il garantit le cessionnaire contre les actions en revendication ou en contrefaçon.

* 102 Art 1629 du Code civil. La clause qui supprime entièrement cette garantie, dite « aux risques et périls », est encore plus radicale. Elle est licite mais change la nature de la cession, qui devient un contrat aléatoire : elle doit donc être stipulée de façon expresse et non ambiguë.

* 103 Il revient au juge de l'apprécier ; en ce sens, CS arrêt n°2 du 19 octobre 1965, affaire KEMAYOU HABBI Louis c/ Société John HOLT Douala.

* 104 Art 1643 du Code civil

* 105 CJCE, arrêt du 28 janvier 1986, affaire 161/84 Pronuptia de Paris.

* 106 Toutefois, en cas de redressement judiciaire ou de liquidation du licencié, l' intuitu personae  ne saurait entraîner la résiliation du contrat ni faire obstacle à la décision de continuation du contrat par le syndic.

* 107 A titre de droit comparé, règlement CEE n°4087/88 de la Commission Européenne du 30 novembre 1988 concernant l'application de l'article 85, paragraphe3, du traité à des catégories d'accords de franchise, JOCE du 28 décembre 1988.

* 108 Exemples, loi camerounaise n°98/13 du 14 juillet 1998 relative à la concurrence ; loi n°014/98 du 23 juillet 1998 fixant régime de la concurrence en république gabonaise ; loi congolaise n° 6-94 du 1er juin 1994 portant réglementation des prix, des normes commerciales, constatation et répression des fraudes ; loi centrafricaine n°92.002 du 26 mai 1992 portant libéralisation des prix et réglementation de la concurrence.

* 109 Règlement n°1/99/UEAC-CM-639 du 25 juin 1999 portant réglementation des pratiques commerciales anticoncurrentielles ; Règlement n°3/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002 relatif aux procédures applicables aux ententes et abus de position dominante de l'UEMOA.

* 110 Notamment dans les cas où une clause concernant la marque est insérée dans un contrat portant sur la concession d'un brevet.

* 111 Art 39 al 2 AUDCG.

* 112 Certaines clauses dites « de garantie européenne », insérées dans le contrat, ont pour objet de faire profiter le client de la garantie « maison » du réseau. Il peut alors actionner en garantie un centre pilote qui ne lui a pas vendu le produit.

* 113 GAST (O), les procédures européennes du droit de la concurrence et de la franchise, Jupiter, 1989, p. 22.

* 114 Art 4-c du règlement (CEE) n°4087/88 précité. Exemple : panonceau placé en évidence dans son magasin indiquant qu'il possède et exploite de manière indépendante son commerce sur forme de franchise ; obligation faite au franchisé de n'utiliser la marque que suivie de la mention « franchisé de ».

* 115 Paris, 11 févier1987, D.1987, Information rapide, p.64.

* 116 Pour plus de développement y relatif, lire NJEUFACK TEMGOUA (R), La protection de la concurrence dans la CEMAC, thèse de doctorat, FSJP/UDS, 02 décembre 2005, n°284, p. 245-246.

* 117 Limité dans le temps, l'espace et le genre d'activité. Mais, le franchisé peut avoir l'obligation de ne pas acquérir de participation financière dans une entreprise concurrente, qui lui donnerait le pouvoir d'influencer le comportement économique d'une telle entreprise.

* 118 MARTIN-ACHARD, « La cession libre de marque », thèse Genève, 1946 ; D. REIMER, « La cession libre de marque », P. I, 1954, p. 162.

* 119 Art 116 al 3 AUDCG.

* 120 Définition empruntée au Lexique des termes juridiques.

* 121 Al 2 art 631 du Code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 31 décembre 1925.

* 122 ANOUKAHA (F), « La commercialité dans le droit OHADA », thème de droit commercial, cours de DEA, FSJP/UDS, décembre 2006, inédit.

* 123 JEUNE AFRIQUE ECONOMIE, n°366, Septembre 2005, p.33.

* 124 M. Francis GURRY, Les projets de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, in Arbitrage et propriété intellectuelle, colloque organisé par l'Institution de Recherche en Propriété Intellectuelle HENRI-DESBOIS (Paris, 26 janvier1994), Litec, 1994, p. 33.  

* 125 Art 1er AUA : « Le présent Acte uniforme a vocation à s'appliquer à tout arbitrage lorsque le siège du tribunal arbitral se trouve dans l'un des Etats membres ».

* 126 ROUBIER, traité, T.1, n°80.

* 127 Cass. Com. 26 novembre 1996, « Studio Action », PIBD, 1996, n°625.III.63 (terme banal dans la spécialité, indissociable de l'ensemble qui constitue la marque complexe déposée).

* 128 Des termes tels formule, façon, système, imitation, genre, méthode, etc.

* 129 TGI Bafoussam, jugement n°87/ADD/civ. Du 02 juillet 1996, affaire société REEMTSMA CIGARETTEN FABRIKEN GMBH et société GTDC c/ SITABAC et autres.

* 130 R. PLAISANT, « protection et défense de la marque de fabrique », 5e édition, n°O.26.

* 131 ROUBIER, op. cit. n°80.

* 132 E. HIRSCH6BALLIN, « imitation par contraste », mélanges ROUBIER, 1961, T.2, p. 489. L'illustration classique de l'imitation par contraste est fournie par le litige qui opposa jadis la marque « la vache qui rit » à son imitatrice, « la vache sérieuse » : Paris, 4 mars 1959, D.1960, p. 26, obs. DESBOIS.

* 133 Sur le dénigrement d'une marque dans une émission satirique, Cass. Com. II, 2 avril 1997, « Les guignols c/Peugeot », D. 1997, p. 411, obs. B. EDELMANN.

* 134 Utilisation de la marque de produits du tabac dans une campagne macabre contre la tabagisme. Cass. Com. 21 février 1995, Bull. civ. IV, n°55 p.52.

* 135 A titre de droit comparé, article 7 de la directive Européenne du 21 décembre 1988. Voir également R. KOVAR, « Le reconditionnement des produits marqués », mélanges BURST, 1997, p. 273.

* 136 Importation de produits contrefaits à l'étranger.

* 137 Cass. Com. 27 février 1996, Bull. civ. IV, n°66, p. 52 ; PIBD. 1996 n°613.III.355 « En retenant que la société Euromarché en procédant au référencement des produits contrefaits sélectionnés par ses soins a joué un rôle d'intermédiaire entre la société Grande Surface de Millau et le distributeur, la cour d'appel a pu en déduire (...) qu'une telle activité constituait un acte de contrefaçon ».

* 138 Art 47 al 1 de l'annexe III.

* 139 Cf. loi n°89/019 du 29 décembre1989, modifiant et complétant certaines dispositions de l'ordonnance n°72/4 du 26 août 1972 portant organisation judiciaire.

* 140 Art. 47 al.2 de l'annexe III.

* 141 TANGOUE Y TCHOUTEZO Edgar, La contrefaçon en matière de marque, mémoire de maîtrise. UDS/FSJP, 1997.

* 142 Art. 48 al.1 de l'annexe III.

* 143 Idem.

* 144 Par exemple, saisi entre les mains du saisissant lui-même, d'une montre contrefaite confiée pour réparation.

* 145 TGI de Bafoussam, jugement n°87/ADD/civ. Du 02 juillet 1996 précité, notamment « (...) qu'il s'agit de deux procédures différentes et dont la confusion des frais ne saurait être admise »

* 146 Ce délai passe ainsi d'un mois (ancien article50) à dix jours et traduit un souci de célérité.

* 147 Art.14 du traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique

* 148 Cass. Com. 27 Octobre 1992, « Azzaro », D. 1992 p. 505 obs. A. BENABENT.

* 149 Voir le quotidien Cameroon Tribune du mardi 15 mai 2007, dossier portant sur la contrefaçon de produits cosmétiques, p. 27s .






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