ETIOLOGIES DES BLOCS AV
Il convient de distinguer les BAV aigus, le plus souvent
transitoires, des BAV chroniques. Le diagnostic entre BAV aigu et BAV chronique
peut être difficile et il faut tenir compte de l'age, du contexte
clinique et des données électrocardiographiques, de la prise
éventuelle de médicaments et de l'évolution du trouble
conductif. Dans le doute, il est raisonnable de ne pas procéder trop
vite à un appareillage définitif et cela d'autant que le sujet
est jeune à coeur sain.
I - Blocs auriculo-ventriculaires aigus
Les causes de blocs auriculo-ventriculaires aigus sont
dominées par l'infarctus du myocarde
A - Blocs auriculo-ventriculaires dans l'infarctus du
myocarde
L'infarctus du myocarde récent représente la
principale cause de bloc AV aigu. La mortalité demeure
élevée chez les sujets présentant cette complication.
Il est classique d'opposer les blocs AV des infarctus
antérieurs à ceux des infarctus inférieurs en raison d'une
évolution et d'un pronostic différents.
1 - Blocs auriculo-ventriculaires de l'infarctus
inférieur du myocarde
Dans l'infarctus du myocarde postéro-inférieur ou
postérieur, le BAV est fréquent, de siège nodal. Ils sont
fréquents en cas d'extension au ventricule droit et seraient plus
fréquents si l'infarctus inférieur est associé à un
sous-décalage de ST de V1 à V6. Quand ils
surviennent précocement, ils sont liés à l'hypervagotonie
(réflexe de Bezold-Jarisch) et sont donc sensibles à l'atropine.
Lorsqu'ils surviennent tardivement (quatrième ou cinquième jour)
ils sont dus à l'ischémie du NAV. L'installation du bloc est
progressive du premier au troisième degré. Les complexes QRS sont
habituellement fins avec une fréquence ventriculaire qui dépasse
généralement 40 / min et reste stable. Ils sont presque toujours
localisés au NAV.
Il n'existe aucun risque de pause ventriculaire et la
régression est habituelle au bout de quelques jours. Le risque
d'asystolie est très faible.
Sur le plan hémodynamique, ils sont habituellement bien
tolérés mais peuvent s'accompagner d'hypotension en rapport avec
une dysfonction droite ou une augmentation du tonus vagal qu'à une
défaillance du ventricule gauche.
Le retour à une conduction auriculo-ventriculaire normale
a habituellement lieu par palier dans un délai variant de quelques
heures à plusieurs jours.
La mortalité hospitalière est de l'ordre de 15% en
cas de bloc AV complet et atteint 41% lorsqu'une dysfonction ventriculaire
droite lui est associée.
2 - Blocs auriculo-ventriculaires de l'infarctus
antérieur du myocarde
Le bloc auriculo-ventriculaire est plus rare et lié
à un bibloc de branche ou un bloc tri-fasciculé. Ces blocs sont
toujours associés à des nécroses étendues
intéressant massivement le septum. L'apparition est brutale ( 12- 24
heures après le début de l'infarctus ), mais toujours
précédée des troubles de la conduction intra
ventriculaire
et le risque de pause est important. Ce peut être un bloc
auriculo-ventriculaire de 2ème degré type II ou
à période fixe ou plus souvent un bloc auriculo-ventriculaire de
3ème degré avec rythme d'échappement lent et
instable: les QRS sont toujours larges. Le pronostic est très
sévère avec une mortalité hospitalière lourde,
voisine de 70 à 80 %, plus en rapport avec l'étendue de la
nécrose qu'au trouble de la conduction. La guérison se fait sur
un mode incomplet avec risque de récidive.
B - Les blocs auriculo-ventriculaires
infectieux
1 - L'endocardite bactérienne
Elle peut léser le tissu conductif à partir d'un
abcès septal. Un bloc AV est observé plus fréquemment en
cas de localisation aortique que mitrale et les blocs du deuxième ou du
troisième degré ne sont présents que dans les abcès
aortiques.
2 - Le rhumatisme articulaire aigu et la
diphtérie
La myocardite compliquant une poussée de rhumatisme
articulaire aigu ou une diphtérie reste classique.
Le bloc rhumatismal est habituellement nodal et se limite
généralement à un simple allongement de PR mais peut
atteindre le deuxième ou le troisième degré.
Le bloc diphtérique est plus grave car il est dû
à des lésions plus diffuses de siège sous-nodal
3 - Autres causes infectieuses
Des troubles conductifs peuvent être observés lors
de nombreuses maladies infectieuses : rougeole, mononucléose
infectieuse, hépatite, oreillons rickettioses...
Au cours de la maladie de Lyme ( spirochétose due à
Borrelia burgdorferi), un BAV de degré variable peut survenir.
Le diagnostic suspecté en présence de
manifestations cutanées, articulaires ou méningées dans un
contexte fébrile, est confirmé par les résultats de la
sérologie. L'évolution de la maladie est favorable sous
traitement antibiotique avec régression de la plupart des blocs en une
à deux semaines et disparition totale pratiquement de tous les blocs en
6 semaines; passé ce délai il faut discuter l'indication d'une
stimulation cardiaque définitive.
C - Les blocs auriculo-ventriculaires
iatrogènes
1 - Les blocs auriculo-ventriculaires
médicamenteux
Ø L'intoxication digitalique occupe la première
place. Le bloc est toujours nodal,
régresse progressivement et disparaît sans laisser
de séquelles.
Ø Les bêtabloquants, les anticalciques
bradycardisants ( vérapamil, diltiazem ) et
l'amiodarone dépriment la conduction nodale et
déterminent un bloc AV en cas de surdosage ou d'atteinte
préalable du noeud AV.
Ø Les anti-arythmiques de classe Ia et Ic ralentissent la
conduction sous nodale et
peuvent pour certaines concentrations sériques
élevées, être responsables de BAV transitoires, surtout si
la conduction dans le système His - Purkinje est déjà
pathologique.
2 - Blocs auriculo-ventriculaires et chirurgie
cardiaque
Ils s'observent surtout dans les interventions visant à
corriger certaines cardiopathies congénitales (communication
interventriculaire, communication auriculo-ventriculaire, transposition des
gros vaisseaux) et après chirurgie valvulaire.
Leur régression est possible lorsqu'ils sont de
siège nodal. Passé un délai de trois semaines, on peut les
considérer comme définitifs.
3 - Bloc AV traumatique lors du
cathétérisme cardiaque droit
Ils surviennent chez des patients déjà porteurs
d'un bloc de branche gauche complet.
4 - Le bloc auriculo-ventriculaire compliquant une
procédure d'ablation
Le traitement curatif des tachycardies jonctionnelles par
ablation du circuit de réentrée intra nodale peut se compliquer
de bloc AV complet. Le bloc peut être immédiat ou retardé
jusqu'à trois jours après l'ablation
II - Les blocs auriculo-ventriculaires
chroniques
A - Les blocs auriculo-ventriculaires
congénitaux
Le bloc auriculo-ventriculaire congénital est
défini ( Yater ) comme un trouble de conduction documenté,
découvert chez un sujet jeune présentant une bradycardie
indiscutable et précoce, en l'absence d'histoire infectieuse qui aurait
pu le provoquer après la naissance. C'est une affection rare ( 1 cas sur
20000 naissances ), le bloc est soit associé à une malformation
congénitale soit isolé. Les lésions anatomiques des blocs
auriculo-ventriculaires congénitaux à QRS fins sont
représentées soit par l'absence de connexion entre les fibres
musculaires du septum auriculaire et le NAV, isolé dans du tissu, soit
par une lésion du tronc commun du faisceau de His, interrompu
partiellement ou totalement par une expansion du trigone fibreux ou par
l'insuffisance de développement du faisceau de His, rudimentaire et
agénésique.
La découverte est parfois foetale grâce à
l'échographie anténatale. Après la naissance le diagnostic
est électrocardiographique, le bloc n'est pas toujours complet et fixe,
son degré pouvant se majorer au fil des années. Chez le foetus,
le bloc auriculo-ventriculaire isolé s'accompagne habituellement d'un
rythme d'échappement supérieur à 60/ min et autorise un
accouchement par les voies naturelles
1 - Le bloc auriculo-ventriculaire congénital
isolé
C'est une maladie immunologique de la mère qui en est la
cause, expliquant le caractère parfois familial de l'affection. Son
origine congénitale n'est indiscutable que s'il a été
diagnostiqué dès la naissance ou même in utero. Les blocs
isolés apparaissent alors qu'une maladie de système est
présente chez la mère à la naissance ou est
découverte assez longtemps après.
Les anticorps maternels sont capables, en traversant le placenta
de passer dans la circulation foetale, d'induire une inflammation myocardique
spécifique qui altère de façon permanente le tissu de
conduction du coeur foetal en développement.
Des anticorps anti-Ro ( SSA ) sont retrouvés chez 85% des
mères et un anticorps de type Ig G à la
ribonucléoprotéine soluble peut être présent dans
le sérum des nouveau-nés et de leur mère, qu'elle ait ou
non des symptômes.
Pendant longtemps, le BAV congénital a été
considéré comme relativement bénin et bien
toléré, mais les études récentes montrent qu'il
peut être responsable d'asthénie, d'intolérance à
l'effort, de lipothymies, de syncopes ou de mort subite non
prévisible.
Quelques observations de BAV familial ont été
rapportées. Il serait transmis sur le mode autosomique dominant. Il se
rencontre dans la même famille ou sur plusieurs
générations.
2 - Le bloc AV congénital associé à
une cardiopathie congénitale
Cette association se rencontre dans environ un tiers des cas.
Quatre types de malformations cardiaques sont classiques :
Ø La fibrose endomyocardique
Ø Les anomalies morphologiques à proximité
du système conductif ( transposition
des gros vaisseaux, isomérisme gauche )
Ø Le canal artériel
Ø La communication inter auriculaire type ostium primum.
B - Les blocs auriculo-ventriculaires acquis
dégénératifs
Ils représentent la cause la plus fréquente des BAV
chroniques (38 % d'après Davies) et s'observent dans plus de 75% des cas
chez les sujets âgés de plus 65 ans. Le dénominateur commun
est la présence d'une fibrose sévère, image histologique
d'un processus ancien, cicatriciel, sans caractère spécifique.
Le processus sclérodégénératif
atteint dans trois quarts des cas, uniquement la partie moyenne ou distale des
branches sans lésions du myocarde adjacent, comme on l'observe dans la
maladie de Lenègre qui prédomine chez l'homme.
Dans 15 à 20 % des cas, les lésions siègent
préférentiellement sur la partie proximale et gauche du
système His - Purkinje au niveau de la bifurcation du faisceau de His et
de la partie toute initiale de la branche gauche ( maladie de Lev ).
Les lésions dégénératives ne touchent
le noeud auriculo-ventriculaire que dans
5 -10 % des cas.
L'évolution du processus est lente et le BAV complet est
précédé pendant des années par des témoins
électriques de lésions latentes localisées à un ou
plusieurs segments des voies de conduction et par des phases de bloc AV
paroxystique
C - Les blocs auriculo-ventriculaires acquis
d'étiologie définie
1 - Les valvulopathies aortiques
Les voies de conduction AV sont altérées dans la
partie haute du septum par des mouvements de tiraillement et de torsion, par la
pénétration de spécules calcaires en cas de sténose
aortique calcifiée et par les microtraumatismes du faisceau de His dus
au jet régurgitant en cas d'insuffisance aortique importante. Des BAV de
tous degrés ont été décrits, mais les blocs
complets sont exceptionnels; il s'agit le plus souvent d'un bloc du premier
degré.
2 - Les myocardiopathies
Le bloc AV est rare dans les variétés
dilatées, il est exceptionnel dans les variétés
hypertrophiques.
3 - Le bloc auriculo-ventriculaire par infiltration
septale
L'atteinte du tissu conductif est due à la présence
de dépôts amyloïdes (amylose cardiaque), ferriques
(hémochromatose) et exceptionnellement topacés (goutte) ou
oxaliques (oxalose).
Une infiltration septale peut s'observer également au
cours des leucémies ou de la maladie de Hodgkin.
4 - Bloc auriculo-ventriculaire et tumeurs
cardiaques
Le mésothéliome, tumeur bénigne
localisée au NAV, provoque la dégénérescence
kystique de cette structure et est responsable d'un BAV à QRS fins.
Les sarcomes primitifs du coeur se développent dans la
partie haute du septum, atteignent les branches du faisceau de His .
Les autres tumeurs intéressent volontiers le NAV ou la
portion initiale du tronc du faisceau de His.
Au cours du SIDA, la localisation cardiaque de lymphomes malins
peut être
responsable de trouble de la conduction AV de haut degré
5 - Bloc auriculo-ventriculaire et maladies
systémiques
Un trouble conductif peut s'observer au cours du lupus
érythémateux disséminé, de la dermatomyosite, de la
sclérodermie, de la spondylarthrite ankylosante, de la polyarthrite
rhumatoïde, de la poly-chondrite atrophiante, et de la sarcoïdose
6 - Bloc auriculo-ventriculaire et myopathies
Dans la maladie de Steinert, un allongement de PR n'est pas rare
et BAV pourrait être responsable de mort subite.
Le syndrome de Kearns et Sayre, associe une ophtalmoplégie
externe bilatérale, une rétinite pigmentaire et des troubles
conductifs par atteinte des voies infrahissiennes compliqués de syncopes
dans 45 % des cas .
D - Les blocs auriculo-ventriculaires chroniques
iatrogènes
1 - Interruption volontaire de la jonction
auriculo-ventriculaire
C'est une indication posée en cas d'arythmies auriculaires
rebelles au traitement médical. Les lésions induites par la
radiofréquence sont très localisées au NAV et
évoluent vers la fibrose homogène. Le pourcentage de patients
stimulo-dépendants
serait de l'ordre de 30 %.
2 - Les blocs auriculo-ventriculaires
radiques
Ils sont rares et la radiothérapie ne peut être
incriminée qu'après avoir éliminé les autres causes
de BAV.
Ils apparaissent après une irradiation médiastinale
supérieure à 35 Gray, avec un temps de latence très long
pouvant atteindre 20 ans. Leur survenue est précédée d'une
atteinte péricardique, voire de bloc de branche.
III - Bloc auriculo-ventriculaire et hypertonie vagale
Le bloc auriculo-ventriculaire vagal siège toujours au
niveau du NAV et est ainsi associé à des QRS fins. La clé
du diagnostic du BAV vagal est la présence d'un ralentissement sinusal
plus ou moins marqué. Il peut être reproduit par les manoeuvres
vagales et le test d'inclinaison ou apparaître lors de la phase de
récupération d'une épreuve d'effort.
L'hypertonie vagale peut être aiguë et se traduire par
des malaises ou des syncopes en rapport avec une brusque stimulation
parasympathique réflexe. Elle peut aussi être chronique, notamment
chez des sujets jeunes et sportifs, et entraîner sur un fond de
bradycardie un bloc du premier degré ou du deuxième degré
de type I qui s'observe au repos chez 9 % des athlètes soumis à
un entraînement intensif. Ces blocs asymptomatiques disparaissant
à l'effort doivent être considérés comme
physiologiques au même titre que ceux observés par enregistrement
Holter en période nocturne chez des patients jeunes.
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