Première Partie
Première partie: Une développement
politico-
institutionnel empirique: de 1419 à 1978
Chapitre1. De 1419 à 1866: Le Conseil de la
Terre: une réalité fédéral?
Comme nous avons pu le voir en introduction, les
paréages de 1278 et 1288 ont octroyé la neutralité
politique et internationale des vallées d'Andorre. L'exécutif fut
partagé entre la Mitre de la Seu d'Urgell et le Comté de Foix.
Cependant, restait en suspens la question de l'organisation interne des
vallées: que faire? Comment s'organiser? A Qui appartient le
pouvoir21?
Section 1. 1419: Institutionnalisation d'un
proto-fédéralisme
L'Histoire institutionnelle de l'Andorre commence beaucoup
plus tôt. Alors, pourquoi ce choix de 1419? Il s'agit tout simplement de
l'institutionnalisation du Conseil de la Terre (ou Consell de la
Terra) et donc de la première reconnaissance de la
personnalité juridique et morale du peuple andorran comme entité
autonome. Précisément, le 11 février 141922,
l'Evêque de la Seu autorise la création d'un Conseil de la Terre,
officiellement, pour permettre aux andorrans de pouvoir gérer en commun
les affaires dont la dimension supra-paroissiale ne permettent pas une gestion
localisée.
Cette assemblée est issue d'une pratique
séculaire de réunions informelles entre caps de casa
(chefs de famille) concernant des conflits contractuels.
L'institutionnalisation ne procède donc pas ex nihilio, mais
bel et bien d'une nécesité formelle. D'ailleurs, dans les tous
premiers moments (mais ceci changera plus tard), ce Conseil ne sera
chargé que de régulations contractuelles.
21 J'emplois volontairement cet idée matérielle que
le pouvoir appartient à quelqu'un comme une figure de style; Bien
entendu, l'on sait en sociologie politique que le pouvoir n'est
qu'exercé contextuellement et non possédé.
22 L'Andorre, que sais-je?, Alain Degage et Antoni Duro i
Arajol
La formalisation de cette pratique engendre deux
particularités fondamentales qui seront au centre de maintes
débats politiques, encore développés aujourd'hui. Tout
d'abord, la reconnaissance, comme nous l'avons déjà fait
constater, du peuple andorran comme une entité autonome. Enfin,
l'émergence de pratiques fédéralisantes instituées.
Ces deux points sont importants à saisir pour la suite.
1419 est donc une date fondamentale pour la structure
politico-institutionnelle de la Principauté. Il faut savoir, donc ,
qu'il s'agit des premiers balbutiments de la pratique fédérative.
En outre, la création du Conseil de la Terre provoque l'émergence
d'un échelon supra-paroissiale, jusqu'à ignorée de
droit, mais pratiqué de fait. Cette échelon, nous le verrons
en suivant, possède un nombre certains de compétences sur
lesquelles il peut statuer. De plus, sa structuration interne promeut le
consensus entre toutes les paroisses.
Le fait important qu'il faut signaler, sur ce nouvel
échelon, est qu'il comble un vide. En effet, la structure politique
andorrane était formée jusqu'alors ainsi:
- l'individu, comme fondement de la société
paroissiale, mais membre d'une casa, c'est-à-dire d'un ensemble
homogène d'intérêts familiaux,
- le quart (hameau), ou veïnat,
division adminsitrative regroupant un ensemble de cases (familles).
Cet échelon est à la fois la base réelle de la
société andorrane mais aussi l'organe identitaire de rattachement
de chaque andorran,
- la parroquia (paroisse), au nombre à cette
époque de six, forme un ensemble hétérogène de
quarts et de veïnats, et gère les affaires
publiques dans le cadre de leur base géogrpahique,
- Les Coprinces (Coprinceps), sont à la fois les
garants de l'exécutif et du judiciaire. Entendu de manière
immatérielle, ils exercent et représentent l'échelon
« national ».
Selon ce schéma, il est clair que le
fédéralisme de type patriarcal était déjà
présent en Andorre. Cepedant, il s'agit là d'une forme que l'on
pourrait qualifier de première et basique du fédéralisme.
Il apparaît nécessaire de discuter plutôt de
l'émergence d'une fédéralisme de paroisses, donc, au
niveau national. Comme le récapitulatif le montre, le vide provient d'un
manque au niveau national de l'expression de la volonté andorrane.
Entendue à cette époque, il ne s'agissait, dans les premiers
temps, pas d'une volonté certaine et affirmée
d'méancipation politique mais plutôt d'une gestion subsidiaire des
conflits contractuels. Nous le verrons, ce n'est que par une
légitimité empirique que la volonté politique andorrane
émergera, petits pas
à petits pas.
Pour conclure sur cette étude, nous pouvons dire que le
Conseil de la Terre prendra différentes nominations: Conseil des
Vallées (Consell de les Valls), Conseil de la Vallée
(Consell de la Vall), et plus récemment (1472), Conseil
Général (Consell General). Cependant, jusqu'en 1866, il
ne changera quasiment pas de compétences, de fonctionnement et
d'organisation.
Pour citer le travail d'Antoni Fiter i Rossell, le Manual
Digest23 de 1748, dans son premier livre, il parle ainsi de la
création de ce qu'il appelle le Consell General, mais que nous
appelerons Consell de la Terra: « per ser totes les Valls Patria
Comù ». Dans cette citation, on s'aperçoit que l'accent
est mis sur le sentiment de communauté des vallées, qui
émerge à cette époque.
23 Cet ouvrage participe majoritairement à l'histoire
insitutionnelle de l'Andorre, puisqu'il s'agit du premier traitant de
l'exposé des institutions et de leur fonctionnement.
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