De l'action en rétrocession en cas de libéralités excessives en droit positif rwandais( Télécharger le fichier original )par Pie HABIMANA Université Nationale du Rwanda - Licence 2008 |
B. Conditions relatives au gratifiéEn vertu de l'art. 28, al.1 de la loi no 22/99 du 12 novembre 1999, la libéralité ne produit d'effets qu'au jour de son acceptation par le bénéficiaire et en cas de consentement non vicié c'est à dire libre et éclairé du gratifié. Primo, le gratifié doit être une personne physique ou morale. Sont donc exclus de la qualité de gratifié, les animaux34(*), les défunts et les personnes déclarées absentes ou portées disparues35(*). Et, F. TERRE et Y. LEQUETTE affirment à juste titre que ce qui n'est pas sujet de droit n'a pas, évidemment, la personnalité juridique et ne peut donc recevoir à titre gratuit36(*). Secundo, le gratifié doit être capable. Les incapacités de recevoir à titre gratuit sont tantôt des incapacités de jouissance frappant les personnes non conçues, ou conçues mais qui ne sont nées vivantes (art. 16 C.C.L. I), les associations dénuées de la personnalité juridique, les personnes dont l'absence est déclarée ; tantôt des incapacités d'exercice frappant les mineurs non émancipés, les majeurs en tutelle et les majeurs en curatelle37(*). Dans ces derniers cas, les personnes mentionnées ne peuvent être gratifiées que par le biais de la représentation. Alors que l'incapacité est sanctionnée par une nullité relative, l'on considère que l'incapacité de recevoir frappant les personnes non conçues ou incertaines est sanctionnée par la nullité absolue38(*). Tertio, le gratifié doit être déterminé et certain, ou le disposant doit avoir posé les critères permettant de l'identifier; ce qui permet de vérifier le consentement et la capacité du gratifié. Par conséquent, sont interdits les libéralités au profit de personnes ni déterminées ni déterminables39(*). C. Conditions relatives à l'objet et à la causeL'objet d'une libéralité est la chose donnée ou léguée. Conformément à l'art. 32 de la loi no 22/99 du 12 novembre 1999, est nulle toute libéralité dont l'objet est illicite c'est à dire contraire à l'ordre public ou immorale c'est à dire contraire aux bonnes moeurs ainsi que toute libéralité portant sur une chose d'autrui. Soutenu par A. SERIAUX, l'art. 27 CCL III, selon lequel, seules les choses in commercio peuvent être l'objet des conventions, ne trouvent pas application dans les libéralités, parce que, certains biens, pourtant hors commercio, peuvent être transférés gratuitement. Disons, donner son sang est admis, voire encouragé40(*). A travers les avis divergents émis par les auteurs, la cause des libéralités fut vivement controversée depuis le XIXè siècle. A vrai dire, précise H. DE PAGE, aucun auteur ne nie que la donation ou legs doivent avoir une cause, mais on ne s'entend pas sur ce qu'il faut entendre exactement par cause dans les libéralités41(*). Pour les uns, continue DE PAGE, la libéralité contient nécessairement en elle-même sa cause, celle-ci étant l'animus donandi, à l'état abstrait et les motifs qui l'ont inspiré restent indifférents, qu'ils soient erronés ou illicites ou immorales; tandis que pour les autres, la cause d'une libéralité, c'est le motif, à la condition bien entendu qu'il soit démontré essentiel à l'acte, qu'il en ait été la raison fondamentale et décisive; c'est la théorie dite de la cause impulsive et déterminante42(*). Ainsi, une libéralité dont la cause est erronée, illicite ou immorale devient nulle. Dans la conception actuelle, la théorie de HUC, de BAUDRY-LACANTINERIE, et d'AUBRY et RAU, qui défendait l'animus donandi, n'a plus aujourd'hui qu'un intérêt historique, parce que la doctrine contemporaine est complètement ralliée à la théorie de la cause impulsive et déterminante, et il en est de même de la jurisprudence, dont les arrêts en ce sens, ne se comptent plus43(*). Une libéralité entre concubins mérite une précision. Ainsi, les concubins ne sont, comme tels, frappés d'aucune incapacité de recevoir. Néanmoins, les libéralités qu'ils se font sont illicites lorsque la cause impulsive et déterminante a été les relations de concubinage, pour dire qu'une libéralité qui s'expliquerait par une autre cause, démontrée réelle et justifiée, reste licite44(*). Et récemment, la cause des libéralités a fait l'objet de deux arrêts importants de la Cour de Cassation de Belgique45(*) : · Cass., 6 novembre 1989 : en l'espèce, les parents d'une femme avaient fait donation à elle et à son mari en considération du mariage. Après divorce, les parents ont demandé en justice que ce soit constaté la révocation pour disparition de la cause. La Cour de Cassation l'a admis. · Cass., 21 janvier 2000 : un grand-père avait légué sa quotité disponible à ses petits enfants au lieu de son fils, Serge Thibaut de BOUZINGUE, poursuivi pour détournement, afin de faire échapper ses biens aux créanciers de son fils une fois condamné. Le fils acquitté, après mort du père, demande la caducité du testament. La Cour l'a refusé sous motif que le testament avait déjà produit ses effets. Cela sous entend que si le père était encore vivant, la caducité du legs aurait été prononcée. De ces deux arrêts, l'on conclut que la cause des libéralités réside dans les motifs ou mobiles qui ont poussé le disposant à gratifier. Enfin, une cause illicite ou immorale annule la libéralité, comme dans le droit commun. C'est l'exemple d'une libéralité consentie pour féliciter un crime commis. Comme vu supra, les libéralités transfèrent un bien d'un patrimoine à un autre sans contrepartie. D'où une réglementation particulière. * 34 Sur les libéralités faites aux animaux, voy. en particulier l'affaire du chien "Costaud" : souscription ouverte au profit d'un chien d'aveugle ayant sauvé la vie d'un enfant. La Cour de Lyon, en date du 20 octobre 1958 y a vu, de manière très orthodoxe, un ensemble de donations faites à l'aveugle avec affectation spéciale au profit du chien. Pour de plus en plus de précision, voy. A. SERIAUX, op. cit., p. 112. * 35 Ces personnes sont présumées mortes d'après les articles 18-20 et 25 à 29 du C.C.L. I. * 36 F. TERRE et Y. LEQUETTE, op. cit., p. 231. * 37 L. BACH, op. cit., p. 306 ; voy. aussi R. PIRSON, op. cit., pp. 114-124. * 38 F. TERRE et Y. LEQUETTE, op. cit., p. 245. * 39 S. GUINCHARD, op. cit., p. 193. * 40 Voy. A. SERIAUX, op. cit., p. 126. * 41 H. DE PAGE, op. cit., pp. 336-342. * 42 Idem, p. 346. * 43 Idem, p. 342. * 44 R. PIRSON, op. cit., pp.134 - 137 ; H. DE PAGE, op. cit., p. 346. * 45 Ces deux arrêts sont trouvés sur X., "Droit des libéralités, caducité pour disparition de la cause", http://www.cerclededroit.be/_cercle/_resumes/successions-notesdecours.doc, consulté le 28 novembre 2007.
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