De l'action en rétrocession en cas de libéralités excessives en droit positif rwandais( Télécharger le fichier original )par Pie HABIMANA Université Nationale du Rwanda - Licence 2008 |
B. Critères des libéralitésDes différentes définitions des libéralités réunissent les trois éléments constitutifs des libéralités qui servent de critères des libéralités. Tels sont l'appauvrissement du disposant, l'enrichissement corrélatif du gratifié et l'animus donandi autrement dit l'intention libérale ou l'esprit libéral. Il sied d'insister que tous ces éléments doivent être réunis pour parler des libéralités, et l'absence de l'un suffit pour disqualifier l'acte de libéralité. L'appauvrissement du disposant combiné de l'enrichissement du gratifié constituent l'élément matériel des libéralités, tandis que l'animus donandi constitue l'élément intentionnel ou psychologique. Toute libéralité suppose un appauvrissement du disposant corrélatif à un enrichissement sans contrepartie du gratifié, c'est à dire qu'un rapport de causalité doit exister entre l'un et l'autre15(*), à savoir la transmission d'une valeur d'un patrimoine à un autre. Cet appauvrissement du disposant a pour cause l'absence d'une contrepartie de nature économique et de valeur sensiblement égale16(*). C'est ainsi qu'une contrepartie de nature morale (générosité, charité, vanité, orgueil) n'exclut pas la possibilité d'une libéralité comme a été décidé par le Tribunal de Mamers le 2 février 187517(*). L'exigence d'un dépouillement (appauvrissement) permet d'exclure du concept de libéralité, les contrats de bienfaisance comme le prêt à usage, le mandat, le cautionnement, parce que tels contrats n'impliquent pas un dépouillement mais, tout au plus, le refus soit d'acquérir quelques biens (un manque à gagner), soit d'exiger une rémunération pour quelques services18(*); tout comme on exclut également des libéralités des actes de simple tolérance, comme la permission donnée, à titre précaire, par le propriétaire de passer sur son bien19(*). Cependant, l'appauvrissement et l'enrichissement de l'un et l'autre ne suffisent pas seuls, puisqu'à l'exemple d'un achat heureux c'est à dire à un prix avantageux, n'est pas une libéralité. La jurisprudence française abondant dans ce sens stipule : "il se peut, qu'il y ait, en quelque sorte, appauvrissement d'un patrimoine et enrichissement d'un autre sans que ce passage puisse être rattaché à une intention libérale ; il n'y aura donc pas, en pareil cas, de libéralité"20(*). Pourtant, si les trois éléments sont nécessaires, il importe de préciser que c'est l'élément intentionnel qui est plus prépondérant c'est à dire plus important. Il est vrai qu'une libéralité n'existe qu'autant qu'on rencontre chez le disposant l'intention libérale ou l'animus donandi exprimant sa volonté de gratifier sans contrepartie un tiers21(*) c'est à dire vouloir s'appauvrir pour enrichir le gratifié. Et d'ailleurs, c'est cette intention libérale ou animus donandi, qui sert à qualifier les actes douteux, ainsi jouant un rôle décisif22(*). Conformément au principe "actori incumbit probatio"23(*) et à travers les avis de nombreux auteurs, la preuve de l'intention libérale incombe à celui qui l'invoque, et peut être administrée par tous moyens24(*) c'est à dire de jure ou de facto. Cependant, la validité des libéralités exige nécessairement que certaines conditions soient remplies, ce qui est commun pour tous les actes juridiques. * 15 Me E. ERGAN, "Conditions des libéralités", la Tribune de l'Assurance, juin 2001, http://www.ordre-avocats-rennes.com/articles/Droit assurances/Droit Assurances.htm, consulté le 28 novembre 2007. * 16 L. RAUCENT, op.cit., p. 19 ; voy. aussi Civ. Bruxelles, 23 mars 1972, Pas., I, 1987, p. 612 et Cass. Fr., 23 mai 1973, Pas., 1975, II, p. 75. * 17 Trib. Mamers, 2 février 1875, cité dans L. RAUCENT, op. cit., p. 20. * 18 L. RAUCENT, op. cit., p. 16. * 19 Ibidem. * 20 Cass. Fr., 14 février 1989, Bull. Civ., 1989, I, no 79, p. 51 ; voy. aussi P. DELNOY, op. cit., p. 31. * 21 Me E. ERGAN, "Conditions des libéralités", la Tribune de l'Assurance, juin 2001, http://www.ordre-avocats-rennes.com/articles/Droit Assurances/droit Assurances.htm, consulté le 28 novembre 2007. * 22 H. DE PAGE, Traite élémentaire de droit civil belge: principes, doctrine, jurisprudences, T. 8, V. 1, 2è éd., Bruxelles, Bruylant, 1962, p. 33 ; voy. aussi F. LUCET et B. VAREILLE, op. cit., p. 107. * 23 Ce principe signifie que la charge de la preuve incombe au demandeur. * 24 L. BACH, Droit civil : régimes matrimoniaux, successions, libéralités, droit privé notarial, T. 2, 5è éd., Paris, Sirey, 1998, p. 301 ; voy. aussi F. LUCET et B. VAREILLE, op. cit., p. 107 ; L. RAUCENT, op. cit., p. 31 ; Civ. 3è, 31 mai 1989, Bull. Civ., 1989, III, no 126. |
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