CONCLUSION GENERALE
Bien que la succession eut été l'une des
rapports les plus importants et intervenant couramment dans la vie
traditionnelle des Rwandais, cela n'a pas empêché que cette
matière reste si longtemps régie par la coutume même
après l'introduction du droit écrit au Rwanda.
Cela est vrai parce que alors que d'autres textes
législatifs écrits datent du période coloniale, la
matière des régimes matrimoniaux, des libéralités
et des successions n'a trouvé des textes écrits qu'en date du 12
novembre 1999 par la loi no 22/99 du 12 novembre 1999
complétant le livre premier du code civil et instituant la
cinquième partie relative aux régimes matrimoniaux, aux
libéralités et aux successions.
Cette loi, la première qui régit cette
matière, protége plusieurs personnes dont le disposant
lui-même, sa famille, ses créanciers et même le
gratifié. Les libéralités ont toujours existé au
Rwanda, personne ne peut ignorer la pratique traditionnelle dite "guhana
inka" (donner la vache) qui entraînait quelquefois des
libéralités excessives même si la notion était
inconnue.
Caractérisées par leur illégalité
pour atteinte à la réserve qui est impérative, nonobstant
qu'elles sont licites et morales, les libéralités excessives se
trouvent actuellement contrecarrées par les dispositions
impératives de la loi no 22/99 du 12 novembre 1999, plus
précisément l'article 31 al. 2 qui limite la volonté de
disposer à 1/5 du patrimoine en présence d'enfant et 1/3 du
patrimoine à défaut d'enfant.
Certes, même s'il en est ainsi, il est également
difficile qu'une loi soit respectée dans la totalité de sa
rigueur, raison pour laquelle le législateur a consciencieusement
sanctionné des libéralités excessives par une
rétrocession, concurrente ou chronologique suivant les dates des
libéralités. C'est sur base d'une action en rétrocession
ouverte aux héritiers réservataires c'est-à-dire les
enfants et le conjoint survivant (d'après les prescrits de l'article 78
al. 2 de la loi no 22/99 du 12 novembre 1999) avec
possibilité de l'étendre aux tiers présentant un
intérêt légitime, que cette rétrocession est
réalisée.
Visant à protéger les héritiers
réservataires contre des libéralités excessives, cette
action une fois aboutie produit des effets ex tunc et opère
résolution des libéralités faites au détriment des
réservataires. Conséquemment, des biens donnés doivent
retourner dans le patrimoine du défunt afin de faire objet de partage
successoral.
En revanche, même si les réservataires semblent
être dans un abri de protection, cela n'est pas totalement vrai parce que
leur protection n'est pas absolue.
De prime à bord, cette action dont disposent les
réservataires pour contrecarrer les libéralités qui
nuisent à leurs intérêts, le législateur l'a
limité seulement aux biens sortis dans trois ans (article 79 de la loi
no 22/99 du 12 novembre 1999) avant l'ouverture de la succession.
Cela peut permettre au disposant de contourner les effets et la ratio
legis de cette loi. Par conséquent, les réservataires
risquent de voir les libéralités excessives consenties à
leur détriment mais dans l'impossibilité de les
rétrocéder.
Même si de l'autre côté cela permet de
garantir la sécurité du commerce juridique, il serait mieux que
le délai de forclusion de cette action soit reporté à cinq
ans, période qui sert de modération entre les droits des
réservataires et la sécurité des tiers.
De plus, du vivant du de cujus, les
réservataires peuvent assister et être témoins des
consentements à des libéralités qui pourraient
éventuellement porter atteinte à leur réserve, mais se
trouve dans l'inertie d'agir en justice étant donné qu'à
cet instant ils ne sont que des héritiers présomptifs. Ainsi,
pour une meilleure protection de leurs droits, il est souhaitable qu'ils soient
pourvus d'une action provisoire ou d'autres mesures conservatoires pour ne pas
voir leurs droits périr dans leurs yeux.
Nous ne pouvons pas nous en passer sans relever la situation
critiquable du conjoint survivant auquel la protection légale dont il
bénéficie est controversée dans une même loi.
Souhaitant qu'il soit protégé pour ne pas changer inexorablement
la vie qu'il vivait du vivant du de cujus, censée meilleure
qu'à celle de veuvage, le législateur lui a conféré
la qualité d'héritier réservataire dans l'article 78 al. 2
alors qu'il lui a refusé la vocation successorale dans l'article 66 de
la même loi.
Cela risque de compromettre ses intérêts aussi
longtemps que sa réserve n'est pas révisée car la pratique
démontre que celle-ci n'est que fictive. Il est autant souhaitable que
le législateur intervienne et de préférence que le
conjoint survivant figure lui aussi dans l'ordre de successibles.
Curieusement, le bénéfice de discussion
opposé aux réservataires en cas d'aliénation du bien
donné par le donataire réduit en maintes reprises les droits des
réservataires. La logique des choses commande la
préférence des réservataires et nous appelons par
là l'intervention du législateur.
Tout au surplus, il est incontestablement vrai que le
législateur rwandais est actuellement soucieux de moderniser les textes
législatifs pour une meilleure protection des droits tant patrimoniaux
qu'extrapatrimoniaux. Cependant, plusieurs personnes, surtout celles non
cultivées, restent ignorantes de leurs droits et celles qui les
connaissent ne savent pas dans bien de cas comment les exercer. Notre souhait
est qu'un système développé de sensibilisation par les
autorités habilitées soit mis en place corrélativement
à la modernisation législative.
Véritablement nous ne pouvons pas aventurer à
épuiser tous les problèmes que posent les
libéralités excessives et l'action en rétrocession en
droit rwandais. Ce qui nous a été possible est de relever les
points essentiels relatifs à la problématique de notre
étude ainsi que d'autres y afférentes et dégager les
idées pour un meilleur résultat juridique. Ainsi, nos efforts ont
permis de cerner la question afin d'y trouver des solutions
adéquates.
Par là, nous invitons tout lecteur de ce travail
à faire une réflexion avancée sur la matière
traitée afin d'enrichissement et contribuera ainsi à
l'évolution de notre droit.
Enfin, notre voeu consiste à ce que d'autres personnes
intéressées par la matière que nous avons mis en
lumière puissent y intervenir de manière approfondie plus
particulièrement le législateur qui dispose la clé de
l'arsenal juridique; tout cela pour une efficace et efficiente protection des
réservataires contre des libéralités excessives
via l'action en rétrocession.
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