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Les implications socio-sémiotiques et esthétiques du partage des photos numériques et des MMS


par Mahdi AMRI
Université Bordeaux 3 - Master 2 R Sciences de l'Information et de la Communication 2006
  

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Photos numériques : implications socio-sémiotiques

Thèmes et contextes d'échange

Le partage des photos numériques pour l'échantillon enquêté obéit à une fréquence régulière. La plupart des personnes enquêtées déclarent échanger des photos numériques avec leurs familles ou amis souvent et plus particulièrement lors des voyages et des grandes cérémonies. Les thèmes des photos échangées peuvent se rapporter à « tout et n'importe quoi » selon l'expression de Amine. Et c'est justement « le forfait illimité » qu'offre le caméscope (Prise instantanée des photos avec visualisation directe sur l'ordinateur) qui est à l'origine de cette pratique du tout photographiable.

Les scènes de la nature font partie prépondérante des objets photographiés. Elles requièrent pour la population enquêtée des dimensions purement esthétiques tout en offrant aux personnes qui les méditent des modalités de lecture variées.

Nous citons à ce propos le témoignage de Tamila :

« Parfois les images de la nature, le soleil qui se couche c'est incroyable, parfois c'est une petite fleur, un visage,...Tu vois ? Maintenant c'est très facile de faire des photos et dire ensuite ce sont des chef-d'oeuvres, des tableaux artistiques auxquels ont peut donner de différentes interprétations ». Tamila, 33 ans

Les thèmes des objets photographiés avec le caméscope renvoient également à des portraits intéressants d'hommes ou de femmes, à des auto-portraits, à des fêtes et des instants d'amitié et plus généralement à des objets différents de la vie quotidienne.

La photo numérique comme moyen de communication

Etant donné que l'appareil photo numérique offre la possibilité de voir instantanément les photos prises, les cadres de l'acte photographie deviennent très réduits tout en élargissant l'imagination du photographe, ce qui accroît le nombre des photos réalisées dans des postures bizarres et « débranchées ». Or, même si l'on peut prendre de telles photos dans le mode argentique, le numérique demeure plus propice et encourageant :

« Même avec l'appareil traditionnel tu peux faire des photos de différents endroits : des pieds , de la tête, des différentes parties du corps, mais le numérique encourage plus, tu vois c'est comme un film ». Tamila, 33 ans

Si la photo numérique est considérée comme un moyen de communication c'est parce qu'elle nous renseigne sur la vie privée des gens. Avec laquelle, les scènes de la vie quotidienne, les moindres détails même bêtes ou futiles peuvent requérir des significations intenses chez les différents usagers. A cet effet, Amine nous relate l'histoire de ce monsieur parti en voyage au Japon et qui s'amusait à prendre des photos des toilettes, des sandwichs qu'il consommait, bref de tout ce qui s'offrait au champ visuel de son appareil photo numérique.

Saïd soutient l'histoire de Amine tout en ajoutant qu'avec la technologie beaucoup de personnes cherchent à s'affirmer. Cela ne se réalise pas uniquement à travers la photo numérique mais aussi par d'autres moyens. Dans le domaine d'Internet, il peut s'agir par exemple des gens qui construisent leurs sites perso avec des touches très personnelles au niveau du contenu, de la conception graphique, des couleurs, etc.

Pour appuyer l'histoire de l'homme japonais racontée par Amine, Saïd fait référence à un autre exemple qui rentre dans le cadre de l'art culinaire. C'est l'histoire du tajine qu'il a réussi, qu'il a photographié avec son caméraphone, qu'il a montré à ses parents pour leur faire preuve de son progrès  : « Je peux montrer la photo à mes parents, à ma mère, voici j'ai appris à faire un tajine... C'est comme la preuve, voilà j'ai réussi à faire ça, j'ai la preuve que j'ai fait ça, donc je veux dire il faut me croire ». Saïd, 24 ans

Il ressort de ces deux exemples que la technologie altère notre rapport au quotidien. Elle révèle une certaine volonté de s'approprier les choses et de dominer l'espace. Nous pouvons aisément comprendre cette idée si l'on constate que dans le champ de la photo numérique en particulier, n'importe quel objet, n'importe quelle situation peuvent être photographiés et montrés aux autres, selon une mécanique répétitive qui donne aux objets qui semblent les plus banals les dimensions les plus larges.

Les situations de la vie privée appartiennent évidemment à la sphère des objets photographiés selon le mode numérique. Pour la plupart des personnes interrogées, la circulation des photos numériques dans la vie quotidienne est devenue une pratique courante ; elle est favorisée par la facilité de prendre un grand nombre de photos et de les échanger entre un nombre assez important d'utilisateurs. Cet échange est tout à fait normal lorsqu'il s'agit de partager des photos entre amis ou membres de la famille, mais parfois il peut entraîner des conséquences graves sur la vie privée. Parmi lesquelles par exemple la manipulation des photos personnelles et leur partage entre les différents usagers ou notamment leur diffusion sur le réseau Internet. Les photos argentiques, faut-il préciser, sont également soumises à la possibilité de manipulation et de diffusion à travers Internet (après leur scanérisation), mais avec des chances beaucoup plus moindres par rapport aux photos numériques qui sont plus accessibles

En fait, l'exposition de la vie intime à travers les photos numériques est qualifiée par l'ensemble des enquêtés comme étant un acte inadmissible sauf s'il s'agit d'envois nécessaires de photos pour les services de renseignements. Mais en général photographier la vie privée sans permission de l'autre reste toujours un acte « moralement et éthiquement interdit ». Cette exhibition de la vie privée au biais des photos numériques menace, selon notre échantillon interrogé, le droit à la vie privée d'autant plus qu'elle nuit à l'image de soi qui devient appropriée par l'autre.

« Ça agresse l'intimité, donc finalement la personne a pris ce choix de donner une image de soi, donc on a plus ce droit à l'image, quand on se l'approprie on la touche ». Amal, 24 ans

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci