Les implications socio-sémiotiques et esthétiques du partage des photos numériques et des MMSpar Mahdi AMRI Université Bordeaux 3 - Master 2 R Sciences de l'Information et de la Communication 2006 |
Les MMS : dimensions sociologiques et sémiotiques1- Dimensions sociologiquesLes MMS, ces photos numériques apparaissant à la fin des années 90 et s'inscrivant dans la dernière génération de messages multimédias issus des téléphones mobiles, semblent constituer un objet intéressant d'analyse et de réflexion. Puisque récemment apparus, ces messages visuels transmettent en plus des informations et des idées - (fonction remplie par les SMS), des images et icônes s'ajoutant à la voix et au texte, et dont les dimensions communicationnelle et émotionnelle pour les usagers du téléphone portable sont effectivement certaines. La production des MMS est une pratique finement située et organisée en tous points. A travers les MMS, les utilisateurs cherchent à expérimenter de nouvelles significations issues d'activités médiatisées par la technologie. Les MMS sont les premiers témoins des catastrophes naturelles et des attentats ; ils participent à la couverture médiatique des événements non prévisibles. Les MMS sont utilisés à des fins aussi banales que pragmatiques. Ils sont largement échangés entre les utilisateurs pour partager des expériences et des sensations, plutôt que pour organiser et contrôler des activités et des relations 61(*). Ils peuvent se rapporter à des rites de passage ou de fête. Dans certains cas, les messages peuvent prendre la forme d'insultes, de blagues ou de récits sous forme de jeux, de séquences ordinaires, familières et connus par les membres d'un groupe. Ils peuvent contribuer à la fondation des liens sociaux de nature amicale tout en offrant de plus grandes possibilités d'y répondre.62(*) Les MMS peuvent remplir toutes sortes de fonctions. Ils sont utilisés pour taquiner ou défier, pour communiquer des sentiments de bien-être, dans un but de jeu sexuel, ou pour apporter des précisions sur l'environnement et les amis du photographe. L'humour et l'expression des sentiments apparaissent comme des trais saillants de la production des MMS. Selon des études récentes sur les messages visuels mobiles, la production des MMS est considérée plus comme outil amusant de communication d'émotions entre les utilisateurs qu'un médium destiné à véhiculer des informations sérieuses. Ce point recoupe parfaitement les résultats des études menées sur les utilisations des téléphones portables et de SMS qui mettent l'accent sur des usages ludiques et sur leur capacité à alimenter des bavardages. Les thèmes des objets photographiés et/ou envoyés par MMS sont assez diversifiés. Les études sociologiques menées en particulier au Japon montrent que la définition de ce qui mérite d'être photographié a notablement évolué pour se centrer sur les petites épiphanies du quotidien : un dessert dans une vitrine, un angle bizarre qui transfigure un objet banal, une preuve d'une belle prise à la pêche, etc. Les photos de voyage ne représentent qu'un cinquième du volume total, derrière « un truc intéressant du quotidien » (42,4%), un membre de la famille (39,5%), des amis (36,6%), soi-même (26,4%), son animal de compagnie (23,4%). La gamme va du journal intime à la communication, à son réseau de relations en passant par le partage privé dans la sphère du couple ou de la famille.63(*) Par ailleurs, avec les MMS les usages des caméraphones prennent aujourd'hui de nouvelles formes qui méritent d'être attentivement observées. En effet, la filiale britannique du leader mondial du téléphone mobile Vodafone a mené une enquête auprès de 3500 femmes. Elle leur a demandées comment elles utilisaient leurs caméraphones. Les résultats sont les suivants : 20% se photographient elles-mêmes dans de nouvelles tenues pour les montrer à leurs copines, 18% flashent des chaussures et des vêtements dans les vitrines pour les mêmes raisons, environ 15% prennent leur nuque pour contempler ou faire contempler leur coiffure, 10% s'en servent pour inspecter leurs dents après un dîner, etc. Les adolescentes japonaises, quant à elles, griffonnent des messages sur le papier avant de les photographier et de les envoyer par MMS pour les rendre moins impersonnels et y intégrer des codes communicationnels ésotériques, également. * 61 KOSKINEN I., KURVINEN E. (2002 ), « Messages visuels mobiles : Nouvelle technologie et interaction », Idem. p. 133. * 62 KOSKINEN I., KURVINEN E. (2002 ), « Messages visuels mobiles : Nouvelle technologie et interaction », Ibidem. p. 125. * 63 CILNAËRT E. (2004) , « Photographie numérique », Dossier de veille, n° 1. www.aecom.org/veille/pdf/ 11_photo_numerique_21122004.pdf , p. 4.
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