Paragraphe 1 : Les voies d'exécutions simplement
admises
Parmi les voies d'exécution simplement admises,
certaines sont celles qui ne sont pas suspendues par l'ouverture de la
procédure collective d'apurement du passif (A), d'autres celles
exercées sur des créances postérieures (B).
A- Les voies d'exécution non
suspendues
L'ouverture d'une procédure collective qui impose une
discipline collective notamment la suspension des voies d'exécution
n'atteint pas tous les créanciers antérieurs. Il apparaît
que malgré l'ouverture de la procédure collective, certains
créanciers subissent un traitement particulier. Il en est par exemple
des salariés et des créanciers dont le débiteur n'a pas
demandé la suspension des poursuites dans le règlement
préventif.
C'est le lieu de noter que le concordat préventif comme
le concordat de redressement a une nature « contractuelle »
et n'a d'effet qu'entre les parties. Autrement dit, tout créancier
qui n'est pas visé par ce concordat peut exercer librement ses voies
d'exécution. C'est ce que confirme un arrêt de la Cour d'Appel
d'Abidjan en date du 8 Novembre 200297. En l'espèce, le juge
de l'exécution avait ordonné la mainlevée d'une
saisie-attribution pratiquée par le créancier sur les
créances de son débiteur en règlement préventif. Le
juge de l'appel avait jugé que cette décision de mainlevée
« était une mauvaise application de la loi de sorte qu'il
convient d'infirmer l'ordonnance attaquée et statuant à nouveau
de débouter la Sté GOMP-CI de sa demande de mainlevée et
en conséquence de dire que la saisie attribution de créances du 1
8/1 2/2001 produira tous ses effets ».
97 Cour d'Appel d'Abidjan, Arrêt N°1129 du 8
Novembre 2002, Affaire Jean MAZUET contre GOMP- CI : Ohadata J-03-291.
La poursuite des créances salariales se fait aussi sans
préjudice de l'ouverture des procédures collective. C'est ce que
déclare en effet l'Acte uniforme sur les procédures
collectives98. La jurisprudence applique positivement cette
règle de droit en jugeant que les poursuites individuelles pour le
recouvrement des créances salariales ne peuvent être suspendues
par un jugement prononçant le règlement préventif, quelle
que soit la date de naissance de telles créances par rapport à
celle dudit jugement99.
Si l'on admet que les créanciers dont les
créances ne sont pas suspendues par l'ouverture du règlement
préventif en vertu du caractère contractuel du concordat
préventif sont admis à exercer leur voie d'exécution,
l'admission des créances salariales se justifie par le caractère
alimentaire du salaire. Cette admission des voies d'exécution ne cause
pas en principe de préjudice à la procédure collective, ce
qui n'est toujours pas le cas en ce qui concerne les créanciers
postérieurs.
B- Les voies d'exécution exercées sur des
créances postérieures
Il est important de mentionner que les créanciers
postérieurs sont libres d'exercer leurs poursuites à travers
l'exercice des voies d'exécution (1). Quelle est la portée de
cette liberté de poursuite (2).
1- la liberté de poursuite des créanciers
postérieurs
L'ouverture d'une procédure collective impose, pour un
certain temps, l'arrêt des poursuites individuelles et interdit les
paiements volontaires des créanciers antérieurs. Ces
98 V. art.9 al. 3 dudit acte uniforme.
99 Cour d'Appel d'Abidjan, Chambre Civile et Commerciale,
arrêt n° 89 du 16 janvier 2001, Affaire: Société WORLD
CITY contre GRODJI DJOKOUEHI Jean : ohadata J-02-80
atteintes aux droits des créanciers sont
nécessaires pour que soit mis en place le processus de
désintéressement collectif. Les créanciers
postérieurs sont alors soumis à la procédure de
vérification des créances et seront payés dans le cadre
d'un règlement collectif global consécutif à un concordat
de redressement ou à une liquidation des biens. Le paiement
préférentiel de certains créanciers, en dehors du
processus de désintéressement, s'explique par la volonté
affichée de maintenir l'emploi et l'activité.
En effet, les créanciers postérieurs
échappent à la règle de l'interdiction des voies
d'exécution et le droit d'être payé à
l'échéance a pour corollaire le droit d'exercer des poursuites
individuelles. Le créancier postérieur impayé peut agir
immédiatement en paiement de sa créance en usant des voies
d'exécution sans que puisse lui être opposé le respect de
l'ordre. Il résulte de ce principe que le créancier
postérieur dispose des voies d'exécution de droit commun. La
faculté d'exercer librement des poursuites constitue le corollaire du
droit au paiement à l'échéance.
Au-delà de ce paiement à
l'échéance, la liberté de poursuite des créanciers
postérieurs se justifie aussi par le fait qu'il faut assurer la
sauvegarde de l'activité. La priorité accordée aux
créanciers postérieurs a une finalité précise : il
s'agit de rassurer les partenaires pendant la période de
l'exécution du concordat. L'entreprise doit se procurer du
crédit. La survie de l'entreprise en difficulté serait gravement
compromise si les partenaires (fournisseurs - banque accordant des
facultés de paiement) savaient que, venant en concours avec les
créanciers antérieurs, ils ne seraient qu'incomplètement
payés.
Cette liberté des poursuites accordée aux
créanciers postérieurs est reconnue par la jurisprudence
française. Ainsi, par un arrêt de la chambre commerciale de la
Cour de Cassation en date du 20 Juin 1989100, la haute juridiction a
fermement rejeté le moyen tiré du classement des
créanciers établi par l'article 40 de la loi de 1985 pour faire
échec à une
100 Cass, Com, 20 juin 1989, Bull. Civ. , IV, n°196 ;
JCP éd. E, II, 15658, obs Cabrillac et Petel.
mesure de contrainte exercée par le comptable du
Trésor. La Cour de cassation balaya le moyen par un attendu lapidaire :
«attendu que s 'agissant de créances fiscales nées
après le jugement d 'ouverture, l 'usage d 'un avis à tiers
détenteur n 'était pas interdit ».
Comme on peut le constater, il y a une liberté
d'exercice des voies d'exécution sur toutes les créances
nées régulièrement, après la décision
d'ouverture, de la continuation de l'activité et de toute
activité régulière du débiteur ou du
syndic101. Mais cette liberté de poursuite n'est pas sans
portée.
2- La portée de la liberté de poursuite
des créanciers postérieurs
Quelles voies d'exécution vont pratiquer les
créanciers postérieurs ? Qui doit être saisi ? La solution
à ces deux questions diffère selon qu'on est en présence
du règlement préventif ou du redressement judiciaire et de la
liquidation des biens. Avant d'y arriver, rappelons que malgré
l'ouverture d'une procédure collective d'apurement du passif, le
débiteur n'est pas exproprié de ses biens102.
Dans la procédure du règlement préventif,
le débiteur, après homologation du concordat reste à la
tête de ses affaires. Par conséquent toute saisie qui peut
être faite entre les mains de ce dernier le sera sans difficulté.
On en déduit que les créanciers postérieurs pourront
pratiquer une saisie conservatoire ou une saisie exécutoire en cas
d'inexécution de ses obligations. Ces saisies sont-elles possibles dans
les autres procédures ?
Dans les procédures de redressement judiciaire et de
liquidation des biens, le débiteur est assisté ou
représenté. Ce qui veut dire que seules les voies
d'exécution qui ne nécessitent pas son intervention directe
peuvent être exercées. On fait ainsi allusion à la saisie
conservatoire des créances et à la saisie-attribution. Ces
saisies constituent une variété qui
101 Ces créances qui sont appelées
créances contre la masse sont déterminées par l 'article
117 A UP CAP.
102 V. Première partie, chapitre 1, Section 1,
paragraphe 1.
permet au créancier de saisir entre les mains d'un
tiers la créance qu'il détient contre son débiteur.
Seulement, au regard de l'Acte uniforme portant organisation des
procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d'exécution, le syndic qui assiste ou représente le
débiteur peut-il être considéré comme un tiers ?
Il est de commun accord que le tiers doit être le
débiteur du débiteur ; autrement dit, le débiteur saisi
doit détenir une créance envers ce tiers. Pourtant, dans la
saisie des comptes bancaires, le banquier n'est pas nécessairement le
débiteur du débiteur. On en déduit que le tiers doit
être toute personne qui détient une créance du
débiteur. Dans cette dernière hypothèse, on peut
facilement admettre la saisie conservatoire des créances ou la
saisieattribution.
La liberté de poursuite des créanciers
postérieurs se justifie par le fait que ceux-ci joue un double
rôle dans l'entreprise en difficulté : assurer la sauvegarde de
l'activité et procurer le crédit à l'entreprise.
Devront-ils exercer leur poursuite au risque de contrarier ces objectifs ?
Autrement dit, la liberté de poursuite des créanciers
postérieurs ne risque-elle pas d'occasionner certaines
difficultés supplémentaires à l'entreprise ?
Même si la liberté de poursuite des
créanciers postérieurs peut occasionner des difficultés
supplémentaires à l'entreprise en difficulté, on ne
saurait refuser l'exercice de telle poursuite. Tout d'abord parce que la
possibilité pour les créanciers postérieurs d'exercer les
voies d'exécution103 est la seule garantie pour ceux-ci de
faire confiance à l'entreprise en difficulté. Ensuite dans
l'espoir de pouvoir recouvrer leurs dus, les créanciers dans la masse ne
sauraient faire obstacle à de telles poursuites au risque de voir leur
créance diminuée.
La justification des voies d'exécution spécialement
admises contient des justifications plutôt liées à la
nature même de ces voies d'exécution.
103 En effet, il s 'agit des poursuites individuelles en
général.
|