WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les institutions juridictionnelles dans l'espace communautaire ouest africain

( Télécharger le fichier original )
par Sally Mamadou THIAM
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - DEA Droit de l'intégration et de l'OMC 2005
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Introduction

La majorité des pays africains a accédé à la souveraineté internationale suite à la résolution 1514 de l'assemblée générale des nations unies adoptée le 14 décembre 1960.

Mais la balkanisation, héritage du passé colonial fait qu'aujourd'hui les frontières des Etats africains correspondent aux limites administratives des anciennes colonies. De ce fait, la plupart de ces Etats sont de dimension modeste sur le plan territorial et démographique et sur le plan économique, la fragilité est encore plus remarquable. Ainsi, enfermés dans un carcan socio-économique étroit, devant le lot d'illusions d'une unité africaine, les crises politiques dont les Etats sont la proie, devant l'instabilité de certaines régions, phénomènes qui entravent leur développement économique mais aussi et surtout face à l'urgence pour l'Afrique de s'intégrer et d'avoir sur l'échiquier mondial une place acceptable, les Etats africains ont senti l'urgence de dépasser le cadre de leur souveraineté nationale. C'est ainsi que l'intégration est apparue comme la réponse adéquate pour assurer le défi du développement dans ce monde entièrement globalisé.

L'intégration est à la fois un processus et une situation qui, à partir d'une société internationale morcelée en unités indépendantes les unes des autres, tendent à leur substituer de nouvelles unités plus ou moins vastes, dotées au minimum d'un pouvoir de décision, soit dans un ou plusieurs domaines déterminés, soit dans l'ensemble des domaines relevant de la compétence des unités intégrées, à susciter au niveau des structures, une participation de tous au maintien et au développement de la nouvelle unité1(*).

En effet, depuis les indépendances des Etats africains dans les années 1950 1960, de nombreux projets d'intégrations et de coopérations ont été initiés dans le but de promouvoir le développement du continent.

Cette volonté de réaliser l'unité africaine ou de poursuivre des objectifs allant vers la promotion du développement économique prend sa source dans le panafricanisme dont la première manifestation est marquée par la création de l'OUA (devenue Union africaine)2(*). Cette volonté verra une autre consécration à travers les institutions de la plupart des Etats qui font de l'unité africaine un idéal à atteindre.

L'importance particulière accordée aux regroupements économiques en vue de la création d'une plus grande intégration des Etats a été à l'origine de la création de nombreuses organisations comme l'union du Maghreb Arabe (UMA)3(*), la southern african developpement community ( SADC )4(*), le marché commun des Etats d'Afrique orientale et du sud ( COMESA)5(*), la communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC)6(*), la communauté économique et monétaire des Etats l'Afrique de l'ouest (CEDEAO )7(*), Union économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest ( UEMOA)8(*) et l'organisation pour l'harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA)9(*) qui constitue quant à elle une véritable organisation d'intégration juridique.

Ces divers processus d'intégrations dans lesquels sont engagés les Etats africains entendent dans leurs derniers développements constituer de véritables ordres juridiques.

Il n'est pas question de retracer ici les processus par lesquels l'Afrique a entendu contribuer à son « unification », terme consacré dés la constitution de l'union africaine (OUA)10(*).

Il importe seulement de relever pour notre étude la profonde différence entre les tentatives antérieures et les processus actuellement en cours11(*).

Alors que les premières organisations dite de la « première génération » étaient caractérisées par « l'inter gouvernementalisme » et la prépondérance du règlement politique des différends, les institutions les plus récentes sont caractérisées par la supranationalité et la part de plus en plus importante prise par le droit dans le traitement des questions qui entrent dans le champ d'application de la compétence de l'union.

La supranationalité signifie dans son essence un système institutionnel et normatif qui permet de privilégier le bien commun, c'est-à-dire celui de la communauté, par rapport aux intérêts nationaux, (c'eux des Etats membres). Elle est susceptible de se manifester dans le processus décisionnel qui attribue un rôle éminent à une institution purement communautaire.

Cette supranationalité peut aussi s'observer dans le pouvoir d'édicter des normes communautaires ou régionales qui sont immédiatement applicables et ont des effets directs.

En outre, la supériorité des normes communautaires sur les règles juridiques nationales, antérieures mais surtout postérieures est clairement affirmée. Ainsi, la création de ces différentes organisations laisse-t-elle apparaître un nouveau législateur autre qui était jusque là incarné par les Etats eux mêmes. En effet, les différentes organisations secrètent pour leur bon fonctionnement mais surtout pour une bonne cohabitation des Etats membres, différentes normes juridiques. C'est ainsi que ceci a abouti à la création de plusieurs aires ou espaces communautaires à coté des Etats souverains.

La part de plus en plus importante prise par le droit dans ces espaces communautaires s'est accompagné de la création d'institutions juridictionnelles chargées d'interpréter de manière uniforme le droit communautaire.

 « Les institutions juridictionnelles dans l'espace communautaire ouest africain » tel est justement notre sujet de réflexion dans ce travail de recherche. Mais l'étude d'un tel thème nécessitera à coup sûr la maîtrise des concepts qui le composent.

I / Définition des termes du Sujet 

A/ Institutions Juridictionnelles 

Le terme institution a plusieurs sens, selon le domaine dans lequel il est employé. Il peut désigner une organisation humaine stable qui s'inscrit dans la durée et dont la longévité et le champ d'activité dépasse généralement le cadre d'action d'un seul individu.

En l'espèce le mot institution désigne l'ensemble des structures politiques résultant du régime politique mis en place par les traités internationaux, la Constitution, les lois, les règlements et les coutumes12(*).

Les institutions juridictionnelles désignent les organes chargés de rendre des décisions de justice, grâce à diverses règles d'organisation et de procédure, dans le but de trancher des litiges en application d'une règle de droit. Elles constituent en ce sens les éléments fondateurs de la scène juridique et judiciaire, dont l'étude permet de comprendre la manière dont la justice s'incarne et s'exerce dans notre société13(*) 

B/ L'espace Communautaire  ouest africain

L'espace communautaire peut être appréhendé comme étant l'aire géographique couvert par les organisations d'intégrations.

En effet, il s'agit d'un espace où prévaut le droit supra national produit par les organisations elles mêmes et qui s'applique d'une manière uniforme dans l'espace déterminé.

Ainsi l'espace communautaire se particularise par l'application des mêmes règles, invocables par l'ensemble des Etats et des particuliers composant la zone d'intégration.

En effet, l'espace communautaire ouest africain est la région ouest africaine et qui compte en son sein plusieurs organisations d'intégrations notamment l'UEMOA, la CEDEAO et l'OHADA etc.

II / Problématique du Sujet 

Dans l'espace communautaire susvisé, évoluent des institutions juridictionnelles qui sont quant à elles la création des Etats membres eux-mêmes et qui en principe sont pour la mise en oeuvre du droit national produit par les Etats membres eux-mêmes, mais il n'en demeure pas moins qu'elles interviennent pour la mise en oeuvre du droit communautaire.

Le fonctionnement du système juridique communautaire repose sur une véritable alchimie.

Les organisations communautaires jouissent d'une architecture institutionnelle particulièrement sophistiquée, mais l'application du droit communautaire est confiée aux autorités des Etats membres c'est-à-dire aux juridictions nationales. Fallait -t-il faire l'économie de la création de juridiction communautaire ou fallait -t-il à l'inverse tendre vers le remplacement des juridictions nationales par les juridictions communautaires ? Ni l'un ni l'autre n'ont apparu pertinent aux yeux des autorité compétentes. Alors, la cohabitation voire la coexistence devient inévitable dans un même espace : Juridictions nationales et plusieurs juridictions communautaires issues de plusieurs organisations d'intégrations.

Dés lors se posent les questions de savoir ce que peuvent être les relations entre ces différentes juridictions dans l'application du droit commun. ?

Comment s'effectue le partage de compétences dés lors qu'elles évoluent toutes dans le même espace ?

Enfin, quels peuvent être les rapports entre les différentes juridictions évoluant dans le même espace communautaire ?

Toutes ces interrogations vont nous servir de pistes de réflexion dans le cadre de notre étude qui d'ailleurs ne manque pas d'intérêts.

III/ Intérêt du sujet 

L'intérêt peut d'abord être appréhendé par rapport au choix même de la zone à savoir l'Afrique de l'Ouest. En effet il faut dire que ce choix n'est pas fortuit car s'il s'avère que l'Afrique de l'ouest est la zone que nous maîtrisons le plus car étant la zone dans laquelle nous évoluons, mais aussi il s'agit là d'une des espaces communautaires les plus importants avec le dynamisme des organisations qui la composent.

En outre l'intérêt peut être autre car, face à ce vaste mouvement d'harmonisation des législations avec la consécration de la primauté du doit commun sur le droit interne et par delà la supériorité hiérarchique des juridictions communes sur les juridictions nationales, la question se pose alors sur l'avenir des juridictions nationales face à ce rythme de communautarisation.

Par ailleurs, l'étendue du champ communautaire avec la création de plusieurs organisations avec chacune une cour de justice pose également la question de la pertinence de cette floraison d'organisations qui certaines d'entres elles comptent beaucoup d'Etats à la fois.

C'est pourquoi l'étude d'une telle problématique ne manquera certainement pas de cerner les contours de la question et s'il y a lieu d'apporter des solutions aux éventuels blocages qui naîtrons des ambiguïtés des relations entre ces différentes juridictions. Mais pour ce faire, il va falloir emprunter une démarche à même de conduire à bien notre réflexion.

IV/ Méthodologie 

L'espace communautaire ouest africain étant un espace très vaste avec différentes organisations chacune dotée d'une juridiction commune il sera beaucoup plus judicieux pour nous de procéder à un choix.

C'est pourquoi notre étude portera sur la cour de justice de l'UEMOA, ainsi que sur la CCJA de l'OH ADA.

En effet, l'UEMOA confie un rôle éminent dans le processus décisionnel à la commission qui dispose d'un pouvoir d'initiative renforcé par l'obligation faite au conseil des ministres pour la mise en échec de ce pouvoir d'initiative de statuer à l'unanimité14(*). La commission dispose ainsi d'un pouvoir essentiel d'initiative « législative »dans l'union.

Au sein de l'OHADA le pouvoir législatif et réglementaire des Etats membres est transféré au conseil des ministres qui adopte les actes uniformes. L'UEMOA et l'OHADA produisent, toutes les deux des normes immédiatement applicables (exception faite de la directive UEMOA) et qui ont des effets directs15(*) dans l'ordre interne.

Enfin ces deux institutions affirment explicitement la primauté hiérarchique des normes produites par l'organisation sur les nomes internes16(*).

Mais la norme juridique n'est parfaite que si elle est assortie d'une sanction efficace susceptible de dissuader les éventuels contrevenants. C'est pourquoi la part de plus en plus importante prise par le droit dans les organisations d'intégrations africaines s'est accompagné de la création d'institutions juridictionnelles chargées d'interpréter de manière uniforme le droit communautaire

L'UEMOA et l'OHADA ont donc crée des juridictions communautaires dont l'objet est de contribuer à l'effectivité du droit crée par chacune de ces organisations17(*).

Il faut cependant, relever de très profondes différences entre les juridictions créées au sein de ces organisations.

La cour de justice de l'UEMOA18(*) est une juridiction permanente dotée de fonctions juridictionnelles et consultatives. Au plan juridictionnel, la cour connaît du contentieux de la déclaration et du contentieux de l'annulation.

Le contentieux de la déclaration recouvre le recours en manquement des Etats ouverts aux Etats membres et à la commission et le renvoie préjudiciel en interprétation. Le recours préjudiciel en interprétation est déclenché par une juridiction nationale ou une autorité à fonction juridictionnelle statuant dans un litige suscitant l'application d'une norme communautaire. Il est obligatoire pour les juridictions nationales statuant en denier ressort et facultatif pour les autres. Le contentieux d'illégalité soulevé lors d'un litige et enfin le recours préjudiciel en validité d'un acte émanant des instances de l'union.

Parmi les attributions juridictionnelles relevées, il importe de souligner l'importance du recours préjudiciel en interprétation. Au moyen de ce recours, la cour de l'union peut assurer l'unité d'interprétation du doit communautaire.

L'OHADA a également entendu se doter d'une juridiction chargée d'assurer l'unité du droit uniforme édicté par l'organisation. Elle a cependant choisi une voie très différente de celle du recours préjudiciel en interprétation. La cour commune de justice et d'arbitrage (CCJA)19(*) de l'OHADA est, en effet, une juridiction de cassation qui se prononce sur toutes les décisions rendues en dernier ressort dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l'application des actes uniformes. La cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA, à la différence de la cour de justice de l'UEMOA, se substitue ainsi aux juridictions nationales de cassation dés lors qu'il s'agit d'un contentieux soulevant des questions relatives à l'application des actes uniformes. Ceci n'est pas sans poser de graves problèmes quant à la portée exacte de cette substitution.

Ce choix s'explique, faut il le rappeler par le dynamisme de ces organisations mais aussi par le chevauchement qui existe entre les organisations car il faut le noter plusieurs Etats appartiennent à la fois à plusieurs organisations.

Au demeurant, pour apporter une réponse à la problématique soulevé plus haut, nous nous emploierons à mettre en exergue dans une construction bipartite à analyser d'une part les rapports entre les juridictions nationales et les juridictions communes (Titre I) et d'autre part l'accent sera mis sur les rapports entres les juridictions communautaires elles mêmes (Titre II).

Première partie 

Les rapports entre les juridictions nationales et les juridictions communautaires 

L'émergence du droit communautaire avec le mouvement d'intégration s'est accompagnée d'institutions juridictionnelles en vue notamment de veiller à l'application de ce droit nouveau.

Mais la justice étant un attribut de la souveraineté, elle est un rouage essentiel du système juridique national. Cela veut dire que les Etats membres de la communauté ne sont pas à l'écart de la mise en oeuvre du droit commun.

Toutefois, le droit commun ne constitue pas en réalité un droit tout autre et différent à tout point de vue du droit des Etats membres mais il s'agit d'un droit, grâce au mécanisme de l'applicabilité direct et immédiate qui se substitue au doit national chaque fois qu'il n'y a pas contradiction. Dés lors, il apparaît que le droit commun se transforme en l'espèce en droit national dont les juridictions nationales sont valablement chargées d'appliquer. Mais le droit commun s'étant accompagné de juridictions communes chargées de l'appliquer, il apparaît alors deux types de juridictions chargés d'appliquer un même droit à des niveaux différents.

Ce qui va sans dire que les juridictions nationales et les juridictions communes entretiennent nécessairement des rapports. Dés lors que les juridictions nationales sont également chargées d'appliquer le droit communautaire il existe par conséquent des relations de collaborations.

Si dans l'UEMOA, les juridictions nationales sont chargées en première instance d'appliquer le droit commun, la cour de justice de l'union n'est pas en reste car elle intervient à l'initiative de ces mêmes juridictions ou des autorités à fonction juridictionnelle dans l'interprétation du droit commun. Cependant il faut noter que le mécanisme est tout autre dans le cadre de l'OHADA.

Ainsi, il apparaît que les relations susceptibles d'être établies entre les juridictions nationales des Etats membres et les juridictions communes ne sont pas nécessairement conflictuelles, elles peuvent au contraire être des relations de collaboration ou de complémentarité (chapitre I), cependant, spécialement lorsque la substitution des juridictions nationales par la juridiction commune est organisée, les relations peuvent avoir un caractère conflictuel (chapitre II).

Chapitre I : Les relations de collaborations

Ce serait une grave erreur de penser que l'application du droit communautaire incombe exclusivement aux juridictions communautaires dont se sont dotés les Etats membres. Au contraire, cette application incombe d'abord aux juridictions nationales qui se voient ainsi reconnaître un rôle essentiel dans la mise en oeuvre du droit commun notamment par la reconnaissance d'une compétence communautaire (Section I). Mais la mise en oeuvre du droit commun par les juridictions nationales auxquelles elles n'étaient pas destinées au départ doit faire l'objet d'encadrement par les juridictions communes (Section II).

Section I : La compétence communautaire des juridictions nationales

Les juridictions nationales sont compétentes pour trancher les litiges dans lesquels le droit communautaire est applicable. C'est en ce sens qu'elles ont une compétence communautaire. Pour une juridiction, la compétence est en effet « l'ensemble des affaires dont cette juridiction a vocation à connaître »20(*).

Les juridictions nationales connaissent de différends qui ont une dimension communautaire, en ce sens que le droit communautaire est applicable pour trancher ces différends.

Les juridictions nationales alors même qu'elles détiennent leur pouvoir de juger de leur ordre juridique étatique, se voient donc confiées une compétence communautaire qui se manifeste par l'application du droit communautaire par le juge national (Paragraphe I).

Cette compétence est protéiforme : le doit communautaire peut, soit être la cause de l'action en justice, soit constituer un moyen invoqué à l'appuie ou à l'encontre d'une demande fondée sur le droit national. Ce qui réunit ces différentes hypothèses, c'est l'obligation pour la juridiction nationale de faire appel à la règle communautaire afin d'apporter une solution au litige d'où une courroie de transmission vers la juridiction communautaire (Paragraphe II)

Paragraphe I : L'application du droit communautaire par le juge national

L'application du droit communautaire est avant tout et pour tout l'oeuvre des juridictions nationales. Cette observation pourra se vérifier en ce qui concerne le droit produit par l'UEMOA et l'OHADA. Cette application du droit commun par le juge national s'est en outre accompagnée d'une reconnaissance de l'autonomie institutionnelle à l'Etat membre afin de faciliter le travail du juge national mais aussi des justiciables, cependant il faut noter que pour s'assurer d'une application adéquate du doit commun par le juge national, cette autonomie souffre d'un certain nombre de limites.

A : La reconnaissance d'une autonomie institutionnelle 

Les normes produites par l'UEMOA (règlements et directives transposées dans le droit national) sont appliquées par les juridictions nationales dans tous les litiges suscitant l'application d'une de ces normes21(*).

Il en est de même pour les actes uniformes de l'OHADA. Les cours et tribunaux nationaux sont ainsi les institutions agissant «en première ligne» dans l'application du droit communautaire. L'UEMOA et l'OHADA reconnaissent ainsi une autonomie institutionnelle aux différents Etats dans la sanction du droit commun. Cette autonomie institutionnelle signifie la reconnaissance du pouvoir des Etats membres de répartir les compétences entre leurs différents organes juridictionnels. En d'autres termes, il appartient aux différents Etats d'organiser les compétences et les procédures destinées à sanctionner le droit communautaire ou commun et notamment à sanctionner les droits que les particuliers peuvent tirer de l'effet direct des normes communautaires. En assurant l'application du droit communautaire, les institutions juridictionnelles nationales font ainsi l'objet d'une « communautarisation ». Cette décentralisation de la sanction du droit communautaire doit cependant être soumise à un certain contrôle, faute de quoi l'application de ce droit pourrait être compromise. Ceci implique que l'autonomie institutionnelle relevée ci-dessus a une portée limitée.

B : Les limites de l'autonomie institutionnelle

La première limite tient aux recours et procédures destinés à sanctionner l'application du droit commun. Certes, les Etats sont libres d'organiser ces recours et procédures, il ne faudrait pas cependant que cette liberté rende impossible en pratique la sanction du droit communautaire. La jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes est à cet égard éclairante. Dans l'arrêt rendu le 16 décembre 1976 dans l'affaire Cornet, la juridiction européenne précise que les «modalités [procédurales de recours en justice destinées à la sanction du droit communautaire] ne peuvent être moins favorables que celles concernant les recours similaires de droit interne... ».

La deuxième limite tient à la nécessaire application uniforme du droit commun. Il est à cet effet nécessaire d'organiser un contrôle de l'application du droit communautaire ou commun. L'efficience du droit commun serait en effet gravement compromise si son interprétation était intégralement abandonnée au pouvoir d'interprétation des organes juridictionnels nationaux. Il faut sur ce point, relever que les procédures de contrôle destinées à assurer l'application uniforme du droit commun dans les Etats membres sont profondément différentes dans l'UEMOA et dans l'OHADA. Cette divergence trace à notre avis, la limite entre relations de collaboration et relations potentiellement conflictuelles entre juridictions nationales et juridictions communautaires. L'implication des juridictions nationales dans la mise en oeuvre du droit commun se manifeste également par le relais dont ils font office envers la juridiction commune.

Paragraphe II : La courroie de transmission vers la juridiction communautaire

La juridiction nationale a beau être la juridiction de droit commun en matière communautaire, il n'en demeure pas moins que le juge communautaire joue un rôle essentiel dans l'application du droit commun. Mais cela n'enlève en rien la compétence accordée au juge national en matière communautaire car le juge national s'érige en une courroie de transmission pour atteindre le juge communautaire à charge d'interpréter le doit commun à travers le recours préjudiciel. Le juge national constitue une courroie de transmission en ce sens que l'initiative du recours appartient au juge national ou à une autorité à fonction juridictionnelle (A). Mais pour un droit commun homogène, les arrêts ou avis de la juridiction nationale bénéficie d'une autorité renforcée à l'égard des juridictions nationales (B).

A : L'initiative du recours préjudiciel 

Le recours doit émaner d'une juridiction nationale ou d'une autorité à fonction juridictionnelle22(*).

L'opportunité de la demande de renvoi appartient à la juridiction nationale qui peut la refuser malgré la requête de l'une des parties ou qui peut l'introduire malgré l'opposition d'une partie. De même, il n'appartient pas à une partie de compléter la question qui serait posée par le juge. Les juridictions disposent donc à la fois d'un monopole et d'une liberté d'appréciation dans l'exercice du recours préjudiciel. Ceci implique que le recours préjudiciel n'est pas une voie de recours dont les justiciables peuvent user. Toutefois, dans la pratique judiciaire européenne23(*), il arrive fréquemment que ce soit les avocats des parties qui soulèvent un moyen tiré de l'application d'une disposition de droit communautaire, qui démontrent la nécessité d'utiliser le recours préjudiciel et qui, parfois, formulent ou contribuent à la formulation de la question posée à la juridiction communautaire. La liberté dont jouissent les juridictions nationales dans l'exercice du recours préjudiciel est toutefois limitée s'il s'agit de juridictions statuant en dernier ressort.

Dans un tel cas, la juridiction est tenue de saisir la Cour s'il se pose une question de droit communautaire dans le traitement du litige dont la juridiction nationale est saisie. Cette distinction entre juridictions tenues de saisir la Cour et juridictions disposant de la faculté de saisir la Cour si elles l'estiment nécessaire permet de rencontrer les deux objectifs suivants : préserver l'unité d'interprétation du droit communautaire et éviter l'encombrement du prétoire de la juridiction communautaire. L'obligation de saisir la Cour pour les juridictions statuant en dernier ressort disparaît si la question qui devrait être posée au juge communautaire a déjà fait l'objet d'une jurisprudence de la Cour. Ceci suppose qu'un litige identique ou similaire à celui posé devant la juridiction nationale a déjà fait l'objet d'un recours préjudiciel ayant suscité une question matériellement identique à celle que poserait la juridiction nationale. De même, le renvoi préjudiciel ne doit pas être pratiqué si la question d'interprétation du droit communautaire soulevée par l'une des parties devant le juge national n'est pas pertinente, c'est-à-dire que cette question ne peut avoir aucune influence sur la solution du litige24(*). La juridiction nationale est tenue d'exposer les motifs pour lesquels la saisine de la Cour est nécessaire à la solution du litige et les éléments de fait et de droit du litige. Elle joint au recours les pièces pertinentes du dossier. La juridiction communautaire peut, dans le traitement de l'instance, demander des informations et renseignements aux parties, aux Etats membres aux organes de l'Union mais elle ne peut pas ordonner des mesures d'instruction, lesquelles relèvent du juge national. Le recours préjudiciel ainsi porté devant le juge communautaire aboutit de la part de ce dernier à la prise d'une décision dont le juge communautaire ne peut occulter le caractère de la chose jugée.

B : L'autorité des arrêts des juridictions communautaires à l'égard des juridictions nationales

L'unité d'interprétation du droit communautaire qui constitue l'objectif essentiel du recours préjudiciel serait gravement compromise si les arrêts de la juridiction communautaire ne s'imposaient pas au juge national. C'est la raison pour laquelle l'arrêt de la Cour de justice s'impose à la juridiction nationale qui doit, par conséquent, se conformer à la réponse fournie par la Cour et à l'interprétation qu'elle donne du droit communautaire. La procédure de contrôle de l'application du droit communautaire par les juridictions nationales au sein de l'UEMOA laisse apparaître une relation de collaboration entre les juridictions nationales et la juridiction communautaire. La Cour de justice de l'UEMOA ne dispose pas du pouvoir d'invalider ou d'annuler les décisions des juridictions nationales, même lorsque l'application du droit communautaire est en cause. Pas plus qu'elle ne dispose du pouvoir de censurer les décisions des cours et tribunaux nationaux, la Cour ne tranche les litiges. Les litiges sont exclusivement tranchés par les juridictions nationales même lorsque le dénouement de celui-ci requiert l'application d'une ou de plusieurs normes de droit communautaire. La Cour intervient dans le cadre d'un litige tranché par le juge national pour fournir à celui-ci des indications sur le droit communautaire auxquelles le juge national est tenu de se conformer. La relation établie par le recours préjudiciel est ainsi à la fois une collaboration et une complémentarité. Il n'est pas question pour la juridiction communautaire de contrôler l'application du droit en se substituant aux organes juridictionnels nationaux par contre elle veille à travers ce mécanisme de la question préjudicielle à encadrer correctement la compétence des juridictions nationales.

 

Section II : L'encadrement de la compétence des juridictions nationales par le juge communautaire

En raison de la spécificité de l'ordre juridique communautaire, dont les caractéristiques ont été dégagées par les juridictions communautaires, l'ensemble du droit communautaire est en effet non seulement valable en tant que tel dans les ordres juridiques des Etats membres, il est également supérieur à toute norme nationale contraire. C'est en fonction de cette spécificité que les juridictions nationales doivent appliquer la norme communautaire.

Mais dans leur mission, les juridictions nationales se trouvent encadrées à travers la compétence préjudicielle des juridictions communautaires qui peuvent être amenées à se prononcer tant sur la validité d'un acte du droit dérivé que sur l'interprétation de toute règle communautaire. L'encadrement de la compétence des juridictions nationales apparaît ainsi au service non seulement de l'unité du droit communautaire (paragraphe I), mais également à la protection juridictionnelle des particuliers (paragraphe II).

Paragraphe I: L'encadrement de la compétence des juridictions nationales au service de l'unité du droit communautaire 

L'idée d'unité du droit communautaire traverse l'ensemble de la jurisprudence des cours de justice communautaires et tout particulièrement, celle relative à l'application du droit communautaire par les juridictions nationales. C'est ainsi que les principes d'immédiateté et de primauté trouvent un de leurs fondements dans la nécessaire unité d'application du droit communautaire.

Les renvois en interprétation et en appréciation de validité reposent tous les deux sur la nécessaire application du droit communautaire25(*).

L'encadrement de la compétence des juridictions communautaires à travers la compétence préjudicielle des cours de justices communautaires est au service de l'unité du droit communautaire. Ainsi, en permettant aux cours de justice de connaître à titre préjudiciel de toutes les nomes communautaires, fait de cette dernière une condition de l'unité du droit communautaire (A). Avec l'obligation de renvoi qui pèse sur les juridictions suprêmes, cette dernière élève les cours de justice communautaires en garante de l'unité du droit communautaire devant les juridictions nationales (B).

A: La compétence préjudicielle des juridictions communautaires : condition de l'unité du droit communautaire

La compétence préjudicielle des cours de justice constitue une condition de l'unité du droit communautaire, grâce à une interprétation extensive de la catégorie des normes communautaires qui peuvent faire l'objet d'un renvoi en interprétation de validité. Il convient ainsi de souligner qu'en vertu du principe de l'immédiateté du droit communautaire, le renvoie préjudiciel ne peut être subordonné à une quelconque condition d'effet direct. Le juge national peut donc demander à la cour de justice communautaire d'interpréter ou d'apprécier la validité d'une norme communautaire dépourvue d'effets directs.

La compétence préjudicielle des cours de justice semble à cet égard comme une condition de l'unité du droit communautaire. Mais ce rôle est d'autant plus renforcé qu'il pèse sur les juridictions nationales statuant en dernier ressort une obligation de renvoi, la cour de justice sont ainsi garante de l'unité du droit communautaire.

B : La compétence préjudicielle des juridictions communautaires : garantie de l'unité du droit commun 

L'article 12 du protocole additionnel n°1 de l'UEMOA introduit une distinction entre les juridictions nationales dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours juridictionnel de droit interne et les autres.

Selon cet article « La Cour de justice statue à titre préjudiciel sur l'interprétation du traité de l'Union, sur la légalité et l'interprétation des actes pris par les organes de l'Union, sur la légalité et l'interprétation des statuts des organismes créés par un acte du Conseil, quand une juridiction nationale ou une autorité à fonction juridictionnelle est appelée à en connaître à l'occasion d'un litige. Les juridictions nationales statuant en dernier ressort sont tenues de saisir la Cour de justice. La saisine de la Cour de justice par les autres juridictions nationales ou les autorités à fonction juridictionnelle est facultative ». Outre cet idéal de garantir l'unité du droit commun, le juge commun s'emploie également à garantir la protection des particuliers.

Paragraphe II : L'encadrement de la compétence des juridictions nationales au service de la protection juridictionnelle des particuliers 

L'encadrement de la compétence des juridictions nationales par les juridictions communautaires s'illustre également par la protection des particuliers. En effet, cette protection se manifeste par le contrôle de légalité des actes à travers le renvoi en appréciation de validité (A) mais aussi par le contrôle de légalité à travers le renvoi en interprétation (B)

A: Le contrôle de légalité des actes communautaires par le renvoi en appréciation de validité

Les institutions juridictionnelles communautaires accordent une importance particulière au contrôle de la légalité des actes communautaires par le biais du recours préjudiciel et c'est ainsi qu'elles sont reconnues compétentes pour juger de la validité de toutes sortes d'actes communautaires. Elles se sont également arrogées le droit du monopole de la déclaration d'invalidité d'un acte communautaire en déniant un tel pouvoir au juge national.

Ce monopole a été posée par la CJCE dans l'arrêt foto-frost en affirmant que « les juridictions nationales ne sont pas compétentes pour constater elles mêmes l'invalidité des actes des institutions communautaires26(*). En rendant une telle décision, la cour de justice européenne donne une suite favorable aux voeux d'une grande majorité de la doctrine27(*). Cette compétence conduit à restreindre sensiblement la compétence communautaire des juridictions nationales. Une des fonctions de la question préjudicielle est selon le professeur Gautron, « de permettre en quelque sorte en un rattrapage de l'étroitesse des conditions d'accès des particuliers (personnes physiques ou morales) au recours en annulation28(*). Il s'y ajoute également le contrôle de légalité par le renvoi en interprétation afin de garantir l'application de la bonne disposition aux particuliers.

B : Le contrôle de la légalité des normes par le renvoi en interprétation

L'encadrement de la compétence des juridictions nationales en vue de la protection des particuliers est également assuré par le renvoi en interprétation devant les juridictions communes. La possibilité offerte aux juridictions communes de participer indirectement par le renvoi en interprétation, au contrôle de conformité de la norme nationale au droit commun a été posé par la CJCE dans les arrêts van Gend en loos et costa /Enel.

Lors de l'affaire van Gend en loos, les deux gouvernements intervenants et l'administration fiscale néerlandaise avaient soulevé une exception d'irrecevabilité pour faire constater par la cour les violations du droit communautaire commises par les Etats membres29(*). De façon analogique, le gouvernement italien avait dénié au juge national le privilège de procéder à un renvoi en interprétation lorsque se posait devant lui une question de compatibilité entre le droit national et le droit commun30(*). La cour avait rejeté cet argument qui conduisait à supprimer toute protection juridictionnelle directe des particuliers.

En articulant la compétence préjudicielle autour de l'unité du droit communautaire et de la protection juridictionnelle des particuliers et en démontrant leur indépendance, la cour de justice a ainsi fortement mis en valeur sa propre compétence. Avec ce mouvement, la cour de justice a voulu renforcer l'efficacité de son interprétation. Elle ne prétend donc pas être l'auxiliaire des juridictions nationales dans le cadre de leurs compétences communautaires, elle entend strictement enserrer cette compétence du juge communautaire de droit commun dans le cadre du mécanisme préjudiciel. A première vue il apparaît clairement une tendance très remarquée de collaboration entre les juridictions nationales et les juridictions communautaires, mais il faut noter qu'avec le mécanisme original de substitution de compétence imaginé par l'OHADA à travers la CCJA, les relations peuvent revêtir un caractère conflictuel.

Chapitre II : Les relations conflictuelles 

Le contentieux relatif à l'application des actes uniformes de l'OHADA est d'abord, comme pour le droit communautaire de l'UEMOA, de la compétence des juridictions nationales des Etats membres ensuite des juridictions communautaires ; d'où les relations de complémentarité traité plus haut .

On constate ici une analogie complète avec ce qui a été observé pour l'application du droit communautaire de l'UEMOA. Le contrôle exercé par la juridiction de l'OHADA s'écarte cependant de façon notable du mécanisme souple du recours préjudiciel. Certes, la Cour commune de l'OHADA peut être saisie, à titre consultatif, par toute juridiction nationale saisie d'un contentieux relatif à l'application des actes uniformes31(*), mais ce recours consultatif nullement obligatoire32(*) n'est pas le mode spécifique par lequel le Traité de l'OHADA entend faire de la Cour commune de justice et d'arbitrage l'instrument d'interprétation uniforme du droit de l'OHADA. Cette disposition, qui traduit, selon certains, la supranationalité judiciaire au sein de l'OHADA33(*), exprime explicitement la substitution de la C.C.J.A. aux juridictions de cassation nationales pour les litiges dénoués par l'application du droit uniforme de l'organisation. Ce mécanisme de substitution imaginé par les rédacteurs du Traité de l'OHADA est, susceptible d'engendrer des relations conflictuelles avec les juridictions nationales.

D'autres relations conflictuelles peuvent également résulter de la confusion de normes juridiques différentes au sein d'un même pourvoi.

En effet, les juridictions nationales et les juridictions communautaires peuvent donc avoir des relations conflictuelles dues à la substitution de compétences (section I) mais aussi à la confusion de normes (section II).

Section I : Conflits résultant de la substitution de compétence

Ce mécanisme de substitution de compétence est une spécificité de l'OHADA. Il est posé par l'article 14 du traité OHADA. Cette disposition qui traduit selon certains la supranationalité judiciaire au sein de l'OHADA34(*), exprime explicitement la substitution de la C.C.J.A. aux juridictions nationales de cassation pour les litiges dénoués par l'application du droit uniforme de l'organisation (paragraphe I). L'article 14 alinéa 5 étend même cette substitution aux juridictions du fond lorsqu'il y a cassation (paragraphe II).

Paragraphe I: La substitution aux juridictions de cassation des Etats membres

Pour analyser la substitution de la CCJA aux cours de cassation des Etats membres, il importe de relever l'objet de cette compétence (A) mais aussi les limites assignées à cette compétence (B).

A: L'objet la compétence en cassation

La Cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA est la juridiction de cassation des Etats membres dès lors qu'il s'agit d'un litige soulevant des questions relatives à l'application des actes uniformes. Ceci ressort de l'article 14 du Traité OHADA qui, après avoir établi que « la Cour commune de justice et d'arbitrage assure dans les Etats parties l'interprétation et l'application commune du présent traité, des règlements pris pour son application et des actes uniformes », mentionne expressément que la Cour est « saisie par la voie du recours en cassation » et qu'elle « se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d'appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l'application des actes uniformes à l'exception des décisions appliquant des sanctions pénales. Ce mécanisme de substitution imaginé par les rédacteurs du Traité de l'OHADA est, susceptible d'engendrer des relations conflictuelles avec les juridictions nationales dès lors qu'il s'agira de délimiter la portée exacte de cette substitution. Celle-ci dépend du droit à contrôler par la Cour commune. Formellement, le traité vise le traité, les règlements pris pour l'application du traité et les actes uniformes35(*). On peut cependant douter que les règlements entrent dans ce cadre. En effet, les règlements ont pour seul objet les rapports entre les organes de l'OHADA et entre l'Organisation et les Etats membres. Il est donc impossible qu'un contentieux judiciaire privé ouvrant droit à cassation puisse impliquer l'application d'un règlement

B: Les limites de la compétence en cassation

Substantiellement, le Traité exclut «...les décisions appliquant des sanctions pénales », On peut penser que cette disposition exclut la compétence de la C.C.J.A. dès lors qu'il s'agit d'un pourvoi en cassation en matière pénale. Ceci impliquerait que les pourvois en cassation en matière pénale devraient nécessairement être portés devant les juridictions nationales de contrôle de légalité même s'ils sont fondés sur un moyen tiré de la violation d'un acte uniforme puisqu'il ne faut pas perdre de vue que les actes uniformes peuvent contenir des dispositions d'incrimination pénale mais non celles infligeant les sanctions qui restent du domaine de la loi nationale. Une telle interprétation qui supprime le pouvoir de substitution de la C.C.J.A. en matière pénale, évite la complexité et les lenteurs36(*).

En effet, si l'on admet que la C.CJ.A. est compétente pour statuer sur les dispositions d'incrimination mais non sur les dispositions établissant les sanctions, il faut admettre que la Cour commune, après s'être prononcée sur l'application des dispositions d'incrimination, devrait renvoyer l'affaire devant une juridiction nationale (de cassation ou d'appel) pour qu'il soit statué sur les sanctions. La solution consistant à écarter la compétence de la Cour de l'OHADA en matière pénale présente, quant à elle, l'inconvénient d'abandonner l'interprétation des dispositions des actes uniformes établissant des incriminations pénales aux seules juridictions nationales. Ceci pourrait « conduire à avoir autant d'interprétations du même texte qu'il y a d'Etats parties »37(*) ce qui ne conduit manifestement pas à l'émergence d'un droit pénal des affaires harmonisé. Il ne faut pas non plus perdre de vue que, dans un même litige, une partie peut déférer une décision au pourvoi en cassation en se fondant sur la violation de la disposition d'incrimination et de celle établissant la sanction. Cette observation, sur la cassation en matière pénale, est susceptible d'être étendue à toute espèce de pourvoi en cassation et laisse alors entrevoir le danger d'une relation conflictuelle de portée beaucoup plus large entre la Cour commune et les juridictions nationales. En plus de la substitutions aux juridictions de cassations des Etats membres, les conflits naissent également suite à la substitutions des même juridictions communes aux juridictions de fond des Etats membres.

Paragraphe II: La substitution aux juridictions de fond des Etats membres

L'autre conflit pouvant surgir entre les juridictions est la substitution de la CCJA aux juridictions des Etats membres. En effet, après avoir casser un décision, la procédure classique aurait voulu qu'il soit opéré à un renvoi devant une juridiction de font qui serait chargé de statuer au fond mais la technique empruntée par la CCJA consiste pour cette dernière à évoquer (A) et à statuer ensuite au fond (B).

A: La reconnaissance du pouvoir d'évocation

L'article 14 alinéa 5 étend même cette substitution aux juridictions du fond lorsqu'il y a cassation. En effet, cette disposition prévoit qu'« en cas de cassation, elle [la C.C.J.A.] évoque et statue au fond». Ce pouvoir d'évocation permet ainsi à la Cour commune de ne pas opérer de renvoi après cassation de la décision qui lui a été déférée et de se substituer ainsi à la juridiction nationale, du fond qui aurait été normalement compétente pour statuer après la cassation.

Cette compétence de la CCJA révèle la substitution de cette dernière aux juridictions de fond, car elle devait à l'instar de toutes les juridictions de cassation opérer un renvoi afin qu'il soit procédé à un autre jugement mais en l'espèce la CCJA s'approprie le litige en s'autosaisissant pour enfin statuer au fond.

B: La reconnaissance du pouvoir de statuer au fond

En procédant de la sorte, la CCJA apparaît plus comme une juridiction de première instance ou d'appel qu'une simple juridiction de cassation. En pareil cas dans l'ordre juridique interne, la cour de cassation, après avoir cassé une décision procède à un renvoi devant les juridictions de fond à charge de statuer au fond. Mais en procédant de la sorte, la CCJA n'apparaît pas seulement comme une juridiction de cassation mais les deux à la fois.

Cet état de fait constitue une particularité gage inéluctable de conflits avec les juridictions nationales notamment celles de fond.

Outre les conflits qui peuvent surgir suite à la substitution de compétences, on peut remarquer d'autres conflits résultants de la confusion de normes juridiques différentes.

Section II: Conflits résultant de la confusion de normes juridiques différentes

En plus de la substitution de compétence qui peut engendrer des conflits de juridictions, ceux-ci peuvent également se révéler a cause de la confusion de normes. Ainsi il serait important dans ce cas de mettre en relief la manifestation de la confusion (paragraphe I) puis analyser un cas spécifique révélateur à travers la jurisprudence snar leyma (paragraphe II)

Paragraphe I: La manifestation de la confusion

Il n'est évidemment pas impossible d'imaginer qu'un pourvoi en cassation implique à la fois une ou plusieurs règles de droit uniforme et une ou plusieurs dispositions de droit national non harmonisé (droit civil ou droit processuel par exemple). Comment faut-il, dans ce cas régler le partage de compétences entre la juridiction commune et les juridictions nationales ? Faut-il attribuer compétence pour l'intégralité du litige à la Cour commune ? Au contraire, faut-il attribuer compétence intégrale à la juridiction nationale de contrôle de légalité ? Faut-il former deux pourvois en cassation contre la même décision, l'un devant la juridiction nationale de cassation et l'autre devant la juridiction commune ? Faut-il former un seul pourvoi avec deux moyens destinés à deux juridictions différentes de sorte que la juridiction nationale de cassation renvoie l'affaire devant la C.C.J.A. après s'être prononcée sur l'application des dispositions de droit interne non harmonisé?

Ou l'inverse, c'est-à-dire d'abord saisir la C.C.J.A. qui, après s'être prononcée, renvoie devant la juridiction nationale de contrôle de légalité ?

Cette situation de conjonction de moyens fondés sur des normes juridiques différentes est pourtant loin d'être exceptionnelle. Elle ne trouve dans les relations instituées entre les juridictions nationales et la juridiction commune de l'OHADA aucune solution satisfaisante. En effet, aucune des alternatives évoquées ci-dessus n'est satisfaisante. Certaines comme, celle qui consiste à former un seul pourvoi avec des moyens soumis à des juridictions différentes sont même impraticables. Toute situation incertaine qui suscite des solutions alternatives est source de conflits potentiels. Il n'est donc pas étonnant qu'un tel conflit de détermination de la juridiction compétente -Cour commune ou juridiction nationale de contrôle de légalité- se soit posé dans l'affaire Snar Leyma rendu par la Cour Suprême du Niger le 16 août 200138(*).

Paragraphe II: L'exemple de la jurisprudence Snar Leyma

Le litige portait sur l'ouverture du capital de la Société nigérienne d'assurance et de réassurance (Snar Leyma) au groupe Hima Souley lors d'une opération de recapitalisation de la société d'assurance. Le groupe Hima Souley avait obtenu, par ordonnance rendue sur requête en date du 20 avril 2001 du Président du tribunal de Niamey, la nomination d'un administrateur judiciaire chargé de convoquer une assemblée générale des actionnaires de la Snar Leyma qui serait chargée de constater la libération des actions souscrites par le groupe Hima Souley en sa qualité d'actionnaire.

Cette ordonnance avait été confirmée par un arrêt de la Cour d'appel de Niamey du 23 mai 2001. Insatisfaite de l'arrêt d'appel ayant confirmé l'ordonnance du 20 avril 2001, la société nigérienne d'assurance avait introduit un pourvoi en cassation invoquant la violation par l'arrêt soumis au pourvoi de dispositions du code de procédure civile, du code civil et du code CIMA. La défenderesse au pourvoi -le groupe Hima Souley- avait soulevé une exception d'incompétence et une fin de non recevoir. 

L'exception d'incompétence invoquait la compétence exclusive de la C.C.J.A. pour statuer sur l'application des actes uniformes de l'OHADA, en l'espèce l'acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique du 17 avril 1997, conformément à l'article 14 du traité OHADA. La fin de non-recevoir invoquait la non inscription en faux contre la décision notariée de souscription et de versement. Les moyens du pourvoi invoquaient d'abord la violation par l'arrêt d'appel du 23 mai 2001 de l'article 809 du code de procédure civile nigérien en ce que cette disposition prévoit que « les ordonnances sur référé ne feront aucun préjudice au principal » . Or, selon la demanderesse au pourvoi, en reconnaissant la qualité d'actionnaire au groupe Hima Souley, les pouvoirs conférés au juge statuant en référé avaient été outrepassés. Les autres moyens du pourvoi invoquaient la méconnaissance des dispositions du code civil nigérien et du code CIMA sans d'ailleurs relever précisément quelles dispositions précises de ces deux codes auraient été violées. Pour le Code civil, on peut penser que c'est l'article 1134 consacrant le principe de la force obligatoire des conventions qui était implicitement visé par le pourvoi et pour le code CIMA, les dispositions spécifiques aux sociétés d'assurance.

Dans son examen du pourvoi, la cour suprême du Niger accueille le moyen pris de la violation de l'article 809 du code nigérien de procédure civile.

La haute juridiction décide que, en raison de la contestation de la qualité d'actionnaire du groupe Hima Souley, le juge des référés n'était pas compétent pour lui reconnaître cette qualité. En lui reconnaissant cette qualité, le juge des référés avait d'après la Cour suprême nigérienne, pris une décision contraire à la nature provisoire du référé. L'accueil de ce moyen aurait à lui seul justifié la cassation. La Cour suprême relève cependant un moyen d'office tiré du non respect de la procédure du référé pour la désignation d'un mandataire judiciaire. Selon la cour, l'article 516 de l'acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique imposerait dans tous les cas que la nomination d'un mandataire judiciaire pour pallier l'inertie du Conseil d'administration soit effectuée par ordonnance de référé rendue au terme d'une procédure contradictoire. Or, dans le cas d'espèce, l'ordonnance de nomination du mandataire avait été rendue sur requête, sans procédure contradictoire. Ceci constituait, d'après la haute juridiction nigérienne, un second motif de cassation. Notre propos portera exclusivement sur le rejet de l'exception d'incompétence soulevée par la défenderesse au pourvoi. 

On se rappelle que cette exception invoquait la compétence exclusive de la C.C.J.A. pour statuer sur l'application des actes uniformes de l'OHADA. La Cour suprême réfute la compétence de la C.C.J.A. au motif que celle-ci ne serait compétente que pour l'application des actes uniformes. Ceci, dans la compréhension de la Cour du Niger, implique que la compétence de la C.C.J.A. serait limitée à des pourvois qui sont fondés exclusivement sur des dispositions d'actes uniformes. Or, dans le cas d'espèce, le pourvoi n'est pas exclusivement fondé sur des normes uniformes de l'OHADA. En effet, on a vu que le pourvoi invoquait, outre des dispositions uniformes, des dispositions de droit nigérien non harmonisé du code civil et du code de procédure civile.

Certes, la juridiction suprême du Niger ne va pas jusqu'à affirmer sa compétence pour statuer sur les actes uniformes mais elle estime que dans un tel cas, « il appartient à la Cour suprême nationale de saisir la Cour commune des questions spécifiques aux actes uniformes ». Quoiqu'en pense la haute juridiction du Niger, une telle procédure, qui s'apparente au recours préjudiciel en interprétation n'est pas organisée dans le système institutionnel de l'OHADA. Le recours consultatif devant la C.C.J.A. n'est possible que pour les seules juridictions du fond. Ceci ressort explicitement de la combinaison des articles 13 et 14 alinéa 2 du Traité OHADA. En effet, l'article 13 vise l'application du droit uniforme par les juridictions du fond en première instance et en appel tandis que l'article 14 alinéa 2 vise la saisine de la C.C.J.A. pour avis consultatif « par les juridictions nationales saisies en vertu de l'article 13 ». Pour les juridictions nationales de contrôle de légalité, comme les cours de cassation, la seule voie, lorsqu'une question est posée devant elle relative à l'application des actes uniformes, est le dessaisissement. L'article 51 du Règlement de procédure de la C.C.J.A. apporte, sur ce point, une précision qui permet d'affirmer qu'une cour de cassation ne peut que se dessaisir si une question portant sur un acte uniforme est soulevée devant elle. Ainsi, ledit article dispose que « Lorsque la cour est saisie conformément aux articles 14 et 15 du traité par une juridiction nationale statuant en cassation qui lui renvoie le soin de juger une affaire soulevant des questions relatives à l'application des actes uniformes, cette juridiction est immédiatement dessaisie ». La procédure évoquée par la Cour suprême nigérienne ne peut donc être envisagée. Seule une procédure de dessaisissement est prévue par le droit OHADA.

La Cour suprême du Niger soumet la procédure de consultation de la C.C.J.A. à une double condition : il faut que « l'application des actes uniformes ait été prépondérante pour la prise de la décision attaquée et que le pourvoi [soit] surtout basé sur ces actes ».

Il faut donc que la décision attaquée soit principalement fondée sur une ou plusieurs dispositions uniformes et que le pourvoi invoque principalement la violation du droit uniforme. Si tel n'est pas le cas, la juridiction suprême nationale est compétente pour statuer sur le tout sans devoir saisir la C.C.J.A. Dans le système proposé par la juridiction du Niger, il revient évidemment à la juridiction saisie, c'est-à-dire la Cour suprême, d'apprécier la clé de répartition entre droit national et droit uniforme aussi bien dans l'arrêt attaqué que dans le pourvoi. En d'autres termes, c'est cette juridiction qui statuera sur la compétence ou l'incompétence de la C.C.J.A. On ne saurait imaginer un système plus éloigné des conceptions du Traité OHADA qui entend faire de la C.C.J.A. la juridiction exclusivement compétente pour toutes les questions relatives à l'application des actes uniformes.

Quel que soit le jugement que l'on peut porter sur l'arrêt rendu dans l'affaire Snar Leyma évoqué ci-dessus, il témoigne d'une relation à tout le moins conflictuelle entre les juridictions nationales de cassation et la Cour commune de l'OHADA. C'est ainsi qu'il a pu être perçu comme une manifestation de la résistance des juges nationaux à l'application et l'interprétation du droit uniforme par la Cour commune39(*). Une telle situation conflictuelle nous paraît difficilement évitable dès lors que le système institutionnel repose sur un mécanisme de substitution de compétence, en l'espèce des juridictions de cassation vers la Cour commune tel qu'il a été conçu au sein de l'OHADA. Le conflit n'est cependant pas insoluble dans un système où l'une des juridictions peut finalement imposer sa compétence à l'autre. Tel est précisément le cas dans le système OHADA.

En effet, aux termes de l'article 18 du Traité, « Toute partie qui, après avoir soulevé l'incompétence d'une juridiction nationale de cassation estime que cette juridiction a méconnu la compétence de la Cour commune de justice et d'arbitrage peut saisir cette dernière...». La Cour commune aura finalement le pouvoir d'imposer sa compétence puisque si elle « décide que cette juridiction [la juridiction nationale de cassation] s'est déclarée compétente à tort, la décision rendue par cette juridiction est réputée nulle et non avenue ». A cet égard, le conflit risque d'être beaucoup plus difficile à dénouer lorsqu'il est posé entre deux juridictions dont aucune ne peut imposer sa compétence à l'autre. Tel est précisément le cas lorsque le conflit est soulevé entre deux juridictions communautaires ou communes.

Deuxième Partie

Les rapports entre les juridictions communautaires

Le vaste mouvement d'intégration des années 90 a eu à engendrer en Afrique une pluralité de communautés ou unions avec chacune ses spécificités propres.

Mais ces différentes organisations ont la particularité de créer chacune une juridiction qui est chargée de mettre en oeuvre les normes produites par l'organisation dont elle constitue l'institution juridictionnelle. C'est dans ce cadre qu'on a vu naître plusieurs organisations dans une même région géographique. On peut donner l'exemple de la région ouest africaine avec l' UEMOA avec une cour de justice.

Mais il y a aussi des organisations qui regroupent plusieurs Etats de régions différentes. L'OHADA en est une parfaite illustration car il s'agit là d'une organisation qui est composée d'Etats de l'Afrique de l'ouest (regroupée au sein de l'UEMOA et de la CEDEAO) et des Etats de l'Afrique centrale.

Ainsi retrouve-t-on plusieurs juridictions communes qui interviennent soit dans une même région soit une juridiction qui intervient dans deux régions.

S'il n y a pas de liens entre les juridictions communes du point de vue de l'application ou de la sanction des nomes, il demeure par ailleurs que ces dernières peuvent entretenir des rapports certains qui peuvent paraître conflictuels.

C'est ainsi qu'il nous appartiendra de voir quels types de rapports entretiennent ces juridictions. Mais pour y arriver il faudra d'abord nécessairement identifier les éléments susceptibles d'engendrer des conflits (chapitre I) puis identifier les conflits susceptibles d'en découler pour y apporter éventuellement des solutions (chapitre II).

Chapitre I: Les éléments constitutifs de ces rapports

Les juridictions en elles même n'ont pas de relations institutionnelles quant à l'application du droit commun, par contre d'autres rapports peuvent être envisagés à travers un certain nombre d'éléments qu'elles partagent. Les éléments constitutifs de ces rapports tiennent à la fois aux fonctions assurées par les cours (section I) par rapport aux ordres juridiques dont elles constituent l'institution juridictionnelle et aux champs d'application de ces ordres juridiques (section II).

Section I: L'identité des fonctions assurées par les cours

Les juridictions de l'UEMOA et de l'OHADA ont pour fonction fondamentale de dire le droit communautaire 40(*). Selon différentes procédures qui ont été évoquées dans la première partie de cette étude41(*), ces juridictions ont comme tâche essentielle d'appliquer le droit communautaire en aval des juridictions nationales (paragraphe I) mais aussi d'interpréter d'une manière uniforme les normes de l'ordre juridique dont elles constituent l'institution juridictionnelle supérieure  (paragraphe II).

Paragraphe I : L'application du droit communautaire

L'espace intégré de l'UEMOA et de l'OHADA n'est en réalité qu'un ensemble d'Etats qui se sont regroupés afin de favoriser le rapprochement de leurs différents peuples par le biais de la règle de droit.

Par conséquent, les règles communautaires ne sont destinées qu'aux seuls Etats et aux particuliers. Justement, étant donné que dans l'ordre interne des Etats, il appartient aux juridictions nationales d'appliquer la règle de droit, c'est à ces mêmes juridictions d'assurer l'effectivité de la réglementation communautaire par son application sur le territoire de chaque Etat. Mais à coté de cette compétence reconnue aux juridictions nationales, il faut relever que les juridictions communautaires aussi jouent un grand rôle dans l'application du droit commun. Si les juridictions communautaires partagent ce privilège d'application du droit commun avec les juridictions nationales, il existe des matières par rapport aux quelles le règne des premières est sans partage. Il en est d'abord ainsi du contentieux de la légalité mais aussi pour certaines matières spécifiques dans le contentieux de pleine juridiction Il faut tout de suite signaler que ce type de contentieux propre aux juridictions communautaires fait l'objet d'une consécration beaucoup plus élaborée au sein de l'UEMOA que dans l'OHADA. Il comprend trois éléments le recours en appréciation de légalité, le recours en exception de l'illégalité et le recours préjudiciel en interprétation de la légalité.

Pour ce qui est du premier type de recours, il s'agit du recours en annulation prévu expressément dans les textes de l'UEMOA, particulièrement le chapitre II du règlement de procédure de la cour de justice. Au termes de l'article 15 de ce chapitre la cour est compétente pour connaître du recours en appréciation de légalité, l'alinéa 2 dispose que : « ... Le recours en appréciation de légalité est dirigé contre les actes communautaires obligatoires  les règlements, les directives ainsi que les décisions individuelles prises par le conseil et la commission... ». Le recours en appréciation de légalité peut être conçu comme étant la transposition à l'échelle régionale du recours pour excès de pouvoir applicable dans l'ordre interne des Etats. Comme tout recours la cour est saisie au moyen d'une requête signée généralement par un avocat, elle est signifiée à la partie adverse accompagnée d'un cautionnement.

La requête peut être introduite conformément au même alinéa second de l'article 15 par toute personne physique ou morale, contre tout acte d'un organe de l'Union lui faisant grief.

En outre il s'y ajoute que le recours est même ouvert aux organes de l'Union, tels que la commission, le conseil, ou encore les Etats membres contre les règlements, les directives et décisions. Ainsi considéré ce recours s'exerce contre les actes unilatéraux de l'Union, notamment les directives, les règlements, les décisions, à l'exclusion des actes additionnels. Et lorsque la cour statue, son office consistera à confronter les actes en questions avec le Traité de base et les autres conventions. Comme en droit interne les actes en cause doivent faire grief, c'est-à-dire modifier l'ordonnancement juridique, par conséquent les avis et recommandations ne peuvent faire l'objet du recours. Par ailleurs ce recours peut donner lieu à des cas d'annulation d'un acte communautaire, lorsqu'il y a eu vice de forme et de procédure 42(*)par exemple l'absence de motivation ou la violation de la procédure contradictoire. Il en est ainsi également en cas d'incompétence ou de détournement de pouvoir car les autorités communautaires ont des compétences d'attribution. Mais surtout l'annulation est retenue lorsqu'il y a violation du traité de base et des textes subséquents.

A l'heure actuelle l'affaire qui défraie la chronique en cette matière c'est sans nul doute le licenciement abusif du commissaire ivoirien Eugène Yaï. Dans cette Arrêt rendu le 05 avril 200543(*), la cour de justice de l'Union a déclaré nul et de nul effet l'acte additionnel n°01/2005 du 11 mai 2005 nommant monsieur Jérôme Bro Grebe en qualité de membre de la commission de l'UEMOA pour remplacer monsieur Yaï.

Mais le curieux dans cette affaire, c'est que sous les pressions de la Côte d'Ivoire la conférence des chefs d'Etats et de gouvernement va encore adopter l'Acte additionnel n°04/2006 pour réaffirmer la nomination de monsieur Jérôme Bro, ce qui est aujourd'hui synonyme de licenciement pour monsieur Eugène Yaï. Ce remplacement conformément au premier arrêt de la CJU sera encore jugé illégal par la cour communautaire, qui convient toutefois de l'entrée en vigueur de l'acte additionnel dans le but de donner une base légale à la nomination du nouveau membre de la commission, bien que illégalement effectuée. Dans cette affaire il se pose une question très cruciale, celle de la crédibilité de la cour de justice. Est-ce que les chefs d'Etats de l'Union dans le seul but de satisfaire les désires d'un Etat membre, vont en tant que animateur de l'organe suprême de l'UEMOA, faire totalement fi de la décision de justice de la cour ? Lequel organe de contrôle a été justement créé pour servir l'effectivité du droit communautaire. Même si la conférence n'en juge pas encore la portée, la suite qu'elle donnera à cette affaire sera très décisive pour l'avenir de l'UEMOA. Car si l'organe suprême viole le droit communautaire, c'est dire que l'Union risque d'être une zone de non droit dans l'avenir.

Après ce premier recours il existe un autre type dont les juridictions communautaires sont les seules compétentes.

Le recours en exception d'illégalité est prévu au sein des deux cours communautaires de l'UEMOA et de l'OHADA, mais comme pour le recours sus évoqué il fait l'objet d'une réglementation plus stricte dans la Cour de justice de l'Union. En effet il est permis à toute personne partie à un litige de soulever une exception à l'encontre d'un acte d'un organe de l'organisation. Mais l'exception d'illégalité ne vise pas à faire annuler un acte, mais à le déclarer inapplicable en l'espèce même après l'expiration du recours en annulation. Lorsque c'est des requérants ordinaires, l'exception d'illégalité aura pour intérêt de corriger les restrictions auxquelles le traité subordonnait le recours en annulation des particuliers contre les décisions et règlements.

Mais quand c'est des Etats ou des institutions qui saisissent le juge, l'exception d'illégalité devra servir à empêcher l'application d'actes illégaux qu'ils auraient pu attaquer, mais qu'ils n'ont pas pu faire dans le cadre du délai du recours en annulation. Dans ce cas de figure le juge est saisi par la voie de la question préalable, à la quelle il devra répondre. Comme autre catégorie de contentieux par rapport au quel la compétence est réservée aux juges communautaires, on peut relativement citer le contentieux de l'interprétation44(*) .Mais le contentieux de la légalité n'est pas la seule matière de compétence des juridictions communautaires, celles-ci peuvent aussi connaître des litiges de pleine juridiction. Si l'on considère la réglementation de l'UEMOA et de l'OHADA s'agissant du contentieux de pleine juridiction, leurs juridictions sont compétentes à deux niveaux différents. En effet il y a des matières de première saisine, c'est-à-dire lorsque la question est obligatoirement portée en premier lieu devant le juge communautaire. Mais également comme tout contentieux de pleine juridiction les cours communautaires sont compétentes par la voie de la cassation

Les juridictions communautaires ne sauraient avoir des compétences bornées au seul contentieux de la légalité. C'est la raison pour la quelle la CCJA et l'OHADA sous peine de voire leur rôle trop réduit ou inexistant sont compétentes en matière de responsabilité, de contentieux de la concurrence, ou de la fonction publique. Pour la responsabilité il faut dire qu'elle fait naturellement l'objet d'une consécration dans tous les textes régissant les juridictions africaines. Dans l'UEMOA le paragraphe 5 de l'article 15 du règlement de procédure de la cour dispose que : « la cour de justice est seule compétente pour déclarer ou engager la responsabilité non contractuelle et condamner l'Union à la réparation du préjudice causé par des agissements matériels, soit par des actes normatifs des organes ou de ses agents dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leur fonction... ».

L'action en responsabilité quelque soit le cas peut être intentée par les particuliers contre l'Union, cette dernière peut également engager la responsabilité des particuliers.

Il y a aussi le contentieux individuel de la fonction publique, qui peut être porté devant les juridictions communautaires. En effet il existe un ensemble de règles régissant les personnels de l'UEMOA et de l'OHADA, il en est ainsi par exemple du règlement 1/98 du 30 janvier 1998 relatif au régime applicable au personnel de l'OHADA. Ces règles constituent le statut de ces personnels qui fixe les droits et obligations du personnel qui peut être fonctionnaire ou non fonctionnaire. Cependant comme dans tout rapport humain, il peut survenir des litiges entre l'organisation et les agents. C'est la raison pour laquelle les textes qui régissent les cours communautaires donnent compétence à celles-ci pour connaître de ces litiges. C'est le cas du règlement de procédure de la CJU qui à l'alinéa 4 de son article 15 habilite la cour à statuer sur tout litige entre les organes de l'union et leurs agents dans les conditions déterminées au statut du personnel.

Comme autres contentieux exclusifs aux juridictions communautaires, il faut noter celui qui est relatif à la concurrence, aux litiges financiers et aux recours en manquement contre les Etats. Mais ces contentieux ne sont prévus à l'heure actuelle que dans le cadre de l'UEMOA. Cela peut aisément se comprendre, d'une part par la nature des normes de l'UEMOA qui visent dans leur majorité expressément les Etats et d'autre part il n'existe à l'heure actuelle aucun Acte Uniforme devant portant sur ces matières. Ainsi, lorsqu'elle est saisie, la CJU peut être amenée à se prononcer sur les décisions et sanctions que la commission a pu prendre contre les entreprises qui n'ont pas respecté le principe de la libre concurrence ou bien celles qui ont abusé de leur position dominante sur le marché de l'UEMOA. Quant au recours en manquement il est également prévu par l'alinéa 1er de l'article 15 du règlement de procédure de la CJU.

En effet, selon la réglementation la cour de justice connaît des recours de la commission ou de tout Etat membre pour tous manquements que les Etats accusent par rapport aux obligations communautaires qui les incombent. Enfin concernant le recours financier il ne fait pas l'objet d'une consécration expresse par l'UEMOA, contrairement à la convention de la cour de justice de la CEMAC mais il s'agit essentiellement du contentieux bancaire. Au demeurant il faut dire que les juridictions communautaires de l'UEMOA et de l'OHADA disposent d'une compétence générale, elles peuvent être saisies par les juridictions nationales dans le cadre du recours préjudiciel ou consultatif pour un éclairage sur le droit communautaire. Mais elles peuvent être saisies également par toutes personnes physiques ou morales pour des matières qu'elles sont seules à pouvoir connaître.

En plus de la compétence en matière d'application du droit commentaire, les juridictions communautaires ont également en commun l'interprétation du droit commun.

Paragraphe II : L'interprétation uniforme du droit communautaire

Dans le souci d'une application uniforme des normes uniformes, il est institué au sein de l'OHADA et de l'UEMOA un système de coordination entre les juridictions communautaires et celles qui sont propres aux territoires des Etats parties. En effet, ont aurait couru le risque d'une incohérence si les juridictions nationales pouvaient chacune de manière séparée et selon leur bon vouloir et leur entendement, interpréter le droit communautaire. Sans conteste il y aurait autant d'interprétations que de juridictions nationales et par conséquent l'uniformisation serait fortement obérée.

Pour cette raison l'analyse des textes fondamentaux de l'UEMOA et de l'OHADA révèle que c'est aux cours communautaires de justice qu'est dévolue la mission d'interprétation des normes communautaires en cas de difficultés pour leur application dans un litige au plan interne. L'interprétation consiste à préciser le sens et la portée des dispositions du droit communautaire

Dans l'UEMOA mais également dans la communauté jumelle de l'Afrique centrale (CEMAC), le contrôle par l'interprétation s'exerce à travers ce que l'on appelle le recours préjudiciel en interprétation. Ce recours est organisé dans l'Union par les dispositions du protocole additionnel n°1 du Traité de l'UEMOA, et par l'article 15 paragraphe 6 du règlement 01/ 96/ CM/ UEMOA portant règlement de procédure de la Cour de justice. Justement, cet article 15 dispose que : «  Lorsqu'un problème d'interprétation du traité de l'Union, de la légalité des organes de l'Union, de la légalité et d'interprétation des statuts des organismes créés par un acte du conseil, se pose devant une juridiction nationale dont les décisions sont susceptibles de recours, cette juridiction peut, si elle l'estime nécessaire, poser des questions préjudicielles à la Cour ». S'il en est ainsi c'est dire que la saisine est facultative mais la même disposition précise également que les juridictions nationales sont cependant dans l'obligation de saisir la Cour de justice lorsqu'elles statuent en dernier ressort. Dans l'Union le contentieux portant sur l'ensemble du droit communautaire est susceptible de faire l'objet d'un recours préjudiciel (les règlements, les directives, décisions, les statuts des organes spécialisés comme la BRVM et le Traité lui-même.

Le recours doit émaner d'une juridiction nationale ou d'une autorité à fonction juridictionnelle. Ainsi, l'opportunité de renvoi appartient à la juridiction nationale qui peut la refuser malgré la requête d'une partie. Cela amène à dire que dans l'Union le recours n'est pas une voie de recours dont les justiciables peuvent user contrairement à l'Union Européenne où les avocats peuvent provoquer le renvoi et même participer à la formulation de la question posée à la juridiction communautaire.

Pour ce qui est de l'OHADA c'est d'abord l'article 14 du Traité de base qui prévoit la compétence exclusive de la CCJA pour l'interprétation du Traité, des règlements pris pour son application et des applications. Ensuite c'est l'article 56 du règlement de procédure qui traite de la question de l'interprétation mais à ce niveau le règlement consacre le concept de procédure consultative. Ainsi la disposition inclus au niveau du Titre III intitulé : De la procédure consultative énonce que : «  Toute décision par laquelle une juridiction visée à l'article 14 du traité sollicite un avis consultatif est notifié à la cour à la diligence de cette juridiction. Cette décision formule en termes précis la question sur laquelle la juridiction a estimé nécessaire de solliciter l'avis de la cour pour rendre son jugement... ». Ainsi, on peut dire que la demande d'avis est le pendant de la procédure du renvoi préjudiciel de l'UEMOA. Mais dans l'Union lorsque l'avis est demandé, elle fait même l'objet d'une notification à tous les Etats parties au Traité, par le greffier en chef. En outre il faut dire que, plus que dans l'Union la demande d'avis apparaît comme une obligation dans l'organisation dans la mesure où les décisions rendues par les juridictions nationales qui s'inscriraient en faux avec le droit communautaire seraient toutes invalidées par la CCJA qui est une véritable juridiction de troisième degré. Matériellement la réglementation des deux juridictions prévoit que le juge national doit exposer les motifs pour les quels il juge la saisine nécessaire à la solution du litige et les éléments de droit et de fait du litige en y joignant toutes les pièces du dossier. Lorsque la décision d'interprétation est rendue par les deux Cours elle contient l'indication de son auteur, la date du prononcé, les noms des juges, l'exposé sommaire des faits, les motifs et enfin la réponse à la question qui était posée.

Il faut dire en fin de compte que les interprétations qui sont données par les cours s'imposent en principe à la juridiction nationale qui les a demandé. L'interprétation s'impose à toutes les autorités administratives et judiciaires dans l'ensemble des Etats membres.

De ce fait, l'inobservation par l'Etat ou la juridiction d'une décision d'interprétation peut entraîner un recours en manquement dans l'UEMOA. Par conséquent la pratique de la demande d'interprétation présente des intérêts certains. Cela permet de préserver l'unité d'interprétation servant de base à des applications homogènes par les juridictions nationales mais également l'interprétation permet de diminuer l'encombrement du prétoire de la juridiction communautaire. En outre, la faculté de saisine de la cour communautaire aux fins d'une interprétation disparaît si la question posée a déjà fait l'objet d'une jurisprudence. Le recours en interprétation n'est pas requis également lorsque la question soulevée par l'une des parties manque de pertinence c'est-à-dire quand elle n'a aucune influence sur la solution du litige.

Au demeurant, il apparaît que la juridiction nationale et les juridictions communautaires partagent un aspect très important lié à l'application du droit commun. Si cet aspect illustre l'un des rapports qu'entretiennent ces juridictions, il n'en demeure pas moins que l'identité des domaines d'actions constitue également un aspect important voire déterminent dans les rapports des cours.

Section II : L'identité des domaines d'actions des Cours

La particularité de l'UEMOA et de l'OHADA se situe au niveau de leur domaine de prédilection. Il faut noter que la production de norme n'a pas été convenablement ajustée afin d'éviter un chevauchement entre elles surtout si l'on sait que l'espace d'exécution des ces deux juridiction est à peu prés la même chose car tous les huit Etats membres de l'UEMOA sont aussi membres de l'OHADA. C'est pourquoi l'étude des rapports passe nécessairement par l'étude du domaine d'action matériel d'abord (paragraphe I) puis par celle du domaine d'action spatial (paragraphe II).

Paragraphe I: Domaine d'action matériel

Pour ce qui concerne l'UEMOA, celle-ci ne jouit que d'une compétence d'attribution45(*). Cela veut dire que ses activités ne peuvent ou ne doivent se déployer que dans un certain nombre de domaines limitativement déterminés par le Traité. Ce principe ressort clairement des dispositions de l'article 16 alinéa 2 du Traité qui limite l'action des organes "aux attributions qui leur sont conférées par le Traité de l'UMOA et le présent traité dans les conditions prévues par ces Traités". Il se pose alors la question des domaines réservés ou ouverts à l'Union et dans lesquels le droit communautaire aurait matière à s'appliquer. Cette interrogation ne reçoit pas de réponse précise, référence faite au Traité eu égard à l'absence d'une différenciation nette entre les notions de fonction et de compétence46(*). Cette imprécision est renforcée par le fait que le Traité UEMOA est un traité cadre. C'est donc dire que le champ d'application matériel du droit de l'UEMOA épouse les contours des objectifs de l'Union. Il ressort de ce qui précède que le domaine d'application ou d'intervention du droit communautaire est à la fois vaste et imprécis. Le droit communautaire de l'UEMOA harmonisé, au moyen des directives ou unifié au moyen des règlements peut porter sur l'organisation des activités économiques dans le cadre du marché et d'une manière plus générale sur tous domaines dès lors que la poursuite des objectifs de l'Union l'exige. La situation est similaire s'agissant du droit de la CEDEAO Le domaine couvert par le droit unifié de l'OHADA est constitué du droit des affaires.

Celui-ci est défini par l'article 2 du Traité au moyen d'une énumération d'un ensemble de règles se rapportant «au droit des sociétés et au statut juridique des commerçants, au recouvrement des créances, aux sûretés et aux voies d'exécution, au régime du redressement des entreprises et de la liquidation judiciaire, au droit de l'arbitrage, au droit du travail, au droit comptable, au droit de la vente et des transports... ».Cette énumération n'est cependant pas limitative puisque la même disposition poursuit l'énumération par la mention que «toute autre matière» peut être incluse dans le droit des affaires pour autant que le Conseil des ministres de l'OHADA décide à l'unanimité de l'y inclure. Ceci ne fait que refléter le fait que le droit des affaires est une branche à contenu variable sans limitation précise. Le droit des affaires a ainsi vocation à englober toutes les règles de droit relatives à l'entreprise et à la production et la circulation des richesses économiques. C'est ainsi que peuvent sans nul doute entrer dans le champ du droit des affaires, outre le droit commercial au sens classique du terme, le droit de certaines professions commerciales spécialisées, le droit des services financiers, le droit pénal des affaires, le droit fiscal, le droit social, le droit comptable et le droit des contrats, en incluant le droit des obligations47(*).

On constate donc que les domaines d'intervention sont loin d'être étanches entre les différentes organisations de sorte qu'il n'est pas impossible que des normes produites par plusieurs de ces institutions portent sur les mêmes matières. Il y aurait dans ces situations, coexistence de règles substantielles pour réguler une même situation.

De ce qui précède il apparaît clairement qu'il existe un risque réel de concurrence normative entre l'UEMOA et l'OHADA dans la mesure où  ces organisations ont compétence à forger le droit commun des affaires mais aussi le droit spécial des affaires (droit des transports ainsi que le droit social. Déjà on a vu apparaître un conflit de normes à propos du droit comptable élaboré par l'OHADA et le SYSCOA élaboré dans le cadre de l'UEMOA. Ce conflit a été résolu à posteriori par la concertation. Mais un conflit similaire peut surgir dans d'autres domaines sans qu'on ait l'assurance que la concertation suffira à apporter la solution. On peut par exemple penser au droit du commerce électronique qui est traité dans le règlement sur les instruments de paiement et qui va l'être dans le prochain AUOHADA sur les contrats. Le risque de conflits de normes existe également entre l'OHADA et les organisations inter- africaines d'intégration juridique à compétence sectorielle. En effet ces dernières ne doivent pas en principe sortir des limites de compétences qui leur sont assignées par leurs traités constitutifs (OAPI, CIPRES, CIMA) mais ces dernières ne sont pas à l'abris des conflits de normes avec l'OHADA si cette dernière en vertu de sa compétence non délimité déciderait un jour d'intervenir dans leur champ de compétence. Ainsi on remarque d'après ces observations qu'il existe un risque sérieux de conflits entre les juridictions communautaires résultant de l'identité de domaines d'action matériel des cours. Aussi, les conflits peuvent ils également surgir du fait de l'identité du domaine d'action spatiale.

Paragraphe II: Domaine d'action spatial

La coexistence de règles substantielles aptes à régir une situation n'est pas un fait inconnu en droit. On la rencontre pour toutes les situations juridiques empreintes d'éléments d'extranéité. Cette coexistence est traitée au moyen de la technique conflictuelle. La situation est cependant très différente si la coexistence de règles trouve son origine dans la pluralité de normes communautaires.

Dans cette situation, aucune règle de conflit ne permet d'opérer un choix entre les normes en concurrence48(*). Aucun ordre juridique ne pourrait, en effet s'arroger le pouvoir d'opérer un choix entre les normes en concurrence. A la différence de la règle de conflit qui permet dans les limites fixées par le système de droit international privé du for de répartir l'application de la lex fori et de la loi étrangère, aucun système, ni interne, ni communautaire n'est apte à opérer une telle répartition s'agissant de règles communes ou communautaires. La raison en est évidente s'agissant des droits internes. Il revient au droit communautaire de fixer sa sphère d'applicabilité matérielle et spatiale et celle-ci s'impose aux ordres juridiques internes des Etats membres. Aucune norme communautaire ne peut davantage régler la question de l'applicabilité du droit communautaire produit par les autres institutions que celle qui a produit la norme. Ainsi, il ne revient pas à une norme CEDEAO ou OHADA de traiter de l'applicabilité d'une norme UEMOA. Or en l'espèce il s'agit de règles issues d'organisation différentes et qui évoluent toutes dans un même espace intégré. Ainsi, en Afrique de l'ouest y'a-t-il quatre cadres d'intégrations : le conseil de l'entente (1969) dans lequel le leadership ivoirien est marqué (Bénin, Burkina Faso, Côte d'ivoire, Togo etc. Tous ces Etats sont dans la CEDEAO et l' UEMOA. Ensuite UFM (1973) qui regroupe la Guinée, Libéria, Sierra Léone. Son objectif est l'intégration économique, or ces trois Etats sont dans la CEDEAO et l'UEMOA. On constate que les huit Etats membres sont des Etats membres de l'OCAM. Ainsi dans l'espace ouest africain cinq Etats appartiennent simultanément à trois organisations, six appartiennent à deux autres organisations et quatre appartiennent à une seule organisation.

Non seulement les Etats sont éclatés mais les organisations ont le même but. L'UMOA dans son traité de 1947 avait comme objectif l'union économique et monétaire.

Dans l'UEMOA (traité de 1994) le but reste le même. Ainsi il apparaît que en réalité les conflits qui naissent entre les juridictions communautaires sont purement d'ordre structurel.

Au demeurant, la particularité de l'intégration en Afrique en général et Afrique de l'ouest en particulier se manifeste non pas par une intégration via une seule organisation mais par le biais de plusieurs organisations. Mais le plus paradoxal dans cet état de fait est que ces différentes organisations d'une manière générale, en plus d'évoluer dans le même espace commun, interviennent presque dans les mêmes domaines. Cet état de fait conduit inexorablement à la naissance de conflits qu'il va falloir résoudre pour que l'intégration dans l'espace ouest africain puisse générer les résultats escomptés.

 Chapitre II: Les conflits pouvant résulter de ces rapports

Après avoir mis en exergue les rapports entre différentes organisations du point de vue de leur domaine d'action matériel et spatial, il en résulte qu'un certain nombre de conflits peuvent surgir. On peut envisager qu'un conflit de normes, tel qu'il a été appréhendé ci-dessus se soit survenu, ce qui pose le problème du domaine d'intervention du conflit ( section I) mais aussi de leur traitement ( section II).

Section I: Les domaines d'intervention de ces conflits

Ces éventuels conflits peuvent se poser devant le juge national. Il pourrait aussi l'être devant le juge communautaire.

Paragraphe I: Devant le juge national

Un conflit de normes devant le juge national suppose qu'un litige pendant devant une juridiction nationale requiert pour sa solution l'application de règles communes ou communautaires produites par différentes institutions d'intégration. Pour qu'un tel conflit soit possible, il faut supposer l'effet direct de ces règles. En effet, l'application dans un contentieux judiciaire de normes communautaires implique qu'elles puissent être revendiquées par les particuliers dans leurs relations et dans leurs rapports avec les Etats membres. On se souvient que l'effet direct est retenu pour les normes produites par l'UEMOA et l'OHADA alors qu'il n'est pas affirmé pour le droit de la CEDEAO49(*). Si un tel conflit entre deux normes communautaires était posé devant le juge national, celui-ci se trouverait face à deux corps de règles ayant vocation à s'appliquer sans qu'aucune règle de conflit du juge national ne puisse s'appliquer pour opérer un choix entre les droits en concurrence et sans qu'aucun principe hiérarchique ne puisse permettre de résoudre le conflit. En effet, à la différence du conflit entre droit communautaire et droit interne qui est résolu à l'aide du principe de primauté du droit communautaire, aucun principe hiérarchique ne peut être posé entre les droits communautaires.

Devant un tel conflit devant le juge national, deux possibilités s'offrent à lui pour résoudre le conflit. Il s'agira d'une part d'une application distributive et d'autre part d'une application non distributive.

 A: L'application distributive

La première situation envisage que les normes communautaires puissent être appliquées de manière distributive à la situation litigieuse.

Tel sera le cas lorsque les normes communautaires régissent chacune des éléments distincts du litige. On peut supposer, par exemple, un contentieux relatif à un accord de distribution prenant la forme d'un contrat d'agence commerciale où il est prétendu des atteintes à la concurrence et le non paiement d'une indemnité d'éviction. Les atteintes à la concurrence relèvent du droit communautaire primaire et dérivé de l'UEMOA alors que la question portant sur l'indemnité d'éviction due à l'agent relève des actes uniformes de l'OHADA, plus spécialement de l'Acte uniforme sur le droit commercial général. Dans une telle situation, le juge national devra respecter les compétences attribuées aux organes juridictionnels des ordres juridiques concernés par le litige. Toute autre solution aurait pour conséquence qu'une juridiction communautaire ou commune interprèterait une norme ne faisant pas partie de l'ordre juridique qu'elle est chargée d'unifier. Ceci implique que chacune des juridictions pourrait être saisie selon les procédures prévues par chacun des ordres juridiques concernés50(*) pour appliquer et (ou) interpréter les règles qu'elle a mission d'appliquer et (ou) d'interpréter. Le conflit n'est donc pas inextricable puisqu'il est possible de le traiter en respectant les fonctions assignées à chacune des juridictions concernées par le litige. Il ne faut cependant pas se cacher qu'un tel morcellement du procès pourrait pour certains litiges aboutir à des conséquences manquant de cohérence ou d'harmonie, voire inconciliables51(*). A coté de la possibilité d'une application distributive, l'application distributive peut être une option qui s'offre au juge.

B: L'application non distributive

La deuxième situation envisage un litige où les normes communautaires ne peuvent être appliquées de manière distributive. En d'autres termes, elles revendiquent toutes deux leur application aux mêmes éléments du litige. On perçoit que le conflit devient inextricable lorsque ces normes apportent des solutions différentes aux questions qui sont posées pour la solution du litige. Rationnellement, le juge national ne peut appliquer deux règles inconciliables ou contradictoires pour solutionner le litige dont il est saisi. La saisine des juridictions communautaires ne peut en outre que cristalliser le conflit puisqu'on voit mal comment la juridiction communautaire pourrait écarter la solution du droit qu'elle est chargée d'appliquer et (ou) d'interpréter. La seule solution serait pour le juge national de recourir aux règles de droit international public portant sur les conflits de conventions52(*). De tels conflits peuvent également se poser devant le juge communautaire.

 Paragraphe II: Devant le juge communautaire.

Devant les juridictions communautaires, le conflit de normes paraît à priori, impensable (A) néanmoins possible (B)

A: Un conflit à priori impossible

Devant les juridictions communautaires, le conflit de normes paraît à priori impensable. Dans le cadre d'un recours préjudiciel ou d'un pourvoi en cassation, la cour de justice de l'UEMOA et la Cour commune de l'OHADA ont pour unique fonction d'interpréter respectivement le droit de l'Union et le droit uniforme quelles que soient par ailleurs les autres dispositions applicables au litige. En clair la cour de justice de l'UEMOA ne peut connaître que des litiges résultant de normes produites par ses organes. C'est également le même cas en ce qui concerne l'OHADA. Ce qui veut dire en d'autres termes qu'il est impossible qu'un conflit qui est né par rapport au droit UEMOA puisse être porté devant la CCJA. On vient de relever comment une telle situation pourrait d'ailleurs cristalliser le conflit de normes qui néanmoins dans le domaine du possible.

B: Un conflit néanmoins envisageable

Il n'est cependant pas exclu au moins dans le cadre d'un recours préjudiciel devant la Cour de l'UEMOA, que la question spécifique de l'incompatibilité soit expressément posée par la juridiction ayant sollicité le recours. Pour la Cour commune de l'OHADA, il n'est pas non plus exclu qu'un avis consultatif 53(*) soit sollicité sur une question spécifique d'incompatibilité. On voit mal dans ces hypothèses, comment ces juridictions pourraient refuser de traiter le conflit dont elles ont été saisies sauf à ignorer complètement tout autre ordre juridique que celui auquel elles appartiennent. La seule solution pour le juge communautaire, serait alors de traiter la question selon les normes applicables au droit des traités.

Section II: Les possibilités de traitement des conflits

L'une des possibilités imaginables pour traiter les conflits dans l'espace communautaire ouest africain, sera nécessairement une harmonisation des normes produites par les différentes organisations d'intégrations. (Paragraphe I) mais on peut aussi envisager une harmonisation des juridictions communes elles mêmes (paragraphe II).

Paragraphe I: Du point de vue normatif 

Du point de vue normatif, le traitement des conflits peut être aussi bien d'ordre curatif que préventif grâce à une harmonisation des différentes normes produites par les organisations évoluant dans le même espace intégré ce qui va permettre une simplification du droit des affaires. La simplification postule une unification des cadres institutionnels d'élaboration des règles ainsi qu'une amélioration du cadre de production lui-même. En dehors de l'OHADA, plusieurs organisations interviennent pour servir de cadre à l'harmonisation de certaines branches du droit des affaires. Le domaine du traité OHADA lui-même se caractérise par une certaine élasticité. En effet, l'article 2 du traité tout en énumérant les disciplines qui pour le besoin de son application entrent dans le domaine du droit des affaires, fait également allusion à « toute autre matière que le conseil des ministre déciderait d'y inclure ». on constate donc une conception assez extensive du droit des affaires, lequel semble couvrir des domaines aussi variés que le droit commercial général, droit des société et GIE, le droit des sûreté, les procédures de recouvrements et voies d'exécution, les procédures d'apurement du passif, le droit de l'arbitrage, le droit des transports de marchandises par route, le droit comptable et au même moment d'autres actes uniformes sont en cours d'élaboration ou d'adoption. Il en est ainsi des actes uniformes relatifs au droit du travail, au droit des contrats, et au droit de la consommation. Il semble que cette extension va à terme toucher aux autres disciplines existantes : le droit de la propriété industriel et commercial, le droit de la société civile, le droit des NTIC, le droit de la concurrence ainsi que certains aspects déjà annoncés du droit bancaire et du droit des assurances. Le résultat de la multiplication des pôles de production et d'intervention est l'apparition de ce que le professeur Tiger appelait « la mosaïque du droit des affaires », mosaïque qui comporte le risque d'une contrariété de normes émanant de différentes instances africaines d'harmonisation. Exemple : on a pu remarquer sous l'égide de l'UEMOA, ont été élaborées des règles portant SYSCOA entré en vigueur en janvier 1998 et plus tard l'adoption en 2001 d'un acte uniforme portant organisation et harmonisation de la comptabilité publique des entreprises d'où l'existence de deux textes couvrant la même matière. Cette tendance de complexification risque de se poursuivre avec la décision prise en mars 2001 par le conseil des ministres de l'OHADA d'inclure dans le périmètre de l'OHADA des matières qui ont déjà fait l'objet d'une harmonisation par d'autres instances ou organisation inter africaines. Il en est ainsi par exemple du droit de la concurrence déjà traité dans le cadre de l'UEMOA et CEMAC, du droit de la propriété intellectuelle régi par les dispositions de l'OAPI et du droit bancaire réglementé par les lois bancaires applicables dans le cadre des Banques Centrales de l'UEMOA et CEMAC. Ainsi, il apparaît que cette profusion de normes n'est pas à faciliter la taches aux investisseurs privés et demeures une source non négligeable de conflits ce qui justifie à plus d'un titre de procéder à une harmonisation voire coordination entre les différentes normes.

Ainsi, cette coordination se développe suivant deux voies :

Il y'a la coexistence pacifique entre les différentes organisations qui se manifeste par une tendance à prendre en compte l'existence des organisations les unes par les autres. Par exemple les instances de la CIMA citent officiellement l'OHADA parmi leurs partenaires extérieures alors que la CIPRES a été associée par le secrétariat permanent de l'OHADA aux travaux de l'élaboration de l'acte uniforme sur le droit du travail. Enfin on pourra aussi souligner que l'OHADA lui-même consacre cette tendance de coexistence pacifique dans son droit substantiel. Il suffit simplement de citer l'article 916 AUSCGIE, lequel stipule : «  que le présent AU n'abroge pas les dispositions législatives auxquelles sont assujetties les sociétés soumises à un régime particulier ». Il s'agit là d'une certaine façon de prendre en compte les règles spécifiques de l'UEMOA applicables aux sociétés cotées en bourses et aux établissements de crédits ainsi que les règles de la CIMA relatives aux sociétés d'assurance.

Il y'a aussi l'instauration d'un partenariat qui commence à être inauguré par certaines instances interafricaines. Partenariat allant dans le sens d'une certaine efficience dans la production des normes. C'est ainsi que par une décision du 13 Août 2001, le conseil des ministres de la CEMAC a donné mandat à son secrétaire exécutif de signer un accord de coopération avec le secrétariat permanent de l'OHADA, lequel accord stipulerait que les deux organisations s'engagent à coopérer dans la définition du domaine d'harmonisation du droit des affaires et dans la mise en oeuvre des politiques d'intégration juridique et judiciaire dans les Etats membres. Le même effort de partenariat et de collaboration existe également entre la commission de l'UEMOA et le secrétariat de l'OHADA.

Le traitement le plus satisfaisant serait, sans nul doute, celui qui permettrait d'éviter le conflit de normes. Il s'agit dans ce cas d'un traitement préventif. On aura compris qu'il ne peut se situer qu'au plan normatif, c'est-à-dire au niveau des normes produites par chacune des organisations régionales. Chacune des organisations veillerait lorsqu'elle édicte des normes à ce que celles-ci ne portent pas sur les mêmes matières que celles qui ont déjà fait l'objet de règles prises par une autre organisation d'intégration et à fortiori à ce que les normes édictées ne puissent être incompatibles avec celles d'autres institutions régionales d'intégration. Certaines dispositions du Traité de l'UEMOA peuvent être interprétées dans le sens de la recherche d'une telle harmonie. Ainsi l'article 60 du Traité de Dakar du 10 janvier 1994 dispose en son alinéa 2 que «...la Conférence tient compte des progrès réalisés en matière de rapprochement des législations des Etats de la région dans le cadre d'organismes poursuivant les mêmes objectifs que l'Union »54(*).

Ceci implique que l'UEMOA lorsqu'elle prend des règlements ou des directives, doit tenir compte « des progrès réalisés en matière de rapprochement des législations» des Etats membres. Or, tous les Etats de l'UEMOA sont membres de l'OHADA. Il en résulte qu'un règlement intervenant pour régler une question faisant l'objet d'un acte uniforme ou de dispositions d'acte uniforme de l'OHADA ne tiendrait pas compte de l'uniformité des législations des Etats membres sur cette question. La Cour de justice de l'UEMOA pourrait, lorsqu'elle est saisie pour avis sur un projet de règlement, attirer l'attention du Conseil sur le risque de double emploi ou d'incompatibilité qu'un tel règlement pourrait engendrer55(*). La situation est plus complexe au sein de l'OHADA dans la mesure où plusieurs Etats membres ne sont ni membres de l'UEMOA ou de la CEDEAO. Il se pourrait donc qu'un acte uniforme puisse intervenir dans une matière ou pour une question couverte par une norme de droit communautaire. On doit cependant observer qu'un tel acte ne serait pas de nature à favoriser la sécurité juridique et judiciaire qui constitue la raison d'être de cette organisation. Un tel acte ne serait donc pas judicieux et ne répondrait pas aux objectifs de l'Organisation.

En outre, il n'est pas impossible que la Cour de justice de l'UEM0A puisse être saisie par un organe de l'Union pour recueillir son avis sur ce projet d'acte uniforme56(*). L'avis de la Cour pourrait servir de fondement à l'attitude des Etats membres de l'UEMOA lors de l'adoption de cet acte uniforme au sein du Conseil des ministres de l'OHADA. Ceci est important quand on sait que les actes uniformes doivent être adoptés à l'unanimité des représentants des Etats parties présents et votants57(*). La concertation n'est certes pas une obligation juridique pour l'OHADA, elle est cependant condamnée à cette concertation si elle veut se montrer efficace.

A coté de l'aspect normatif, une solution aux conflits entre juridictions communautaires peut également être trouvée du point de vue juridictionnel.

Paragraphe II : Du point de vue juridictionnel 

Après la possibilité de prévenir les conflits par l'harmonisation des normes, la réflexion peut être menée par rapport à la problématique d'une harmonisation entre les juridictions communautaires elles mêmes.

D'un point de vue juridictionnel, aucune liaison n'est établie entre les juridictions d'intégration régionale. Dans son avis du 2 février 2000 rendu à propos du projet de code communautaire des investissements, la Cour de justice de l'UEMOA faisait justement remarquer d'une part que la Cour commune de l'OHADA « ne peut saisir la Cour de justice de l'UEMOA en renvoi préjudiciel parce qu'elle n'est pas une juridiction nationale » et d'autre part que l'interprétation par la Cour de justice de l'UEMOA des actes uniformes de l'OHADA porterait atteinte à « l'exclusivité de la Cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA dans l'application et l'interprétation des actes uniformes... »58(*) Une telle situation exige des réaménagements institutionnels qui permettraient d'établir un lien entre les juridictions communautaires. Il serait ainsi parfaitement possible d'organiser un renvoi préjudiciel ou (et) consultatif entre juridictions de manière à assurer une meilleure coordination dans l'interprétation et l'application du droit communautaire et uniforme.

En effet, un éventuel lien entre ces deux juridiction éviterait certainement les conflits ne serait-ce qu'en aval.

Ainsi, des relations entre les juridictions peuvent-elle être imaginées par rapport à l'adoption même des normes. L'instauration d'un mécanisme qui permettrait aux différentes cours de justices d'examiner les projets d'actes uniformes, de règlements ou de directives permettrait d'éviter l'existences ou l'harmonisation de la même matières dans deux organisation différentes à l'instar de ce qui s'est produit concernant le SYSCOA de l'UEMOA et l'acte uniforme de l'OHADA portant harmonisation de la comptabilité publique des entreprises.

Egalement, un autre mécanisme peut aussi être imaginé en ce qui concerne la possibilité pour une cour de justice saisie à tort de procéder directement à un renvoi devant la juridiction normalement compétente afin d'éviter au justiciable la hantise de la déclaration d'incompétence.

Par ailleurs, la résolution des conflits aurait également pu être atténuée grâce à la mise sur pied d'une juridiction des conflits à l'instar du tribunal des conflits qui a cour dans le système juridictionnel français.

Cependant, il faut reconnaître que la solution la plus efficace et pérenne est celle qui va consister à réfléchir sur l'inopportunité de cette prolifération d'organisations d'intégration qui paradoxal que cela puisse paraître ont toutes à quelques exceptions prés les même objectifs à savoir le développement intégré de l'Afrique du point de vue économique et social etc.

Dés lors nous estimons que le salut de l'Afrique au delà même de la région ouest africaine serait de procéder à une fusion de toutes les organisations existantes à l'heure actuelle afin d'en créer une seule qui prendrait en compte l'ensemble des préoccupations des différentes organisations qu'elle aura absorbé.

C'est peut être cette dynamique qui a été enclenchée avec notamment la transformation de l'OUA en Union Africaine avec comme innovation majeure la volonté affichée d'oeuvrer pour une véritable union politique à l'instar de l'UE.

La cour de justice unique prévue par l'UA permettrait dés lors de procéder à une application uniforme du droit commun sans risque de conflits.

Conclusion

En définitive, on peut dire sans risque de se tromper que les années 90 constituent un tournent décisif dans le vaste mouvement d'intégration né à l'aube des indépendance et même au delà avec déjà le mouvement panafricaniste enclenché déjà à la veille des indépendances dans les mouvements de libération nationale. L'Afrique de l'ouest à l'image des autres contrées du continent noir, a également tenu à être au diapason du vent intégrationniste. C'est dans ce cadre que plusieurs organisations ont été créées. C'est ainsi qu'à cette époque, l'organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires est créée avec pour ambition ultime d'unifier les législations de l'ensemble des matières du droit des affaires ou droit économique sur toute l'étendue des territoires africains. L'Union économique et monétaire des Etats de l'Afrique de l'ouest quant à elle est née pour harmoniser les règles et procédures financières et comptables mais aussi assurer la convergence des politiques et performances économiques des Etats de la zone Franc grâce à une nouvelle discipline juridique en vigueur dans toute l'Union.

Les systèmes institutionnels et normatifs de ces deux organisations ont permis de produire deux sortes de règles à savoir le droit primaire et le droit dérivé.

Par ailleurs, les droits produits par l'UEMOA et l'OHADA n'ont pu être effectifs que grâce à la mise en place d'institutions juridictionnelles chargées de mettre en oeuvre le droit commun. C'est dans cette dynamique qu'ont été créées la cour de justice de l'UEMOA et la CCJA dans le cadre de l'OHADA.

Ces juridictions ont été aidées dans cette tache par les juridictions nationales mises en place dans le cadre du droit interne. Ainsi, ces dernières apparaissent-elles comme des juridictions communautaires de première instance. Cette situation a permis l'émergence d'un esprit de collaboration entre les juridictions nationales et les juridictions communautaires notamment dans l'application du droit commun lui-même.

Mais il faut noter par ailleurs que l'étanchéité des domaines d'action aussi bien matériel que spatiale ajoutée à l'érection de la CCJA en une juridiction de cassation des Etats membres dans l'application du droit OHADA a permis de révéler des velléités conflictuelles aussi bien entre les juridictions communes elles mêmes que dans les relations entre les juridictions nationales et les juridictions communes.

Pour dissiper ces contradictions et incompatibilités, il faut une collaboration entre les organisations et des juridictions et des négociations pour arriver à une articulation des textes ou peut être même à une spécialisation des juridictions.

D'un autre coté, nous sommes convaincus que ces risques de conflits révélateurs d'un véritable frein à un espace commun ouest africain harmonisé ne passera que par l'harmonisation des organisations elles mêmes pour aboutir à la naissance d'une seule et unique organisation. Mais cette politique doit même aller au-delà de la région ouest africaine pour couvrir toute l'Afrique.

Peut être que la transformation de l'OUA en UA obéit à ce souci d'intégration politique à l'instar de l'UE européenne avec une cour de justice unique. Il s'agit d'une oeuvre qui vient d'être entamée, elle doit être consolidée avec une attention particulière à la cour de justice de l'union africaine.

BIBLIOGRAPHIE :

I / OUVRAGES :

M.Yadi, Les systèmes d'intégrations régionales en Afrique, Genève, George éditeur, 1979.

Bergeres (Maurice- Christian), contentieux communautaire, Paris, Puf,

3 ème éd, 1999

Gonidec P.F, Les droits africains, évolutions et sources, LGDJ, Paris, 1976h

Tigier P, Le droit des affaires en Afrique OHADA, PUF, Que sais-je ? n°3536

Gonidec P.F, Les organisations internationales africaines, L'harmattan, 1987

Nicolas Braconnay, Manuel Delamarre, Institutions juridictionnelles, Edition, Vuibert, 2007

Francis Wodje : Les institutions régionales en Afrique occidentale et centrale, LGDJ

Paris 1970

Guy Issac : Droit communautaire général, 3édition, Masson 1992 Coll. Droit

Lavergne Real : Intégration et coopération en Afrique de l'Ouest, édit karthala et CRDI

1996 403 pages

Pierre. F. Gonidec : Les systèmes politiques africains ,Paris 1975

Simon Denys : Le système juridique communautaire, Puf 3 édition 2001

II/ ARTICLES DE REVUE :

Alioune Sall : « Le juge national et la publication des Traités ». Rev EDJA n°42 juillet Août- Sept

A. Oliveira : « La délimitation des compétences de la CCJA et les juridictions nationales » : communication à la session de formation du CFJ oct. 2000

L. Ibriga Et P. Meyer : « L'application du droit communautaire -UEMOA dans le droit interne des Etats membres » Revue burkinabé de droit, 2000, p28-46.

Babacar Sarr, « Le traité de l'UEMOA, un pacte constitutionnel fédératif », Revue international de droit africain EDJA, n° 43, Octobre, Novembre, Décembre, 1993.

J, Mbosso, « Le rôle des juridictions nationales et le droit harmonisé », Revue de droit international de droit des affaires, n°2, 2000, pp 216-226.

D. Abarchie : « La supranationalité de l'organisation pour l'harmonisation du droit des affaires (OHADA), Revue burkinabé de droit, 2000, spécial, p.18 et s.

J.I.Sayegh, « La fonction juridictionnelle de la CCJA de l'OHADA », Mel Decottignies, Pesses universitaires de Grenoble

M. Kamto, « Les cours de justice des communautés et organisations d'intégration économique africaine », AFDI, 1998, vol.6, spec. p.108

J.I.Sayegh, « L'intégration juridique des Etats africains de la zone franc », Rec. Penant, 1997, 5et s. et p.125 et s.

J.I.Sayegh, « L'OHADA, instrument d'intégration juridique » revue de jurisprudence commerciale, 1999, p.237 et s.

E. Cerexhe, « L'intégration juridique comme facteur d'intégration régionale », Revue burkinabé de droit, 2000, p.21et s.

A. Donner, « Les rapports entre la compétence de la cour de justice des communautés européennes et les tribunaux internes, Rec. Cours la Haye, 1965, tome II, p.5

A. Zinzindohoue, « Les juges nationaux et la loi aux prises avec le droit harmonisé », Revue de droit des affaires internationales, n°2, 2000, pp 227-237

B. Boumakani, « Le juge interne et le droit OHADA », Penant 2001-2002, p. 133.

Joseph I Sayegh : « L'intégration juridique des Etats de la zone franc », Rec. Penant p5 et s

M.M. Mbacké : Introduction à une réflexion sur la répartition des compétences entre juridictions sous régionales : cas de l'UEMOA et de l'OHADA : communication session de formation régionale du CFJ sur l'UEMOA et l'OHADA. Dkr 09-13oct 2000

N'diaw Diouf : « La place du droit pénal dans le droit communautaire ». Séminaire sur le droit communautaire organisé par le CREDILA et le LEPJO 2006

III/ LEGISLATIONS

Traité UEMOA du 10 janvier 1994

Traité OHADA du 17 Octobre 1993

Traité CDEAO du 24 juillet 1994

Acte additionnel N° 10 /96 du 10 Mai 1996 portant statuts de la cour de justice de l'union économique et monétaire Ouest africaine.

Règlement N°01/96/CM portant règlement de procédure de l'UEMOA

Règlement N°02/96/CM portant statuts du greffier de la cour de justice de l'UEMOA

IV/ THESES

Amin Barav, « La fonction communautaire du juge national », Thèse, Strasbourg, 1993

Olivier Dubos, « Les juridictions nationales, juge communautaire », Thèse de doctorat d'Etat en droit, Université Montesquieu Bordeu IV, 1999

Babacar Sarr : L'intégration régionale par la coopération institutionnelle en Afrique de l'Ouest : thèse de doctorat Université de Lyon juin 98. P350

V/ JURISPRUDENCE :

Arrêt Snar Leyma, cour suprême du Niger, 16 Août 2001.

Arrêt cornet, cour de justice des communautés européennes 16 Décembre 1976.

Sacko Abdurahmane C/Commission de l'UEMOA. CJU 29 Mai 1998

Eugène Yaï et la commission de l'UEMOA CJU 27 Avril 2005

Ordonnance du 02 Juin 2005/ UEMOA : Affaire Eugène Yaï

VI: ADRESSES ELECTRONIQUES

WWW. Juriscope. Org. Rubrique OHADA

WWW OHADA. Com

WWW UEMOA. Int

WWW Le Faso. Net

TABLES DES MATIERES :

Introduction.................................................................................1

Première partie : Les rapports entre les juridictions nationales et les juridictions communautaires :........................................................................10

Chapitre I : Les relations de collaborations..........................................11

Section I : La compétence communautaire des juridictions nationales....................................................................................11

Paragraphe I : L'application du doit communautaire par le juge nationale.................................................................................12

A : La reconnaissance d'une autonomie institutionnelle......................... 12

B : Les limites de l'autonomie institutionnelle.....................................13

Paragraphe II : La courroie de transmission vers la juridiction communautaire............................................................................14

A : L'initiative du recours préjudiciel...............................................15

B : L'autorité des arrêts des juridictions communautaires à l'égard des juridictions nationales................................................................17

Section II : L'encadrement de la compétence des juridictions nationales par le juge communautaire..................................................................18

Paragraphe I: L'encadrement de la compétence des juridictions nationales au service de l'unité du droit communautaire .......................................18

A: La compétence préjudicielle des juridictions communautaires : condition de l'unité du droit communautaire ...................................................19

B : La compétence préjudicielle des juridictions communautaires : garantie de l'unité du droit commun ...........................................................19

Paragraphe II : L'encadrement de la compétence des juridictions nationales au service de la protection juridictionnelle des particuliers .......................20

A: Le contrôle de légalité des actes communautaire par le renvoie en appréciation de validité.........................................................20

B : Le contrôle de la légalité des normes par le renvoi en interprétation....................................................................21

Chapitre II : Les relations conflictuelles.....................................22

Section I : Conflits résultant de la substitution de compétence............23

Paragraphe I: Substitutions aux juridictions de cassation des Etats membres...........................................................................24

A: L'objet de la compétence en cassation....................................24

B:Les limites de la compétence en cassation..................................25

Paragraphe II: Substitutions aux juridictions de fond des Etats membres............................................................................27

A: La reconnaissance du pouvoir d'évocation..................................27

B:La reconnaissance du pouvoir de statuer au fond............................27

Section II: Conflits résultant de la confusion de normes juridiques différentes..........................................................................28

Paragraphe I: La manifestation de la confusion................................28

Paragraphe II: L'exemple de la jurisprudence Snar Leyma....................29

Deuxième Partie : Les rapports entre les juridictions communautaires...................................................................35

Chapitre I: Les éléments constitutifs de ces rapports........................36

Section I: L'identité des fonctions assurées par les cours................................................................................36

Paragraphe I : l'application du droit communautaire........................36

Paragraphe II : L'interprétation uniforme du droit communautaire........42

Section I: L'identité des domaines d'actions des cours...............................................................................45

Paragraphe I: Domaine d'action matériel ....................................45

Paragraphe II: Domaine d'action spatial......................................48

 Chapitre II:Les conflits pouvant résulter de ces rapports............................................................................50

Section I: Les domaines d'intervention de ces conflits...........................................................................50

Paragraphe I: Devant le juge national.......................................50

 A: L'application distributive.................................................50

B: L'application non distributive.............................................51

 Paragraphe II: Devant le juge communautaire.............................52

A: Un conflit à priori impossible .............................................52

B: Un conflit néanmoins envisageable........................................53

Section II: Les possibilités de traitement des conflits......................53

Paragraphe I: Du point de vue normatif ......................................53

Paragraphe II : Du point de vue juridictionnel ...............................58

Conclusion .........................................................................60

Bibliographie.......................................................................62

* 1 P.F. Gonidec, Les organisations internationales africaines, L'harmattan, 1987, P.54

* 2 L'acte constitutif de l'Union africaine a été adopté au 36ème sommet de l'OUA le 11 juillet 2000 à Lomé.

* 3 Créée en Février 1989 à Marrakech

* 4 Créée en 1980

* 5 Créée en 1993

* 6 Créée en Octobre 1993 à Libreville

* 7 Créée en 1993 à Cotonou

* 8 Créée le10 janvier 1994

* 9 Créée le 17 octobre 1993 à Port louis

* 10 Centre d'étude européennes et de l'intégration (CEE), intégration régionale : Bilan de 40ans d'expérience (Afrique, Amérique, Asie), Actes du colloque de Ouagadougou 29 et 30 octobre 1996, Ouagadougou .Publications du CEE, publication n°2, presses africaines, 2000 

M..A Glele, Introduction à l'OUA et aux organisations régionales africaines, Paris, L.G.D.G, 1986 

M. Kamto, J. E.Pondi, L.Zang, L'OUA : rétrospective et perspectives, Paris, Economica, 1990

M.Yadi, Les systèmes d'intégration régionale en Afrique, Genève, Georg éditeur, 1979.

* 11 L'Afrique depuis les indépendances, s'était engagée dans divers processus de constitution d'ensembles régionaux. Il ne s'agissait, cependant pas de processus d'intégration susceptibles d'exercer une influence quelconque sur les ordres juridiques nationaux et l'ordre juridique internationale contemporain, X colloque de la S.F.D.I, Bordeaux, Paris, Pédone, 1977, P.4-44.

* 12 Dictionnaire wikipédia

* 13 Nicolas Braconnay, Manuel Delamarre, Institutions juridictionnelles, Editeur : Vuibert, 2007, pp. 5



* 14 Art. 22 du traité UEMOA.

* 15 Art 43 du traité UEMOA et 10du traité OHADA.

* 16 Art. 6 du traité UEMOA et 10 du traité OHADA

* 17 M. Kamto, « Les cours de justice des communautés et des organisations d'intégrations », Annuaire Africain de Droit International, 1998, Vol, 6, Spéc. 108.

* 18 La cours de justice de l'UEMOA est instituée par l'art 38 al. 1 du traité UEMOA par le contrôle n° 1 et l'acte 10/96 du 10 mai 1996 portant statuts de la cour de justice de l' UEMOA.

* 19 La CCJA a été instituée par le traité (art.14) de l'OHADA.

* 20 G.Cornu, Vocabulaire Juridique, Paris, PUF, 6ème éd., 1996, p.170.

* 21 L'exécution non contentieuse du droit communautaire ou commun incombe à l'administration pour les situations qui impliquent la présence d'une institution publique et aux particuliers pour les situations purement privées. En effet, l'application du droit ne se réduit -heureusement pas à son application contentieuse

* 22 Nordsee,  «  Ceci laisse ouverte la question de savoir si une juridiction arbitrale pourrait saisir la Cour de justice de l'UEMOA dans le cadre du recours préjudiciel. Il est, par contre, certain qu'une juridiction étatique qui serait amenée à statuer sur la validité d'une sentence arbitrale. Par exemple dans le cadre d'un recours en annulation contre la sentence, pourrait saisir, à titre préjudiciel, la Cour de justice. Dans la pratique judiciaire européenne, la saisine de la Cour par un arbitre a été refusée », (arrêt du 23 mai 1982), aff 102/9 l, Rec. P. 1095).

Vaassen-Gôbbels, La jurisprudence européenne a relevé comme élément constitutif d'une juridiction : l'origine légale de l'institution, sa permanence, la procédure contradictoire suivie devant l'institution, le fait que l'institution soit investie d'une juridiction obligatoire pour certains litiges et le fait de statuer en droit. Il n'est cependant pas nécessaire que tous ces critères soient cumulativement remplis pour procéder à la qualification de juridiction (C.J.C.E., arrêt du 30 juin 166, aff. 61/65, Rec. p. 377).

* 23 Il n'y a pas encore eu d'exercice du recours préjudiciel devant la Cour de justice de l'UEMOA.

* 24 C.J.C.E., arrêt du 6 octobre 1982, Cilfitt, Rec. p. 3415.

* 25 J. BOULOUIS et M. DARMON (contentieux communautaire, Paris, Dalloz, 1997, p.26, n°45)

* 26 CJCE, 27 octobre, foto-frost c/ Hauptzollant lubeck-ost, prec. p. 4233, n° 20

* 27 V.L. GOFFIN, De l'incompétence des juridictions nationales pour constater l'invalidité des actes d'institutions communautaires, cab. dr. Eur. 1990, p. 216 sp. 217, n° 4

* 28 J.C. Gautron, la question préjudicielle : une approche théorique, in le droit communautaire ; les juges et l'antiquité, sous la direction de J.-C. GAUTRON, n Talence, MSH, 1994, P.17.

* 29 CJCE, 5 Février 1963, NV Algemene Transport- en Expedite Onderneming Van Gend en Loos c/ Administration fiscales néerlandaise, préc. Rec., p. 12.

* 30 CJCE, 15 juillet 1964, Flamino Costa/ E.N.E.L., préc. Rec, P. 1151.

* 31 Art. 4 al. 2. du Traité OHADA.

* 32 Ce recours consultatif se distingue du recours préjudiciel en ce que l'avis rendu par la Cour commune ne lie pas la juridiction qui y a eu recours.

* 33 D. ABARCHI, « La supranationalité de l'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires » (OHADA), Revue burkinabé de droit, 2000, Spéc. p.l8 et s.

J. Issa-Sayegh, « La fonction juridictionnelle de la Cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA », Mél. Decottignies, Presses universitaire de Grenoble;

G. Kenfack Douajni,  « L'abandon de la souveraineté dans le Traité OHADA », Rec. Penant 1999, p. 125 et s.

* 34 Ibid.

* 35 Art. 14 al. 3 du Traité OHADA

* 36 J. Issa-Sayegh, « La fonction juridictionnelle de la Cour commune de' justice et d'arbitrage de l'OHADA »,

« Quelques aspects techniques de l'intégration juridique: l'exemple des actes uniformes de l'OHADA », Revue de droit uniforme, 1999-1, p. 5 et s.

* 37 Op.cit

* 38 D. Abarchi,  «  Cour Suprême du Niger, 16 août 2001 », Revue burkinabé de droit, 2OO2, p.121 et s. et obs..

A. Kante, « La détermination de la juridiction compétente pour statuer sur un pourvoi formé contre une décision rendue en dernier ressort en application des actes uniformes (observations sur l'arrêt de la Cour suprême du Niger du 16 août 2001) », OHADA. Corn, OHADA D-02-29

* 39 A Kante, op.cit p.7 et

D. Abarchi, op.cit, p.125 et 130.

J. Lohoues-Oble, « Traité et actes uniformes commentés et annotés », Juriscope, 2ème éd., 2002, p. 41-42.

* 40 Dire le droit implique nécessairement un travail d'interprétation et donc de création du droit.

* 41 Recours préjudiciel ou pourvoi en cassation

* 42 La jurisprudence de la cour de justice l'UEMOA s'est prononcée à deux reprises sur le vice de forme dans des décisions rendues le même jour. Le 29 mai 1998 Sakho Abdurahmane c/ commission de l'UEMOA 

* 43 Arrêt n° 01/2006 du 05 avril 2006

* 44 Voir supra, paragraphe II

* 45 Le principe d'attribution des pouvoirs constitue la traduction du principe de spécialité des organisations internationales et connu sous l'appellation de compétences fonctionnelles. Le spectre des domaines attribués peut être plus ou moins large mais on ne peut en aucune manière se retrouver dans la situation d'un champ d'action théoriquement illimité comme dans l'Etat unitaire

* 46 Les fonctions d'une OIG sont les finalités de l'activité de cette dernière : fonction de coopération ou d'intégration. Les compétences, par contre, sont des pouvoirs juridiques reconnus à l'OIG pour la réalisation de ses fonctions. C'est donc dire que l'importance des fonctions

* 47 D. Ba, Le problème de la compatibilité entre l'UEMOA et l'OHADA, in La libéralisation de l'économie dans le cadre de \' intégration régionale, op. cit. p.174

* 48 C'est la raison pour laquelle nous avons différencié le conflit de normes tel qu'il se pose entre les normes communautaires ou communes de la technique conflictuelle. Voir, supra

* 49 Supra, p. 2.

* 50 Voir première partie

* 51 D. Ba, op. cit. p.181.

* 52 Pour l'utilisation de ces règles s'agissant des droits de l'UEMOA et de l'OHADA, D. Ba, op. cit. p. 186 et s.

* 53 Art. 14, al.2 du Traité OHADA

* 54 Voir aussi l'article 14 du Traité UEMOA qui oblige les Etats membres à prendre toutes mesures destinées à éliminer les incompatibilités ou les doubles emplois entre le droit et les compétences de l'Union d'une part, et les conventions conclues par un ou plusieurs Etats membres d'autre part, en particulier celles instituant des organisations économiques internationales spécialisées ». Pour une analyse des articles 60 al.2 et 14 du Traité de l'UEMOA, voir D. BA, op. cit., p.183-185 et 189-190.

* 55 La Cour de justice de l'UEMOA a, dans l'avis rendu sur le projet de code communautaire des investissements, pris la mesure d'un tel risque. Elle relève en effet que « la coexistence, dans le présent texte, de lois uniformes de l'OHADA et du droit communautaire de l'UEMOA va poser des problèmes de contrariétés de décisions, voire de base juridique... » (Avis 001, dossier 6-99, 2 février 2000, Revue Burkinabé de droit 2000, p.127). Plus loin, la juridiction affirme « la nécessité d'une concertation entre les deux organisations en vue de la coordination de leur politique normative et de leur juridiction respective... » (Ibid. p.129).

* 56 Art. 60 du Traité UEMOA et 27 al. 2 de l'Acte additionnel 10/96 portant statuts de la Cour de justice de l'UEMOA.

* 57 Art. 8 du Traité OHADA

* 58 Avis 001, 2 février 2000, précit, p. 127.






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway