Introduction
La majorité des pays africains a accédé
à la souveraineté internationale suite à la
résolution 1514 de l'assemblée générale des nations
unies adoptée le 14 décembre 1960.
Mais la balkanisation, héritage du passé
colonial fait qu'aujourd'hui les frontières des Etats africains
correspondent aux limites administratives des anciennes colonies. De ce fait,
la plupart de ces Etats sont de dimension modeste sur le plan territorial et
démographique et sur le plan économique, la fragilité est
encore plus remarquable. Ainsi, enfermés dans un carcan
socio-économique étroit, devant le lot d'illusions d'une
unité africaine, les crises politiques dont les Etats sont la proie,
devant l'instabilité de certaines régions,
phénomènes qui entravent leur développement
économique mais aussi et surtout face à l'urgence pour l'Afrique
de s'intégrer et d'avoir sur l'échiquier mondial une place
acceptable, les Etats africains ont senti l'urgence de dépasser le cadre
de leur souveraineté nationale. C'est ainsi que l'intégration est
apparue comme la réponse adéquate pour assurer le défi du
développement dans ce monde entièrement globalisé.
L'intégration est à la fois un processus et une
situation qui, à partir d'une société internationale
morcelée en unités indépendantes les unes des autres,
tendent à leur substituer de nouvelles unités plus ou moins
vastes, dotées au minimum d'un pouvoir de décision, soit dans un
ou plusieurs domaines déterminés, soit dans l'ensemble des
domaines relevant de la compétence des unités
intégrées, à susciter au niveau des structures, une
participation de tous au maintien et au développement de la nouvelle
unité1(*).
En effet, depuis les indépendances des Etats africains
dans les années 1950 1960, de nombreux projets d'intégrations et
de coopérations ont été initiés dans le but de
promouvoir le développement du continent.
Cette volonté de réaliser l'unité
africaine ou de poursuivre des objectifs allant vers la promotion du
développement économique prend sa source dans le panafricanisme
dont la première manifestation est marquée par la création
de l'OUA (devenue Union africaine)2(*). Cette volonté verra une autre
consécration à travers les institutions de la plupart des Etats
qui font de l'unité africaine un idéal à atteindre.
L'importance particulière accordée aux
regroupements économiques en vue de la création d'une plus grande
intégration des Etats a été à l'origine de la
création de nombreuses organisations comme l'union du Maghreb Arabe
(UMA)3(*), la southern
african developpement community ( SADC )4(*), le marché commun des Etats d'Afrique orientale
et du sud ( COMESA)5(*), la
communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale
(CEMAC)6(*), la
communauté économique et monétaire des Etats l'Afrique de
l'ouest (CEDEAO )7(*), Union
économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest ( UEMOA)8(*) et l'organisation pour
l'harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA)9(*) qui constitue quant à
elle une véritable organisation d'intégration juridique.
Ces divers processus d'intégrations dans lesquels sont
engagés les Etats africains entendent dans leurs derniers
développements constituer de véritables ordres juridiques.
Il n'est pas question de retracer ici les processus par
lesquels l'Afrique a entendu contribuer à son
« unification », terme consacré dés la
constitution de l'union africaine (OUA)10(*).
Il importe seulement de relever pour notre étude la
profonde différence entre les tentatives antérieures et les
processus actuellement en cours11(*).
Alors que les premières organisations dite de la
« première génération » étaient
caractérisées par « l'inter
gouvernementalisme » et la prépondérance du
règlement politique des différends, les institutions les plus
récentes sont caractérisées par la supranationalité
et la part de plus en plus importante prise par le droit dans le traitement des
questions qui entrent dans le champ d'application de la compétence de
l'union.
La supranationalité signifie dans son essence un
système institutionnel et normatif qui permet de privilégier le
bien commun, c'est-à-dire celui de la communauté, par rapport aux
intérêts nationaux, (c'eux des Etats membres). Elle est
susceptible de se manifester dans le processus décisionnel qui attribue
un rôle éminent à une institution purement communautaire.
Cette supranationalité peut aussi s'observer dans le
pouvoir d'édicter des normes communautaires ou régionales qui
sont immédiatement applicables et ont des effets directs.
En outre, la supériorité des normes
communautaires sur les règles juridiques nationales, antérieures
mais surtout postérieures est clairement affirmée. Ainsi, la
création de ces différentes organisations laisse-t-elle
apparaître un nouveau législateur autre qui était jusque
là incarné par les Etats eux mêmes. En effet, les
différentes organisations secrètent pour leur bon fonctionnement
mais surtout pour une bonne cohabitation des Etats membres, différentes
normes juridiques. C'est ainsi que ceci a abouti à la création de
plusieurs aires ou espaces communautaires à coté des Etats
souverains.
La part de plus en plus importante prise par le droit dans ces
espaces communautaires s'est accompagné de la création
d'institutions juridictionnelles chargées d'interpréter de
manière uniforme le droit communautaire.
« Les institutions juridictionnelles dans
l'espace communautaire ouest africain » tel est justement notre sujet
de réflexion dans ce travail de recherche. Mais l'étude d'un tel
thème nécessitera à coup sûr la maîtrise des
concepts qui le composent.
I / Définition des termes du
Sujet
A/ Institutions Juridictionnelles
Le terme institution a plusieurs sens, selon
le domaine dans lequel il est employé. Il peut désigner une
organisation humaine stable qui s'inscrit dans la durée et dont la
longévité et le champ d'activité dépasse
généralement le cadre d'action d'un seul individu.
En l'espèce le mot institution désigne
l'ensemble des structures politiques résultant du régime
politique mis en place par les traités internationaux, la Constitution,
les lois, les règlements et les coutumes12(*).
Les institutions juridictionnelles désignent les
organes chargés de rendre des décisions de justice, grâce
à diverses règles d'organisation et de procédure, dans le
but de trancher des litiges en application d'une règle de droit. Elles
constituent en ce sens les éléments fondateurs de la scène
juridique et judiciaire, dont l'étude permet de comprendre la
manière dont la justice s'incarne et s'exerce dans notre
société13(*)
B/ L'espace Communautaire ouest
africain
L'espace communautaire peut être
appréhendé comme étant l'aire géographique couvert
par les organisations d'intégrations.
En effet, il s'agit d'un espace où prévaut le
droit supra national produit par les organisations elles mêmes et qui
s'applique d'une manière uniforme dans l'espace déterminé.
Ainsi l'espace communautaire se particularise par
l'application des mêmes règles, invocables par l'ensemble des
Etats et des particuliers composant la zone d'intégration.
En effet, l'espace communautaire ouest africain est la
région ouest africaine et qui compte en son sein plusieurs organisations
d'intégrations notamment l'UEMOA, la CEDEAO et l'OHADA etc.
II / Problématique du Sujet
Dans l'espace communautaire susvisé, évoluent
des institutions juridictionnelles qui sont quant à
elles la création des Etats membres eux-mêmes et qui en principe
sont pour la mise en oeuvre du droit national produit par les Etats membres
eux-mêmes, mais il n'en demeure pas moins qu'elles interviennent pour la
mise en oeuvre du droit communautaire.
Le fonctionnement du système juridique communautaire
repose sur une véritable alchimie.
Les organisations communautaires jouissent d'une architecture
institutionnelle particulièrement sophistiquée, mais
l'application du droit communautaire est confiée aux autorités
des Etats membres c'est-à-dire aux juridictions nationales. Fallait
-t-il faire l'économie de la création de juridiction
communautaire ou fallait -t-il à l'inverse tendre vers le remplacement
des juridictions nationales par les juridictions communautaires ? Ni l'un
ni l'autre n'ont apparu pertinent aux yeux des autorité
compétentes. Alors, la cohabitation voire la coexistence devient
inévitable dans un même espace : Juridictions nationales et
plusieurs juridictions communautaires issues de plusieurs organisations
d'intégrations.
Dés lors se posent les questions de savoir ce que
peuvent être les relations entre ces différentes juridictions dans
l'application du droit commun. ?
Comment s'effectue le partage de compétences dés
lors qu'elles évoluent toutes dans le même espace ?
Enfin, quels peuvent être les rapports entre les
différentes juridictions évoluant dans le même espace
communautaire ?
Toutes ces interrogations vont nous servir de pistes de
réflexion dans le cadre de notre étude qui d'ailleurs ne manque
pas d'intérêts.
III/ Intérêt du sujet
L'intérêt peut d'abord être
appréhendé par rapport au choix même de la zone à
savoir l'Afrique de l'Ouest. En effet il faut dire que ce choix n'est pas
fortuit car s'il s'avère que l'Afrique de l'ouest est la zone que nous
maîtrisons le plus car étant la zone dans laquelle nous
évoluons, mais aussi il s'agit là d'une des espaces
communautaires les plus importants avec le dynamisme des organisations qui la
composent.
En outre l'intérêt peut être autre car,
face à ce vaste mouvement d'harmonisation des législations avec
la consécration de la primauté du doit commun sur le droit
interne et par delà la supériorité hiérarchique des
juridictions communes sur les juridictions nationales, la question se pose
alors sur l'avenir des juridictions nationales face à ce rythme de
communautarisation.
Par ailleurs, l'étendue du champ communautaire avec la
création de plusieurs organisations avec chacune une cour de justice
pose également la question de la pertinence de cette floraison
d'organisations qui certaines d'entres elles comptent beaucoup d'Etats
à la fois.
C'est pourquoi l'étude d'une telle problématique
ne manquera certainement pas de cerner les contours de la question et s'il y a
lieu d'apporter des solutions aux éventuels blocages qui naîtrons
des ambiguïtés des relations entre ces différentes
juridictions. Mais pour ce faire, il va falloir emprunter une démarche
à même de conduire à bien notre réflexion.
IV/ Méthodologie
L'espace communautaire ouest africain étant un espace
très vaste avec différentes organisations chacune dotée
d'une juridiction commune il sera beaucoup plus judicieux pour nous de
procéder à un choix.
C'est pourquoi notre étude portera sur la cour de
justice de l'UEMOA, ainsi que sur la CCJA de l'OH ADA.
En effet, l'UEMOA confie un rôle éminent dans le
processus décisionnel à la commission qui dispose d'un pouvoir
d'initiative renforcé par l'obligation faite au conseil des ministres
pour la mise en échec de ce pouvoir d'initiative de statuer à
l'unanimité14(*).
La commission dispose ainsi d'un pouvoir essentiel d'initiative
« législative »dans l'union.
Au sein de l'OHADA le pouvoir législatif et
réglementaire des Etats membres est transféré au conseil
des ministres qui adopte les actes uniformes. L'UEMOA et l'OHADA produisent,
toutes les deux des normes immédiatement applicables (exception faite de
la directive UEMOA) et qui ont des effets directs15(*) dans l'ordre interne.
Enfin ces deux institutions affirment explicitement la
primauté hiérarchique des normes produites par l'organisation sur
les nomes internes16(*).
Mais la norme juridique n'est parfaite que si elle est
assortie d'une sanction efficace susceptible de dissuader les éventuels
contrevenants. C'est pourquoi la part de plus en plus importante prise par le
droit dans les organisations d'intégrations africaines s'est
accompagné de la création d'institutions juridictionnelles
chargées d'interpréter de manière uniforme le droit
communautaire
L'UEMOA et l'OHADA ont donc crée des juridictions
communautaires dont l'objet est de contribuer à l'effectivité du
droit crée par chacune de ces organisations17(*).
Il faut cependant, relever de très profondes
différences entre les juridictions créées au sein de ces
organisations.
La cour de justice de l'UEMOA18(*) est une juridiction permanente
dotée de fonctions juridictionnelles et consultatives. Au plan
juridictionnel, la cour connaît du contentieux de la déclaration
et du contentieux de l'annulation.
Le contentieux de la déclaration recouvre le recours en
manquement des Etats ouverts aux Etats membres et à la commission et le
renvoie préjudiciel en interprétation. Le recours
préjudiciel en interprétation est déclenché par une
juridiction nationale ou une autorité à fonction juridictionnelle
statuant dans un litige suscitant l'application d'une norme communautaire. Il
est obligatoire pour les juridictions nationales statuant en denier ressort et
facultatif pour les autres. Le contentieux d'illégalité
soulevé lors d'un litige et enfin le recours préjudiciel en
validité d'un acte émanant des instances de l'union.
Parmi les attributions juridictionnelles relevées, il
importe de souligner l'importance du recours préjudiciel en
interprétation. Au moyen de ce recours, la cour de l'union peut assurer
l'unité d'interprétation du doit communautaire.
L'OHADA a également entendu se doter d'une juridiction
chargée d'assurer l'unité du droit uniforme édicté
par l'organisation. Elle a cependant choisi une voie très
différente de celle du recours préjudiciel en
interprétation. La cour commune de justice et d'arbitrage
(CCJA)19(*) de l'OHADA
est, en effet, une juridiction de cassation qui se prononce sur toutes les
décisions rendues en dernier ressort dans toutes les affaires soulevant
des questions relatives à l'application des actes uniformes. La cour
commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA, à la différence de
la cour de justice de l'UEMOA, se substitue ainsi aux juridictions nationales
de cassation dés lors qu'il s'agit d'un contentieux soulevant des
questions relatives à l'application des actes uniformes. Ceci n'est pas
sans poser de graves problèmes quant à la portée exacte
de cette substitution.
Ce choix s'explique, faut il le rappeler par le dynamisme de
ces organisations mais aussi par le chevauchement qui existe entre les
organisations car il faut le noter plusieurs Etats appartiennent à la
fois à plusieurs organisations.
Au demeurant, pour apporter une réponse à la
problématique soulevé plus haut, nous nous emploierons à
mettre en exergue dans une construction bipartite à analyser d'une part
les rapports entre les juridictions nationales et les juridictions
communes (Titre I) et d'autre part l'accent sera mis sur les rapports
entres les juridictions communautaires elles mêmes (Titre II).
Première partie
Les rapports entre les juridictions nationales et les
juridictions communautaires
L'émergence du droit communautaire avec le mouvement
d'intégration s'est accompagnée d'institutions juridictionnelles
en vue notamment de veiller à l'application de ce droit nouveau.
Mais la justice étant un attribut de la
souveraineté, elle est un rouage essentiel du système juridique
national. Cela veut dire que les Etats membres de la communauté ne
sont pas à l'écart de la mise en oeuvre du droit commun.
Toutefois, le droit commun ne constitue pas en
réalité un droit tout autre et différent à tout
point de vue du droit des Etats membres mais il s'agit d'un droit, grâce
au mécanisme de l'applicabilité direct et immédiate qui se
substitue au doit national chaque fois qu'il n'y a pas contradiction.
Dés lors, il apparaît que le droit commun se transforme en
l'espèce en droit national dont les juridictions nationales sont
valablement chargées d'appliquer. Mais le droit commun s'étant
accompagné de juridictions communes chargées de l'appliquer, il
apparaît alors deux types de juridictions chargés d'appliquer un
même droit à des niveaux différents.
Ce qui va sans dire que les juridictions nationales et les
juridictions communes entretiennent nécessairement des rapports.
Dés lors que les juridictions nationales sont également
chargées d'appliquer le droit communautaire il existe par
conséquent des relations de collaborations.
Si dans l'UEMOA, les juridictions nationales sont
chargées en première instance d'appliquer le droit commun, la
cour de justice de l'union n'est pas en reste car elle intervient à
l'initiative de ces mêmes juridictions ou des autorités à
fonction juridictionnelle dans l'interprétation du droit commun.
Cependant il faut noter que le mécanisme est tout autre dans le cadre
de l'OHADA.
Ainsi, il apparaît que les relations susceptibles
d'être établies entre les juridictions nationales des Etats
membres et les juridictions communes ne sont pas nécessairement
conflictuelles, elles peuvent au contraire être des relations de
collaboration ou de complémentarité (chapitre I), cependant,
spécialement lorsque la substitution des juridictions nationales par la
juridiction commune est organisée, les relations peuvent avoir un
caractère conflictuel (chapitre II).
Chapitre I : Les relations de collaborations
Ce serait une grave erreur de penser que l'application du
droit communautaire incombe exclusivement aux juridictions communautaires dont
se sont dotés les Etats membres. Au contraire, cette application incombe
d'abord aux juridictions nationales qui se voient ainsi reconnaître un
rôle essentiel dans la mise en oeuvre du droit commun notamment par la
reconnaissance d'une compétence communautaire (Section
I). Mais la mise en oeuvre du droit commun par les
juridictions nationales auxquelles elles n'étaient pas destinées
au départ doit faire l'objet d'encadrement par les juridictions communes
(Section II).
Section I : La compétence communautaire des
juridictions nationales
Les juridictions nationales sont compétentes pour
trancher les litiges dans lesquels le droit communautaire est applicable. C'est
en ce sens qu'elles ont une compétence communautaire. Pour une
juridiction, la compétence est en effet « l'ensemble des
affaires dont cette juridiction a vocation à
connaître »20(*).
Les juridictions nationales connaissent de différends
qui ont une dimension communautaire, en ce sens que le droit communautaire est
applicable pour trancher ces différends.
Les juridictions nationales alors même qu'elles
détiennent leur pouvoir de juger de leur ordre juridique
étatique, se voient donc confiées une compétence
communautaire qui se manifeste par l'application du droit communautaire par le
juge national (Paragraphe I).
Cette compétence est protéiforme : le doit
communautaire peut, soit être la cause de l'action en justice, soit
constituer un moyen invoqué à l'appuie ou à l'encontre
d'une demande fondée sur le droit national. Ce qui réunit ces
différentes hypothèses, c'est l'obligation pour la juridiction
nationale de faire appel à la règle communautaire afin d'apporter
une solution au litige d'où une courroie de transmission vers la
juridiction communautaire (Paragraphe II)
Paragraphe I : L'application du droit
communautaire par le juge national
L'application du droit communautaire est avant tout et pour
tout l'oeuvre des juridictions nationales. Cette observation pourra se
vérifier en ce qui concerne le droit produit par l'UEMOA et l'OHADA.
Cette application du droit commun par le juge national s'est en outre
accompagnée d'une reconnaissance de l'autonomie institutionnelle
à l'Etat membre afin de faciliter le travail du juge national mais aussi
des justiciables, cependant il faut noter que pour s'assurer d'une application
adéquate du doit commun par le juge national, cette autonomie souffre
d'un certain nombre de limites.
A : La reconnaissance d'une autonomie
institutionnelle
Les normes produites par l'UEMOA (règlements et
directives transposées dans le droit national) sont appliquées
par les juridictions nationales dans tous les litiges suscitant l'application
d'une de ces normes21(*).
Il en est de même pour les actes uniformes de l'OHADA.
Les cours et tribunaux nationaux sont ainsi les institutions agissant «en
première ligne» dans l'application du droit communautaire. L'UEMOA
et l'OHADA reconnaissent ainsi une autonomie institutionnelle aux
différents Etats dans la sanction du droit commun. Cette autonomie
institutionnelle signifie la reconnaissance du pouvoir des Etats membres de
répartir les compétences entre leurs différents organes
juridictionnels. En d'autres termes, il appartient aux différents Etats
d'organiser les compétences et les procédures destinées
à sanctionner le droit communautaire ou commun et notamment à
sanctionner les droits que les particuliers peuvent tirer de l'effet direct des
normes communautaires. En assurant l'application du droit communautaire, les
institutions juridictionnelles nationales font ainsi l'objet d'une «
communautarisation ». Cette décentralisation de la sanction du
droit communautaire doit cependant être soumise à un certain
contrôle, faute de quoi l'application de ce droit pourrait être
compromise. Ceci implique que l'autonomie institutionnelle relevée
ci-dessus a une portée limitée.
B : Les limites de l'autonomie
institutionnelle
La première limite tient aux recours et
procédures destinés à sanctionner l'application du droit
commun. Certes, les Etats sont libres d'organiser ces recours et
procédures, il ne faudrait pas cependant que cette liberté rende
impossible en pratique la sanction du droit communautaire. La jurisprudence de
la Cour de justice des Communautés européennes est à cet
égard éclairante. Dans l'arrêt rendu le 16 décembre
1976 dans l'affaire Cornet, la juridiction européenne
précise que les «modalités [procédurales de recours
en justice destinées à la sanction du droit communautaire] ne
peuvent être moins favorables que celles concernant les recours
similaires de droit interne... ».
La deuxième limite tient à la nécessaire
application uniforme du droit commun. Il est à cet effet
nécessaire d'organiser un contrôle de l'application du droit
communautaire ou commun. L'efficience du droit commun serait en effet gravement
compromise si son interprétation était intégralement
abandonnée au pouvoir d'interprétation des organes
juridictionnels nationaux. Il faut sur ce point, relever que les
procédures de contrôle destinées à assurer
l'application uniforme du droit commun dans les Etats membres sont
profondément différentes dans l'UEMOA et dans l'OHADA. Cette
divergence trace à notre avis, la limite entre relations de
collaboration et relations potentiellement conflictuelles entre juridictions
nationales et juridictions communautaires. L'implication des juridictions
nationales dans la mise en oeuvre du droit commun se manifeste également
par le relais dont ils font office envers la juridiction commune.
Paragraphe II : La courroie de transmission vers
la juridiction communautaire
La juridiction nationale a beau être la juridiction de
droit commun en matière communautaire, il n'en demeure pas moins que le
juge communautaire joue un rôle essentiel dans l'application du droit
commun. Mais cela n'enlève en rien la compétence accordée
au juge national en matière communautaire car le juge national
s'érige en une courroie de transmission pour atteindre le juge
communautaire à charge d'interpréter le doit commun à
travers le recours préjudiciel. Le juge national constitue une courroie
de transmission en ce sens que l'initiative du recours appartient au juge
national ou à une autorité à fonction juridictionnelle
(A). Mais pour un droit commun homogène, les
arrêts ou avis de la juridiction nationale bénéficie d'une
autorité renforcée à l'égard des juridictions
nationales (B).
A : L'initiative du recours
préjudiciel
Le recours doit émaner d'une juridiction nationale ou
d'une autorité à fonction juridictionnelle22(*).
L'opportunité de la demande de renvoi appartient
à la juridiction nationale qui peut la refuser malgré la
requête de l'une des parties ou qui peut l'introduire malgré
l'opposition d'une partie. De même, il n'appartient pas à une
partie de compléter la question qui serait posée par le juge. Les
juridictions disposent donc à la fois d'un monopole et d'une
liberté d'appréciation dans l'exercice du recours
préjudiciel. Ceci implique que le recours préjudiciel n'est pas
une voie de recours dont les justiciables peuvent user. Toutefois, dans la
pratique judiciaire européenne23(*), il arrive fréquemment que ce soit les avocats
des parties qui soulèvent un moyen tiré de l'application d'une
disposition de droit communautaire, qui démontrent la
nécessité d'utiliser le recours préjudiciel et qui,
parfois, formulent ou contribuent à la formulation de la question
posée à la juridiction communautaire. La liberté dont
jouissent les juridictions nationales dans l'exercice du recours
préjudiciel est toutefois limitée s'il s'agit de juridictions
statuant en dernier ressort.
Dans un tel cas, la juridiction est tenue de saisir la Cour
s'il se pose une question de droit communautaire dans le traitement du litige
dont la juridiction nationale est saisie. Cette distinction entre juridictions
tenues de saisir la Cour et juridictions disposant de la faculté de
saisir la Cour si elles l'estiment nécessaire permet de rencontrer les
deux objectifs suivants : préserver l'unité
d'interprétation du droit communautaire et éviter l'encombrement
du prétoire de la juridiction communautaire. L'obligation de saisir la
Cour pour les juridictions statuant en dernier ressort disparaît si la
question qui devrait être posée au juge communautaire a
déjà fait l'objet d'une jurisprudence de la Cour. Ceci suppose
qu'un litige identique ou similaire à celui posé devant la
juridiction nationale a déjà fait l'objet d'un recours
préjudiciel ayant suscité une question matériellement
identique à celle que poserait la juridiction nationale. De même,
le renvoi préjudiciel ne doit pas être pratiqué si la
question d'interprétation du droit communautaire soulevée par
l'une des parties devant le juge national n'est pas pertinente,
c'est-à-dire que cette question ne peut avoir aucune influence sur la
solution du litige24(*).
La juridiction nationale est tenue d'exposer les motifs pour lesquels la
saisine de la Cour est nécessaire à la solution du litige et les
éléments de fait et de droit du litige. Elle joint au recours les
pièces pertinentes du dossier. La juridiction communautaire peut, dans
le traitement de l'instance, demander des informations et renseignements aux
parties, aux Etats membres aux organes de l'Union mais elle ne peut pas
ordonner des mesures d'instruction, lesquelles relèvent du juge
national. Le recours préjudiciel ainsi porté devant le juge
communautaire aboutit de la part de ce dernier à la prise d'une
décision dont le juge communautaire ne peut occulter le caractère
de la chose jugée.
B : L'autorité des arrêts des
juridictions communautaires à l'égard des juridictions
nationales
L'unité d'interprétation du droit communautaire
qui constitue l'objectif essentiel du recours préjudiciel serait
gravement compromise si les arrêts de la juridiction communautaire ne
s'imposaient pas au juge national. C'est la raison pour laquelle l'arrêt
de la Cour de justice s'impose à la juridiction nationale qui doit, par
conséquent, se conformer à la réponse fournie par la Cour
et à l'interprétation qu'elle donne du droit communautaire. La
procédure de contrôle de l'application du droit communautaire par
les juridictions nationales au sein de l'UEMOA laisse apparaître une
relation de collaboration entre les juridictions nationales et la juridiction
communautaire. La Cour de justice de l'UEMOA ne dispose pas du pouvoir
d'invalider ou d'annuler les décisions des juridictions nationales,
même lorsque l'application du droit communautaire est en cause. Pas plus
qu'elle ne dispose du pouvoir de censurer les décisions des cours et
tribunaux nationaux, la Cour ne tranche les litiges. Les litiges sont
exclusivement tranchés par les juridictions nationales même
lorsque le dénouement de celui-ci requiert l'application d'une ou de
plusieurs normes de droit communautaire. La Cour intervient dans le cadre d'un
litige tranché par le juge national pour fournir à celui-ci des
indications sur le droit communautaire auxquelles le juge national est tenu de
se conformer. La relation établie par le recours préjudiciel est
ainsi à la fois une collaboration et une complémentarité.
Il n'est pas question pour la juridiction communautaire de contrôler
l'application du droit en se substituant aux organes juridictionnels nationaux
par contre elle veille à travers ce mécanisme de la question
préjudicielle à encadrer correctement la compétence des
juridictions nationales.
Section II : L'encadrement de la compétence des
juridictions nationales par le juge communautaire
En raison de la spécificité de l'ordre juridique
communautaire, dont les caractéristiques ont été
dégagées par les juridictions communautaires, l'ensemble du
droit communautaire est en effet non seulement valable en tant que tel dans
les ordres juridiques des Etats membres, il est également
supérieur à toute norme nationale contraire. C'est en fonction de
cette spécificité que les juridictions nationales doivent
appliquer la norme communautaire.
Mais dans leur mission, les juridictions nationales se
trouvent encadrées à travers la compétence
préjudicielle des juridictions communautaires qui peuvent être
amenées à se prononcer tant sur la validité d'un acte du
droit dérivé que sur l'interprétation de toute
règle communautaire. L'encadrement de la compétence des
juridictions nationales apparaît ainsi au service non seulement de
l'unité du droit communautaire (paragraphe I), mais également
à la protection juridictionnelle des particuliers (paragraphe II).
Paragraphe I: L'encadrement de la compétence des
juridictions nationales au service de l'unité du
droit communautaire
L'idée d'unité du droit communautaire traverse
l'ensemble de la jurisprudence des cours de justice communautaires et tout
particulièrement, celle relative à l'application du droit
communautaire par les juridictions nationales. C'est ainsi que les principes
d'immédiateté et de primauté trouvent un de leurs
fondements dans la nécessaire unité d'application du droit
communautaire.
Les renvois en interprétation et en appréciation
de validité reposent tous les deux sur la nécessaire application
du droit communautaire25(*).
L'encadrement de la compétence des juridictions
communautaires à travers la compétence préjudicielle des
cours de justices communautaires est au service de l'unité du droit
communautaire. Ainsi, en permettant aux cours de justice de connaître
à titre préjudiciel de toutes les nomes communautaires, fait de
cette dernière une condition de l'unité du droit communautaire
(A). Avec l'obligation de renvoi qui pèse sur les juridictions
suprêmes, cette dernière élève les cours de justice
communautaires en garante de l'unité du droit communautaire devant les
juridictions nationales (B).
A: La compétence préjudicielle des
juridictions communautaires : condition de l'unité du droit
communautaire
La compétence préjudicielle des cours de justice
constitue une condition de l'unité du droit communautaire, grâce
à une interprétation extensive de la catégorie des normes
communautaires qui peuvent faire l'objet d'un renvoi en interprétation
de validité. Il convient ainsi de souligner qu'en vertu du principe de
l'immédiateté du droit communautaire, le renvoie
préjudiciel ne peut être subordonné à une quelconque
condition d'effet direct. Le juge national peut donc demander à la cour
de justice communautaire d'interpréter ou d'apprécier la
validité d'une norme communautaire dépourvue d'effets directs.
La compétence préjudicielle des cours de justice
semble à cet égard comme une condition de l'unité du droit
communautaire. Mais ce rôle est d'autant plus renforcé qu'il
pèse sur les juridictions nationales statuant en dernier ressort une
obligation de renvoi, la cour de justice sont ainsi garante de l'unité
du droit communautaire.
B : La compétence préjudicielle des
juridictions communautaires : garantie de l'unité du droit
commun
L'article 12 du protocole additionnel n°1 de l'UEMOA
introduit une distinction entre les juridictions nationales dont les
décisions ne sont pas susceptibles de recours juridictionnel de droit
interne et les autres.
Selon cet article « La Cour de justice statue
à titre préjudiciel sur l'interprétation du traité
de l'Union, sur la légalité et l'interprétation des actes
pris par les organes de l'Union, sur la légalité et
l'interprétation des statuts des organismes créés par un
acte du Conseil, quand une juridiction nationale ou une autorité
à fonction juridictionnelle est appelée à en
connaître à l'occasion d'un litige. Les juridictions nationales
statuant en dernier ressort sont tenues de saisir la Cour de justice. La
saisine de la Cour de justice par les autres juridictions nationales ou les
autorités à fonction juridictionnelle est facultative ».
Outre cet idéal de garantir l'unité du droit commun, le juge
commun s'emploie également à garantir la protection des
particuliers.
Paragraphe II : L'encadrement de la compétence
des juridictions nationales au service de la protection juridictionnelle des
particuliers
L'encadrement de la compétence des juridictions
nationales par les juridictions communautaires s'illustre également par
la protection des particuliers. En effet, cette protection se manifeste par le
contrôle de légalité des actes à travers le renvoi
en appréciation de validité (A) mais aussi par le contrôle
de légalité à travers le renvoi en interprétation
(B)
A: Le contrôle de légalité des
actes communautaires par le renvoi en appréciation de
validité
Les institutions juridictionnelles communautaires accordent
une importance particulière au contrôle de la
légalité des actes communautaires par le biais du recours
préjudiciel et c'est ainsi qu'elles sont reconnues compétentes
pour juger de la validité de toutes sortes d'actes communautaires.
Elles se sont également arrogées le droit du monopole de la
déclaration d'invalidité d'un acte communautaire en
déniant un tel pouvoir au juge national.
Ce monopole a été posée par la CJCE dans
l'arrêt foto-frost en affirmant que « les juridictions
nationales ne sont pas compétentes pour constater elles mêmes
l'invalidité des actes des institutions communautaires26(*). En rendant une telle
décision, la cour de justice européenne donne une suite favorable
aux voeux d'une grande majorité de la doctrine27(*). Cette compétence
conduit à restreindre sensiblement la compétence communautaire
des juridictions nationales. Une des fonctions de la question
préjudicielle est selon le professeur Gautron, « de permettre
en quelque sorte en un rattrapage de l'étroitesse des conditions
d'accès des particuliers (personnes physiques ou morales) au recours en
annulation28(*). Il s'y
ajoute également le contrôle de légalité par le
renvoi en interprétation afin de garantir l'application de la bonne
disposition aux particuliers.
B : Le contrôle de la
légalité des normes par le renvoi en
interprétation
L'encadrement de la compétence des juridictions nationales
en vue de la protection des particuliers est également assuré par
le renvoi en interprétation devant les juridictions communes. La
possibilité offerte aux juridictions communes de participer
indirectement par le renvoi en interprétation, au contrôle de
conformité de la norme nationale au droit commun a été
posé par la CJCE dans les arrêts van Gend en loos et
costa /Enel.
Lors de l'affaire van Gend en loos, les deux gouvernements
intervenants et l'administration fiscale néerlandaise avaient
soulevé une exception d'irrecevabilité pour faire constater par
la cour les violations du droit communautaire commises par les Etats
membres29(*). De
façon analogique, le gouvernement italien avait dénié au
juge national le privilège de procéder à un renvoi en
interprétation lorsque se posait devant lui une question de
compatibilité entre le droit national et le droit commun30(*). La cour avait rejeté
cet argument qui conduisait à supprimer toute protection
juridictionnelle directe des particuliers.
En articulant la compétence préjudicielle autour
de l'unité du droit communautaire et de la protection juridictionnelle
des particuliers et en démontrant leur indépendance, la cour de
justice a ainsi fortement mis en valeur sa propre compétence. Avec ce
mouvement, la cour de justice a voulu renforcer l'efficacité de son
interprétation. Elle ne prétend donc pas être l'auxiliaire
des juridictions nationales dans le cadre de leurs compétences
communautaires, elle entend strictement enserrer cette compétence du
juge communautaire de droit commun dans le cadre du mécanisme
préjudiciel. A première vue il apparaît clairement une
tendance très remarquée de collaboration entre les juridictions
nationales et les juridictions communautaires, mais il faut noter qu'avec le
mécanisme original de substitution de compétence imaginé
par l'OHADA à travers la CCJA, les relations peuvent revêtir un
caractère conflictuel.
Chapitre II : Les relations
conflictuelles
Le contentieux relatif à l'application des actes
uniformes de l'OHADA est d'abord, comme pour le droit communautaire de l'UEMOA,
de la compétence des juridictions nationales des Etats membres ensuite
des juridictions communautaires ; d'où les relations de
complémentarité traité plus haut .
On constate ici une analogie complète avec ce qui a
été observé pour l'application du droit communautaire de
l'UEMOA. Le contrôle exercé par la juridiction de l'OHADA
s'écarte cependant de façon notable du mécanisme souple du
recours préjudiciel. Certes, la Cour commune de l'OHADA peut être
saisie, à titre consultatif, par toute juridiction nationale saisie d'un
contentieux relatif à l'application des actes uniformes31(*), mais ce recours consultatif
nullement obligatoire32(*)
n'est pas le mode spécifique par lequel le Traité de l'OHADA
entend faire de la Cour commune de justice et d'arbitrage l'instrument
d'interprétation uniforme du droit de l'OHADA. Cette disposition, qui
traduit, selon certains, la supranationalité judiciaire au sein de
l'OHADA33(*), exprime
explicitement la substitution de la C.C.J.A. aux juridictions de cassation
nationales pour les litiges dénoués par l'application du droit
uniforme de l'organisation. Ce mécanisme de substitution imaginé
par les rédacteurs du Traité de l'OHADA est, susceptible
d'engendrer des relations conflictuelles avec les juridictions nationales.
D'autres relations conflictuelles peuvent également
résulter de la confusion de normes juridiques différentes au sein
d'un même pourvoi.
En effet, les juridictions nationales et les juridictions
communautaires peuvent donc avoir des relations conflictuelles dues à la
substitution de compétences (section I) mais aussi
à la confusion de normes (section II).
Section I : Conflits résultant de la
substitution de compétence
Ce mécanisme de substitution de compétence est
une spécificité de l'OHADA. Il est posé par l'article 14
du traité OHADA. Cette disposition qui traduit selon certains la
supranationalité judiciaire au sein de l'OHADA34(*), exprime explicitement la
substitution de la C.C.J.A. aux juridictions nationales de cassation pour les
litiges dénoués par l'application du droit uniforme de
l'organisation (paragraphe I). L'article 14 alinéa 5
étend même cette substitution aux juridictions du fond lorsqu'il y
a cassation (paragraphe II).
Paragraphe I: La substitution aux juridictions de
cassation des Etats membres
Pour analyser la substitution de la CCJA aux cours de
cassation des Etats membres, il importe de relever l'objet de cette
compétence (A) mais aussi les limites assignées à cette
compétence (B).
A: L'objet la compétence en
cassation
La Cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA est la
juridiction de cassation des Etats membres dès lors qu'il s'agit d'un
litige soulevant des questions relatives à l'application des actes
uniformes. Ceci ressort de l'article 14 du Traité OHADA qui,
après avoir établi que « la Cour commune de justice et
d'arbitrage assure dans les Etats parties l'interprétation et
l'application commune du présent traité, des règlements
pris pour son application et des actes uniformes », mentionne
expressément que la Cour est « saisie par la voie du recours en
cassation » et qu'elle « se prononce sur les décisions rendues
par les juridictions d'appel des Etats parties dans toutes les affaires
soulevant des questions relatives à l'application des actes uniformes
à l'exception des décisions appliquant des sanctions
pénales. Ce mécanisme de substitution imaginé par les
rédacteurs du Traité de l'OHADA est, susceptible d'engendrer des
relations conflictuelles avec les juridictions nationales dès lors qu'il
s'agira de délimiter la portée exacte de cette substitution.
Celle-ci dépend du droit à contrôler par la Cour commune.
Formellement, le traité vise le traité, les règlements
pris pour l'application du traité et les actes uniformes35(*). On peut cependant douter que
les règlements entrent dans ce cadre. En effet, les règlements
ont pour seul objet les rapports entre les organes de l'OHADA et entre
l'Organisation et les Etats membres. Il est donc impossible qu'un contentieux
judiciaire privé ouvrant droit à cassation puisse impliquer
l'application d'un règlement
B: Les limites de la compétence en
cassation
Substantiellement, le Traité exclut «...les
décisions appliquant des sanctions pénales », On peut penser
que cette disposition exclut la compétence de la C.C.J.A. dès
lors qu'il s'agit d'un pourvoi en cassation en matière pénale.
Ceci impliquerait que les pourvois en cassation en matière pénale
devraient nécessairement être portés devant les
juridictions nationales de contrôle de légalité même
s'ils sont fondés sur un moyen tiré de la violation d'un acte
uniforme puisqu'il ne faut pas perdre de vue que les actes uniformes peuvent
contenir des dispositions d'incrimination pénale mais non celles
infligeant les sanctions qui restent du domaine de la loi nationale. Une telle
interprétation qui supprime le pouvoir de substitution de la C.C.J.A. en
matière pénale, évite la complexité et les
lenteurs36(*).
En effet, si l'on admet que la C.CJ.A. est compétente
pour statuer sur les dispositions d'incrimination mais non sur les dispositions
établissant les sanctions, il faut admettre que la Cour commune,
après s'être prononcée sur l'application des dispositions
d'incrimination, devrait renvoyer l'affaire devant une juridiction nationale
(de cassation ou d'appel) pour qu'il soit statué sur les sanctions. La
solution consistant à écarter la compétence de la Cour de
l'OHADA en matière pénale présente, quant à elle,
l'inconvénient d'abandonner l'interprétation des dispositions des
actes uniformes établissant des incriminations pénales aux seules
juridictions nationales. Ceci pourrait « conduire à avoir autant
d'interprétations du même texte qu'il y a d'Etats parties
»37(*) ce qui ne
conduit manifestement pas à l'émergence d'un droit pénal
des affaires harmonisé. Il ne faut pas non plus perdre de vue que, dans
un même litige, une partie peut déférer une décision
au pourvoi en cassation en se fondant sur la violation de la disposition
d'incrimination et de celle établissant la sanction. Cette observation,
sur la cassation en matière pénale, est susceptible d'être
étendue à toute espèce de pourvoi en cassation et laisse
alors entrevoir le danger d'une relation conflictuelle de portée
beaucoup plus large entre la Cour commune et les juridictions nationales. En
plus de la substitutions aux juridictions de cassations des Etats membres, les
conflits naissent également suite à la substitutions des
même juridictions communes aux juridictions de fond des Etats membres.
Paragraphe II: La substitution aux juridictions de fond des
Etats membres
L'autre conflit pouvant surgir entre les juridictions est la
substitution de la CCJA aux juridictions des Etats membres. En effet,
après avoir casser un décision, la procédure classique
aurait voulu qu'il soit opéré à un renvoi devant une
juridiction de font qui serait chargé de statuer au fond mais la
technique empruntée par la CCJA consiste pour cette dernière
à évoquer (A) et à statuer ensuite au fond (B).
A: La reconnaissance du pouvoir
d'évocation
L'article 14 alinéa 5 étend même cette
substitution aux juridictions du fond lorsqu'il y a cassation. En effet, cette
disposition prévoit qu'« en cas de cassation, elle [la C.C.J.A.]
évoque et statue au fond». Ce pouvoir d'évocation permet
ainsi à la Cour commune de ne pas opérer de renvoi après
cassation de la décision qui lui a été
déférée et de se substituer ainsi à la juridiction
nationale, du fond qui aurait été normalement compétente
pour statuer après la cassation.
Cette compétence de la CCJA révèle la
substitution de cette dernière aux juridictions de fond, car elle devait
à l'instar de toutes les juridictions de cassation opérer un
renvoi afin qu'il soit procédé à un autre jugement mais en
l'espèce la CCJA s'approprie le litige en s'autosaisissant pour enfin
statuer au fond.
B: La reconnaissance du pouvoir de statuer au
fond
En procédant de la sorte, la CCJA apparaît plus
comme une juridiction de première instance ou d'appel qu'une simple
juridiction de cassation. En pareil cas dans l'ordre juridique interne, la cour
de cassation, après avoir cassé une décision
procède à un renvoi devant les juridictions de fond à
charge de statuer au fond. Mais en procédant de la sorte, la CCJA
n'apparaît pas seulement comme une juridiction de cassation mais les deux
à la fois.
Cet état de fait constitue une particularité
gage inéluctable de conflits avec les juridictions nationales notamment
celles de fond.
Outre les conflits qui peuvent surgir suite à la
substitution de compétences, on peut remarquer d'autres conflits
résultants de la confusion de normes juridiques différentes.
Section II: Conflits résultant de la confusion de
normes juridiques différentes
En plus de la substitution de compétence qui peut
engendrer des conflits de juridictions, ceux-ci peuvent également se
révéler a cause de la confusion de normes. Ainsi il serait
important dans ce cas de mettre en relief la manifestation de la confusion
(paragraphe I) puis analyser un cas spécifique révélateur
à travers la jurisprudence snar leyma (paragraphe II)
Paragraphe I: La manifestation de la confusion
Il n'est évidemment pas impossible d'imaginer qu'un
pourvoi en cassation implique à la fois une ou plusieurs règles
de droit uniforme et une ou plusieurs dispositions de droit national non
harmonisé (droit civil ou droit processuel par exemple). Comment
faut-il, dans ce cas régler le partage de compétences entre la
juridiction commune et les juridictions nationales ? Faut-il attribuer
compétence pour l'intégralité du litige à la Cour
commune ? Au contraire, faut-il attribuer compétence intégrale
à la juridiction nationale de contrôle de légalité ?
Faut-il former deux pourvois en cassation contre la même décision,
l'un devant la juridiction nationale de cassation et l'autre devant la
juridiction commune ? Faut-il former un seul pourvoi avec deux moyens
destinés à deux juridictions différentes de sorte que la
juridiction nationale de cassation renvoie l'affaire devant la C.C.J.A.
après s'être prononcée sur l'application des dispositions
de droit interne non harmonisé?
Ou l'inverse, c'est-à-dire d'abord saisir la C.C.J.A.
qui, après s'être prononcée, renvoie devant la juridiction
nationale de contrôle de légalité ?
Cette situation de conjonction de moyens fondés sur des
normes juridiques différentes est pourtant loin d'être
exceptionnelle. Elle ne trouve dans les relations instituées entre les
juridictions nationales et la juridiction commune de l'OHADA aucune solution
satisfaisante. En effet, aucune des alternatives évoquées
ci-dessus n'est satisfaisante. Certaines comme, celle qui consiste à
former un seul pourvoi avec des moyens soumis à des juridictions
différentes sont même impraticables. Toute situation incertaine
qui suscite des solutions alternatives est source de conflits potentiels. Il
n'est donc pas étonnant qu'un tel conflit de détermination de la
juridiction compétente -Cour commune ou juridiction nationale de
contrôle de légalité- se soit posé dans l'affaire
Snar Leyma rendu par la Cour Suprême du Niger le 16 août
200138(*).
Paragraphe II: L'exemple de la jurisprudence Snar Leyma
Le litige portait sur l'ouverture du capital de la
Société nigérienne d'assurance et de réassurance
(Snar Leyma) au groupe Hima Souley lors d'une
opération de recapitalisation de la société d'assurance.
Le groupe Hima Souley avait obtenu, par ordonnance rendue sur
requête en date du 20 avril 2001 du Président du tribunal de
Niamey, la nomination d'un administrateur judiciaire chargé de convoquer
une assemblée générale des actionnaires de la Snar
Leyma qui serait chargée de constater la libération des
actions souscrites par le groupe Hima Souley en sa qualité
d'actionnaire.
Cette ordonnance avait été confirmée par
un arrêt de la Cour d'appel de Niamey du 23 mai 2001. Insatisfaite de
l'arrêt d'appel ayant confirmé l'ordonnance du 20 avril 2001, la
société nigérienne d'assurance avait introduit un pourvoi
en cassation invoquant la violation par l'arrêt soumis au pourvoi de
dispositions du code de procédure civile, du code civil et du code CIMA.
La défenderesse au pourvoi -le groupe Hima Souley- avait
soulevé une exception d'incompétence et une fin de non
recevoir.
L'exception d'incompétence invoquait la
compétence exclusive de la C.C.J.A. pour statuer sur l'application des
actes uniformes de l'OHADA, en l'espèce l'acte uniforme relatif au droit
des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt
économique du 17 avril 1997, conformément à l'article 14
du traité OHADA. La fin de non-recevoir invoquait la non inscription en
faux contre la décision notariée de souscription et de versement.
Les moyens du pourvoi invoquaient d'abord la violation par l'arrêt
d'appel du 23 mai 2001 de l'article 809 du code de procédure civile
nigérien en ce que cette disposition prévoit que « les
ordonnances sur référé ne feront aucun préjudice au
principal » . Or, selon la demanderesse au pourvoi, en reconnaissant la
qualité d'actionnaire au groupe Hima Souley, les pouvoirs
conférés au juge statuant en référé avaient
été outrepassés. Les autres moyens du pourvoi invoquaient
la méconnaissance des dispositions du code civil nigérien et du
code CIMA sans d'ailleurs relever précisément quelles
dispositions précises de ces deux codes auraient été
violées. Pour le Code civil, on peut penser que c'est l'article 1134
consacrant le principe de la force obligatoire des conventions qui était
implicitement visé par le pourvoi et pour le code CIMA, les dispositions
spécifiques aux sociétés d'assurance.
Dans son examen du pourvoi, la cour suprême du Niger
accueille le moyen pris de la violation de
l'article 809 du code nigérien de procédure civile.
La haute juridiction décide que, en raison de la
contestation de la qualité d'actionnaire du groupe Hima Souley,
le juge des référés n'était pas
compétent pour lui reconnaître cette qualité. En lui
reconnaissant cette qualité, le juge des référés
avait d'après la Cour suprême nigérienne, pris une
décision contraire à la nature provisoire du
référé. L'accueil de ce moyen aurait à lui seul
justifié la cassation. La Cour suprême relève cependant un
moyen d'office tiré du non respect de la procédure du
référé pour la désignation d'un mandataire
judiciaire. Selon la cour, l'article 516 de l'acte uniforme relatif au droit
des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt
économique imposerait dans tous les cas que la nomination d'un
mandataire judiciaire pour pallier l'inertie du Conseil d'administration soit
effectuée par ordonnance de référé rendue au terme
d'une procédure contradictoire. Or, dans le cas d'espèce,
l'ordonnance de nomination du mandataire avait été rendue sur
requête, sans procédure contradictoire. Ceci constituait,
d'après la haute juridiction nigérienne, un second motif de
cassation. Notre propos portera exclusivement sur le rejet de l'exception
d'incompétence soulevée par la défenderesse au
pourvoi.
On se rappelle que cette exception invoquait la
compétence exclusive de la C.C.J.A. pour statuer sur l'application des
actes uniformes de l'OHADA. La Cour suprême réfute la
compétence de la C.C.J.A. au motif que celle-ci ne serait
compétente que pour l'application des actes uniformes. Ceci, dans la
compréhension de la Cour du Niger, implique que la compétence de
la C.C.J.A. serait limitée à des pourvois qui sont fondés
exclusivement sur des dispositions d'actes uniformes. Or, dans le cas
d'espèce, le pourvoi n'est pas exclusivement fondé sur des normes
uniformes de l'OHADA. En effet, on a vu que le pourvoi invoquait, outre des
dispositions uniformes, des dispositions de droit nigérien non
harmonisé du code civil et du code de procédure civile.
Certes, la juridiction suprême du Niger ne va pas
jusqu'à affirmer sa compétence pour statuer sur les actes
uniformes mais elle estime que dans un tel cas, « il appartient à
la Cour suprême nationale de saisir la Cour commune des questions
spécifiques aux actes uniformes ». Quoiqu'en pense la haute
juridiction du Niger, une telle procédure, qui s'apparente au recours
préjudiciel en interprétation n'est pas organisée dans le
système institutionnel de l'OHADA. Le recours consultatif devant la
C.C.J.A. n'est possible que pour les seules juridictions du fond. Ceci ressort
explicitement de la combinaison des articles 13 et 14 alinéa 2 du
Traité OHADA. En effet, l'article 13 vise l'application du droit
uniforme par les juridictions du fond en première instance et en appel
tandis que l'article 14 alinéa 2 vise la saisine de la C.C.J.A. pour
avis consultatif « par les juridictions nationales saisies en vertu de
l'article 13 ». Pour les juridictions nationales de contrôle de
légalité, comme les cours de cassation, la seule voie, lorsqu'une
question est posée devant elle relative à l'application des actes
uniformes, est le dessaisissement. L'article 51 du Règlement de
procédure de la C.C.J.A. apporte, sur ce point, une précision qui
permet d'affirmer qu'une cour de cassation ne peut que se dessaisir si une
question portant sur un acte uniforme est soulevée devant elle. Ainsi,
ledit article dispose que « Lorsque la cour est saisie conformément
aux articles 14 et 15 du traité par une juridiction nationale statuant
en cassation qui lui renvoie le soin de juger une affaire soulevant des
questions relatives à l'application des actes uniformes, cette
juridiction est immédiatement dessaisie ». La procédure
évoquée par la Cour suprême nigérienne ne peut donc
être envisagée. Seule une procédure de dessaisissement est
prévue par le droit OHADA.
La Cour suprême du Niger soumet la procédure de
consultation de la C.C.J.A. à une double condition : il faut que «
l'application des actes uniformes ait été
prépondérante pour la prise de la décision attaquée
et que le pourvoi [soit] surtout basé sur ces actes ».
Il faut donc que la décision attaquée soit
principalement fondée sur une ou plusieurs dispositions uniformes et que
le pourvoi invoque principalement la violation du droit uniforme. Si tel n'est
pas le cas, la juridiction suprême nationale est compétente pour
statuer sur le tout sans devoir saisir la C.C.J.A. Dans le système
proposé par la juridiction du Niger, il revient évidemment
à la juridiction saisie, c'est-à-dire la Cour suprême,
d'apprécier la clé de répartition entre droit national et
droit uniforme aussi bien dans l'arrêt attaqué que dans le
pourvoi. En d'autres termes, c'est cette juridiction qui statuera sur la
compétence ou l'incompétence de la C.C.J.A. On ne saurait
imaginer un système plus éloigné des conceptions du
Traité OHADA qui entend faire de la C.C.J.A. la juridiction
exclusivement compétente pour toutes les questions relatives à
l'application des actes uniformes.
Quel que soit le jugement que l'on peut porter sur
l'arrêt rendu dans l'affaire Snar Leyma évoqué
ci-dessus, il témoigne d'une relation à tout le moins
conflictuelle entre les juridictions nationales de cassation et la Cour commune
de l'OHADA. C'est ainsi qu'il a pu être perçu comme une
manifestation de la résistance des juges nationaux à
l'application et l'interprétation du droit uniforme par la Cour
commune39(*). Une telle
situation conflictuelle nous paraît difficilement évitable
dès lors que le système institutionnel repose sur un
mécanisme de substitution de compétence, en l'espèce des
juridictions de cassation vers la Cour commune tel qu'il a été
conçu au sein de l'OHADA. Le conflit n'est cependant pas insoluble dans
un système où l'une des juridictions peut finalement imposer sa
compétence à l'autre. Tel est précisément le cas
dans le système OHADA.
En effet, aux termes de l'article 18 du Traité, «
Toute partie qui, après avoir soulevé l'incompétence d'une
juridiction nationale de cassation estime que cette juridiction a
méconnu la compétence de la Cour commune de justice et
d'arbitrage peut saisir cette dernière...». La Cour commune aura
finalement le pouvoir d'imposer sa compétence puisque si elle «
décide que cette juridiction [la juridiction nationale de cassation]
s'est déclarée compétente à tort, la
décision rendue par cette juridiction est réputée nulle et
non avenue ». A cet égard, le conflit risque d'être beaucoup
plus difficile à dénouer lorsqu'il est posé entre deux
juridictions dont aucune ne peut imposer sa compétence à l'autre.
Tel est précisément le cas lorsque le conflit est soulevé
entre deux juridictions communautaires ou communes.
Deuxième Partie
Les rapports entre les juridictions communautaires
Le vaste mouvement d'intégration des années 90 a
eu à engendrer en Afrique une pluralité de communautés ou
unions avec chacune ses spécificités propres.
Mais ces différentes organisations ont la
particularité de créer chacune une juridiction qui est
chargée de mettre en oeuvre les normes produites par l'organisation dont
elle constitue l'institution juridictionnelle. C'est dans ce cadre qu'on a vu
naître plusieurs organisations dans une même région
géographique. On peut donner l'exemple de la région ouest
africaine avec l' UEMOA avec une cour de justice.
Mais il y a aussi des organisations qui regroupent plusieurs
Etats de régions différentes. L'OHADA en est une parfaite
illustration car il s'agit là d'une organisation qui est composée
d'Etats de l'Afrique de l'ouest (regroupée au sein de l'UEMOA et de la
CEDEAO) et des Etats de l'Afrique centrale.
Ainsi retrouve-t-on plusieurs juridictions communes qui
interviennent soit dans une même région soit une juridiction qui
intervient dans deux régions.
S'il n y a pas de liens entre les juridictions communes du
point de vue de l'application ou de la sanction des nomes, il demeure par
ailleurs que ces dernières peuvent entretenir des rapports certains qui
peuvent paraître conflictuels.
C'est ainsi qu'il nous appartiendra de voir quels types de
rapports entretiennent ces juridictions. Mais pour y arriver il faudra d'abord
nécessairement identifier les éléments susceptibles
d'engendrer des conflits (chapitre I) puis identifier les conflits susceptibles
d'en découler pour y apporter éventuellement des solutions
(chapitre II).
Chapitre I: Les éléments constitutifs de
ces rapports
Les juridictions en elles même n'ont pas de relations
institutionnelles quant à l'application du droit commun, par contre
d'autres rapports peuvent être envisagés à travers un
certain nombre d'éléments qu'elles partagent. Les
éléments constitutifs de ces rapports tiennent à la fois
aux fonctions assurées par les cours (section I) par rapport aux ordres
juridiques dont elles constituent l'institution juridictionnelle et aux champs
d'application de ces ordres juridiques (section II).
Section I: L'identité des fonctions assurées
par les cours
Les juridictions de l'UEMOA et de l'OHADA ont pour fonction
fondamentale de dire le droit communautaire 40(*). Selon différentes procédures qui ont
été évoquées dans la première partie de
cette étude41(*),
ces juridictions ont comme tâche essentielle d'appliquer le droit
communautaire en aval des juridictions nationales (paragraphe I) mais aussi
d'interpréter d'une manière uniforme les normes de l'ordre
juridique dont elles constituent l'institution juridictionnelle
supérieure (paragraphe II).
Paragraphe I : L'application du droit
communautaire
L'espace intégré de l'UEMOA et de l'OHADA n'est
en réalité qu'un ensemble d'Etats qui se sont regroupés
afin de favoriser le rapprochement de leurs différents peuples par le
biais de la règle de droit.
Par conséquent, les règles communautaires ne
sont destinées qu'aux seuls Etats et aux particuliers. Justement,
étant donné que dans l'ordre interne des Etats, il appartient aux
juridictions nationales d'appliquer la règle de droit, c'est à
ces mêmes juridictions d'assurer l'effectivité de la
réglementation communautaire par son application sur le territoire de
chaque Etat. Mais à coté de cette compétence reconnue aux
juridictions nationales, il faut relever que les juridictions communautaires
aussi jouent un grand rôle dans l'application du droit commun. Si les
juridictions communautaires partagent ce privilège d'application du
droit commun avec les juridictions nationales, il existe des matières
par rapport aux quelles le règne des premières est sans partage.
Il en est d'abord ainsi du contentieux de la légalité mais aussi
pour certaines matières spécifiques dans le contentieux de pleine
juridiction Il faut tout de suite signaler que ce type de contentieux propre
aux juridictions communautaires fait l'objet d'une consécration beaucoup
plus élaborée au sein de l'UEMOA que dans l'OHADA. Il comprend
trois éléments le recours en appréciation de
légalité, le recours en exception de l'illégalité
et le recours préjudiciel en interprétation de la
légalité.
Pour ce qui est du premier type de recours, il s'agit du
recours en annulation prévu expressément dans les textes de
l'UEMOA, particulièrement le chapitre II du règlement de
procédure de la cour de justice. Au termes de l'article 15 de ce
chapitre la cour est compétente pour connaître du recours en
appréciation de légalité, l'alinéa 2 dispose
que : « ... Le recours en appréciation de
légalité est dirigé contre les actes communautaires
obligatoires les règlements, les directives ainsi que les
décisions individuelles prises par le conseil et la
commission... ». Le recours en appréciation de
légalité peut être conçu comme étant la
transposition à l'échelle régionale du recours pour
excès de pouvoir applicable dans l'ordre interne des Etats. Comme tout
recours la cour est saisie au moyen d'une requête signée
généralement par un avocat, elle est signifiée à la
partie adverse accompagnée d'un cautionnement.
La requête peut être introduite
conformément au même alinéa second de l'article 15 par
toute personne physique ou morale, contre tout acte d'un organe de l'Union lui
faisant grief.
En outre il s'y ajoute que le recours est même ouvert
aux organes de l'Union, tels que la commission, le conseil, ou encore les Etats
membres contre les règlements, les directives et décisions. Ainsi
considéré ce recours s'exerce contre les actes unilatéraux
de l'Union, notamment les directives, les règlements, les
décisions, à l'exclusion des actes additionnels. Et lorsque la
cour statue, son office consistera à confronter les actes en questions
avec le Traité de base et les autres conventions. Comme en droit interne
les actes en cause doivent faire grief, c'est-à-dire modifier
l'ordonnancement juridique, par conséquent les avis et recommandations
ne peuvent faire l'objet du recours. Par ailleurs ce recours peut donner lieu
à des cas d'annulation d'un acte communautaire, lorsqu'il y a eu vice de
forme et de procédure 42(*)par exemple l'absence de
motivation ou la violation de la procédure contradictoire. Il en est
ainsi également en cas d'incompétence ou de détournement
de pouvoir car les autorités communautaires ont des compétences
d'attribution. Mais surtout l'annulation est retenue lorsqu'il y a violation du
traité de base et des textes subséquents.
A l'heure actuelle l'affaire qui défraie la chronique
en cette matière c'est sans nul doute le licenciement abusif du
commissaire ivoirien Eugène Yaï. Dans cette Arrêt rendu le 05
avril 200543(*), la cour de justice de l'Union a
déclaré nul et de nul effet l'acte additionnel n°01/2005 du
11 mai 2005 nommant monsieur Jérôme Bro Grebe en qualité de
membre de la commission de l'UEMOA pour remplacer monsieur Yaï.
Mais le curieux dans cette affaire, c'est que sous les
pressions de la Côte d'Ivoire la conférence des chefs d'Etats et
de gouvernement va encore adopter l'Acte additionnel n°04/2006 pour
réaffirmer la nomination de monsieur Jérôme Bro, ce qui est
aujourd'hui synonyme de licenciement pour monsieur Eugène Yaï. Ce
remplacement conformément au premier arrêt de la CJU sera encore
jugé illégal par la cour communautaire, qui convient toutefois de
l'entrée en vigueur de l'acte additionnel dans le but de donner une base
légale à la nomination du nouveau membre de la commission, bien
que illégalement effectuée. Dans cette affaire il se pose une
question très cruciale, celle de la crédibilité de la cour
de justice. Est-ce que les chefs d'Etats de l'Union dans le seul but de
satisfaire les désires d'un Etat membre, vont en tant que animateur de
l'organe suprême de l'UEMOA, faire totalement fi de la décision de
justice de la cour ? Lequel organe de contrôle a été
justement créé pour servir l'effectivité du droit
communautaire. Même si la conférence n'en juge pas encore la
portée, la suite qu'elle donnera à cette affaire sera très
décisive pour l'avenir de l'UEMOA. Car si l'organe suprême viole
le droit communautaire, c'est dire que l'Union risque d'être une zone de
non droit dans l'avenir.
Après ce premier recours il existe un autre type dont
les juridictions communautaires sont les seules compétentes.
Le recours en exception d'illégalité est
prévu au sein des deux cours communautaires de l'UEMOA et de l'OHADA,
mais comme pour le recours sus évoqué il fait l'objet d'une
réglementation plus stricte dans la Cour de justice de l'Union. En effet
il est permis à toute personne partie à un litige de soulever une
exception à l'encontre d'un acte d'un organe de l'organisation. Mais
l'exception d'illégalité ne vise pas à faire annuler un
acte, mais à le déclarer inapplicable en l'espèce
même après l'expiration du recours en annulation. Lorsque c'est
des requérants ordinaires, l'exception d'illégalité aura
pour intérêt de corriger les restrictions auxquelles le
traité subordonnait le recours en annulation des particuliers contre les
décisions et règlements.
Mais quand c'est des Etats ou des institutions qui saisissent
le juge, l'exception d'illégalité devra servir à
empêcher l'application d'actes illégaux qu'ils auraient pu
attaquer, mais qu'ils n'ont pas pu faire dans le cadre du délai du
recours en annulation. Dans ce cas de figure le juge est saisi par la voie de
la question préalable, à la quelle il devra répondre.
Comme autre catégorie de contentieux par rapport au quel la
compétence est réservée aux juges communautaires, on peut
relativement citer le contentieux de l'interprétation44(*) .Mais le contentieux de la
légalité n'est pas la seule matière de compétence
des juridictions communautaires, celles-ci peuvent aussi connaître des
litiges de pleine juridiction. Si l'on considère la
réglementation de l'UEMOA et de l'OHADA s'agissant du contentieux de
pleine juridiction, leurs juridictions sont compétentes à deux
niveaux différents. En effet il y a des matières de
première saisine, c'est-à-dire lorsque la question est
obligatoirement portée en premier lieu devant le juge communautaire.
Mais également comme tout contentieux de pleine juridiction les cours
communautaires sont compétentes par la voie de la cassation
Les juridictions communautaires ne sauraient avoir des
compétences bornées au seul contentieux de la
légalité. C'est la raison pour la quelle la CCJA et l'OHADA sous
peine de voire leur rôle trop réduit ou inexistant sont
compétentes en matière de responsabilité, de contentieux
de la concurrence, ou de la fonction publique. Pour la responsabilité il
faut dire qu'elle fait naturellement l'objet d'une consécration dans
tous les textes régissant les juridictions africaines. Dans l'UEMOA le
paragraphe 5 de l'article 15 du règlement de procédure de la cour
dispose que : « la cour de justice est seule
compétente pour déclarer ou engager la responsabilité non
contractuelle et condamner l'Union à la réparation du
préjudice causé par des agissements matériels, soit par
des actes normatifs des organes ou de ses agents dans l'exercice ou à
l'occasion de l'exercice de leur fonction... ».
L'action en responsabilité quelque soit le cas peut
être intentée par les particuliers contre l'Union, cette
dernière peut également engager la responsabilité des
particuliers.
Il y a aussi le contentieux individuel de la fonction
publique, qui peut être porté devant les juridictions
communautaires. En effet il existe un ensemble de règles
régissant les personnels de l'UEMOA et de l'OHADA, il en est ainsi par
exemple du règlement 1/98 du 30 janvier 1998 relatif au régime
applicable au personnel de l'OHADA. Ces règles constituent le statut de
ces personnels qui fixe les droits et obligations du personnel qui peut
être fonctionnaire ou non fonctionnaire. Cependant comme dans tout
rapport humain, il peut survenir des litiges entre l'organisation et les
agents. C'est la raison pour laquelle les textes qui régissent les cours
communautaires donnent compétence à celles-ci pour
connaître de ces litiges. C'est le cas du règlement de
procédure de la CJU qui à l'alinéa 4 de son article 15
habilite la cour à statuer sur tout litige entre les organes de l'union
et leurs agents dans les conditions déterminées au statut du
personnel.
Comme autres contentieux exclusifs aux juridictions
communautaires, il faut noter celui qui est relatif à la concurrence,
aux litiges financiers et aux recours en manquement contre les Etats. Mais ces
contentieux ne sont prévus à l'heure actuelle que dans le cadre
de l'UEMOA. Cela peut aisément se comprendre, d'une part par la nature
des normes de l'UEMOA qui visent dans leur majorité expressément
les Etats et d'autre part il n'existe à l'heure actuelle aucun Acte
Uniforme devant portant sur ces matières. Ainsi, lorsqu'elle est saisie,
la CJU peut être amenée à se prononcer sur les
décisions et sanctions que la commission a pu prendre contre les
entreprises qui n'ont pas respecté le principe de la libre concurrence
ou bien celles qui ont abusé de leur position dominante sur le
marché de l'UEMOA. Quant au recours en manquement il est
également prévu par l'alinéa 1er de l'article
15 du règlement de procédure de la CJU.
En effet, selon la réglementation la cour de justice
connaît des recours de la commission ou de tout Etat membre pour tous
manquements que les Etats accusent par rapport aux obligations communautaires
qui les incombent. Enfin concernant le recours financier il ne fait pas l'objet
d'une consécration expresse par l'UEMOA, contrairement à la
convention de la cour de justice de la CEMAC mais il s'agit essentiellement du
contentieux bancaire. Au demeurant il faut dire que les juridictions
communautaires de l'UEMOA et de l'OHADA disposent d'une compétence
générale, elles peuvent être saisies par les juridictions
nationales dans le cadre du recours préjudiciel ou consultatif pour un
éclairage sur le droit communautaire. Mais elles peuvent être
saisies également par toutes personnes physiques ou morales pour des
matières qu'elles sont seules à pouvoir connaître.
En plus de la compétence en matière
d'application du droit commentaire, les juridictions communautaires ont
également en commun l'interprétation du droit commun.
Paragraphe II : L'interprétation uniforme du
droit communautaire
Dans le souci d'une application uniforme des normes uniformes,
il est institué au sein de l'OHADA et de l'UEMOA un système de
coordination entre les juridictions communautaires et celles qui sont propres
aux territoires des Etats parties. En effet, ont aurait couru le risque d'une
incohérence si les juridictions nationales pouvaient chacune de
manière séparée et selon leur bon vouloir et leur
entendement, interpréter le droit communautaire. Sans conteste il y
aurait autant d'interprétations que de juridictions nationales et par
conséquent l'uniformisation serait fortement obérée.
Pour cette raison l'analyse des textes fondamentaux de
l'UEMOA et de l'OHADA révèle que c'est aux cours communautaires
de justice qu'est dévolue la mission d'interprétation des normes
communautaires en cas de difficultés pour leur application dans un
litige au plan interne. L'interprétation consiste à
préciser le sens et la portée des dispositions du droit
communautaire
Dans l'UEMOA mais également dans la communauté
jumelle de l'Afrique centrale (CEMAC), le contrôle par
l'interprétation s'exerce à travers ce que l'on appelle le
recours préjudiciel en interprétation. Ce recours est
organisé dans l'Union par les dispositions du protocole additionnel
n°1 du Traité de l'UEMOA, et par l'article 15 paragraphe 6 du
règlement 01/ 96/ CM/ UEMOA portant règlement de procédure
de la Cour de justice. Justement, cet article 15 dispose
que : « Lorsqu'un problème d'interprétation
du traité de l'Union, de la légalité des organes de
l'Union, de la légalité et d'interprétation des statuts
des organismes créés par un acte du conseil, se pose devant une
juridiction nationale dont les décisions sont susceptibles de recours,
cette juridiction peut, si elle l'estime nécessaire, poser des questions
préjudicielles à la Cour ». S'il en est ainsi c'est
dire que la saisine est facultative mais la même disposition
précise également que les juridictions nationales sont cependant
dans l'obligation de saisir la Cour de justice lorsqu'elles statuent en dernier
ressort. Dans l'Union le contentieux portant sur l'ensemble du droit
communautaire est susceptible de faire l'objet d'un recours préjudiciel
(les règlements, les directives, décisions, les statuts des
organes spécialisés comme la BRVM et le Traité
lui-même.
Le recours doit émaner d'une juridiction nationale ou
d'une autorité à fonction juridictionnelle. Ainsi,
l'opportunité de renvoi appartient à la juridiction nationale qui
peut la refuser malgré la requête d'une partie. Cela amène
à dire que dans l'Union le recours n'est pas une voie de recours dont
les justiciables peuvent user contrairement à l'Union Européenne
où les avocats peuvent provoquer le renvoi et même participer
à la formulation de la question posée à la juridiction
communautaire.
Pour ce qui est de l'OHADA c'est d'abord l'article 14 du
Traité de base qui prévoit la compétence exclusive de la
CCJA pour l'interprétation du Traité, des règlements pris
pour son application et des applications. Ensuite c'est l'article 56 du
règlement de procédure qui traite de la question de
l'interprétation mais à ce niveau le règlement consacre le
concept de procédure consultative. Ainsi la disposition inclus au niveau
du Titre III intitulé : De la procédure consultative
énonce que : « Toute décision par laquelle
une juridiction visée à l'article 14 du traité sollicite
un avis consultatif est notifié à la cour à la diligence
de cette juridiction. Cette décision formule en termes précis la
question sur laquelle la juridiction a estimé nécessaire de
solliciter l'avis de la cour pour rendre son jugement... ». Ainsi, on
peut dire que la demande d'avis est le pendant de la procédure du renvoi
préjudiciel de l'UEMOA. Mais dans l'Union lorsque l'avis est
demandé, elle fait même l'objet d'une notification à tous
les Etats parties au Traité, par le greffier en chef. En outre il faut
dire que, plus que dans l'Union la demande d'avis apparaît comme une
obligation dans l'organisation dans la mesure où les décisions
rendues par les juridictions nationales qui s'inscriraient en faux avec le
droit communautaire seraient toutes invalidées par la CCJA qui est une
véritable juridiction de troisième degré.
Matériellement la réglementation des deux juridictions
prévoit que le juge national doit exposer les motifs pour les quels il
juge la saisine nécessaire à la solution du litige et les
éléments de droit et de fait du litige en y joignant toutes les
pièces du dossier. Lorsque la décision d'interprétation
est rendue par les deux Cours elle contient l'indication de son auteur, la date
du prononcé, les noms des juges, l'exposé sommaire des faits, les
motifs et enfin la réponse à la question qui était
posée.
Il faut dire en fin de compte que les interprétations
qui sont données par les cours s'imposent en principe à la
juridiction nationale qui les a demandé. L'interprétation
s'impose à toutes les autorités administratives et judiciaires
dans l'ensemble des Etats membres.
De ce fait, l'inobservation par l'Etat ou la juridiction d'une
décision d'interprétation peut entraîner un recours en
manquement dans l'UEMOA. Par conséquent la pratique de la demande
d'interprétation présente des intérêts certains.
Cela permet de préserver l'unité d'interprétation servant
de base à des applications homogènes par les juridictions
nationales mais également l'interprétation permet de diminuer
l'encombrement du prétoire de la juridiction communautaire. En outre, la
faculté de saisine de la cour communautaire aux fins d'une
interprétation disparaît si la question posée a
déjà fait l'objet d'une jurisprudence. Le recours en
interprétation n'est pas requis également lorsque la question
soulevée par l'une des parties manque de pertinence c'est-à-dire
quand elle n'a aucune influence sur la solution du litige.
Au demeurant, il apparaît que la juridiction nationale
et les juridictions communautaires partagent un aspect très important
lié à l'application du droit commun. Si cet aspect illustre l'un
des rapports qu'entretiennent ces juridictions, il n'en demeure pas moins que
l'identité des domaines d'actions constitue également un aspect
important voire déterminent dans les rapports des cours.
Section II : L'identité des domaines d'actions
des Cours
La particularité de l'UEMOA et de l'OHADA se situe au
niveau de leur domaine de prédilection. Il faut noter que la production
de norme n'a pas été convenablement ajustée afin
d'éviter un chevauchement entre elles surtout si l'on sait que l'espace
d'exécution des ces deux juridiction est à peu prés la
même chose car tous les huit Etats membres de l'UEMOA sont aussi membres
de l'OHADA. C'est pourquoi l'étude des rapports passe
nécessairement par l'étude du domaine d'action matériel
d'abord (paragraphe I) puis par celle du domaine d'action
spatial (paragraphe II).
Paragraphe I: Domaine d'action matériel
Pour ce qui concerne l'UEMOA, celle-ci ne jouit que d'une
compétence d'attribution45(*). Cela veut dire que ses
activités ne peuvent ou ne doivent se déployer que dans un
certain nombre de domaines limitativement déterminés par le
Traité. Ce principe ressort clairement des dispositions de l'article 16
alinéa 2 du Traité qui limite l'action des organes "aux
attributions qui leur sont conférées par le Traité de
l'UMOA et le présent traité dans les conditions prévues
par ces Traités". Il se pose alors la question des domaines
réservés ou ouverts à l'Union et dans lesquels le droit
communautaire aurait matière à s'appliquer. Cette interrogation
ne reçoit pas de réponse précise, référence
faite au Traité eu égard à l'absence d'une
différenciation nette entre les notions de fonction et de
compétence46(*).
Cette imprécision est renforcée par le fait que le Traité
UEMOA est un traité cadre. C'est donc dire que le champ d'application
matériel du droit de l'UEMOA épouse les contours des objectifs de
l'Union. Il ressort de ce qui précède que le domaine
d'application ou d'intervention du droit communautaire est à la fois
vaste et imprécis. Le droit communautaire de l'UEMOA harmonisé,
au moyen des directives ou unifié au moyen des règlements peut
porter sur l'organisation des activités économiques dans le cadre
du marché et d'une manière plus générale sur tous
domaines dès lors que la poursuite des objectifs de l'Union l'exige. La
situation est similaire s'agissant du droit de la CEDEAO Le domaine couvert par
le droit unifié de l'OHADA est constitué du droit des affaires.
Celui-ci est défini par l'article 2 du Traité au
moyen d'une énumération d'un ensemble de règles se
rapportant «au droit des sociétés et au statut juridique des
commerçants, au recouvrement des créances, aux
sûretés et aux voies d'exécution, au régime du
redressement des entreprises et de la liquidation judiciaire, au droit de
l'arbitrage, au droit du travail, au droit comptable, au droit de la vente et
des transports... ».Cette énumération n'est cependant pas
limitative puisque la même disposition poursuit
l'énumération par la mention que «toute autre
matière» peut être incluse dans le droit des affaires pour
autant que le Conseil des ministres de l'OHADA décide à
l'unanimité de l'y inclure. Ceci ne fait que refléter le fait que
le droit des affaires est une branche à contenu variable sans limitation
précise. Le droit des affaires a ainsi vocation à englober toutes
les règles de droit relatives à l'entreprise et à la
production et la circulation des richesses économiques. C'est ainsi que
peuvent sans nul doute entrer dans le champ du droit des affaires, outre le
droit commercial au sens classique du terme, le droit de certaines professions
commerciales spécialisées, le droit des services financiers, le
droit pénal des affaires, le droit fiscal, le droit social, le droit
comptable et le droit des contrats, en incluant le droit des
obligations47(*).
On constate donc que les domaines d'intervention sont loin
d'être étanches entre les différentes organisations de
sorte qu'il n'est pas impossible que des normes produites par plusieurs de ces
institutions portent sur les mêmes matières. Il y aurait dans ces
situations, coexistence de règles substantielles pour réguler une
même situation.
De ce qui précède il apparaît clairement
qu'il existe un risque réel de concurrence normative entre l'UEMOA et
l'OHADA dans la mesure où ces organisations ont compétence
à forger le droit commun des affaires mais aussi le droit spécial
des affaires (droit des transports ainsi que le droit social.
Déjà on a vu apparaître un conflit de normes à
propos du droit comptable élaboré par l'OHADA et le SYSCOA
élaboré dans le cadre de l'UEMOA. Ce conflit a été
résolu à posteriori par la concertation. Mais un conflit
similaire peut surgir dans d'autres domaines sans qu'on ait l'assurance que la
concertation suffira à apporter la solution. On peut par exemple penser
au droit du commerce électronique qui est traité dans le
règlement sur les instruments de paiement et qui va l'être dans le
prochain AUOHADA sur les contrats. Le risque de conflits de normes existe
également entre l'OHADA et les organisations inter- africaines
d'intégration juridique à compétence sectorielle. En effet
ces dernières ne doivent pas en principe sortir des limites de
compétences qui leur sont assignées par leurs traités
constitutifs (OAPI, CIPRES, CIMA) mais ces dernières ne sont pas
à l'abris des conflits de normes avec l'OHADA si cette dernière
en vertu de sa compétence non délimité déciderait
un jour d'intervenir dans leur champ de compétence. Ainsi on remarque
d'après ces observations qu'il existe un risque sérieux de
conflits entre les juridictions communautaires résultant de
l'identité de domaines d'action matériel des cours. Aussi, les
conflits peuvent ils également surgir du fait de l'identité du
domaine d'action spatiale.
Paragraphe II: Domaine d'action spatial
La coexistence de règles substantielles aptes à
régir une situation n'est pas un fait inconnu en droit. On la rencontre
pour toutes les situations juridiques empreintes d'éléments
d'extranéité. Cette coexistence est traitée au moyen de la
technique conflictuelle. La situation est cependant très
différente si la coexistence de règles trouve son origine dans la
pluralité de normes communautaires.
Dans cette situation, aucune règle de conflit ne permet
d'opérer un choix entre les normes en concurrence48(*). Aucun ordre juridique ne pourrait, en effet
s'arroger le pouvoir d'opérer un choix entre les normes en concurrence.
A la différence de la règle de conflit qui permet dans les
limites fixées par le système de droit international privé
du for de répartir l'application de la lex fori et de la loi
étrangère, aucun système, ni interne, ni communautaire
n'est apte à opérer une telle répartition s'agissant de
règles communes ou communautaires. La raison en est évidente
s'agissant des droits internes. Il revient au droit communautaire de fixer sa
sphère d'applicabilité matérielle et spatiale et celle-ci
s'impose aux ordres juridiques internes des Etats membres. Aucune norme
communautaire ne peut davantage régler la question de
l'applicabilité du droit communautaire produit par les autres
institutions que celle qui a produit la norme. Ainsi, il ne revient pas
à une norme CEDEAO ou OHADA de traiter de l'applicabilité d'une
norme UEMOA. Or en l'espèce il s'agit de règles issues
d'organisation différentes et qui évoluent toutes dans un
même espace intégré. Ainsi, en Afrique de l'ouest y'a-t-il
quatre cadres d'intégrations : le conseil de l'entente (1969) dans
lequel le leadership ivoirien est marqué (Bénin, Burkina Faso,
Côte d'ivoire, Togo etc. Tous ces Etats sont dans la CEDEAO et l' UEMOA.
Ensuite UFM (1973) qui regroupe la Guinée, Libéria, Sierra
Léone. Son objectif est l'intégration économique, or
ces trois Etats sont dans la CEDEAO et l'UEMOA. On constate que les huit Etats
membres sont des Etats membres de l'OCAM. Ainsi dans l'espace ouest africain
cinq Etats appartiennent simultanément à trois organisations, six
appartiennent à deux autres organisations et quatre appartiennent
à une seule organisation.
Non seulement les Etats sont éclatés mais les
organisations ont le même but. L'UMOA dans son traité de 1947
avait comme objectif l'union économique et monétaire.
Dans l'UEMOA (traité de 1994) le but reste le
même. Ainsi il apparaît que en réalité les conflits
qui naissent entre les juridictions communautaires sont purement d'ordre
structurel.
Au demeurant, la particularité de l'intégration
en Afrique en général et Afrique de l'ouest en particulier se
manifeste non pas par une intégration via une seule organisation mais
par le biais de plusieurs organisations. Mais le plus paradoxal dans cet
état de fait est que ces différentes organisations d'une
manière générale, en plus d'évoluer dans le
même espace commun, interviennent presque dans les mêmes domaines.
Cet état de fait conduit inexorablement à la naissance de
conflits qu'il va falloir résoudre pour que l'intégration dans
l'espace ouest africain puisse générer les résultats
escomptés.
Chapitre II: Les conflits pouvant résulter
de ces rapports
Après avoir mis en exergue les rapports entre
différentes organisations du point de vue de leur domaine d'action
matériel et spatial, il en résulte qu'un certain nombre de
conflits peuvent surgir. On peut envisager qu'un conflit de normes, tel qu'il a
été appréhendé ci-dessus se soit survenu, ce qui
pose le problème du domaine d'intervention du conflit ( section I) mais
aussi de leur traitement ( section II).
Section I: Les domaines d'intervention de ces conflits
Ces éventuels conflits peuvent se poser devant le juge
national. Il pourrait aussi l'être devant le juge communautaire.
Paragraphe I: Devant le juge national
Un conflit de normes devant le juge national suppose qu'un
litige pendant devant une juridiction nationale requiert pour sa solution
l'application de règles communes ou communautaires produites par
différentes institutions d'intégration. Pour qu'un tel conflit
soit possible, il faut supposer l'effet direct de ces règles. En effet,
l'application dans un contentieux judiciaire de normes communautaires implique
qu'elles puissent être revendiquées par les particuliers dans
leurs relations et dans leurs rapports avec les Etats membres. On se souvient
que l'effet direct est retenu pour les normes produites par l'UEMOA et l'OHADA
alors qu'il n'est pas affirmé pour le droit de la CEDEAO49(*). Si un tel conflit entre deux
normes communautaires était posé devant le juge national,
celui-ci se trouverait face à deux corps de règles ayant vocation
à s'appliquer sans qu'aucune règle de conflit du juge national ne
puisse s'appliquer pour opérer un choix entre les droits en concurrence
et sans qu'aucun principe hiérarchique ne puisse permettre de
résoudre le conflit. En effet, à la différence du conflit
entre droit communautaire et droit interne qui est résolu à
l'aide du principe de primauté du droit communautaire, aucun principe
hiérarchique ne peut être posé entre les droits
communautaires.
Devant un tel conflit devant le juge national, deux
possibilités s'offrent à lui pour résoudre le conflit. Il
s'agira d'une part d'une application distributive et d'autre part d'une
application non distributive.
A: L'application distributive
La première situation envisage que les normes
communautaires puissent être appliquées de manière
distributive à la situation litigieuse.
Tel sera le cas lorsque les normes communautaires
régissent chacune des éléments distincts du litige. On
peut supposer, par exemple, un contentieux relatif à un accord de
distribution prenant la forme d'un contrat d'agence commerciale où il
est prétendu des atteintes à la concurrence et le non paiement
d'une indemnité d'éviction. Les atteintes à la concurrence
relèvent du droit communautaire primaire et dérivé de
l'UEMOA alors que la question portant sur l'indemnité d'éviction
due à l'agent relève des actes uniformes de l'OHADA, plus
spécialement de l'Acte uniforme sur le droit commercial
général. Dans une telle situation, le juge national devra
respecter les compétences attribuées aux organes juridictionnels
des ordres juridiques concernés par le litige. Toute autre solution
aurait pour conséquence qu'une juridiction communautaire ou commune
interprèterait une norme ne faisant pas partie de l'ordre juridique
qu'elle est chargée d'unifier. Ceci implique que chacune des
juridictions pourrait être saisie selon les procédures
prévues par chacun des ordres juridiques concernés50(*) pour appliquer et (ou) interpréter les
règles qu'elle a mission d'appliquer et (ou) d'interpréter. Le
conflit n'est donc pas inextricable puisqu'il est possible de le traiter en
respectant les fonctions assignées à chacune des juridictions
concernées par le litige. Il ne faut cependant pas se cacher qu'un tel
morcellement du procès pourrait pour certains litiges aboutir à
des conséquences manquant de cohérence ou d'harmonie, voire
inconciliables51(*). A
coté de la possibilité d'une application distributive,
l'application distributive peut être une option qui s'offre au juge.
B: L'application non distributive
La deuxième situation envisage un litige où les
normes communautaires ne peuvent être appliquées de manière
distributive. En d'autres termes, elles revendiquent toutes deux leur
application aux mêmes éléments du litige. On perçoit
que le conflit devient inextricable lorsque ces normes apportent des solutions
différentes aux questions qui sont posées pour la solution du
litige. Rationnellement, le juge national ne peut appliquer deux règles
inconciliables ou contradictoires pour solutionner le litige dont il est saisi.
La saisine des juridictions communautaires ne peut en outre que cristalliser le
conflit puisqu'on voit mal comment la juridiction communautaire pourrait
écarter la solution du droit qu'elle est chargée d'appliquer et
(ou) d'interpréter. La seule solution serait pour le juge national de
recourir aux règles de droit international public portant sur les
conflits de conventions52(*). De tels conflits peuvent également se poser
devant le juge communautaire.
Paragraphe II: Devant le juge communautaire.
Devant les juridictions communautaires, le conflit de normes
paraît à priori, impensable (A) néanmoins possible (B)
A: Un conflit à priori impossible
Devant les juridictions communautaires, le conflit de normes
paraît à priori impensable. Dans le cadre d'un recours
préjudiciel ou d'un pourvoi en cassation, la cour de justice de l'UEMOA
et la Cour commune de l'OHADA ont pour unique fonction d'interpréter
respectivement le droit de l'Union et le droit uniforme quelles que soient par
ailleurs les autres dispositions applicables au litige. En clair la cour de
justice de l'UEMOA ne peut connaître que des litiges résultant de
normes produites par ses organes. C'est également le même cas en
ce qui concerne l'OHADA. Ce qui veut dire en d'autres termes qu'il est
impossible qu'un conflit qui est né par rapport au droit UEMOA puisse
être porté devant la CCJA. On vient de relever comment une telle
situation pourrait d'ailleurs cristalliser le conflit de normes qui
néanmoins dans le domaine du possible.
B: Un conflit néanmoins
envisageable
Il n'est cependant pas exclu au moins dans le cadre d'un
recours préjudiciel devant la Cour de l'UEMOA, que la question
spécifique de l'incompatibilité soit expressément
posée par la juridiction ayant sollicité le recours. Pour la Cour
commune de l'OHADA, il n'est pas non plus exclu qu'un avis consultatif
53(*) soit sollicité sur
une question spécifique d'incompatibilité. On voit mal dans ces
hypothèses, comment ces juridictions pourraient refuser de traiter le
conflit dont elles ont été saisies sauf à ignorer
complètement tout autre ordre juridique que celui auquel elles
appartiennent. La seule solution pour le juge communautaire, serait alors de
traiter la question selon les normes applicables au droit des
traités.
Section II: Les possibilités de traitement des
conflits
L'une des possibilités imaginables pour traiter les
conflits dans l'espace communautaire ouest africain, sera nécessairement
une harmonisation des normes produites par les différentes organisations
d'intégrations. (Paragraphe I) mais on peut aussi envisager une
harmonisation des juridictions communes elles mêmes (paragraphe II).
Paragraphe I: Du point de vue normatif
Du point de vue normatif, le traitement des conflits peut
être aussi bien d'ordre curatif que préventif grâce
à une harmonisation des différentes normes produites par les
organisations évoluant dans le même espace intégré
ce qui va permettre une simplification du droit des affaires. La simplification
postule une unification des cadres institutionnels d'élaboration des
règles ainsi qu'une amélioration du cadre de production
lui-même. En dehors de l'OHADA, plusieurs organisations interviennent
pour servir de cadre à l'harmonisation de certaines branches du droit
des affaires. Le domaine du traité OHADA lui-même se
caractérise par une certaine élasticité. En effet,
l'article 2 du traité tout en énumérant les disciplines
qui pour le besoin de son application entrent dans le domaine du droit des
affaires, fait également allusion à « toute autre
matière que le conseil des ministre déciderait d'y
inclure ». on constate donc une conception assez extensive du droit
des affaires, lequel semble couvrir des domaines aussi variés que le
droit commercial général, droit des société et GIE,
le droit des sûreté, les procédures de recouvrements et
voies d'exécution, les procédures d'apurement du passif, le droit
de l'arbitrage, le droit des transports de marchandises par route, le droit
comptable et au même moment d'autres actes uniformes sont en cours
d'élaboration ou d'adoption. Il en est ainsi des actes uniformes
relatifs au droit du travail, au droit des contrats, et au droit de la
consommation. Il semble que cette extension va à terme toucher aux
autres disciplines existantes : le droit de la propriété
industriel et commercial, le droit de la société civile, le droit
des NTIC, le droit de la concurrence ainsi que certains aspects
déjà annoncés du droit bancaire et du droit des
assurances. Le résultat de la multiplication des pôles de
production et d'intervention est l'apparition de ce que le professeur Tiger
appelait « la mosaïque du droit des affaires »,
mosaïque qui comporte le risque d'une contrariété de normes
émanant de différentes instances africaines d'harmonisation.
Exemple : on a pu remarquer sous l'égide de l'UEMOA, ont
été élaborées des règles portant SYSCOA
entré en vigueur en janvier 1998 et plus tard l'adoption en 2001 d'un
acte uniforme portant organisation et harmonisation de la comptabilité
publique des entreprises d'où l'existence de deux textes couvrant la
même matière. Cette tendance de complexification risque de se
poursuivre avec la décision prise en mars 2001 par le conseil des
ministres de l'OHADA d'inclure dans le périmètre de l'OHADA des
matières qui ont déjà fait l'objet d'une harmonisation par
d'autres instances ou organisation inter africaines. Il en est ainsi par
exemple du droit de la concurrence déjà traité dans le
cadre de l'UEMOA et CEMAC, du droit de la propriété
intellectuelle régi par les dispositions de l'OAPI et du droit bancaire
réglementé par les lois bancaires applicables dans le cadre des
Banques Centrales de l'UEMOA et CEMAC. Ainsi, il apparaît que cette
profusion de normes n'est pas à faciliter la taches aux investisseurs
privés et demeures une source non négligeable de conflits ce qui
justifie à plus d'un titre de procéder à une harmonisation
voire coordination entre les différentes normes.
Ainsi, cette coordination se développe suivant deux
voies :
Il y'a la coexistence pacifique entre les différentes
organisations qui se manifeste par une tendance à prendre en compte
l'existence des organisations les unes par les autres. Par exemple les
instances de la CIMA citent officiellement l'OHADA parmi leurs partenaires
extérieures alors que la CIPRES a été associée par
le secrétariat permanent de l'OHADA aux travaux de l'élaboration
de l'acte uniforme sur le droit du travail. Enfin on pourra aussi souligner que
l'OHADA lui-même consacre cette tendance de coexistence pacifique dans
son droit substantiel. Il suffit simplement de citer l'article 916 AUSCGIE,
lequel stipule : « que le présent AU n'abroge pas les
dispositions législatives auxquelles sont assujetties les
sociétés soumises à un régime
particulier ». Il s'agit là d'une certaine façon de
prendre en compte les règles spécifiques de l'UEMOA applicables
aux sociétés cotées en bourses et aux
établissements de crédits ainsi que les règles de la CIMA
relatives aux sociétés d'assurance.
Il y'a aussi l'instauration d'un partenariat qui commence
à être inauguré par certaines instances interafricaines.
Partenariat allant dans le sens d'une certaine efficience dans la production
des normes. C'est ainsi que par une décision du 13 Août 2001, le
conseil des ministres de la CEMAC a donné mandat à son
secrétaire exécutif de signer un accord de coopération
avec le secrétariat permanent de l'OHADA, lequel accord stipulerait que
les deux organisations s'engagent à coopérer dans la
définition du domaine d'harmonisation du droit des affaires et dans la
mise en oeuvre des politiques d'intégration juridique et judiciaire dans
les Etats membres. Le même effort de partenariat et de collaboration
existe également entre la commission de l'UEMOA et le secrétariat
de l'OHADA.
Le traitement le plus satisfaisant serait, sans nul doute,
celui qui permettrait d'éviter le conflit de normes. Il s'agit dans ce
cas d'un traitement préventif. On aura compris qu'il ne peut se situer
qu'au plan normatif, c'est-à-dire au niveau des normes produites par
chacune des organisations régionales. Chacune des organisations
veillerait lorsqu'elle édicte des normes à ce que celles-ci ne
portent pas sur les mêmes matières que celles qui ont
déjà fait l'objet de règles prises par une autre
organisation d'intégration et à fortiori à ce
que les normes édictées ne puissent être incompatibles avec
celles d'autres institutions régionales d'intégration. Certaines
dispositions du Traité de l'UEMOA peuvent être
interprétées dans le sens de la recherche d'une telle harmonie.
Ainsi l'article 60 du Traité de Dakar du 10 janvier 1994 dispose en son
alinéa 2 que «...la Conférence tient compte des
progrès réalisés en matière de rapprochement des
législations des Etats de la région dans le cadre d'organismes
poursuivant les mêmes objectifs que l'Union »54(*).
Ceci implique que l'UEMOA lorsqu'elle prend des
règlements ou des directives, doit tenir compte « des
progrès réalisés en matière de rapprochement des
législations» des Etats membres. Or, tous les Etats de l'UEMOA sont
membres de l'OHADA. Il en résulte qu'un règlement intervenant
pour régler une question faisant l'objet d'un acte uniforme ou
de dispositions d'acte uniforme de l'OHADA ne tiendrait pas compte de
l'uniformité des législations des Etats membres sur cette
question. La Cour de justice de l'UEMOA pourrait, lorsqu'elle est saisie pour
avis sur un projet de règlement, attirer l'attention du Conseil sur le
risque de double emploi ou d'incompatibilité qu'un tel règlement
pourrait engendrer55(*).
La situation est plus complexe au sein de l'OHADA dans la mesure où
plusieurs Etats membres ne sont ni membres de l'UEMOA ou de la CEDEAO. Il se
pourrait donc qu'un acte uniforme puisse intervenir dans une matière ou
pour une question couverte par une norme de droit communautaire. On doit
cependant observer qu'un tel acte ne serait pas de nature à favoriser la
sécurité juridique et judiciaire qui constitue la raison
d'être de cette organisation. Un tel acte ne serait donc pas judicieux et
ne répondrait pas aux objectifs de l'Organisation.
En outre, il n'est pas impossible que la Cour de justice de
l'UEM0A puisse être saisie par un organe de l'Union pour recueillir son
avis sur ce projet d'acte uniforme56(*). L'avis de la Cour pourrait servir de fondement
à l'attitude des Etats membres de l'UEMOA lors de l'adoption de cet acte
uniforme au sein du Conseil des ministres de l'OHADA. Ceci est important quand
on sait que les actes uniformes doivent être adoptés à
l'unanimité des représentants des Etats parties présents
et votants57(*). La
concertation n'est certes pas une obligation juridique pour l'OHADA, elle est
cependant condamnée à cette concertation si elle veut se montrer
efficace.
A coté de l'aspect normatif, une solution aux conflits
entre juridictions communautaires peut également être
trouvée du point de vue juridictionnel.
Paragraphe II : Du point de vue
juridictionnel
Après la possibilité de prévenir les
conflits par l'harmonisation des normes, la réflexion peut être
menée par rapport à la problématique d'une harmonisation
entre les juridictions communautaires elles mêmes.
D'un point de vue juridictionnel, aucune liaison n'est
établie entre les juridictions d'intégration régionale.
Dans son avis du 2 février 2000 rendu à propos du projet de code
communautaire des investissements, la Cour de justice de l'UEMOA faisait
justement remarquer d'une part que la Cour commune de l'OHADA « ne
peut saisir la Cour de justice de l'UEMOA en renvoi préjudiciel parce
qu'elle n'est pas une juridiction nationale » et d'autre part que
l'interprétation par la Cour de justice de l'UEMOA des actes uniformes
de l'OHADA porterait atteinte à « l'exclusivité de la
Cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA dans l'application et
l'interprétation des actes uniformes... »58(*) Une telle situation exige des
réaménagements institutionnels qui permettraient d'établir
un lien entre les juridictions communautaires. Il serait ainsi parfaitement
possible d'organiser un renvoi préjudiciel ou (et) consultatif entre
juridictions de manière à assurer une meilleure coordination dans
l'interprétation et l'application du droit communautaire et uniforme.
En effet, un éventuel lien entre ces deux juridiction
éviterait certainement les conflits ne serait-ce qu'en aval.
Ainsi, des relations entre les juridictions peuvent-elle
être imaginées par rapport à l'adoption même des
normes. L'instauration d'un mécanisme qui permettrait aux
différentes cours de justices d'examiner les projets d'actes uniformes,
de règlements ou de directives permettrait d'éviter l'existences
ou l'harmonisation de la même matières dans deux organisation
différentes à l'instar de ce qui s'est produit concernant le
SYSCOA de l'UEMOA et l'acte uniforme de l'OHADA portant harmonisation de la
comptabilité publique des entreprises.
Egalement, un autre mécanisme peut aussi être
imaginé en ce qui concerne la possibilité pour une cour de
justice saisie à tort de procéder directement à un renvoi
devant la juridiction normalement compétente afin d'éviter au
justiciable la hantise de la déclaration d'incompétence.
Par ailleurs, la résolution des conflits aurait
également pu être atténuée grâce à la
mise sur pied d'une juridiction des conflits à l'instar du tribunal des
conflits qui a cour dans le système juridictionnel français.
Cependant, il faut reconnaître que la solution la plus
efficace et pérenne est celle qui va consister à
réfléchir sur l'inopportunité de cette
prolifération d'organisations d'intégration qui paradoxal que
cela puisse paraître ont toutes à quelques exceptions prés
les même objectifs à savoir le développement
intégré de l'Afrique du point de vue économique et social
etc.
Dés lors nous estimons que le salut de l'Afrique au
delà même de la région ouest africaine serait de
procéder à une fusion de toutes les organisations existantes
à l'heure actuelle afin d'en créer une seule qui prendrait en
compte l'ensemble des préoccupations des différentes
organisations qu'elle aura absorbé.
C'est peut être cette dynamique qui a été
enclenchée avec notamment la transformation de l'OUA en Union Africaine
avec comme innovation majeure la volonté affichée d'oeuvrer pour
une véritable union politique à l'instar de l'UE.
La cour de justice unique prévue par l'UA permettrait
dés lors de procéder à une application uniforme du droit
commun sans risque de conflits.
Conclusion
En définitive, on peut dire sans risque de se tromper
que les années 90 constituent un tournent décisif dans le vaste
mouvement d'intégration né à l'aube des
indépendance et même au delà avec déjà le
mouvement panafricaniste enclenché déjà à la veille
des indépendances dans les mouvements de libération nationale.
L'Afrique de l'ouest à l'image des autres contrées du continent
noir, a également tenu à être au diapason du vent
intégrationniste. C'est dans ce cadre que plusieurs organisations ont
été créées. C'est ainsi qu'à cette
époque, l'organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des
affaires est créée avec pour ambition ultime d'unifier les
législations de l'ensemble des matières du droit des affaires ou
droit économique sur toute l'étendue des territoires africains.
L'Union économique et monétaire des Etats de l'Afrique de l'ouest
quant à elle est née pour harmoniser les règles et
procédures financières et comptables mais aussi assurer la
convergence des politiques et performances économiques des Etats de la
zone Franc grâce à une nouvelle discipline juridique en vigueur
dans toute l'Union.
Les systèmes institutionnels et normatifs de ces deux
organisations ont permis de produire deux sortes de règles à
savoir le droit primaire et le droit dérivé.
Par ailleurs, les droits produits par l'UEMOA et l'OHADA n'ont
pu être effectifs que grâce à la mise en place
d'institutions juridictionnelles chargées de mettre en oeuvre le droit
commun. C'est dans cette dynamique qu'ont été
créées la cour de justice de l'UEMOA et la CCJA dans le cadre de
l'OHADA.
Ces juridictions ont été aidées dans
cette tache par les juridictions nationales mises en place dans le cadre du
droit interne. Ainsi, ces dernières apparaissent-elles comme des
juridictions communautaires de première instance. Cette situation a
permis l'émergence d'un esprit de collaboration entre les juridictions
nationales et les juridictions communautaires notamment dans l'application du
droit commun lui-même.
Mais il faut noter par ailleurs que
l'étanchéité des domaines d'action aussi bien
matériel que spatiale ajoutée à l'érection de la
CCJA en une juridiction de cassation des Etats membres dans l'application du
droit OHADA a permis de révéler des velléités
conflictuelles aussi bien entre les juridictions communes elles mêmes que
dans les relations entre les juridictions nationales et les juridictions
communes.
Pour dissiper ces contradictions et incompatibilités,
il faut une collaboration entre les organisations et des juridictions et des
négociations pour arriver à une articulation des textes ou peut
être même à une spécialisation des juridictions.
D'un autre coté, nous sommes convaincus que ces risques
de conflits révélateurs d'un véritable frein à un
espace commun ouest africain harmonisé ne passera que par
l'harmonisation des organisations elles mêmes pour aboutir à la
naissance d'une seule et unique organisation. Mais cette politique doit
même aller au-delà de la région ouest africaine pour
couvrir toute l'Afrique.
Peut être que la transformation de l'OUA en UA
obéit à ce souci d'intégration politique à l'instar
de l'UE européenne avec une cour de justice unique. Il s'agit d'une
oeuvre qui vient d'être entamée, elle doit être
consolidée avec une attention particulière à la cour de
justice de l'union africaine.
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d'intégration juridique » revue de jurisprudence
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une réflexion sur la répartition des compétences entre
juridictions sous régionales : cas de l'UEMOA et de l'OHADA :
communication session de formation régionale du CFJ sur l'UEMOA et
l'OHADA. Dkr 09-13oct 2000
N'diaw Diouf : « La place du droit pénal
dans le droit communautaire ». Séminaire sur le droit
communautaire organisé par le CREDILA et le LEPJO 2006
III/ LEGISLATIONS
Traité UEMOA du 10 janvier 1994
Traité OHADA du 17 Octobre 1993
Traité CDEAO du 24 juillet 1994
Acte additionnel N° 10 /96 du 10 Mai 1996 portant
statuts de la cour de justice de l'union économique et monétaire
Ouest africaine.
Règlement N°01/96/CM portant règlement de
procédure de l'UEMOA
Règlement N°02/96/CM portant statuts du greffier
de la cour de justice de l'UEMOA
IV/ THESES
Amin Barav, « La fonction communautaire du juge
national », Thèse, Strasbourg, 1993
Olivier Dubos, « Les juridictions nationales, juge
communautaire », Thèse de doctorat d'Etat en droit,
Université Montesquieu Bordeu IV, 1999
Babacar Sarr : L'intégration régionale par
la coopération institutionnelle en Afrique de l'Ouest :
thèse de doctorat Université de Lyon juin 98. P350
V/ JURISPRUDENCE :
Arrêt Snar Leyma, cour suprême du Niger, 16
Août 2001.
Arrêt cornet, cour de justice des communautés
européennes 16 Décembre 1976.
Sacko Abdurahmane C/Commission de l'UEMOA. CJU 29 Mai 1998
Eugène Yaï et la commission de l'UEMOA CJU 27
Avril 2005
Ordonnance du 02 Juin 2005/ UEMOA : Affaire Eugène
Yaï
VI: ADRESSES ELECTRONIQUES
WWW. Juriscope. Org. Rubrique OHADA
WWW OHADA. Com
WWW UEMOA. Int
WWW Le Faso. Net
TABLES DES MATIERES :
Introduction.................................................................................1
Première partie : Les rapports entre les
juridictions nationales et les juridictions
communautaires :........................................................................10
Chapitre I : Les relations de
collaborations..........................................11
Section I : La compétence communautaire des
juridictions
nationales....................................................................................11
Paragraphe I : L'application du doit
communautaire par le juge
nationale.................................................................................12
A : La reconnaissance d'une autonomie
institutionnelle......................... 12
B : Les limites de l'autonomie
institutionnelle.....................................13
Paragraphe II : La courroie de transmission vers la
juridiction
communautaire............................................................................14
A : L'initiative du recours
préjudiciel...............................................15
B : L'autorité des arrêts des juridictions
communautaires à l'égard des juridictions
nationales................................................................17
Section II : L'encadrement de la compétence des
juridictions nationales par le juge
communautaire..................................................................18
Paragraphe I: L'encadrement de la compétence des
juridictions nationales au service de l'unité du
droit communautaire .......................................18
A: La compétence préjudicielle des juridictions
communautaires : condition de l'unité du droit
communautaire ...................................................19
B : La compétence préjudicielle des
juridictions communautaires : garantie de l'unité du droit
commun ...........................................................19
Paragraphe II : L'encadrement de la compétence des
juridictions nationales au service de la protection juridictionnelle des
particuliers .......................20
A: Le contrôle de légalité des actes
communautaire par le renvoie en appréciation de
validité.........................................................20
B : Le contrôle de la légalité des
normes par le renvoi en
interprétation....................................................................21
Chapitre II : Les relations
conflictuelles.....................................22
Section I : Conflits résultant de la substitution
de compétence............23
Paragraphe I: Substitutions aux juridictions de cassation
des Etats
membres...........................................................................24
A: L'objet de la compétence en
cassation....................................24
B:Les limites de la compétence en
cassation..................................25
Paragraphe II: Substitutions aux juridictions de fond des
Etats
membres............................................................................27
A: La reconnaissance du pouvoir
d'évocation..................................27
B:La reconnaissance du pouvoir de statuer au
fond............................27
Section II: Conflits résultant de la confusion de
normes juridiques
différentes..........................................................................28
Paragraphe I: La manifestation de la
confusion................................28
Paragraphe II: L'exemple de la jurisprudence Snar
Leyma....................29
Deuxième Partie : Les rapports entre les
juridictions
communautaires...................................................................35
Chapitre I: Les éléments constitutifs de ces
rapports........................36
Section I: L'identité des fonctions assurées par
les
cours................................................................................36
Paragraphe I : l'application du droit
communautaire........................36
Paragraphe II : L'interprétation uniforme du droit
communautaire........42
Section I: L'identité des domaines d'actions des
cours...............................................................................45
Paragraphe I: Domaine d'action matériel
....................................45
Paragraphe II: Domaine d'action
spatial......................................48
Chapitre II:Les conflits pouvant résulter de ces
rapports............................................................................50
Section I: Les domaines d'intervention de ces
conflits...........................................................................50
Paragraphe I: Devant le juge
national.......................................50
A: L'application
distributive.................................................50
B: L'application non
distributive.............................................51
Paragraphe II: Devant le juge
communautaire.............................52
A: Un conflit à priori impossible
.............................................52
B: Un conflit néanmoins
envisageable........................................53
Section II: Les possibilités de traitement des
conflits......................53
Paragraphe I: Du point de vue
normatif ......................................53
Paragraphe II : Du point de vue
juridictionnel ...............................58
Conclusion .........................................................................60
Bibliographie.......................................................................62
* 1 P.F. Gonidec, Les
organisations internationales africaines, L'harmattan, 1987, P.54
* 2 L'acte constitutif de
l'Union africaine a été adopté au 36ème sommet de
l'OUA le 11 juillet 2000 à Lomé.
* 3 Créée en
Février 1989 à Marrakech
* 4 Créée en
1980
* 5 Créée en
1993
* 6 Créée en
Octobre 1993 à Libreville
* 7 Créée en 1993
à Cotonou
* 8 Créée le10
janvier 1994
* 9 Créée le 17
octobre 1993 à Port louis
* 10 Centre d'étude
européennes et de l'intégration (CEE), intégration
régionale : Bilan de 40ans d'expérience (Afrique,
Amérique, Asie), Actes du colloque de Ouagadougou 29 et 30 octobre 1996,
Ouagadougou .Publications du CEE, publication n°2, presses africaines,
2000
M..A Glele, Introduction à l'OUA et aux organisations
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M. Kamto, J. E.Pondi, L.Zang, L'OUA :
rétrospective et perspectives, Paris, Economica, 1990
M.Yadi, Les systèmes d'intégration
régionale en Afrique, Genève, Georg éditeur, 1979.
* 11 L'Afrique depuis les
indépendances, s'était engagée dans divers processus de
constitution d'ensembles régionaux. Il ne s'agissait, cependant pas de
processus d'intégration susceptibles d'exercer une influence quelconque
sur les ordres juridiques nationaux et l'ordre juridique internationale
contemporain, X colloque de la S.F.D.I, Bordeaux, Paris, Pédone, 1977,
P.4-44.
* 12 Dictionnaire
wikipédia
* 13 Nicolas
Braconnay, Manuel Delamarre, Institutions
juridictionnelles, Editeur : Vuibert,
2007, pp. 5
* 14 Art. 22 du traité
UEMOA.
* 15 Art 43 du traité
UEMOA et 10du traité OHADA.
* 16 Art. 6 du traité
UEMOA et 10 du traité OHADA
* 17 M. Kamto,
« Les cours de justice des communautés et des organisations
d'intégrations », Annuaire Africain de Droit
International, 1998, Vol, 6, Spéc. 108.
* 18 La cours de justice de
l'UEMOA est instituée par l'art 38 al. 1 du traité UEMOA par le
contrôle n° 1 et l'acte 10/96 du 10 mai 1996 portant statuts de la
cour de justice de l' UEMOA.
* 19 La CCJA a
été instituée par le traité (art.14) de l'OHADA.
* 20 G.Cornu, Vocabulaire
Juridique, Paris, PUF, 6ème éd., 1996, p.170.
* 21 L'exécution non
contentieuse du droit communautaire ou commun incombe à l'administration
pour les situations qui impliquent la présence d'une institution
publique et aux particuliers pour les situations purement privées. En
effet, l'application du droit ne se réduit -heureusement pas à
son application contentieuse
* 22 Nordsee,
« Ceci laisse ouverte la question de savoir si une juridiction
arbitrale pourrait saisir la Cour de justice de l'UEMOA dans le cadre du
recours préjudiciel. Il est, par contre, certain qu'une juridiction
étatique qui serait amenée à statuer sur la
validité d'une sentence arbitrale. Par exemple dans le cadre d'un
recours en annulation contre la sentence, pourrait saisir, à titre
préjudiciel, la Cour de justice. Dans la pratique judiciaire
européenne, la saisine de la Cour par un arbitre a été
refusée », (arrêt du 23 mai 1982), aff 102/9 l, Rec. P.
1095).
Vaassen-Gôbbels, La jurisprudence européenne a
relevé comme élément constitutif d'une juridiction :
l'origine légale de l'institution, sa permanence, la procédure
contradictoire suivie devant l'institution, le fait que l'institution soit
investie d'une juridiction obligatoire pour certains litiges et le fait de
statuer en droit. Il n'est cependant pas nécessaire que tous ces
critères soient cumulativement remplis pour procéder à la
qualification de juridiction (C.J.C.E., arrêt du 30 juin 166, aff.
61/65, Rec. p. 377).
* 23 Il n'y a pas encore eu
d'exercice du recours préjudiciel devant la Cour de justice de
l'UEMOA.
* 24 C.J.C.E., arrêt
du 6 octobre 1982, Cilfitt, Rec. p. 3415.
* 25 J. BOULOUIS et M. DARMON
(contentieux communautaire, Paris, Dalloz, 1997, p.26, n°45)
* 26 CJCE, 27 octobre,
foto-frost c/ Hauptzollant lubeck-ost, prec. p. 4233, n° 20
* 27 V.L. GOFFIN, De
l'incompétence des juridictions nationales pour constater
l'invalidité des actes d'institutions communautaires, cab. dr.
Eur. 1990, p. 216 sp. 217, n° 4
* 28 J.C. Gautron, la question
préjudicielle : une approche théorique, in le droit
communautaire ; les juges et l'antiquité, sous la direction de
J.-C. GAUTRON, n Talence, MSH, 1994, P.17.
* 29 CJCE, 5 Février
1963, NV Algemene Transport- en Expedite Onderneming Van Gend en Loos c/
Administration fiscales néerlandaise, préc. Rec., p. 12.
* 30 CJCE, 15 juillet 1964,
Flamino Costa/ E.N.E.L., préc. Rec, P. 1151.
* 31 Art. 4 al. 2. du
Traité OHADA.
* 32 Ce recours consultatif
se distingue du recours préjudiciel en ce que l'avis rendu par la Cour
commune ne lie pas la juridiction qui y a eu recours.
* 33 D. ABARCHI,
« La supranationalité de l'Organisation pour l'harmonisation
en Afrique du droit des affaires » (OHADA), Revue
burkinabé de droit, 2000, Spéc. p.l8 et s.
J. Issa-Sayegh, « La fonction juridictionnelle de la
Cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA », Mél.
Decottignies, Presses universitaire de Grenoble;
G. Kenfack Douajni, « L'abandon de la
souveraineté dans le Traité OHADA », Rec. Penant
1999, p. 125 et s.
* 34 Ibid.
* 35 Art. 14 al. 3 du
Traité OHADA
* 36 J. Issa-Sayegh,
« La fonction juridictionnelle de la Cour commune de' justice et
d'arbitrage de l'OHADA »,
« Quelques aspects techniques de
l'intégration juridique: l'exemple des actes uniformes de
l'OHADA », Revue de droit uniforme, 1999-1, p. 5 et s.
* 37 Op.cit
* 38 D. Abarchi,
« Cour Suprême du Niger, 16 août 2001 »,
Revue burkinabé de droit, 2OO2, p.121 et s. et obs..
A. Kante, « La détermination de la
juridiction compétente pour statuer sur un pourvoi formé contre
une décision rendue en dernier ressort en application des actes
uniformes (observations sur l'arrêt de la Cour suprême du Niger du
16 août 2001) », OHADA. Corn, OHADA D-02-29
* 39 A Kante, op.cit p.7 et
D. Abarchi, op.cit, p.125 et 130.
J. Lohoues-Oble, « Traité et actes uniformes
commentés et annotés », Juriscope, 2ème
éd., 2002, p. 41-42.
* 40 Dire le droit implique
nécessairement un travail d'interprétation et donc de
création du droit.
* 41 Recours préjudiciel
ou pourvoi en cassation
* 42 La jurisprudence de la
cour de justice l'UEMOA s'est prononcée à deux reprises sur le
vice de forme dans des décisions rendues le même jour. Le 29 mai
1998 Sakho Abdurahmane c/ commission de l'UEMOA
* 43 Arrêt n°
01/2006 du 05 avril 2006
* 44 Voir supra, paragraphe
II
* 45 Le principe d'attribution
des pouvoirs constitue la traduction du principe de spécialité
des organisations internationales et connu sous l'appellation de
compétences fonctionnelles. Le spectre des domaines attribués
peut être plus ou moins large mais on ne peut en aucune manière se
retrouver dans la situation d'un champ d'action théoriquement
illimité comme dans l'Etat unitaire
* 46 Les fonctions d'une OIG
sont les finalités de l'activité de cette dernière :
fonction de coopération ou d'intégration. Les compétences,
par contre, sont des pouvoirs juridiques reconnus à l'OIG pour la
réalisation de ses fonctions. C'est donc dire que l'importance des
fonctions
* 47 D. Ba, Le
problème de la compatibilité entre l'UEMOA et l'OHADA, in
La libéralisation de l'économie dans le cadre de \'
intégration régionale, op. cit. p.174
* 48 C'est la raison pour
laquelle nous avons différencié le conflit de normes tel qu'il se
pose entre les normes communautaires ou communes de la technique conflictuelle.
Voir, supra
* 49 Supra, p. 2.
* 50 Voir première
partie
* 51 D. Ba, op. cit.
p.181.
* 52 Pour l'utilisation de
ces règles s'agissant des droits de l'UEMOA et de l'OHADA, D. Ba, op.
cit. p. 186 et s.
* 53 Art. 14, al.2 du
Traité OHADA
* 54 Voir aussi l'article 14
du Traité UEMOA qui oblige les Etats membres à prendre toutes
mesures destinées à éliminer les incompatibilités
ou les doubles emplois entre le droit et les compétences de l'Union
d'une part, et les conventions conclues par un ou plusieurs Etats membres
d'autre part, en particulier celles instituant des organisations
économiques internationales spécialisées ». Pour
une analyse des articles 60 al.2 et 14 du Traité de l'UEMOA, voir D. BA,
op. cit., p.183-185 et 189-190.
* 55 La Cour de justice de
l'UEMOA a, dans l'avis rendu sur le projet de code communautaire des
investissements, pris la mesure d'un tel risque. Elle relève en effet
que « la coexistence, dans le présent texte, de lois uniformes
de l'OHADA et du droit communautaire de l'UEMOA va poser des problèmes
de contrariétés de décisions, voire de base
juridique... » (Avis 001, dossier 6-99, 2 février 2000, Revue
Burkinabé de droit 2000, p.127). Plus loin, la juridiction affirme
« la nécessité d'une concertation entre les deux
organisations en vue de la coordination de leur politique normative et de leur
juridiction respective... » (Ibid. p.129).
* 56 Art. 60 du
Traité UEMOA et 27 al. 2 de l'Acte additionnel 10/96 portant statuts de
la Cour de justice de l'UEMOA.
* 57 Art. 8 du Traité
OHADA
* 58 Avis 001, 2
février 2000, précit, p. 127.
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