La Répression de la concurrence déloyale en République Démocratique du Congo : cas de la ville de Bukavu de 1996 en 2006( Télécharger le fichier original )par Justin BAHIRWE MUTABUNGA Université Catholique de Bukavu (UCB) - graduat en Droit 2006 |
Section 3ème : La répression de la concurrence déloyale en droit positif congolais.Pour mieux aborder cette partie, nous examinerons l'objet du droit de la concurrence (§1), les personnes vissées par la réglementation en la matière (§2), et le fondement de cette législation (§3). §1. L'Objet du droit de la concurrence.La doctrine moderne considère à juste titre que le droit de la concurrence comprend à la fois les dispositions réprimant la concurrence déloyale et celles qui régissent les restrictions imposées à la concurrence. Ce vaste ensemble homogène forme le droit de la concurrence au sens large du terme, par opposition à une conception plus étroite appelée aussi le droit classic de la concurrence, qui réglemente uniquement la répression des actes déloyaux et illicites.51(*) Heycke abonde dans le même sens ; il procède d'une argumentation de la plus grande clarté fondée sur l'idée que : « la théorie moderne de la concurrence n'intègre presque exclusivement que l'état qui est appelé « l'équilibre concurrentielle » dans lequel il est supposé que les données pour les différents individus sont pleinement ajustés les unes aux autres, alors que le problème qui requiert une véritable recherche est celui de la nature de processus par lequel ces données sont ainsi ajustées ».52(*) Cette Section traitera en 1er lieu de la liberté dérivée de la concurrence (A), avant d'aborder les droits et les intérêts protégés par ce même droit (B). A. La liberté dérivée de la concurrence. Le principe de la liberté de la concurrence, qui découle directement de celui de la liberté du commerce et de l'industrie, signifie en premier leu, que chaque entreprise commerciale à le droit d'utiliser les moyens qui lui semblent les meilleurs pour attirer la clientèle à la celle condition de l'observation des règles de la concurrence loyale, telles qu'énumérées ci-avant. On peut donc utiliser par exemple, le dépôt de marque, baisse des prix ; pourvu que ça ne soit pas une vente à perte, mise en place d'un réseau de distribution, (concession, franchise, innovation, techniques améliorant la qualité du produit ou limitant ses inconvénients, qualité du personnel, etc.). 1. Précision du terme concurrence. Dans une acception plus proche, écrit KRAFFT, la concurrence est l'ensemble des actions qui sont engagées dans le but de faire aboutir les objectifs d'une firme au détriment des autres.53(*) Une jurisprudence plus constante abonde dans le même sens en précisant que : « le fait de capter la clientèle d'autrui n'est pas en lui-même illicite ; autrement dit, un commerçant ne saurait obtenir des dommages-intérets du seul constat que ses clients l'abandonnent pour un fonds voisin, mieux équipé, mieux approvisionné ou encore vendant moins cher ».54(*) Ainsi avait été débouté un Cinéma qui avait agi contre un Cafetier voisin ayant installé une télévision dans son établissement à Paris. Comme l'a d'ailleurs dit la Cour de cassation : « vendre moins cher est une pratique parfaitement saine, sous réserve simplement de respecter la prohibition des ventes à perte ».55(*) a. Difficultés pratiques de la concurrence loyale. Si le principe de la liberté du commerce est contesté, sa protection demeure, en pratique, souvent délicate. L'on peut noter avec MESTRE et JAUFFRET que : « l'expérience économique relève, en effet, que nombre d'entreprises, plutôt que de se livrer à une véritable lutte concurrentielle préfèrent s'entendre préalablement et, par des pratiques concertées, s'efforcent d'éliminer tous les autres concurrents de façon à se partager ensuite le marché sur lequel elles régneront en maîtres absolus ».56(*) Ceci étant, l'on remarque que ces manifestations de puissance économique qui faussent profondément le libre jeu de l'offre et de la demande, sont très dangereuses et situables à trois niveaux : - naturellement pour ceux qui veulent maintenir ou créer leur activité commerciale en dépit de ces ententes ; - pour les consommateurs, car une vraie concurrence permet de peser sur le prix ; - et pour l'Etat, dans la mesure où le refus des monopoles reste essentiel à une conception démocratique, et permet aussi de s'attaquer efficacement à l'inflation.57(*) b. La Concurrence parfaite. Eu égard au contexte que nous venons de décrire ci-avant, l'Etat est appelé à instaurer une concurrence réelle, en maintenant l'application des règles juridiques pouvant réprimer efficacement les abus concurrentiels, bref, « une concurrence parfaite qui se manifeste, lorsque sur un marché libre, sans différenciation des produits, un grand nombre de petits acheteurs et des petits vendeurs agissent chacun pour son compte et que l'accès à ce marché est libre ».58(*) 2. Le Monopole. Il est l'opposée directe de la concurrence. On en parle lorsque sur un marché libre, et pour un produit parfaitement homogène, il n'y a qu'un vendeur en face d'un nombre d'acheteurs agissant chacun pour soi.59(*) Nous parlerons premièrement des conséquences du monopole (a), avant d'aborder la question du monopole Etatique (b). a. Les conséquences monopoleuses. Il n'est donc pas étonnant que nombre de gouvernements aient engagé la lutte efficace contre les monopoleurs où, du moins, contre leurs abus. L'on remarque à ce sujet, qu'à coté des prix superfaits et des produits exagérés, caractéristiques des monopoles, ceux-ci peuvent donner naissance à d'autres abus. Parfois les monopoleurs vendent des objets de qualité inférieure pour augmenter ainsi leur chiffre d'affaire. Il leur arrive d'entraver le marché du progrès technique en accaparant les brevets d'invention, non pour les utiliser, mais pour empêcher qu'ils ne soient exploités par d'autres à leur préjudice.
Néanmoins, les monopoles ont toujours et souvent une influence néfaste sur le bien être général, les consommateurs en sont toujours les victimes premières ; ce qui nécessite une intervention Etatique plus efficace qui, le cas échéant, pourrait aller jusqu'à la nationalisation. A Bukavu, le cas de SUPER CELL sous le règne du RCD peut faire école à ce sujet ; nous en ferons plus de détail le long de notre second Chapitre. b. Le Monopole Etatique. Lorsque l'Etat se réserve un monopole, c'est d'entrée de jeu, pour sauvegarder l'intérêt général. Ceci fait que, ce dont nous venons d'indiquer ci-avant ne saurait s'appliquer à ce genre de monopole. En général, les prix fixés par l'Etat ne sont pas nécessairement exagérés, ils peuvent même correspondre aux prix normaux ou être au dessus de ceux-ci. De même, les autres dangers des monopoles sont à craindre du moins, dans un Pays où l'Etat fonctionne encore normalement. A Bukavu, l'on illustrera avec l'Affaire SONAS contre SCAR au cours du second chapitre. Dès lors, disons-le, qu'il s'agissait non seulement d'un acte de concurrence déloyale, mais également d'une atteinte contre le monopole Etatique. B. Les Droits et les Intérêts protégés par le droit de la concurrence.
Disons d'emblée que, d'importantes études ont été consacrées à la question des droits protégés par les dispositions de la loi sur la concurrence déloyale. Elles ont abouti à des conceptions fort différentes. La plus part ont tort de limiter la signification et l'objet de la protection de la concurrence. Ce n'est pas la tache de notre étude, qui s'en tient à l'aspect pratique de la réglementation actuelle, de s'arrêter long feu à la description détaillée de toutes ces théories. Nous nous contenterons donc de rappeler bien brièvement les principales opinions avancées. DIETRICH écrit à ce sujet que, deux théories s'opposaient autrefois dans la doctrine. Selon la plus ancienne, le droit de la concurrence ferait partie du droit de la personnalité, son objet serait alors la personnalité dans son activité personnelle. La seconde, plus récente, englobe le droit de la concurrence dans le droit de la propriété incorporelle, son objet serait la protection de l'entreprise et de la profession indépendamment de la personnalité.60(*) L'on remarque cependant que les deux idées présentent le même défaut : elles ne tiennent compte que d'une partie du vaste champ du droit de la concurrence étant donné que, certains abus de la concurrence, tels qu'énumérés ci-avant ; comme la réclame personnelle, diffamante, etc. lèsent la personnalité du concurrent, d'autres ; tels le boycottage, lèsent son entreprise ou son commerce, et d'autres, par contre, à l'instar de la réclame mensongère exemptent de toute référence au concurrent, affectent certes ces intérêts. Ceci implique qu'on puisse difficilement les assimiler à une violation de la personnalité ou de l'Entreprise. Compte tenu de cette limite, abordons une troisième théorie qui, elle, évite les erreurs de deux autres en se basant moins sur la personne ou sur l'Entreprise que sur leurs actes : c'est la liberté de l'activité commerciale et économique qui est protégée.61(*) Cette théorie rencontre les dispositions de la Constitution Congolaise sur lesquelles nous savons eu à faire allusion dans l'Introduction.
Mais tout en reconnaissant la dynamique de la concurrence, cette théorie néglige l'intérêt de la collectivité à la loyauté de la concurrence, pour accorder trop d'importance aux intérêts individuels des concurrents. Ceci nous amène, enfin, de signaler une quatrième théorie selon laquelle, la protection offerte vise surtout au « maintien de l'honnêteté de l'activité industrielle et commerciale » ou encore à la sauvegarde d'une concurrence basée sur la comparaison des qualités et des prix des marchandises et services offerts. Les tenants de cette doctrine tiennent une critique à deux volets : « premièrement, cette notion leur semble trop étroite, car il existe des actes qui, sans violer les principes de la profession, peuvent paraître inacceptables parce qu'ils affectent les intérêts de la collectivité ; la seconde par contre, est au contraire trop large et fustige que toute violation du principe d'une concurrence basée sur la qualité et le prix ne constitue pas forcement un acte de concurrence déloyal.».62(*) En mettant en relief cette critique et l'Ordonnance législative de 1950 réprimant la concurrence déloyale en RDC, nous ne pouvons ne pas nous inscrire dans la première critique, à ce sujet qu'à l'heure d'aujourd'hui, non seulement les droits des consommateurs sont protégés, mais également ceux des professionnels. Toutefois, tenant compte de ce débat doctrinal, il nous serait permis de conclure, sans ambages, à la non existence actuelle d'une définition satisfaisante des droits protégés. Ceci est dit essentiellement à la variété des intérêts en cause. ULMER dit à ce sujet, que : « la question du droit protégé n'est au fond rien d'autre que celle du but et du rôle de la réglementation législative. Or, celle-ci est faite, non seulement dans l'intérêt des commerçants et des industriels, mais aussi dans celui de la collectivité, pour poursuivre les abus professionnels et publicitaires ».63(*) Admettre cette double protection, c'est reconnaître que le législateur ne garanti pas seulement les droits subjectifs, mais qu'il tente surtout d'empêcher d'une manière générale les abus concurrentiels sans qu'il soit nécessaire qu'un droit ait été directement lésé.
Disons d'ores et déjà que cette question a largement été débattue dans la partie précédente. Rappelons donc, que, contrairement à une théorie plus ancienne qui prônait l'unique protection des intérêts des professionnels, aujourd'hui tout le monde est unanime que le droit de la concurrence a pour objet la protection des intérêts des concurrents loyaux et celle des consommateurs également. Ceci dit, nous allons nous tarder un peu sur les conséquences pratiques de ce principe : l'on peut à ce titre citer le droit d'ester en justice accordé à tout commerçant, industriel, artisan ou producteur (art. 1er de l'Ordonnance-loi de 1950) qui se sentirait lésé par un acte de concurrence déloyale, celui accordé aux associations des consommateurs (art. 8 de l'Arrêté Départemental de 1987 relatif à la commission de la concurrence) qui, par égard aux intérêts généraux, ne supporte pas que les membres de l'association soient personnellement lésés, il en est de même pour toute personne physique ou morale intéressée ; ce qui nous conduit à examiner à présent les personnes visées par la loi sur la concurrence déloyale (§2). * 51 KRAFFT J., Le processus de la concurrence, Paris, ECONOMICA, 1999, p. 226 * 52 HEYCKE, cité par KRAFFT, op.cit, p. 23 * 53 HEYCKE, cité par KRAFFT, op.cit, p. 1 * 54 Com., 18 février 1968, D. 1969, n°683 * 55 Com., 24V février 1983, Bull. Civ. IV, n°28 * 56 MESTRE et JAUFFRET, op.cit., P. 59 * 57 MESTRE et JAUFFRET, op.cit., p. 63 * 58 MEULI R., Principe d'Economie politique, 6ème éd., revue et mise à jour, Delachaux et Niesté, 1971, p. 60 * 59 Idem, p. 65 * 60 DIETRICH REIMER, op.cit, p. 103 * 61 KRAFFT J., op.cit. p. 53 * 62 BAUMBACH-HEFERMEHL, cité par DIETRICH, op.cit. p. 122 * 63 ULMER, op.cit. p. 104 |
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