Ismaël BERNARD Mémoire de stage de master 2 Biologie
et Ecologie Marines
Enrichissement du milieu et persistance
des espèces dans les chaînes trophiques :
apport de la théorie DEB
UNIvERsITé DE LA MéDITERRANéE
(AIX-MARsEILLE II) CENTRE D'ocEANoLoGIE DE MARsEILLE LABoRAToIRE DE
MIcRoBIoLoGIE, GéocHIMIE ET EcoLoGIE MARINEs
Table des matières
Introduction 1
Modèles et méthodes 4
1 Le modèle de Rosenzweig - Mac Arthur 4
2 Le modèle de chalne trophique DEBf 6
3 Analyse des modèles 11
Résultats et discussion 13
4 Modèle de Rosenzweig MacArthur (R-M) 13
4.1 Dynamique en absence du superprédateur 13
4.2 Dynamique en présence du superprédateur
14
5 Modèle de chalne trophique DEBf 17
5.1 Dynamique en absence du superprédateur 17
5.2 Dynamique en présence du superprédateur
17
6 Étude comparée des deux modèles 19
6.1 Lien direct 19
6.2 Paradoxe de l'enrichissement 20
6.3 Persistance des chalnes trophiques a deux échelons
20
6.4 Temps de persistance des chalnes trophiques a trois
échelons 22
Conclusion 26
Bibliographie 27
A Glossaire des termes de modélisation
32
B Dynamiques temporelles 34
C La méthode semi-numérique 36
Un grand merci a l'équipe du LMGEM pour son acceuil
et plus particuliêrement a Jean-Cristophe Poggiale pour les discussions
écologiques lumineuses.
Thank you to all the "DEB coursers' and more particularly,
Bas Kooijman for his disponibility and his always clear explanations on DEB
theory.
Merci a Marie et Laura, pour les conseils DEB
éclairés et pour les footings endiablés.
Merci a Audrey pour les débats passionnés de
politicomodélisation.
Merci a Annette pour le bleu du rêve et de
l'aventure...
Merci a Andrea mi compañera de piso columbiana
preferida.
Merci a Philippe pour les visions écologiques
partagées.
Merci a mes parents dont le bon sens vaut tous les
raisonnements scientifiques du monde.
Merci enfin a tous ceux qui ont participés a ces
pénibles repas en terrasse ensoleillée de luminy...
Introduction
Un écosystème est un ensemble d'espèces
ayant développé des relations entre elles en interaction avec un
environnement physique particulier, on parle d'une biocénose en
interaction avec son biotope. Parmi les relations interspécifiques, la
prédation mérite particulièrement d'être
considérée puisqu'elle est le principal mécanisme de
transfert de l'énergie le long des échelons trophiques de
l'écosystème. D'autre part, le biotope influe fortement sur la
viabilité de la biocénose. Il convient donc d'étudier a la
fois l'aspect interspécifique et l'interdépendance vis a vis du
biotope. En ce sens, une chalne trophique constitue un écosystème
simplifié dans lequel la biocénose comporte deux a trois
espèces reliées par de la prédation et soumises a un
biotope représenté par la richesse du milieu. C'est pour mieux
comprendre les dynamiques engendrées dans cet écosystème
simplifié que des modèles de chalnes trophiques a deux
échelons ont été très tot développés
(Volterra, 1931). Ces modèles autorisent, grace a leur
dépouillement, une analyse théorique approfondie. L'idée
est ensuite de comprendre le comportement du réseau trophique dans sa
globalité en extrapolant les résultats obtenus sur ces briques de
base de l'écosystème (Englund & Moen, 2003).
Aujourd»hui, grace aux progrès de l'informatique, la
complexité des modèles a augmenté pour prendre en compte
un grand nombre de composantes des écosystèmes mais ne semble
toujours pas suffisante pour effectuer des prédictions (Boero et al.
, 2004). Entre ces deux extrémités se sont
développés des modèles de chalnes trophiques a trois
échelons qui rendent compte de la réalité d'un plus grand
nombre de situations tout en conservant la simplicité nécessaire
aux études analytiques (e.g. Cann & Yodzis, 1995). Le but est alors
de dégager et de comprendre les schémas généraux
que suivent les dynamiques.
Les modèles traditionnels, comme le modèle de
Rosenzweig - Mac Arthur, expliquent la dynamique des populations en s'appuyant
sur des hypothèses faites au niveau même de cette population et
sont construits par des formules mathématiques d'origine empirique. Il
est alors difficile de trouver une signification aux ajustements de ces
modèles a des données expérimentales. Depuis les
années 80, la modélisation des systèmes biologiques a
considérablement gagné en réalisme au
niveau de l'individu grace a la théorie de
modélisation DEB1 (Kooijman, 2000a). Par extrapolation au
niveau de la population, cette théorie est capable d'apporter une
approche différente de la modélisation écologique oü
la dynamique de plusieurs populations peut être décrite sur la
base d'hypothèses faites au niveau de l'individu. L'individu est en
effet un niveau d'organisation oü les bilans de masses et d'énergie
sont plus aisés a effectuer. Cette plus grande facilité a
paramètrer les modèles issus de la théorie DEB a conduit a
de multiples applications de cette théorie en physiologie (Kooijman,
2000b), en écotoxicologie (DEBtox), pour les espèces a valeur
commerciales (Pouvreau et al. , 2006) ou en dynamique des
populations.
La comparaison entre le modèle de Rosenzweig &
MacArthur (1963), noté R-M, et un modèle de chalne trophique issu
de la théorie DEB, nommé DEBf (Kooi & Kooijman, 1994a),
s'effectuera en suivant le fil du paradoxe de l'enrichissement. Ce
phénomène popularisé par Rosenzweig (1971) postule que
l'enrichissement peut avoir un impact négatif sur la stabilité de
l'écosystème. Mathématiquement, il a été
montré dans de nombreux modèles (e.g. Abrams & Roth, 1994)
mais aussi dans quelques expérimentations (Fussmann et al. ,
2000) que l'enrichissement du milieu transforme dans certains cas un
équilibre stable en des fluctuations périodiques.
Toutefois des mécanismes susceptibles de gommer ce
phénomène dans les milieux naturels, tels des changements
physiologiques ou la compétition d'algues non comestibles (McCauley
et al. , 1999) ont aussi été mis en évidence. La
présence du paradoxe de l'enrichissement sera vérifiée au
sein des deux modèles, dans leurs versions a deux et trois
espèces. Pour montrer l'effet dans les modèles de l'apparition de
ces fluctuations, il est nécessaire de définir une méthode
pour rendre compte du plus grand risque d'extinction encouru lorsque les
populations fluctuent. La notion de persistance, c'est a dire de survie dans le
temps d'une espèce par rapport a un seuil limite, sera utilisée a
cette fin. La comparaison entre les deux modèles sur ces points
permettra d'évaluer le gain apporté par le modèle issu de
la théorie DEB.
A peu près a la même période que le
paradoxe de l'enrichissement, les travaux précurseurs de May (1974) en
écologie ont mis en évidence de nouvelles formes de
régimes asymptotiques2 pour ces
modèles déterministes : c'est l'émergence du chaos
en écologie. Ces systèmes ont la propriété,
pour certaines gammes de valeur de paramètres, d'accentuer de
manière exponentielle les incertitudes sur les mesures : on parle de
sensibilité aux conditions initiales, ce qui constitue la
définition la plus commune de la dynamique chaotique. L'évolution
d'une variable au cours du temps a l'équilibre devient alors difficile a
caractériser car elle n'est ni constante, ni périodique,
ni quasipériodique. Depuis le chaos a
été identifié aussi lorsque la
1Dynamic Energy and Mass Budget
2Les mots en écriture penchée
sont définis dans l'annexe A
structuration en taille, dans l'espace (e.g. Petrovskii et
al. , 2004) ou génétique (e.g. Ferriére & Gatto,
1993) est prise en compte. La dynamique chaotique ne passe plus pour une
curiosité en écologie mais bien pour un état envisageable
de certains écosystèmes réel (Hastings et al. ,
1993). L'importance du chaos en écologie est appuyée par
plusieurs voies de recherche. Tout d'abord, des démonstrations
expérimentales récentes assurent qu'il ne s'agit pas uniquement
d'un phénomène propre aux modèles (Becks et al. ,
2005). Ensuite, l'analyse de séries temporelles de terrain cherche
a prouver l'existence de dynamiques chaotiques au sein même des
écosystèmes (Turchin & Ellner, 2000). Enfin, l'analyse d'un
nombre toujours plus grand de modèles renforce l'aspect ubiquiste du
phénomène (Hastings et al. , 1993).
L'étude du chaos présente deux
intérêts. Tout d'abord, s'il est évident qu'il constitue un
défi a la prévision du devenir des écosystèmes, le
chaos est aussi une barrière a l'explication de leurs dynamiques. C'est
réellement en tant que nouveau type de dynamique de régime
asymptotique, que son effet sur les populations doit être
étudié et compris. En ce sens, l'introduction d'un
troisième échelon trophique complexifie le schéma
général d'évolution des types de dynamiques en fonction de
l'enrichissement. La question sera alors de savoir quelle est la place de la
dynamique chaotique, selon le critère de persistance, dans ce
schéma général.
Trois questions seront donc mêlées dans les
développements qui suivent: "Quel est l'apport de la théorie DEB
pour la modélisation des chalne trophiques ?", "Quel est la robustesse
du paradoxe de l'enrichissement?" et "Comment la dynamique chaotique
influe-t-elle sur la persist ance des espèces ?".
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