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Redéploiement militaire américain : L'Afrique du Nord aprés le 11 septembre 2001

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par Rachid Oufkir
Université Paris VIII - Etudes Européennes et Internationales, spécialité La Construction Européenne, Option l'Europe et l'ordre International 2006
  

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II- Europe face aux défis méditerranéens

La question de sécurité en Afrique du nord ne peut laisser les pays européens indifférent, car elle, la sécurité, ne se limite pas à cette région. Assurer la stabilité de la région maghrébine est une préoccupation majeure surtout pour des pays comme l'Italie, la France, l'Espagne et le Portugal, notamment en raison de la proximité géographique. Le Maghreb commence à la pointe de la péninsule ibérique et une crise grave dans la région ne manquerait pas d'avoir de profondes répercussions sur les pays européens voisins.

L'importance de la stabilité de la rive sud de la Méditerranée et le souci européen d'intégrer dans leur projet de politique extérieure le bassin méditerranéen découlent des menaces et de l'instabilité de l'Afrique du nord.

Ces risques dérivent, certes, de causes internes et non pas d'une menace directe à l'encontre de l'Europe mais ils peuvent exporter des répercussions sous la forme de réfugiés, tensions militaires, précarité politique et conséquences économiques auxquels les pays voisins et les institutions européennes devront répondre par l'aide humanitaire ou par l'action défensive. On peut résumer ces menaces dans huit points.

La revendication par le Maroc des villes espagnoles de Ceuta et Melilla, qui provoque une crainte récurrente en Espagne.

D'éventuelles confrontations entre un ou plusieurs Etats de l'Afrique du Nord impliquant le terrorisme ou le recours aux armes de destruction massive.

L'accroissement de la possession de ces armes plus le possible stockage d'armes chimiques et biologiques en Algérie et Libye est préoccupant, même si leur acquisition doit d'avantage aux rivalités entre eux qu'à leurs intentions d'attaquer l'Europe.

Le risque que présentent l'islamisme radical et les problèmes de frontières encore non résolus donnent à ces pays des arguments qui légitiment leurs dépenses en armements.

Les risques de rupture d'approvisionnements d'énergie en provenance d'Algérie ou de Libye, crainte majeure des gouvernants occidentaux dès qu'un incident souligne la faiblesse des gouvernements locaux au pouvoir.

L'afflux de réfugiés politiques qui s'ajouterait aux réfugiés économiques et l'interruption des voies de navigation en Méditerranée occidentale à cause d'un conflit régional. L'Europe craint que l'arrivée massive de réfugiés, toute catégorie confondue, soit une source de conflits dans les villes Européennes et provoque une montée de l'extrême droite et leurs possibles arrivés au pouvoir dans les principaux pays européens.

Cet état des lieux pousse posse l'Union européenne définir une approche commune face à la Méditerranée et plus précisément la partie occidentale de l'Afrique du nord.

Malgré de nombreuses initiatives, dont les européens étaient les initiateurs, les Etats-Unis, puissance méditerranéenne militaire (l'OTAN et la sixième flotte), mais aussi politique (démocratisation par le biais du projet de Grand moyen Orient) et économique (l'accord de libre échange avec le Maroc et les aides économiques offertes aux pays de la région) se révèlent être un véritable et redoutable concurrent. En outre la puissance planétaire que représentent les Etats-Unis, sur tous les plans, exercent une attraction sur les acteurs locaux qui ne peuvent que s y « soumettre ».

1- Rivalité euro-atlantiste en Afrique du nord

L'Europe, voit du mauvais oeil l'implantation américaine aussi bien militaire, économique que commerciale dans une région qui lui est proche et adjacente. Le Maghreb étant une région proche de l'Europe sur de nombreux points, culturels, historiques, géographiques, économiques, il constitue une région prioritaire dans la politique extérieure de l'Union européenne. Cet intérêt se passe de démonstration, le partenariat euro-méditerranéen, initiative, essentiellement économique, de coopération régionale avec la rive sud de la Méditerranée. La coopération trans-méditerranéenne englobée dans le cadre de la CSCE, du Dialogue Euro-Arabe, du Cinq plus Cinq, du CSCM et du Forum Méditerranéen.

La lutte d'influence est très perceptible surtout entre la France et les Etats-Unis. La France, ex puissance coloniale en Afrique du nord, se voit détrônée dans la zone, un domaine d'influence qui renforce sa position sur la scène internationale, par les Etats-Unis déterminés à mettre de côté cette conception du temps de la guerre froide qui faisait de la région la chasse gardée des européens. Mais les raisons profondes de cette offensive américaine dans la méditerranée en général et en Afrique du nord relève aussi bien du paradigme qui a structuré leur rapports avec les européens que de la façon de traiter les nouveaux défis qui se font jour au lendemain de 11 septembre 2001.

L'Europe ne peut s'opposer à cette politique, pour des raisons suivantes : Les implantations sont légitimées par la « guerre contre le terrorisme », les européens ont fourni tout leur soutien à cette guerre globale contre le terrorisme, le suivisme silencieux des européens s'inscrit dans ce cadre.

L'Europe ne dispose pas d'une politique étrangère commune, autant dire que même si l'Europe est très présente en Méditerranée et en Afrique du nord sur des questions de sécurité comme la coopération sur la sécurité méditerranéenne de l'Union européenne, le dialogue 5 + 5 la politique de voisinage, le dialogue méditerranéen de l'OTAN, cette présence est très limitée, et les pays européens largement en désaccord sur la ligne à donner à cette politique, notamment entre d'une part la France et l'Allemagne, qui restent attachés à une politique de défense proprement européenne, et la vision de la Grande Bretagne, d'autre part, qui fait d'elle le Cheval de Troie des Etats-Unis en Europe, se raccroche à faire dépendre la politique sécuritaire de celle américains et maintenir le statut quo.

Dès le début des années 1940, la conception américaine consiste à dire que cette zone ne peut être stabilisée par une autre puissance que la puissance américaine, en ce qui concerne les européens, ils ne sont pas capables de maitriser leur destin. En plus clair cette mission stabilisatrice tourne autour de la théorie du « vide » de Eisenhower à la fin des années 1950, pour les américains elle consiste à dire que si nous ne sommes pas là, il y aura un vide que nos adversaires ne manquerons pas de combler à nos dépends.

Sur le plan militaire seuls les américains peuvent déployer des moyens militaires de telle dimension, leur budget de la défense est de 400 milliards de dollars122(*) (exactement 401,3 milliards de dollars, dont 19,3 pour la partie « armes nucléaires » du Département de l'Energie) ce montant est en perpétuel mouvement de hausse. 63,4 milliards de dollars sont consacrés à la recherche-développement, c'est-à-dire à peu près le total des budgets globaux de Défense français et allemand.

D'autres facteurs supplémentaires de poids aident à expliquer cette présence. L'esprit d'expansionnisme et la logique d'unilatéralisme comme cadre global de la pensée et de l'action stratégique.

La montée de la concurrence et de rivalité, qui se fait de plus en plus rude et aigue entre les deux parties. La concurrence se voit dans beaucoup de secteurs, la course aux technologies militaires en est un. Les Etats-Unis, qui se trouvent à la tête de cette course, espèrent distancer durablement les pays européens et obtenir le contrôle des marchés d'armement des pays amis et alliés, le Maroc, l'Algérie et la Tunisie sont les clients importants de l'Amérique. Il ne s'agit plus seulement de conforter une prééminence : il s'agit de réduire les moyens d'intervention du rival gênant. Les américains sont largement présents sur le marché maghrébin, accord avec le Maroc, concessions d'hydrocarbures en Libye, et présence sur le marché de pétrole et de gaz algérien.

La présence relève aussi de raisons d'opposition idéologique fondamentale comme l'explique Robert Kagan, l'un des chefs de file des néoconservateurs américains « il est temps de cesser de faire semblant de croire que les Européens et les Américains partagent une vision commune du monde, ou même qu'ils vivent dans le même monde. Sur la question fondamentale du pouvoir - de l'efficacité du pouvoir, de l'éthique du pouvoir, de l'attrait du pouvoir -, les approches américaines et européennes divergent. L'Europe tourne le dos au pouvoir ou, pour le dire autrement, elle dépasse le pouvoir pour s'inscrire dans un monde autonome de lois et de règlements, de négociations et de coopérations transnationales. Elle pénètre aujourd'hui dans un paradis posthistorique de paix et de prospérité relative, qui correspond à la `paix perpétuelle ' de Kant. Les Etats-Unis, eux, restent empêtrés dans l'histoire, exerçant le pouvoir dans le monde anarchique de Hobbes, où l'on ne peut se fier au droit international et où la véritable sécurité, la défense et la propagation d'un ordre libéral restent tributaires de la possession et de l'usage de la force militaire. C'est pourquoi, sur les grandes questions stratégiques et internationales actuelles, les Américains viennent de Mars et les Européens de Vénus : ils ne s'entendent que sur peu de points et se comprennent de moins en moins. Et cet état de choses n'est pas passager - il n'est dû ni à une élection américaine ni à quelque catastrophe. Les raisons de la scission transatlantique sont profondes, anciennes et sans doute durables. Lorsqu'il s'agit de fixer des priorités nationales, d'identifier les menaces, de définir les défis à relever et d'élaborer et mettre en oeuvre une politique étrangère et une stratégie de défense, les Etats- Unis et l'Europe empruntent des voies différentes 123(*)».

L'économie américaine est de plus en plus dépendante des matières premières, ainsi les offres, politiques, économiques et commerciales, faites aux pays de la région, rendent cette présence plus offensive que les tiers ne peuvent arrêter, les Etats-Unis trouvent dans certains pays de la région des alternatives en terme d'approvisionnement de pétrole surtout, pour des questions de diversifications, au sein de la politique étrangère américaine il s'agit de stratégie énergétique capitale pour l'économie américaine pour les prochaines décennies, leur fournisseurs classiques connaissent un ralentissement en terme de production, l'Irak pour cause de guerre, l'Iran pour des raisons idéologiques et de contentieux sur les armes de destructions massives l'Arabie saoudite pour des raisons d'émancipation des Etats-Unis, elle cherche à établir un cadre de coopération avec la Chine le concurrent américain pour les prochaines années, en Afrique la Chine centre ses efforts sur l'établissement d'un partenariat stratégique avec l'Afrique, en terme énergétique pour alimenter son économie et sa croissance. Il reste la lutte anti terroriste, la raison initiale et officielle évoquée par la diplomatie américaine à leur présence, comme on l'a vu dans la première partie, il s'agit d'une raison « hypertrophiée » qui ne mériterait pas une telle « sur-dimension » que lui donne les américains ainsi que leurs alliés régionaux, tous les deux trouvent leur compte dans cette affaire.

Enfin l'OTAN, structure militaire qui opère en Méditerranée, est une structure dominée par la conception américaine de la défense et ils (Etats-Unis) la commandent selon les intérêts qui sont les leurs.

* 122 Ce qui équivaut à la somme des budgets de défense des 20 pays les plus dépensiers du monde pour la défense Russie, Chine, Japon, Royaume Unie, France, Allemagne, Arabie Saoudite, Italie, Inde, Corée du sud, Brésil, Taiwan, Israël ,Espagne, Australie, Canada, Pays bas, Turquie, Mexique, Koweït, Ukraine.

* 123 Robert Kagan, Power and weakness,  Policy Review N 113 Juin 2002

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984