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Recomposition des rapports ville - campagne en Ile de France: exemple de la zone maraichère de Cergy

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par Ibrahim HESSAS
Université Paris X (nanterre) - Master I Géographie et améngement (mondialisation et dynamiques rurales comparées) 2006
  

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3.2. L'intégration dans un circuit de recyclage de déchets urbains : une tentative échouée.

L'utilisation d'engrais urbains par l'agriculture n'est pas un fait nouveau en Ile de France ; durant les siècles précédents, le fumier provenant des animaux entretenus à Paris a joué un rôle capital dans l'organisation et le maintien des systèmes de production agricole de banlieue : les producteurs qui disposaient de quantités touj ours plus importantes d'engrais urbains peuvent étendre et intensifier leurs cultures spéciales sans faire d'élevage ; ainsi, l'existence des cultures maraîchères autours de Paris n'est pas sans rapport avec la présence de nombreuses cavaleries (M Phlipponneau, 1956). A cette époque (du 1 3ème au 1 9ème siècle), la dépendance des cultures de banlieue vis-à-vis des engrais urbains été très forte au point où elle a encouragé certains agriculteurs, comme ceux d'Aubervilliers, à produire des engrais verts dans leurs exploitations pour s'affranchir de cette emprise parisienne (Turek et Roy, 1992).

Dans les années 1990, l'agglomération de Cergy Pontoise se voulant exemplaire en matière d'environnement, a mis en place une filière globale de recyclage des déchets ménagers baptisée « Auror'Environnement » qui s'organise autour du fonctionnement d'un ensemble d'équipements de gestion des déchets ménagers composés de:

· 5 déchetteries et plus de 300 points d'apports volontaires,

· 1 dispositif de collecte sélective pour l'ensemble des habitations de l'agglomération,

· 1 unité d'incinération d'une capacité de 160000 tonnes /an qui contribue au chauffage de 30000 équivalant/ logements,

· 1 centre de tri de 12000 tonnes/ an pour les journaux - magazines et les emballages ménagers,

· 1 centre de tri de 60000 tonnes/ an pour les déchets industriels banals et les encombrants,

· 1 unité de compostage qui traite 13000 tonnes/ an de déchets verts et de déchets fermentescibles.

Situé sur la commune de Saint - Ouen - l'Aumône, le centre principal de traitement permet non seulement de traiter les déchets (journaux, magazines, emballages) pour Cergy

Pontoise mais aussi pour le syndicat intercommunal de Taverny (8 communes), soit 280000 habitants en tout. Pour la seule agglomération ce sont 90% des déchets ménagers qui sont traités et valorisés grâce à cette filière.

Les déchets végétaux sont déposés dans les cinq déchetteries de Cergy Pontoise, puis collectés et acheminés au centre de compostage. Il s'ajoute à cela et depuis 1998, le ramas sage direct des résidus de préparation de repas et ceux du jardinage qui permet de récupérer près de 100 Kg de déchets fermentescibles par habitant/an : au total 17000 tonnes de déchets sont collectés chaque année.

Comme les nombreuses entreprises d'espaces verts et de jardinerie, les exploitations agricoles de la zone maraîchère de Cergy participent activement à l'approvisionnement de cette filière en déchets végétaux. Pour le faire, la mairie de Cergy a aménagé un espace sous la voie du RER A élevée en zone maraîchère : il s'agit d'un espace bien clôturé avec portail se fermant à clé et dont la surface est cimentée au sein duquel les déchets sont disposés séparément selon leurs nature. Les feuilles et les débris organiques sont regroupés dans un même quartier, tandis que les déchets non dégradables sont déposés dans une benne remorquable, les légumes détériorés, quant à eux, bénéficient d'une place particulière qui leur est réservée avec plaque signalétique.

Jouissant d'une bonne accessibilité, ce site permet aux agriculteurs de déposer les déchets issus de leurs exploitations (légumes détériorés ou invendus, restes de végétaux,...) à n'importe quel moment de la journée, il bénéficie d'ailleurs, d'une bonne appréciation de la part des exploitants puisqu'il leur permet d'éliminer gratuitement leurs déchets. Les agriculteurs peuvent y déposer, en plus des déchets végétaux, leurs déchets non fermentescibles (films plastiques, caisses, emballages de produits phytosanitaires). A leur tour, les entreprises de jardinerie ainsi que les services municipaux, peuvent y déposer les résidus d'entretien des jardins et parcs urbains (feuilles et débris végétaux) ; le tout étant par la suite récupéré et amené au centre de compostage de la filière.

A travers ce système, le partenariat imaginé entre la ville nouvelle et l'agriculture en zone maraîchère ne s'est pas entièrement accompli. En effet, force est de constater que par peur de contaminer leurs cultures, les agriculteurs de la zone maraîchère n'ont pas voulu adopter le compost que leur propose la filière car ils le considèrent comme une source potentielle de maladies des cultures. Ce risque est tellement pris au sérieux que même le responsable de la coopérative agricole de Cergy, qui fait aussi office de conseiller auprès des agriculteurs, n'hésite pas de le rappeler : il est vecteur de maladies cryptogamiques qui, en cas

d'utilisation de ce terreau, sont susceptibles de contaminer les cultures. Aujourd'hui, seuls les espaces verts de l'agglomération font encore usage de ce compost.

De son côté, Auror'Environnement explique que le procédé de compostage adopté (fermentation des déchets en milieu fermé à 60°C avant d'être broyés à trois reprises puis humidifiés et aérés, pour enfin subir des traitements chimiques afin d'éliminer les odeurs désagréables de la fermentation), continue de fournir, toutes les cinq semaines, 3000 tonnes de terreau pour 6000 tonnes de déchets traités.

A l'heure où je rédige ce paragraphe19, le dépôt de la zone maraîchère connaît une accumulation non négligeable de végétaux et de débris déposés qui forment des tas avec un stade de fermentation assez avancé, ce qui témoigne de leur long séjour sur place et de la lenteur dans leur acheminement vers le centre de compostage : une saturation des entrepôts de la filière en stocks de compost non écoulés, pourrait en être la cause de ce ralentissement.

En attendant, les conséquences négatives de la fermentation des végétaux dans ce dépôt commencent à menacer sérieusement le fonctionnement et la stabilité de la zone maraîchère : les odeurs indésirables que dégage cette fermentation atteignent, par des vents Sud (assez fréquents dans cet espace), la rive gauche de l'Oise sur laquelle se trouve des habitations et un restaurant qui n'hésite pas d'imputer la baisse de sa clientèle en grande partie à la présence de ces odeurs.

A long terme, cette initiative qui a voulu intégrer l'agriculture dans une dynamique environnementale urbaine, n'aura pas les effets attendus. Bien au contraire, n'ayant pas su montrer le rôle positif que pourrait assurer l'agriculture au sein de la ville, cette expérience a provoqué l'effet inverse en mett ant cette activité en conflit avec son voisinage de l'autre rive de l'Oise.

19 - Mai 2006.

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