1.2.2 Quelle décentralisation pour une
réduction effective de la pauvreté?
L'efficience de la relation entre décentralisation et
réduction de la pauvreté dépend de plusieurs facteurs
relatifs notamment a la qualité de la décentralisation et aux
conditions de sa mise en uvre. Certaines analyses théoriques et des
études a partir d'expériences de décentralisation ont donc
été menées par divers auteurs et institutions pour
identifier les conditions dans lesquelles une décentralisation peut
effectivement servir a la réduction de la pauvreté.
L'une des premières études systématiques
effectuées dans ce cadre (BOSSUYT, 2000) a identifié comme
conditions:
- la participation effective des populations concernées
a la prise de décisions concernant la détermination des
priorités et l'allocation des budgets
- l'élaboration d'une stratégie de mobilisation
de ressources et la fourniture de services sociaux de base indispensables pour
la lutte contre la pauvreté;
- mise en place part, l'Etat central d'une stratégie
d'implication qui promeut la participation des populations a la base dans les
structures politiques qui n'ont pas un contrôle direct sur les ressources
devant servir au développement;
- la lutte contre la pauvreté est un objectif
stratégique de la décentralisation et que le fonctionnement de
ses différentes structures soit conçu et orienté pour
atteindre cet objectif;
- élaboration des stratégies de lutte contre la
pauvreté en fonction des potentialités des collectivités
décentralisées a améliorer les conditions de vie des
pauvres et des marginalisés (BOSSUYT, 2000 : 2-3).
Dans son rapport sur le développement 2000/2001, la
Banque Mondiale s'est également intéressée a la question
et reprend la nécessité de la participation des pauvres
(empowerment) a laquelle elle ajoute:
- la responsabilisation des gouvernements locaux
vis-à-vis de leurs citoyens (accountability) (Banque Mondiale, 2001
:125);
- conception de la décentralisation doit être
conçue de manière a ce que les collectivités
décentralisées disposent d'une large autonomie
décisionnelle et financière;
- soutien des actions des collectivités locales par le
gouvernement central qui doit jouer un r0le de coordination et d'orientation en
ce qui concerne les objectifs de développement et les politiques
macroéconomiques au plan national;
- participation citoyenne au niveau des institution
décentralisées pour qu'elles répondent mieux aux besoins
des plus pauvres (Banque Mondiale, 2001 : 126- 128).
Les études des expériences de
décentralisation pour la lutte contre la pauvreté se sont faits
dans les pays les plus pauvres tant en Amérique latine, en Asie qu'en
Afrique. A partir des expériences des collectivités locales au
Brésil et en Inde (Kerala), Heller a également
élaboré une liste de pré-conditions qui sont:
- une grande capacité de l'Etat central;
- une société civile très
développée et une force politique organisée avec
un parti politique a forte caractéristique de mouvement social
(HELLER, 2001).
A ces trois éléments, Véreld,
complétant avec des études portant sur le Mali ajoute sept
conditions qui sont:
- l'autonomie administrative, l'autonomie financière;
- le transfert des compétences et des ressources;
- des médias libres et actifs;
- la participation et l'information des citoyens;
- l'approche genre;
- la réforme foncière;
- l'éducation (VERELD, 2003).
Enfin, le PNUD prenant en compte tous ces travaux a
établi trois séries de conditions, relatives a la
conceptualisation, a l'organisation et a l'implémentation de la
décentralisation (PNUD, 2002). Pour ce qui est de la conceptualisation,
l'étude met l'accent sur le fait que:
- la décentralisation doit aller de pair avec un effort
de mobilisation et de renforcement des capacités de la
société civile et des institutions locales, (PNUD, 2002 : 7);
- une décentralisation fiscale effective doit être
organisée pour donner aux collectivités locales les moyens
d'assumer leurs r0les;
- Enfin, il est nécessaire de définir de bonnes
politiques de développement pour accroItre les revenus et assurer la
gestion saine et efficiente des ressources des collectivités locales.
(PNUD, 2002 : 23 et s.).
En ce qui concerne les structures et l'organisation, il est
indispensable que:
- les dispositions constitutionnelles et législatives
définissent clairement les roles et fonctions des différents
acteurs ainsi que les limites de leurs autonomies respectives. (PNUD, 2002 :
5);
- la décentralisation soit asymétrique compte
tenu des différences de capacités et de potentialités
des entités locales;
- le partenariat public/privé soit organisé
pour étendre et augmenter les capacités des structures de bas
niveau;
- des collaborations intersectorielles et des
intégrations horizontales et verticales entre les différentes
structures nationales a divers niveaux s'instaurent pour optimiser
l'utilisation des ressources nationales.
Quant aux conditions d'implémentation, le principal
défi est la mise en place de système d'implication des
communautés locales dans la lutte contre la pauvreté sans
dessaisir l'Etat central de son rOle de définition des politiques
macroéconomiques nationales.
A partir de ces différentes considérations, nous
retenons que pour servir efficacement la lutte contre la pauvreté:
1- La décentralisation doit avoir comme objectif
stratégique la lutte contre la pauvreté (BOSS UYT, 2000).
· les fondements et objectifs de la décentralisation
doivent être orientés vers la lutte contre la pauvreté;
· les collectivités locales doivent, a partir de
leurs attributions, tenir un rOle prépondérant dans la lutte
contre la pauvreté. Ainsi, ils doivent avoir un mandat conséquent
et être fortement impliqués dans la mise en uvre du DS R P.
2- L'organisation institutionnelle de la
décentralisation doit par ailleurs donner aux collectivités les
moyens de jouer leur rOle dans la lutte contre la pauvreté. Ainsi:
· le processus de prise de décision
doit permettre une participation citoyenne de la part des populations afin de
mieux répondre a leurs besoins (Banque Mondiale, 2001 ; HELLER, 2001 ;
PNUD, 2002 ; VERELD, 2003);
· les collectivités
décentralisées doivent avoir les ressources locales
nécessaires a la mise en uvre de leurs politiques (PNUD, 2002; Banque
Mondiale, 2001 ; VERELD, 2003).
Dans les chapitres suivants Nous nous emploierons donc a la
vérification de l'existence de ces différentes conditions au
niveau des communes béninoises. Toutefois, ces conditions permettent
uniquement de vérifier si la décentralisation peut effectivement
jouer son role d'instrument de lutte contre la pauvreté. Or, dans le
présent travail, nous nous intéressons plus
particulièrement a la question de la mise en uvre des stratégies
de réduction de la pauvreté par les collectivités
décentralisées. Aussi, en dehors de leur potentialité
générale a lutter contre la pauvreté, il faudra que les
collectivités locales s'approprient le DSRP et soient en mesure
d'élaborer et d'exécuter des programmes allant dans ce sens.
L'appropriation est particulièrement importante
compté tenu du fait que les collectivités locales n'existaient
pas sous leur forme actuelle pendant l'élaboration du DSRP qui a
été adopté avant l'installation des élus locaux.
Nos entretiens avec les différents acteurs porteront donc
essentiellement sur la question de l'appropriation par lés élus
locaux et sur la problématique des capacités institutionnelles en
matière de lutte contre la pauvreté. Cela nous permettra de faire
le point de la situation actuelle et d'amorcer des analyses prospectives en
tenant compte des nouvelles dispositions prises ou envisagées en la
matière par les différentes parties.
Les deux derniers chapitres seront donc consacrés a
l'étude de l'appropriation et a l'analyse des conditions actuelles
d'exécution du DSRP au niveau local.
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