Au Bénin, la participation des populations a la prise
de décision se fait grace au système d'élection de leurs
représentants au niveau des conseils locaux. Ces derniers sont
censés traduire pendant les conseils, les désirs et besoins des
populations qu'ils représentent.
Mais encore faut-il que les élus locaux et les
fonctionnaires des administrations locales soient responsables et comptables de
leurs actions devant la population.
3.1.1.1 Le système de rep résentation au niveau
local.
La décentralisation vise la création d'un cadre
d'exercice de la démocratie a la base et la promotion d'une
véritable citoyenneté a travers un rapprochement des organes de
décision de la base qui désigne ses représentants par des
élections (PNUD, 2003 b: 108). Le rapprochement du citoyen au
Bénin est organisé en trois échelons : le niveau
départemental, le niveau communal et le niveau infra communal.
Au niveau départemental, le conseil de concertation et
de coordination est compétent pour délibérer sur les
questions principales de développement telles que le schéma
directeur d'aménagement territorial, les projets de développement
etc. Ce conseil a a sa tête le préfet représentant de
l'Etat et regroupe les maires des communes, leurs adjoints, et des
représentants de diverses catégories socio
professionnelles5. Ces trois représentants sont tous
élus dans leurs structures respectives et constituent avec les maires un
échantillon assez représentatif de la population. Mais en
réalité, le conseil départemental de concertation et de
coordination (CDCC) demeure un simple organe de consultation car ses
décisions n'engagent point le préfet. Tous les pouvoirs au niveau
départemental demeurent donc concentrés dans les mains du
préfet dont les compétences n'ont de limite que celles
prévues par la loi6.
Au niveau communal, l'organe délibérant est le
conseil communal ; celui-ci est composé de membres élus dont le
nombre varie suivant l'importance de la population de la commune. C'est ce
conseil qui élit en son sein le Maire, chef de l'exécutif de la
commune.
5 Un représentant de l'union départementale des
producteurs, un représentant de la chambre consulaire
départementale et un représentant de la fédération
départementale des associations des parents d'élèves.
6~rticles 16 a 20 de la loi 97-028 portant
organisation du 15 janvier 1999.
La commune est divisée en circonscriptions
administratives locales placées sous l'autorité de la mairie. Il
s'agit des arrondissements, eux-mémes subdivisés en quartiers de
ville ou en villages selon que l'on soit en milieu urbain ou rural. Leurs
organes délibérants sont respectivement le conseil
d'arrondissement et le conseil de quartier ou de village dont les membres sont
également élus et désignés démocratiquement.
Ces conseils jouent un role consultatif et font des propositions sur toutes les
affaires concernant leur territoire, en particulier sur les questions relatives
au développement et a la bonne administration de leurs
entités.
Il existe donc un système de représentation qui
permet la participation des citoyens a travers leur implication dans le choix
de leurs dirigeants surtout au niveau communal. Toutefois, le système de
désignation des membres de ces conseils comporte encore de graves
insuffisances tant au niveau de la représentativité des
différentes couches de la population, de la société civile
que de l'approche genre. Dans le rapport 2003 sur le développement
humain au Bénin il est constaté que:
F Le mode des élections comporte encore des lacunes
profondes en ce sens qu'il ne favorise pas l'émergence par la voie des
urnes d'une représentativité effective et équitable de
toutes les couches de la population . Il ne permet pas non plus la promotion
des leaders d'opinion, des intellectuels communautaires, des personnes
ressources locales bien avisées des questions de
développement.
On peut constater notamment que le niveau de la
représentativité de la société civile est encore
faible. Seul le Conseil départemental de concertation et de coordination
compte trois représentants de la société civile. Au niveau
de l'arrondissement, du village ou du quartier de ville qui constituent les
unités de base pour l'organisation de la vie communautaire, aucune
représentation de la société civile n'est prévue
par la loi; ce qui peut émousser la participation dynamique des
communautés existantes qui ont déjà capitalisé une
certaine expérience en matière de développement local
(PNUD, 2003b: 108-109).
Par ailleurs, une analyse approfondie des compétences,
du mode de fonctionnement et de prise de décision au niveau des
organismes infra communaux révèle que leur caractère
d'organes propre a la gestion décentralisée n'est qu'une
apparence. Elles ne sont en réalité que des relais administratifs
des conseils communaux ou municipaux et fonctionnent comme des structures
d'administration locale déconcentrées (LALEYE, 2003 : 89).
![](problematique-mise-en-oeuvre-dsrp-benin16.png)
Le système de décentralisation au Bénin
comporte encore de forts relents centralisateurs qui ne permettent pas encore
une participation effective de toute la population a la prise de
décision. Et ce, malgré l'organisation d'élections pour la
désignation des représentants locaux. Ceci risque de conduire a
une capture du processus de décision par une élite locale.
3.1.1.2 Responsabilité et comptabilité.
Pour que le système de représentation permette
la prise en compte effective des besoins des populations, il faut
également que les élus locaux et les fonctionnaires des
administrations locales rendent compte de leurs actions devant la population.
De même la population doit disposer d'un moyen de sanction des
élus locaux qui n'auraient pas bien défendu leur cause.
Le vote démocratique semble le seul moyen dont
disposent les populations pour sanctionner leurs élus locaux en cas de
défaillance. Ces derniers sont liés par les engagements pris
envers leur électorat et se doivent donc de respecter les choix
dictés par les besoins des populations et de promouvoir des programmes
en leur faveur.
Mais encore faut-il que les populations soient
informées sur les principaux aspects de l'administration de la
collectivité afin de pouvoir juger les actions de leurs
représentants. Au Bénin, le principe de la transparence dans la
gestion de la collectivité contient une obligation légale
d'information des citoyens sur les activités de la
commune7.
Théoriquement, les dispositions légales
garantissent donc la disponibilité et l'accessibilité pour tous
des informations sur la gestion de la commune. Mais dans la pratique,
l'effectivité de ce principe n'est pas assurée quand on sait que
la majorité de la population béninoise est analphabète et
que la langue officielle de travail est le français.
Quant a la responsabilisation et a l'imputabilité des
actes des élus locaux et des fonctionnaires communaux, elles ne peuvent
être effectives que si les citoyens disposent de moyens de recours et de
mise en accusation de leurs élus locaux. A cet
7 La loi prévoit l'ouverture au public des
délibérations et actes des conseils communaux ainsi que la
publication des documents budgétaires par l'autorité de tutelle.
Il en est de même des conseils d'arrondissement, de village et de
quartier de ville dont les réunions doivent se tenir en lieux publics.
De plus, tous les actes communaux peuvent être consultés sur place
et tout citoyen dispose du droit d'en faire copie. Article 34 de la loi 97029
du 15 janvier 1999.
effet, les textes sur la décentralisation
prévoient le recours des citoyens devant l'autorité de tutelle
pour inexécution par l'autorité locale des tâches qui lui
sont dévolues8. Tout citoyen ayant subit un préjudice
du fait de la commune ou de ses agents peut également ester en justice
contre elle. Mais encore faut-il que le citoyen ordinaire soit parfaitement au
courant de la délimitation des compétences entre l'Etat et les
communes afin de pouvoir situer les responsabilités et agir en
conséquence.
De plus, la justice paraIt particulièrement
inaccessible aux couches les plus pauvres, les moins éduquées et
les plus illettrées de la population qui ignorent largement leurs droits
et ne disposent pas des moyens financiers nécessaires pour les
défendre.
3.1.2 L'autonomie décisionnelle.
Afin de traduire en actes et en programmes la satisfaction
des besoins exprimés par leurs populations, les communes doivent
disposer d'une autonomie décisionnelle suffisante. L'étendue de
cette autonomie dépend de la délimitation des compétences
entre les collectivités locales et l'Etat central mais également
de l'organisation de la tutelle.
3.1.2.1 La délimitation des compétences.
La loi reconnaIt a la commune deux types de
compétences; des compétences qui lui sont propres en tant que
collectivité territoriale et des compétences qui lui sont
déléguées par l'Etat.
Toutefois, elle ne précise pas clairement les limites
des compétences dans ces domaines par rapport a celles de l'Etat. Les
dispositions législatives stipulent juste que la commune exerce toutes
ces compétences aux stratégies sectorielles,
réglementaires et normes nationales en vigueur. Il en résulte une
imprécision quant a la délimitation des compétences entre
les communes et l'Etat.
De méme, il est très difficile a la lecture des
dispositions législatives de discerner les compétences qui sont
propres a la commune, celles qu'elle partage avec l'Etat et celles qui lui sont
déléguées par l'Etat. Ainsi, les domaines
énumérés par le programme pour le développement
municipal comme faisant objet de répartition de compétences entre
les collectivités locales et l'Etat (PDM, 2000 :5), sont
considérés comme domaines de compétence propre des
communes par le PNUD (PNUD, 2001 :32).
8~~ticle 161 et 162 loi O 97-029 du 15
janvier 1999.
Face aux diverses interprétations auxquelles donne
lieu ce flou juridique, le dernier rapport du PNUD sur le développement
humain après avoir constaté le fait s'est juste contenté
d'énumérer les principaux domaines dans lesquels les
collectivités territoriales ont des pouvoirs (PNUD, 2003b: 106).
Cette absence de classification peut empiéter
sérieusement sur l'autonomie décisionnelle des
collectivités décentralisées. D'autant plus que le
Bénin a une longue tradition de centralisme qui rend les fonctionnaires
réticents a tout transfert de pouvoir vers le bas. Ce qui risque
d'être favorable aux responsables de l'administration centrale dans leurs
stratégies pour limiter dans les faits l'autonomie des
collectivités locales (NACH MBACK, 2003 : 424).
3.1.2.2 L'organisation de la tutelle.
La tutelle administrative sert a maintenir l'unité et
la cohésion nationales, il s'agit d'un contrôle administratif
exercé par l'autorité centrale sur les actes des
collectivités décentralisées. Au Bénin,
l'autorité de tutelle des collectivités locales est le chef des
services déconcentrés du territoire dont relève la commune
: le Préfet. La tutelle sur les communes est assurée par les
chefs des 12 circonscriptions administratives et départementales du
pays.
Le pouvoir de tutelle sur la commune comporte trois
principales fonctions. Elle consiste d'abord pour l'Etat a porter assistance
aux communes, a soutenir leurs actions et a veiller a l'harmonisation de leurs
actions avec celles de l'Etat. Elle consiste également au contrôle
de légalité des actes pris par les responsables communaux que
sont le conseil communal et le maire. Enfin, l'autorité de tutelle
exerce un contrôle sur le budget de la commune. Le contrôle de
tutelle s'exerce par approbation, par annulation ou par substitution de la
décision des autorités communales. La législation a
établi une liste exhaustive des matières dans lesquelles les
décisions des autorités locales ne peuvent entrer en vigueur
qu'après approbation du Préfet (voir annexe 4).
Les matières dans lesquelles l'exercice des
compétences des collectivités locales est soumis a un
contrôle administratif a priori couvrent l'essentiel des transferts de
pouvoir dont bénéficient les collectivités locales,
puisque les questions budgétaires, fiscales, de services urbains et de
gestion du personnel sont au c)ur même de l'autonomie locale (NACH MBACK,
2003 : 426).
Il existe ainsi très peu de matières sur
lesquelles les décisions des autorités locales sont
exécutées de plein droit. Mais ces délibérations
doivent également être transmises a
![](problematique-mise-en-oeuvre-dsrp-benin17.png)
l'autorité de tutelle et ne deviendront
exécutoires que 15 jours après leur transmission, délai
qui est réduit a 8 jours en cas d'urgence déclarée.
L'autorité de tutelle dispose également d'un pouvoir d'inspection
des services de la commune et peut prononcer la suspension du conseil
communal.
L'étendue de la tutelle administrative compromet ainsi
l'autonomie locale et ralentit les actions des collectivités locales. La
plupart des décisions sont encore placées sous le contrôle
des autorités centrales, ce qui confine les collectivités
décentralisées dans une grande dépendance
administrative.