Paragraphe 2 L'approche paritaire de
l'égalité des sexes.
La parité vise une égale représentation
des différents groupes dans les domaines sociaux, économiques et
politiques. C'est l'approche quantitative de l'égalité
utilisée dans le domaine de l'égalité des sexes, elle vise
a prendre en compte la dualité sexuelle de l'humanité a travers
une égale représentation des hommes et des femmes dans les
différentes structures de la société. L'approche paritaire
part donc de l'idée que non seulement on peut mesurer l'état de
l'égalité ou d'inégalité entre les sexes a travers
leur proportion dans un milieu donné mais que l'équilibre des
rapports de force entre eux doit être assuré par leur
équilibre numérique a un même niveau de pouvoir.
[lle nécessite la mise en place de mesures
spécifiques et de critères quantitatifs qui s'organisent avec des
lois et règlements qui fixent a l'avance les proportions
prédéterminées pour chaque sexe dans tous les domaines de
la vie publique. Fortement utilisée dans le cadre de la
représentation politique, elle est également utilisée pour
l'administration publique, et les autres corps de métier pour exiger une
plus grande présence de l'un ou l'autre des sexes. Des lois ont
été ainsi prises pour prédéterminer la composition
quantitative de ces assemblées représentatives ou de certains
corps de métier.
Cette approche permet d'avoir une égalité
quantitative des sexes. Mais par le fait qu'elle fixe des nombres a l'avance
pour l'occupation de certaines fonctions dans la société, elle
constitue une limitation au libre accès car elle détermine un
seuil supérieur pour l'un ou l'autre des sexes. Il s'agit
d'intégration de préférences basées sur le sexe
dans les dispositions légales; or, au nom du principe
d'égalité, les normes ne doivent pas contenir des règles
de préférences déterminées64. De
multiples autres arguments sont développés pour relever une
certaine incohérence dans le discours sur la parité.
64 TCHAKALOFF, Christophe M.-F., < Egalité et action
positive en droit européen , Pouvoirs, 1997 n° 82 P. 91 s,
cité par RENTJCCI, J.-F., op. cit., P.396.
((Si il y a deux sexes, il n 'y a pas deux
raisons65 . Cette phrase résume les arguments pour la remise
en cause de la parité. A quoi servirait-il que les femmes ou les hommes
soient représentés en raison de leur appartenance sexuelle dans
l'espace publique? La logique de la représentation démocratique
est de pouvoir recueillir les avis des différentes tendances politiques
de la société, les conceptions distinctes de la gestion du bien
commun et non des ovaires ou des pigments de peau66. De fait, pour
baser la représentation politique sur l'appartenance sexuelle, il
faudrait que celle-ci détermine une catégorie idéologique
ou de pensée politique donnée. Or, si la dualité des sexes
est une norme universelle, la raison l'est aussi et est une
caractéristique propre a la nature humaine et le raisonnement d'un
individu ne saurait en aucun cas varier suivant son sexe. La
représentativité des sexes permet d'accueillir une manière
particulière d'aborder les problèmes suivant les sexes ou pour
permettre la représentation des intérêts particuliers de
l'un ou l'autre des sexes67 . On peut admettre que les individus
d'un même sexe peuvent avoir des intérêts communs qui
transcendent toutes leurs particularités de situation et de condition.
Mais on a du mal a faire valoir l'idée selon laquelle, la vision des
problèmes de la société serait fonction de l'appartenance
sexuelle.
Aussi, la parité en représentation politique
consisterait a asseoir un statut juridique sur une condition biologique, ce qui
aboutit a légitimer le déchaInement de passions identitaires
collectives au détriment de l'usage individuel de la raison
68.
Ce même raisonnement peut être étendu aux
autres domaines de la vie publique tels l'entreprise, les médias,
l'armée qui d'ailleurs contrairement aux assemblées politiques
n'ont pas une fonction représentative dans la société. La
question qui se pose a ce niveau est de savoir si ces organisations
pötissent en
65SLAMA , A. G., op. cit., p. 137.
66 Le POURHIET, AM., op. cit., p.175.
67 DEKEUWER DEFOSSEZ, F., op. cit. p. 91.
68SLAMA, A. G., op. cit., p. 138.
qualité quand les personnes qui y travaillent ne
représentent pas de manière égale les deux sexes.
De plus, l'exigence de parité est percue comme une
contrainte exercée a l'égard de la liberté individuelle
des personnes. Ainsi, la liberté de l'employeur de choisir son
salarié est contrariée par les exigences de
représentativité des sexes au sein de l'entreprise. Il en est de
même pour l'électeur qui est amené a choisir dans une liste
dont la composition sexuelle est prédéterminée a
l'avance.
Par ailleurs, le pourcentage d'hommes et de femmes dans les
entités représentatives pourrait simplement être le fruit
des souhaits et goOts des électeurs. Exiger la parité revient
ainsi a instaurer une présomption de discrimination sur le seul
fondement de la statistique sans s'attaquer aux raisons qualitatives et
objectives qui soutendent cette situation statistique69.
Enfin, la parité est jugée comme une
discrimination positive déguisée, avec toutes les limites
citées précédemment70.
Conclusion de la premiere partie:
L'égalité des sexes a été
consacrée comme principe des droits fondamentaux par les instruments de
la Charte des Nations Unies. Très tot, la problématique de
l'égalité des sexes s'est traduite par une recherche de
l'égalisation des femmes par rapport aux hommes. Ainsi, des conventions
spécifiques ont été prises en faveur de la
réaffirmation des droits des femmes par rapport aux hommes. Dans la
recherche de la jouissance égalitaire des droits fondamentaux, plusieurs
approches ont été expérimentées, les
premières tendant a réaliser l'égalité par
l'assimilation des femmes aux hommes a travers une égalité
formelle et les dernières visant l'égalité dans la
différence a travers une démarche de différenciation voire
de catégorisation.
Mais, si l'égalité formelle ne suffit pas a
éliminer les inégalités qui persistent dans la vie
économique, sociale et politique, les approches
différenciées portent
69 Le POURHIET, A. M., op. cit., p.170.
70 Voir infra pp. 19-22.
atteinte a certaines valeurs des droits fondamentaux et
mènent a d'autres formes d'inégalités.
Aussi est t-il apparu nécessaire d'introduire de
nouvelles approches voir repenser la question de l'égalité des
sexes tel qu'elle a été jusque là abordée par les
droits fondamentaux.
|