Michel Foucault ,Psychiatrie et médecine( Télécharger le fichier original )par David Labreure Université Paris 1 panthéon sorbonne - Ma??trise 2004 |
V: LE FONCTIONNEMENT DE L'ASILE:L'émergence de l'ordre disciplinaire est retracée jusqu'aux années 1840. La loi de 1838, ni aucun grand événement ponctuel, n'ont plus d'intérêt l'un que l'autre aux yeux de Foucault: c'est au mouvement général qui a pu, pour d'obscures raisons, faire de l'asile la solution à un problème majeur (anthropologique), que Foucault s'attache. Il prend ainsi l'exemple du traitement moral de Leuret, médecin psychiatre du XIX éme siècle, qui considérait les fous comme étant des êtres dans l'erreur et qui leur infligeait des traitements pour le moins sévères (douches froides, douleurs, intimidations...). Mais loin de voir chez Leuret la dégénérescence autoritaire de l' humanisme et du rationalisme d'un Pinel, Foucault fait de lui un des chantres du « traitement moral » comme discipline : le savoir, réputé si faible des aliénistes, s'y révèle comme pouvoir, mais comme pouvoir « capillaire », objet d'une « microphysique », qui façonne et assujettit chaque individu à sa propre mesure (mesure censée, circulairement, conférer au savoir aliéniste sa teneur d'objectivité quasi-scientifique).Avant 1838,date de la fameuse loi qui régit encore de nos jours notre système d'internement ,le fou était encore pris en charge ,d'une manière ou d'une autre par la structure familiale. La procédure d'interdiction, notamment, permettait à la famille d'intervenir encore dans le traitement du fou. Il s'agissait de lui accorder un statut, et cela seule la famille y était habilitée. La loi de 1838 va quant à elle systématiser la procédure d'internement, qui va, en quelque sorte, remplacer l'interdiction purement juridique. Cette systématisation de l'internement est un acte essentiel dans la prise de possession du fou .On prend le corps du fou et non plus seulement ses droits et si cette « prise du corps » était encore en grande partie demandée par la famille, d'autres institutions administratives pouvaient le faire. Le fou sort ainsi de la structure familiale pour se retrouver dans un nouvel espace où se mêlent le médical et l'administratif. Le rôle de la famille devient de plus en plus limité et le fou apparaît non plus comme un danger pour son seul entourage mais pour la société toute entière. Il apparaît comme un « ennemi de l'état » : « Le milieu familial apparaît désormais comme absolument incompatible avec la gestion de toute action thérapeutique »179(*) : tout contact avec la famille serait donc à la limite perçu comme une menace, une erreur : Il faut pour que le pouvoir du médecin s'exerce, que le pouvoir familial soit en retrait. Foucault distingue deux « âges » de l'asile : L'hôpital psychiatrique, au moins jusque dans les années 1860, est une « machine à guérir » à l'échelle de la psychiatrie, d'inspiration panoptique:La surveillance y'est ici non pas centralisée mais hiérarchisée, pyramidale, des surveillants au médecin chef, situé au sommet de cette hiérarchie. Le fou est isolé dans l'asile, individualisé à l'extrême, puni, châtié de façon permanente par le personnel de l'hôpital au moyen de toute une série d'instruments les plus divers qui constituent selon Foucault une « véritable technologie du corps »180(*) allant de la ceinture de chasteté avant le XIX ème siècle aux instruments orthopédiques et autres appareils de supplice. C'est vers 1850/1860 que l'asile change :On a maintenant l'idée que le fou est identifiable à l'enfant et qu'il doit être par conséquent placé dans un entourage calqué sur le modèle familial, réactivé comme élément essentiel de la guérison. Le schéma devient simple :On demande à la famille de faire interner ses anormaux, ses déviants, pour pouvoir les re-discipliner dans un établissement spécialisé conçu sur le même modèle que la famille, puis les rendre ainsi « guéris » à leur famille ,et au pouvoir de souveraineté qu'elle sous entend. Ce deuxième âge semble faire prévaloir le sentiment d'humanité, comme lors de la colonisation où il s'agissait de conquérir d'abord puis de s'installer ensuite. Ce modèle peut, selon Foucault, être transposé dans l'évolution historique à l'intérieur de l'asile. * 179 Michel Foucault, Le pouvoir psychiatrique, Gallimard Seuil, Paris, 2003, p.99. * 180 Michel Foucault, Le pouvoir psychiatrique, Gallimard Seuil, Paris, 2003, p.106. |
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